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Histoire du Languedoc
Le Languedoc entres le Guerres
de Religion et la Révolution française
Aperçu
Antiquité et Haut Moyen-âge
La guerre des Albigeois* De 1271 à la Guerre de 100 ans
Des Guerres de Religion à la Révolution
Les origines de la Réforme en Languedoc sont assez exactement connues. Depuis de longues années, l'orthodoxie paraissait rétablie dans cette province, et dès 1340 l'Inquisition, toujours conservée, ne trouvait plus de dissidents à poursuivre; bien plus, les villes les plus foncièrement catholiques au XVIe siècle seront celles qui trois cents ans plus tôt ont été les plus durement châtiées, et c'est dans les pays les plus épargnés par Montfort que les nouvelles croyances vont se développer avec une rapidité extraordinaire. 

Le Languedoc pendant les guerres de Religion

Les premiers prédicateurs sont des cordeliers, des augustins; dès 1520, un hérétique est brûlé à Toulouse. Au début, les nouvelles croyances sont en faveur surtout auprès des classes lettrées, des humanistes, que la religion catholique, réduite à l'état de pure idolâtrie, ne satisfait plus, que scandalisent les désordres du clergé romain; citons seulement à Toulouse Jean Boyssonné, Etienne Dolet, plusieurs professeurs et quantité d'étudiants de l'université. 

Un peu plus tard, malgré les supplices, la Réforme s'étend; c'est de Genève, à dater du jour où Calvin est allé s'y établir (1536), que partent les ministres qui vont au péril de leur vie évangéliser le Languedoc; c'est avec Genève que correspondent les nouvelles Eglises, persécutées et encore languissantes; aussi les doctrines calvinistes furent-elles les seules dominantes en Languedoc, et ce n'est qu'au début du mouvement qu'on trouve dans ce pays quelques luthériens

La répression est tout d'abord capricieuse et intermittente; sous Henri II, elle devient la règle, et le parlement se charge de procéder à la place de l'Inquisition, tribunal ecclésiastique peu aimé des magistrats royaux. Les juges laïques se montrent d'ailleurs aussi cruels que les juges ecclésiastiques; mais, malgré leurs efforts, la Réforme progresse chaque jour, et en 1560, les protestants tiennent la meilleure partie du Languedoc; ils sont les maîtres Montauban, très nombreux dans le pays de Foix et dans le Vivarais, le Velay, le Gévaudan et le pays albigeois. On en trouve même à Toulouse, la ville catholique par excellence; les nouvelles idées ont pénétré partout, dans les châteaux de la noblesse, dans les cloîtres réguliers; elles n'ont pas moins de partisans dans la bourgeoisie et dans le peuple. 

Etant données la rudesse des moeurs, l'ardeur des convictions, un conflit entre cette minorité ardente et zélée pour sa foi et la majorité rebelle au changement était inévitable; il va se produire en 1561, après l'échec de la conjuration d'Amboise, et ce sera d'abord une réaction contre le gouvernement des Guises et la violence imprudente des agents de la royauté.

Dès avril 1560, des troubles éclatent à Nîmes, puis un peu partout dans la province; partout les prêches se tiennent publiquement, et les lieutenants du connétable de Montmorency se déclarent incapables de réagir. En octobre arrive le comte de Villars, avec des forces importantes; il est chargé de calmer le pays; il y travaille à grand renfort de pendaisons et d'exécutions sommaires; on ne lui oppose d'ailleurs que peu de résistance. En mai 1561, un premier édit de pacification arrête un instant les hostilités. Les émeutes, les querelles journalières n'en sont pas empêchées; les deux partis contreviennent journellement à l'édit; les religionnaires s'emparent en maint endroit des églises pour y célébrer leur culte; en octobre 1561, ils sont les maîtres de Montauban, de Nîmes, de Montpellier et d'une foule de places moins importantes. C'est alors que sont détruits quantité de beaux monuments religieux, que par fanatisme, par goût de pillage, les sectaires mettent à sac et incendient; on tue les prêtres, on vole les trésors, on jette les reliques au vent.

