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Le baron d'Holbach

Paul Heinrich Dietrich von (Paul-Henri Thiry, baron d’) Holbach, est un philosophe et littérateur de langue française, d'origine allemande, né à Heidelsheim (Bade) le 8 décembre 1723, et mort à Paris, le 21 janvier 1789, dans sa soixante-septième année.

On ne sait rien de son enfance, sinon qu'il vint de bonne heure à Paris, où il passa la plus grande partie de sa vie. Son père lui avait laissé une grande fortune, dont il fit le plus noble usage, protégeant les artistes et les hommes de lettres, et les aidant de ses conseils et de ses recherches comme de ses secours. 

Étroitement lié avec Diderot, d'Alembert, Lagrange (le précepteur de ses enfants), Grimm, Rousseau, Marmontel, l'abbé Raynal et tout le parti philosophique, son salon devint le quartier général des encyclopédistes. Le rôle important que les salons jouèrent au XVIIIe siècle, cette domination qu'ils exercèrent sur l'opinion publique, s'expliquent parfaitement à une époque où la fermentation des esprits tournés vers la critique des dogmes et des institutions religieuses, politiques et sociales, n'avait pour s'exhaler ni la presse libre ni la tribune. La maison du baron d'Holbach devint donc un de ces centres où les gens d'esprit, par leur réunion, sentaient leurs forces se multiplier, et s'exaltaient, s'encourageaient mutuellement à la destruction du vieil édifice, ou à la conquête des idées nouvelles. Tous les étrangers de distinction qui venaient à Paris se faisaient présenter chez lui. Il donnait deux dîners par semaine, et l'abbé Galiani lui écrivait de Naples, le 7 avril 1770 :

"La philosophie, dont vous êtes le premier maître d'hôtel, mange-t-elle toujours de bon appétit ? " 
Dans ce salon, qui était, pour ainsi dire, le café de l'Europe, on jugeait les ouvrages nouveaux; toutes les opinions venaient s'y essayer avant de se produire devant le public. On peut voir dans les Confessions de Rousseau ce qu'il y dit du club holbachique. L'abbé Morellet a écrit dans ses Mémoires :
"On y disait des choses à faire tomber cent fois le tonnerre sur la maison, s'il tombait pour cela."
Cependant le baron d'Holbach ne se bornait pas à être l'amphitryon de la philosophie. Avec ses goûts studieux et son vaste savoir, animé d'un intérêt sincère pour le progrès des connaissances humaines, empressé de communiquer aux autres tout ce qu'il croyait pouvoir leur être utile, il joua lui-même un rôle actif dans la croisade déclarée alors contre les vieux préjugés et, il faut le dire aussi, contre des doctrines respectables, sans lesquelles la nature humaine mutilée se dégrade et la société, détournée de son but le plus noble, se réduit à un mécanisme sans autre fin que de satisfaire de grossiers appétits.
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Holbach
Paul Heinrich Dietrich von Holbach (1723-1789).

La liste chronologique des nombreux ouvrages du baron d'Holbach nous donne de précieuses indications sur la marche que suivit son esprit, et sur le cours que ses idées reçurent du milieu au sein duquel il vivait. A l'exception d'une lettre sur l'Opéra, et d'une traduction des Plaisirs de l'imagination d'Akenside, ses douze premières publications de l'année 1752 à l'année 1766 ne sont que des ouvrages scientifiques, traduits de l'allemand, tels que l'Art de la verrerie, de Neri, Merret et Kunckel; la Minéralogie, de Wallerius; Introduction à la Minéralogie, de Henckel; Chimie métallurgique, de Gellert; Essai dune histoire des couches de la Terre, de Lehmann; l'Art des mines, du même; Œuvres métallurgiques de Christian Orschall ; Recueil des Mémoires les plus intéressants de chimie et d'histoire naturelle contenus dans les actes de l'Académie d'Upsala et dans les Mémoires de l'Académie de Stockholm; Traité du soufre, de Stahl. C'est donc avec justice que ses contemporains ont mentionné les services qu'il a rendus à l'histoire naturelle et aux sciences physiques. On sait d'ailleurs qu'il fit pour l'Encyclopedie un grand nombre d'articles sur la chimie, la pharmacie, la physiologie, la médecine.

