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Jean de Meung

Jean de Meun ou de Meung (Jean Clopinel dit). - Célèbre trouvère né à Meung-sur-Loire (Loiret) vers 1250, mort au commencement du XIVe siècle. On sait peu de chose de sa biographie. Venu sans doute comme étudiant à l'université de Paris, il paraît avoir passé la plus grande portie de sa vie dans cette ville, où il habitait en dernier lieu une maison de la rue Saint-Jacques (à peu près au numéro actuel 218), qui fut donnée après sa mort, en 1305, aux frères prêcheurs par maître Adam d'Andeli. Le premier et le plus célèbre de ses ouvrages est la fin du Roman de la Rose : laissé interrompu, vers 1237, par Guillaume de Lorris qui n'en avait écrit que 4 070 vers, le Roman de la Rose n'aurait probablement pas laissé de traces sans la continuation de Jean de Meun qui compte près de 49 000 vers : c'est vers 1280 que Jean de Meun paraît avoir terminé cet immense poème. En 1282, à la demande de Jean de Brienne, comte d'Eu, il mit en prose française le traité De Re militari de Végèce; un peu plus tard, il traduisit les épîtres' d'Héloïse et d'Abélard, la Topographia hibernica de Giraud de Barry et le De Amicitia spirituali de saint Ailred : ces deux dernières traductions ne nous ont été conservées par aucun manuscrit connu. Plus tard encore, à la demande du roi de France Philippe le Bel, il traduisit la Consolatio Philosophiiae, de Boèce, en vers et en prose, d'après le modèle du latin. Enfin, sur la fin de sa vie, à une date qui peut être fixée entre 1291 et 1296, il écrivit en quatrains monorimes son Testament, oeuvre intéressante où sont prodigués à la fois les témoignages de piété et les sarcasmes contre les moines. Là s'arrête la liste des oeuvres authentiques de Jean de Men; la réputation dont il a joui lui a valu l'attribution d'un grand nombre d'ouvrages apocryphes qu'il est inutile de mentionner.

Le Testament de Jean de Meun et sa traduction de Boèce ont eu beaucoup de vogue au XIVe et au XVe siècle, à en juger par le nombre des manuscrits qui nous les ont conservés plus ou moins fidèlement, mais cette vogue n'a pas dépassé le Moyen âge, et c'est surtout comme principal auteur du Roman de la Rose que Jean de Meun a été et reste célèbre. En acceptant le cadre imaginé par son devancier, le continuateur de Guillaume de Lorris l'a rempli d'un esprit tout différent. Autant le premier auteur du Roman de la Rose est délicat, autant le second est grossier, et il y a entre eux une antithèse presque aussi violente que celle qui existe entre la poésie lyrique courtoise du temps de Philippe-Auguste et les fabliaux : Guillaume de Lorris est l'humble serviteur des dames et Jean de Meun les accable des plus sanglantes injures; le premier réprouve sévèrement la fausseté dans l'amour, le second traite la loyauté de niaiserie. Comme oeuvre d'art et de morale, la seconde partie du Roman de la Rose est inférieure à la première, mais elle est aussi beaucoup plus personnelle et plus vivante, et l'on y sent un tempérament vigoureux servi par une robuste érudition chez cet homme que l'on se représentait, dans les générations qui l'ont immédiatement suivi, comme "solennel maistre et docteur en sainte théologie, philosophe très profond, sachant tout ce qui à entendement humain est scible". ll y a du Rabelais chez Jean de Meun; on peut même dire, avec Gaston Paris, qu'il fut "le Voltaire du Moyen âge, avec toutes les restrictions que comporte ce compliment".

Le succès du Roman de la Rose a dépassé celui de toutes les oeuvres littéraires du Moyen âge : on en tonnait plus de 200 manuscrits, dispersés dans toutes les bibliothèques de l'Europe; il a été imprimé à plusieurs reprises sous sa forme primitive dès les débuts de l'imprimerie et jusqu'au commencement du XVIe siècle, où Marot en fit un rajeunissement qui retrouva presque chez ses contemporains la vogue que l'original avait eu chez ceux de Jean de Meun. Son influence a pesé lourdement sur la littérature française du XIVeet du XVe siècle et peut se comparer à celle de Pétrarque sur la littérature italienne du XVe siècle : c'est dire qu'elle n'a pas été très heureuse. Ce n'est pas que Jean de Meun n'ait été vivement attaqué pendant la période dominatrice du Roman de la Rose Guillaume de Digulleville, Christine de Pisan, Gerson ont fulminé contre lui, mais ils se plaçaient sur le terrain de la morale et de la religion et non sur celui de la littérature.

A l'étranger, le Roman de la Rose a pénétré presque partout dès la fin du XIIIe siècle : il a été mis en vers flamands par Henri van Aken, en sonnets italiens par un certain Durante, contemporain de Dante, en anglais par Chaucer, etc. Des trois éditions qui ont été publiées dans ce siècle de ce célèbre poème par Méon (Paris, 1813, 4 vol. in-8), par Francisque Michel (Paris, 1864, 2 vol. in-42) et par Croissandeau (Orléans, 1879, 5 vol. in-42, avec une traduction en vers en français moderne). (A. Thomas).

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