Loin de chercher à apaiser ces désordres lamentables par quelques concessions, les agents royaux s'entêtent à une répression qu'ils n'ont pas le moyen de faire efficace. Enfin le massacre de Wassy (1er mars 1562) donna le signal de la première guerre civile. A Toulouse, après une lutte sanglante de plusieurs jours, les religionnaires finissent par être expulsés (17 mai), et cette victoire qui va faire de cette ville l'un des boulevards du catholicisme est souillée par les plus abominables excès; Montluc accourt pour prendre sa part du massacre et aider à sa manière à la pacification. Par contre, une foule de villes sont occupées par le lieutenant du prince de Condé; partout on se massacre, et la confusion est à son comble. Le baron des Adrets accourt à la rescousse, et Beaudiné, l'un des meilleurs lieutenants de Condé, défait le 27 septembre 1562, à Saint-Gilles, les bandes italiennes, qu'amenaient en Languedoc le comte de Suze et Sommerive; cette action assure aux protestants la possession du Bas-Languedoc; ils s'y établissent fortement sous la direction du comte de Crussol. L'édit d'Amboise (mars 1563) interrompt un instant les hostilités.

Au mois de mai suivant, le gouvernement de Languedoc est donné à Henri de Montmorency, seigneur de Damville, qui va le tenir jusqu'à sa mort, et exercer, grâce à cette haute charge, une influence prépondérante sur les affaires du royaume. Le désarmement des deux partis, telle est la première affaire qu'il doit traiter, négociation difficile qu'il conduit avec zèle, mais sans pouvoir contenter ni catholiques ni protestants. 

En 1564, Charles IX visite la province avec sa mère et sa cour; il écoute les plaintes des uns et des autres et essaye, par le prestige de l'autorité royale, de rétablir définitivement la paix, mais c'était tâche difficile ou plutôt impossible, et l'année 1565 est marquée par des émeutes et des troubles, les religionnaires s'opposant là où ils sont les maîtres au rétablissement du culte catholique, les orthodoxes entravant ailleurs l'exercice du culte réformé. 

Enfin, en septembre 1567, la guerre civile recommence; elle est conduite par Coligny et le prince de Condé. A Nîmes, les catholiques sont massacrés le jour de Saint-Michel. Une fois maîtres du Bas-Languedoc, les religionnaires s'unissent à l'armée levée par les vicomtes de Bruniquel, de Paulin, de Montclar et de Caumont, et essayent de pénétrer dans le Dauphiné; puis, vainqueurs de l'armée catholique près de Gannat, ils vont rejoindre le prince de Condé devant Chartres (janvier 1568). La guerre cependant continue en Languedoc et un peu partout, sans qu'aucune des deux factions remporte de succès bien décisifs; la paix de Lonjumeau (mars 1568) suspend les hostilités qui reprennent dès le mois d'août suivant. Une grosse armée de religionnaires se forme vers le Rhône et occupe une partie de l'Albigeois; de leur côté, les catholiques opèrent dans le comté de Foix, puis vont sous Joyeuse rejoindre le duc d'Anjou, qui bat à Jarnac l'armée huguenote (13 mars 1569); le prince de Condé est tué dans l'action. 

En Languedoc, les troupes protestantes passent sous le commandement du fameux Montgomery, qui occupe le Béarn. Enfin, Damville reparaît en scène et reprend la direction de la guerre, de concert avec Montluc, union qui dure peu, les deux associés s'étant bientôt brouillés. Damville poursuit d'ailleurs les protestants avec vigueur, et, après plusieurs mois de succès et de revers, il parvient à obliger à évacuer le pays l'armée des princes, qui se venge en ravageant horriblement tous les cantons qu'elle traverse (avril-mai 1570). La paix de Saint-Germain-en-Laye, suivie de la réconciliation apparente de Coligny et de la cour, met fin à la campagne.

Après deux années plus tranquilles, le massacre de la Saint-Barthélemy (24 août 1572) remet tout en question. Partout les religionnaires reprennent les armes; dans beaucoup de villes il n'y a ni émeutes, ni massacres, mais il n'en est pas de même à Toulouse; le parlement et les capitouls de cette ville font d'abord mine de vouloir observer l'édit de pacification; puis, quand les protestants sont rentrés, on les arrête brusquement et le 4 octobre on les laisse massacrer en prison par quelques assassins soldés. Aussi les religionnaires rentrent de toute part en campagne, et Damville recommence à les combattre; ce sont chaque jour de nouveaux combats, jusqu'à l'édit de pacification qui suit la levée du siège de La Rochelle (juillet 1573). 