Mais ce qui est digne de remarque, ce sont les conséquences de ces premières études, et le tour nouveau qu'elles donnèrent à ses pensées. En étudiant l'histoire naturelle des couches de la Terre, il releva une contradiction frappante entre les notions géologiques réputées les plus certaines, et quelques traditions consignées dans la Bible. Ce siècle incrédule avait réservé toute sa foi pour les sciences physiques et mathématiques; et dès que les idées surnaturelles paraissaient être en opposition avec les données de la nature, on pouvait pressentir pour conclusion inévitable l'abandon où la négation des premières. C'est ainsi que d'Holbach et ses amis en vinrent, non seulement à mettre en question les traditions bibliques, à attaquer certains dogmes du christianisme, et à combattre toutes les religions positives, mais à vouloir démontrer l'inutilité du dogme de l'immortalité de l'âme et de l'existence de Dieu, pour l'établissement d'une morale.

Le premier écrit que d'Holbach composa dans ce sens fut le Christianisme dévoilé, ou Examen des principes et des effets de la religion chrétienne, publié en 1767. On le mit sous le nom de Boulanger comme pour faire pendant à l'Antiquité dévoilée. Ce livre, que les philosophes eux-mêmes désignèrent comme le plus hardi et le plus terrible qui eût jamais paru dans aucun lieu du monde, a pour préface une lettre où l'auteur examine si la religion est réellement nécessaire ou seulement utile au maintien et à la police des empires et s'il convient de la respecter sous ce point de vue. Après avoir donné à ce problème une solution négative, il entreprend de prouver par son ouvrage l'absurdité et l'incohérence du dogme chrétien et de la mythologie qui en résulte, ainsi que la mauvaise influence qu'il a exercée sur les esprits et sur les âmes. Dans la seconde partie, il examine la morale chrétienne, et il prétend prouver que, dans ses principes généraux, elle n'a aucun  avantage sur toutes les morales du monde, parce  que la justice et la bonté sont recommandées dans tous les catéchismes de l'univers, et que chez aucun peuple, quelque barbare qu'il fût, on n'a jamais enseigné qu'il fallût être injuste et méchant. Quant à ce que la morale chrétienne a de particulier, l'auteur s'attache à montrer qu'elle ne peut convenir qu'à des enthousiastes peu aptes a remplir les devoirs de la société, pour lesquels les humains sont dans ce monde. Il entreprend de prouver dans la troisième partie, que la religion chrétienne a eu les effets politiques les plus sinistres et les plus funestes, et que le genre humain lui doit tous les malheurs dont il a été accablé depuis quinze à dix-huit siècles.

Pendant plus de dix ans, une suite d'ouvrages mon moins hostiles aux principes religieux se succédèrent sans relâche. La même année 1767 vit paraître l'Esprit du clergé, ou le Christianisme primitif vengé des entreprises et des excès de nos prêtres modernes; de l'Imposture sacerdotale, ou Recueil de pièces sur le clergé. L'année suivante, il fit imprimer sept écrits du même genre, parmi lesquels nous citerons seulement ceux qui partagèrent, avec le Système de la nature et le Christianisme dévoilé, l'honneur d'être condamnés, par arrêt du Parlement, du 18 août 1770, à être brûlé par la main du bourreau, à savoir : la Contagion sacrée ou Histoire naturelle de la superstition; Théologie portative ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne. Nous croyons superflu d'énumérer tous ces pamphlets contre le christianisme et contre le théisme, dont le nombre ne s'élève pas à moins de vingt-cinq ou vingt-six.

C'est en 1770 que parut le fameux Système de la nature, auquel surtout est resté attaché le nom du baron d'Holbach, bien qu'on y eût inscrit d'abord celui de Mirabaud, secrétaire perpétuel de l'Académie française.