Mais les protestants, instruits par la tragédie de 1572, ne désarment pas; ils ont dès lors complété leur organisation politique; ils ont leurs chefs, leurs places fortes, et sont décidés à tenir tête. Jusque-là ils ont trouvé en Damville un adversaire résolu et persévérant; les intrigues de la cour le rendent suspect au roi, qui, le 4 mai 1574, le destitue et le remplace par François de Montpensier, dauphin d'Auvergne. Damville ne se soumet pas, et dès lors il va se rapprocher des religionnaires, s'appuyer sur eux pour créer le tiers parti auquel Henri IV devra la couronne, le parti politique. La mort de Charles IX, auquel succède Henri III, ennemi du maréchal, ne va que faire persévérer ce dernier dans sa nouvelle politique.

Dès août 1574, l'accord est conclu entre Damville, qui devient gouverneur de la moitié de la France, et l'assemblée religionnaire de Millau. Une entrevue de Bainville à Turin avec Henri III lui prouve qu'il ne doit compter que sur lui-même; une armée royale commandée par le duc d'Anjou marche contre lui, et le 13 novembre, dans un manifeste célèbre, il se décide à lever toute équivoque et à se poser en partisan de la liberté de conscience et en réformateur de l'Etat. Abandonné par Toulouse et les grandes villes catholiques, il se fortifie en Languedoc; le roi qui de Lyon est descendu jusqu'à Avignon ne peut l'empêcher de prendre Saint-Gilles (novembre 1574). 

Henri III tient à Villeneuve-lès-Avignon Ies Etats de la province, et obtient de l'argent  mais, ne pouvant entrer dans le pays, il se décide à regagner le Nord du royaume. La guerre continue d'ailleurs entre le vicomte de Joyeuse, chef des catholiques du Haut-Languedoc, et les religionnaires, et, dès 1575, le parti ligueur commence à se former dans la province, principalement à Toulouse et à Carcassonne. La paix est un instant rétablie par l'édit de pacification de mai 1576; mais les négociations traînent en longueur, et, quand le roi s'est mis publiquement à la tête de la Ligue aux Etats de Blois (décembre 1576) les hostilités reprennent avec une nouvelle fureur. 

Cependant la brouille s'est mise entre Bainville et les religionnaires; le gouverneur se réconcilie avec le roi et essaye de se passer de l'appui de ses exigeants alliés (mars-juillet 1577); il s'unit aux troupes royales et assiège inutilement Montpellier (septembre); la paix de Bergerac arrête les hostilités; elle est conclue le 17 septembre entre les députés du roi de Navarre et ceux de Henri III, et Damville, malgré ses promesses formelles, refuse d'échanger le gouvernement de Languedoc contre le marquisat de Saluces.

Un nouvel édit de pacification avait été signé; la reine mère vient en personne dans le Midi pour tenir la main à l'exécution. Elle arrive à Bordeaux en août 1578, et pendant près de huit mois elle séjourne en Languedoc, négociant avec les catholiques et les protestants, avec Henri de Navarre et Damville. Enfin, après de longues discussions, elle signe la paix de Nérac qui concède aux réformés vingt-cinq villes de sûreté et consacre le principe d'une chambre mi-partie pour juger les procès entre catholiques et protestants; c'est ce qu'on appela la chambre de l'édit (5 février 1579). 

Contente de son oeuvre, Catherine parcourt triomphalement la province, est reçue partout avec honneur, même à Montpellier, et gagne la Provence (juin 1579). Damville, devenu duc de Montmorency par la mort de son aîné, François, l'avait activement secondée, et s'était ainsi affermi dans son gouvernement; il s'attache à faire exécuter la paix de Nérac, confère avec le roi de Navarre (Mazères, 9 décembre). Mais le pays était dans un état misérable, et, comme au XIVe siècle, des bandes de brigands commandés par des aventuriers ravageaient tout et pillaient sans trop distinguer entre catholiques et protestants. Le plus célèbre de ces partisans est le capitaine Merle qui le 25 décembre 1579 surprend et pille la ville de Mende. Aussi, dès avril 1580, on reprend les armes de toutes parts, et la quatrième guerre civile commence; elle durera presque sans interruption jusqu'à 1594.

Le chef des protestants est le jeune roi de Navarre, qui débute le 5 mai par la prise de Cahors; il a pour lieutenant le vicomte de Turenne et, dans le Bas-Languedoc, Châtillon. Montmorency ne joue cependant qu'un rôle assez passif, laissant à Joyeuse le soin de soutenir la cause catholique. Après la conférence de Fleix (novembre 1580), les deux chefs s'unissent pour rétablir la paix. Mais la brouille se met bientôt entre eux, Joyeuse cherche à faire excommunier son rival, et la paix ne sera rétablie par les commissaires de Henri III qu'à la fin de 1584. On devine dans quel état dut se trouver le pays durant ces malheureuses années; ce n'était plus seulement une guerre religieuse, mais une complète anarchie militaire et administrative. La vieille machine royale est en train de se détraquer. Henri III, dont le roi de Navarre est maintenant l'héritier direct et que les Guises pressent de plus en plus, cherche à s'appuyer sur le parti des politiques, et de son côté ceux-ci et leurs chefs se rapprochent de nouveau du parti protestant, pour lutter contre la Ligue, leur ennemie à tous.

Mais il ne fallait pas faire grand fond sur Henri III; dès juillet 1585, ce prince se rapproche des Guises et des ligueurs et supprime la chambre de l'édit. La nouvelle est accueillie avec enthousiasme par Toulouse et par le parlement, avec douleur par les esprits modérés. Montmorency se rapproche définitivement du roi de Navarre (août) et est privé de son gouvernement. Le Languedoc est encore une fois divisé en deux parties : l'une, sous le maréchal de Joyeuse, est dévouée à la Ligue; l'autre, sous Montmorency, forme le noyau du nouveau parti politique; il y aura dès lors presque chaque année deux assemblées d'États.

La guerre se rallume, et ce sont continuellement de petites expéditions, des combats minuscules qui fatiguent et épuisent le pays. Fort heureusement, chaque année on convient d'une trêve pour le labourage, sans quoi la famine aurait bientôt mis fin à toutes ces funestes hostilités. En 1586, le duc de Joyeuse, fils du maréchal et l'un des mignons du roi, descend en Languedoc avec une armée relativement considérable; il parcourt le Gévaudan et l'Albigeois et soumet quelques places de ces deux pays.

La situation, déjà fort tendue, devient encore plus critique après l'assassinat du duc et du cardinal de Guise à Blois (décembre 1588) : les ligueurs du Languedoc, qui n'ont point ouvertement abandonné Henri III après la journée des Barricades, lèvent alors le masque; à Toulouse, notamment, excitée par quelques guisards, la populace se soulève, et Duranti, premier président du parlement, qui a pourtant prouvé plus d'une fois son orthodoxie, mais qui est resté fidèle à Henri III, est massacré le 10 février 1589 avec l'avocat général Daffis. Par contre, Henri III se rapproche de Montmorency et du roi de Navarre et suspend le parlement de Toulouse; après la mort de ce prince (août 1589), une trêve de quatre mois permet à la province de respirer.

Les esprits sont d'ailleurs aussi exaltés, à preuve la brouille qui se met entre le maréchal de Joyeuse et la populace fanatique de Toulouse, brouille qui dégénère un instant en une lutte à main armée (octobre 1589), à preuve encore la déclaration des Etats de Lavaur contre Henri IV, héritier légitime de la couronne (décembre). Bien plus, dans leur exaltation criminelle, ces mêmes Etats, rassemblés de nouveau en mars 1590, se décident à faire appel à l'étranger et engagent le maréchal de Joyeuse à demander les secours de l'Espagne. Philippe II écoute cet appel et envoie à Narbonne une troupe de 5000 hommes qui est battue par les royalistes; puis il fait assiéger inutilement Leucate.

En mars 1592, le vieux maréchal de Joyeuse meurt; il est remplacé comme gouverneur de la province pour le parti ligueur par son fils, Antoine-Scipion, duc de Joyeuse, qui depuis longtemps dirigeait les opérations militaires; mais le nouveau chef est battu à Villemur le 19 octobre suivant et se noie dans le Tarn en voulant passer la rivière à la nage. On le remplace par un de ses frères, le capucin Ange de Joyeuse (le célèbre comte du Bouchage), qui, après quelques hésitations, dépouille le froc et prend la direction de cette nouvelle croisade. Mais il débute par conclure une trêve d'un an avec Montmorency (décembre 1592); cette mesure fera plus que de longues campagnes pour la ruine de la Ligue. 