S'il est vrai de reconnaître avec Villemain que se manuel d'athéisme est « écrit d'une manière fausse, pédantesque, abstraite et violente tout à la fois », si l'on peut  aussi ne pas vouloir le suivre dans les conséquences extrêmes, tant religieuses que sociales, auxquelles aboutit d'Holbach, il est juste d'ajouter que cette violence et ce fanatisme partaient d'une âme convaincue et que la sincérité de l'auteur doit faire passer quelque peu sur l'intolérance de sa doctrine. L'ouvrage n'excita pas seulement les poursuites du clergé et du Parlement, il révolta aussi Voltaire, qui, dans son impatience, écrivait sur les pages de son exemplaire des notes, ou plutôt des sarcasmes contre les supposés mauvais principes et surtout contre le mauvais style du livre. Il en rédigea même une réfutation, qui forme aujourd'hui une des sections de l'article Dieu du Dictionnaire philosophique.
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Le baron d'Holbach, par Alexander Roslin (1785).

Le Bon sens, ou Idées naturelles opposées aux idées surnaturelles, publié en 1772, et souvent réimprimé sous le nom du curé Meslier, est le Système de la nature, dépouillé de son appareil abstrait et métaphysique. C'est, en quelque sorte, l'athéisme mis à la portée de tous; c'est le catéchisme de cette doctrine, écrit d'un style simple, et parsemé d'apologues pour l'édification des jeunes apprentis athées. 

Le Système social, ou Principes naturels de la morale et de la politique, qui fut condamné par arrêt du Parlement, du 16 février 1776, est de l'année 1773. La première partie renferme les principes naturels de la morale; la seconde les principes naturels de la politique; la troisième ,traite de l'influence du gouvernement sur les mœurs, ou des causes et des remèdes de la corruption. Le but de cet ouvrage est d'établir une morale et une politique indépendantes de tout système religieux, et de fonder sur cette politique le droit public des nations et la prospérité des empires. Il semble que l'auteur, après avoir renversé les antiques barrières opposées jusqu'alors aux vices et aux passions de l'humanité, sente le besoin d'en élever de nouvelles; mais ses déclamations vertueuses ont assez peu d'efficacité, et il est trop aisé d'en reconnaître l'impuissance. Grimm dit à ce propos de ce livre : 

« Les capucinades sur la vertu, et il y en a beaucoup dans le Système social, ne sont pas plus efficaces que les capucinades sur la pénitence et la macération. Incessamment nous aurons des capucins athées, comme des capucins chrétiens et les capucins athées choisiront l'auteur du Système social pour leur père gardien."
Il faut s'armer d'un véritable courage pour poursuivre la lecture de ce livre jusqu'au bout. Quelques pages que la verve de Diderot y a semées par-ci par-là ne suffisent pas pour corriger la monotonie d'un style à la fois diffus, prétentieux et déclamatoire.

Presque toutes ces publications sortaient de la fabrique de Michel Rey, d'Amsterdam. Les personnes mêmes qui fréquentaient la maison du baron d'Holbach ignoraient qu'il en fût l'auteur. Il confiait ses manuscrits à Naigeon, qui les faisait passer par une voie sûre à Michel Rey celui-ci les renvoyait en France imprimés, et souvent d'Holbach en entendait parler à sa table avant d'avoir pu s'en procurer un exemplaire. 

Même ses adversaires philosophiques reconnaissaient les qualités humaines du baron d'Holbach. C'est de lui que Mme Geoffrin disait avec cette originalité de bon sens qui caractérisait souvent ses jugements : 

«Je n'ai jamais vu un homme plus simplement simple. » 
C'est son caractère que Rousseau, dans sa Nouvelle Héloïse, a voulu le présenter sous le personnage de Wolmar; c'est de lui que Julie écrit à Saint-Preux : 
« Il fait le bien sans espoir de récompense; il est plus vertueux, plus désintéressé que nous. » (DSP, AF).


D'Holbach, Oeuvres philosophiques, Coda, 2004.
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