Sur ces entrefaites, Henri IV abjure la foi protestante (juillet 1593), et beaucoup de catholiques languedociens, même des évêques, deviennent royalistes. Le parti de la Ligue est dès lors bien ébranlé; il se soutient pourtant à Toulouse et dans quelques autres villes, grâce surtout aux intrigues du capucin Joyeuse. L'année 1594 tout entière se passe en négociations, et malgré les efforts des capucins, des cordeliers et de Joyeuse, le parti de la paix gagne chaque jour du terrain; en avril 1595, le parlement de Toulouse, jadis si dévoué à la Ligue, quitte lui-même cette ville et se transporte à Castelsarrasin, où la cour suprême royaliste de Béziers vient le rejoindre (septembre). 

Enfin Joyeuse lui-même renoue les négociations, et l'édit de Folembray (février 1596) achève la soumission du Languedoc; Joyeuse devient maréchal de France et gouverneur pour le roi de tous les lieux qu'il tient encore; il réunira à l'avenir des Etats particuliers de son gouvernement, le reste du pays députant aux assemblées convoquées par le duc de Ventadour, lieutenant de Montmorency. Les Etats réunis à Toulouse acceptent ce compromis; la soumission du Sud du royaume devient définitive, et Henri IV est reconnu de tous les anciens ligueurs.

Ce partage du Languedoc devait durer jusqu'en 1599, date de la rentrée de Joyeuse au couvent. Les deux gouverneurs, durant les années suivantes, s'appliquent à rétablir la paix dans le pays, détruisant les forteresses, cassant les garnisons, soumettant les dernières bandes. Fosseuse, qui tenait Mende, occupe cette ville jusqu'en octobre 1597. Enfin, pour achever la pacification, Henri IV publie l'édit de Nantes (1598), qui accorde aux religionnaires dix places de sûreté en Languedoc, dont Montpellier, Villemur, Clermont-de-Lodève et Sommières. Mal accueilli par les catholiques et notamment par les parlementaires de Toulouse, cet édit met fin pour un instant aux guerres civiles, mais la mise en vigueur des nouvelles dispositions ne laisse pas de soulever parfois quelques difficultés, même parmi les protestants; à Montpellier, notamment, ils s'opposent à la restitution d'une église réclamée par les catholiques (décembre 1601), et de leur côté ceux-ci ne montrent guère plus de modération; on est encore bien loin des idées de tolérance. 

De la mort d'Henri IV à la Révolution

La mort de Henri IV, qui maintenait la paix à grand peine, et la faiblesse du gouvernement de Marie de Médicis, vont bientôt amener le renouvellement des troubles. En 1614, le connétable Henri de Montmorency meurt à l'âge de quatre-vingts ans; il a pour successeur en Languedoc son fils, nommé comme lui, auquel son parrain Henri IV a dès longtemps assuré la survivance de ces hautes fonctions. Dès l'année suivante, les protestants de la province commencent à s'agiter; l'assemblée de Nîmes s'unit au prince de Condé et décide des levées de troupes; Châtillon se met à leur tête, et tout le pays est en feu (1616). Puis les troubles s'apaisent un instant, après les conférences de Loudun, pour renaître dans le Vivarais (1619), et enfin en 1620 commence de nouveau la guerre civile.

Le Languedoc pendant le rège de Louis XIII.
Les protestants de la France entière se concertent à l'assemblée de La Rochelle (novembre 1620); malgré Ies efforts de Montmorency, le mouvement gagne tout le Languedoc, et les religionnaires, sous la conduite de Châtillon et du fameux duc de Rohan, prennent les armes, occupent une foule de places et se mettent en état de défense. Louis XIII et son favori, le duc de Luynes, se décident à avoir recours aux armes et viennent en Guyenne avec une forte armée; le 18 août 1621, ils investissent Montauban. Rohan, qui s'est substitué à Châtillon, lève des troupes pour venir au secours de la place; elles sont battues en Albigeois par Ie duc d'Angoulême; les catholiques arment de leur côté, et Montmorency vient rejoindre le roi sous les murs de Montauban. Mais la place était forte, l'armée royale avait perdu une foule de monde, surtout de maladie, et le 10 novembre Louis XIII lève le siège, vient séjourner quelques jours à Toulouse, puis retourne en France. Le Bas-Languedoc reste tout entier aux mains de Rohan, auquel Montmorency fait en vain une guerre incessante; la situation reste indécise durant les premiers mois de 1622, et des négociations ouvertes à plusieurs reprises restent sans effet.

Louis XIII se décide alors à intervenir en personne; laissant de côté Montauban, il prend Nègrepelisse (11 juin) et arrive à Béziers, où il passe quelques jours; aucune place n'a pu tenir devant lui, et ses lieutenants ont soumis la majeure partie du pays de Foix et de l'Albigeois. Puis il atteint Montpellier, que Rohan a muni d'hommes et de vivres, et, après avoir soumis toutes les places des environs, il commence le siège le 31 août 1622. Les assiégés font une résistance des plus vives, mais la place était fortement investie, ils n'attendaient aucun secours du dehors, et le 19 octobre, la paix est signée; le roi accorde une amnistie complète, ordonne le rétablissement du culte catholique à Montpellier, et y met une garnison. Les chefs protestants sont comblés d'honneurs et de richesses; on démolit les fortifications d'une foule de places grandes et petites; les réformés conservent Montauban à titre de place de sûreté. La paix est enfin rétablie pour un temps, et avant de s'éloigner le roi tient en personne les Etats de la province à Beaucaire.

En réalité aucun des deux partis n'avait désarmé. Si les protestants regrettaient la perte d'une partie de leurs privilèges, le roi ou plutôt Richelieu, devenu premier ministre en 1624, ne pouvait supporter longtemps l'existence d'un Etat dans l'Etat. Dès 1625, Soubise, frère de Rohan, soulève la Bretagne et le Poitou, et Rohan entraîne dans la révolte la plupart des réformés du Languedoc. Le roi charge le maréchal de Thémines d'arrêter la rébellion (mai 1625); mais Richelieu lui-même ne demandait pas mieux que de traiter; une fois encore, il entre en pourparlers avec les rebelles, et, dès février 1626, la paix est conclue et le pays purgé tant bien que mal des bandes qui l'exploitent.

Le duc de Rohan, esprit supérieur mais ambitieux, ne pouvait se résoudre à n'être qu'un simple sujet. Dès janvier 1627, comptant sur l'appui de l'Angleterre et des ducs de Savoie et de Lorraine, il reprend les hostilités. Richelieu se décide alors à en finir; tandis que lui-même et le roi vont assiéger La Rochelle, le prince de Condé, avec une forte armée, descend dans le Languedoc; Montmorency, en attendant l'arrivée de ce renfort, ne peut que retarder les progrès des chefs religionnaires. Condé arrive à Toulouse le 15 janvier 1628; on se bat partout dans la province, vers Pamiers, en Albigeois, sur les bords du Rhône, en Vivarais. La Rochelle ouvre ses portes le 29 octobre 1628; se sentant perdu, Rohan adresse de nouvelles supplications au roi d'Angleterre, entre en négociations avec l'Espagne, le tout sans effet. 

Richelieu décide bientôt Louis XIII à donner de sa personne; ce prince, qui vient de combattre le duc de Savoie et de forcer le pas de Suze, marche vers le Languedoc; il franchit le Rhône le 14 mai 1629 et met le siège devant Privas; la place est prise le 27, pillée et incendiée, action qui fait peu d'honneur au roi et à Richelieu, car le massacre parait avoir été prémédité. La suite de l'expédition n'est plus qu'une promenade militaire, et, après avoir soumis tout le pays de Privas à Alès, Louis XIII, ou plutôt Richelieu, accorde leur grâce aux rebelles, fait raser les fortifications de toutes les places du parti protestant, mais confirme l'édit de Nantes (paix d'Alès, 27 juin 1629). C'était un acte de haute politique; Rohan se retire à Venise et les guerres de religion finissent pour un temps dans le Languedoc; elles ne se rallumeront que quatre-vingts ans plus tard, au temps des Camisards.

Le Languedoc est lui-même puni de sa révolte; un édit de juillet 1629 divise la province en bureaux d'élection, supprimant ainsi le droit si cher aux habitants de s'imposer eux-mêmes; l'assemblée des Etats proteste; Richelieu l'oblige à se séparer, et le duc de Montmorency ne fait aucune démarche pour défendre le pays dont il est gouverneur. Toutefois, la conduite de Richelieu avait blessé ce grand seigneur, caractère faible et esprit un peu borné, dont la malheureuse fin a fait oublier les torts. Dès 1631, il entre en relation avec le duc d'Orléans, ennemi juré du premier ministre, avec la reine mère et, fait plus grave, avec l'Espagne; il a pour principal agent un intrigant, Alphonse d'Elbène, évêque d'Albi, et compte sur l'affection des Languedociens pour sa maison, espérant que le pays entier le suivra.

Richelieu était au courant de toute l'aventure. En juillet 1632, Montmorency obtient des Etats une sorte d'acte d'adhésion conçu en termes vagues, lève le masque, arrête les commissaires royaux, dont l'agent du premier ministre, d'Hémery, et se déclare pour Gaston d'Orléans. Mais il ne fait que peu de recrues et ne peut s'assurer que d'un petit nombre de villes. Rejoint par le frère du roi, qui à la tête de 2000 chevaux a traversé la France entière, de la Lorraine au Gévaudan, il entre en campagne; mais le Haut-Languedoc était occupé par le maréchal de Schomberg, le maréchal de La Force tenait le Rhône, et le roi s'approchait avec une forte armée. 

Montmorency et Gaston, qui jusque-là se sont cantonnés dans le Bas-Languedoc, marchent contre Schomberg, le joignent vers Castelnaudary et engagent l'action. Malgré des prodiges de valeur, Montmorency est battu, blessé grièvement et fait prisonnier (1er septembre 1632). Fidèle à ses habitudes de prudence égoïste, Gaston d'Orléans n'avait rien fait pour secourir son malheureux allié; peu de jours après, l'armée rebelle se dispersait d'elle-même. Montmorency est transporté à Lectoure, la province se soumet et Louis XIII vient lui-même en recevoir la soumission et punir les coupables. 

D'abord la province : aux Etats de Béziers (11 septembre), le roi annonce qu'il lui retire ses privilèges financiers; il supprime les bureaux d'élection établis en 1629, mais fixe arbitrairement le montant des impositions annuelles demandées au pays, et décide que les Etats ne pourront siéger chaque année que quinze jours et les assiettes diocésaines huit. C'était la ruine des vieilles libertés provinciales. Gaston obtient naturellement sa grâce; on ne pouvait décapiter un fils de France, héritier du trône, mais on intente à Montmorency un procès criminel, et le samedi 30 octobre, il est condamné à mort et exécuté le même jour dans la cour de l'hôtel de ville de Toulouse. Louis XIII et Richelieu avaient été inflexibles; ils voulaient faire un exemple.

Le Languedoc, définitivement soumis, est remis au maréchal de Schomberg, nommé gouverneur. Les poursuites contre les complices de Montmorency cessent, sauf contre cinq prélats, objets de l'animosité particulière de Richelieu. Les années suivantes sont plus tranquilles. En 1637, les Espagnols menacent le pays d'une invasion. Ils assiègent Leucate, mais sont défaits par le duc d'Halluin, fils de Schomberg (28 septembre), après un combat fort prolongé et dans lequel les milices de la province se couvrent de gloire. Deux ans plus tard, commence la conquête du Roussillon par les troupes françaises; Louis XIII vient en personne presser le siège de Perpignan; obligé bientôt par la maladie à quitter le camp, il rentre à Paris et meurt le 14 mai 1643.

Le Languedoc sous les règnes de Louis XIV, de Louis XV et de Louis XVI .
L'histoire du Languedoc devient dès lors forcément moins dramatique; sauf au temps de la Fronde et lors de la guerre des Camisards, on n'y saurait trouver d'événements bien marquants. La province supporte naturellement sa part des charges publiques, qui, grâce à des guerres ruineuses, à une administration compliquée et coûteuse, s'accroissent d'année en année. En octobre 1649, le fameux édit de Béziers est rapporté, et le Languedoc recouvre ses immunités financières, garantie en partie illusoire sous un gouvernement despotique, mais le contact direct entre les agents du pouvoir central et les habitants n'existe pas, et les Méridionaux peuvent croire qu'ils s'administrent eux-mêmes.

On doit du reste reconnaître que l'action des Etats de Languedoc, secondée par des administrateurs tels que le premier Daguesseau et Lamoignon de Basville, fut plutôt correcte; les travaux publics sont poussés activement, et sans parler du fameux canal du Midi, la province est dotée d'une foule de ponts, de jetées, de routes, bien entendues et bien tracées; on essaye un peu partout de corriger le cours des rivières, torrents inutiles ou dévastateurs; on encourage les cultures spéciales; on s'efforce de faire prospérer l'agriculture, de doter le pays d'industries nouvelles. 

Sous Colbert, les manufactures de drap sont des plus actives, et quand ce grand ministre est mort (1683), l'impulsion donnée par lui au travail national se fait sentir longtemps encore. 

Au XVIIIe siècle, grâce aux idées nouvelles, propagées par les économistes et les philosophes, on essaye des améliorations souvent fort importantes, dont beaucoup ne réussissent pas, mais qui prouvent chez les administrateurs les meilleures intentions. En somme, le Languedoc, pendant ce siècle et demi, a été sinon heureux, du moins moins malheureux que les provinces voisines.

Une partie notable de la population a pourtant eu fortement à souffrir; nous voulons parler des protestants. Tolérés par Richelieu et par Mazarin, qui ne voient plus en eux des ennemis politiques, ils sont, à dater du règne personnel de Louis XIV, en butte à une persécution systématique, dirigée avec une égale persévérance par le clergé catholique, les parlements et le pouvoir central. De 1661 à 1685 paraissent à tout moment des décisions judiciaires ou administratives qui restreignent la liberté des non-catholiques. 

Sous tous les prétextes, on leur enlève quelques-uns des privilèges que leur a sagement octroyés l'édit de Nantes. On ferme les temples, on poursuit les ministres, on affecte en toute occasion de les considérer comme des factieux et des suspects. On obtient ainsi un certain nombre de conversions plus ou moins sincères : les missions bottées précipitent le mouvement, et quand le clergé de France croit le moment venu, il arrache à Louis XIV, dont la dévotion s'est accrue avec l'âge, la révocation de l'édit de Nantes (octobre 1685). 

Les protestants étaient trop découragés, le pouvoir central trop fort, pour qu'une pareille mesure pût amener sur-le-champ une révolte générale. Le feu couve pendant plus de quinze ans, mais le clergé, les intendants ne font rien pour ménager la transition, faciliter la vie aux nouveaux catholiques, et la guerre des Camisards éclate (1702), guerre qui va durer plus de deux ans, ensanglanter tout le Bas-Languedoc et ajouter à tous les maux dont la France souffre les horreurs d'une guerre civile. Comprimée à grand peine, la révolte laissera longtemps des traces. Puis, durant plus de soixante ans, les nouveaux catholiques, les protestants sont tantôt tolérés, tantôt persécutés, suivant les caprices du pouvoir royal ou des autorités locales.

La persécution s'éteint peu à peu; de temps en temps elle se ranime, et on a des drames tels que ceux de Calas ou du ministre Rochette. Enfin, grâce au progrès de ces idées philosophiques, les protestants recouvrent peu à peu la liberté civile, et le roi Louis XVI, au grand scandale du clergé et du parlement de Toulouse, publie le fameux édit de 1787, minimum de ce que réclament aujourd'hui nos idées de tolérance. Dans l'intervalle et au milieu des plus grands dangers, au prix de fatigues inouïes, les églises protestantes du Languedoc avaient été reconstituées par quelques ministres intrépides, dont le plus célèbre est Antoine Court.

L'histoire intérieure de la province, durant ces cent cinquante ans, est encore signalée par des querelles entre jésuites et jansénistes, querelles dont l'histoire serait fastidieuse, mais qui n'en ont pas moins passionné tous les contemporains. Puis viennent les disputes entre la cour et le parlement de Toulouse, corps toujours batailleur, toujours prêt à parler du bien public et qui ne défendit jamais que les intérêts d'une classe et ses propres privilèges. Autant que le parlement de Paris, cette cour souveraine qui n'était rien moins que libérale, qui se montrait en toute occasion hostile à la moindre réforme et dont la sévérité implacable est bien connue, contribue à entretenir cette, agitation d'esprit qui devait préparer et rendre possible la Révolution; jamais les idées libérales n'ont eu plus singuliers précurseurs. Mais nous n'insisterons pas sur ce point; les conseillers de Toulouse, comme ceux de Paris, ne tardèrent pas à changer d'avis, et cela dès 1789, et se montrèrent ennemis résolus et implacables de toutes les mesures du nouveau gouvernement.

La fin de la province du Languedoc.
La province de Languedoc allait elle-même cesser d'exister. Dès novembre 1789, l'Assemblée nationale décide la division du territoire en départements. En vain on proteste timidement, en vain on demande que le Languedoc conserve son ancienne unité, ait une Assemblée unique. On passe outre, et dès 1790 les nouveaux départements étaient créés un à un; le Languedoc avait vécu, et ce nom même devait disparaître peu à peu de l'usage, jusqu'à la création, dans la seconde moitié du XXe siècle d'une nouvelle entité administrative, la région Languedoc-Roussillon. (A. Molinier).

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Dictionnaire Territoires et lieux d'Histoire
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