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Les Guerres d'Italie 

L'équipée de Charles VIII

La première campagne d'Italie commença par une marche triomphale et finit par une retraite pénible, ponctuée d'une  victoire des Français (1494-1497).

Le dessein de Charles VIII, quand il descendit dans la péninsule, était d'y faire revivre, contre la dynastie aragonaise, les droits prétendus de la maison d'Anjou; nombre d'Italiens l'avaient appelé.

Cette universelle tyrannie qui s'étend, à la fin du XVe siècle, des Alpes au canal d'Otrante, ducale à Milan, financière à Florence, aristocratique à Venise, royale à Naples, sacerdotale à Rome, pèse aux épaules du peuple maigre qui a cherché déjà à la secouer; il voit dans le roi de France un libérateur. Le peuple gras, lui aussi, escompte la venue des Français pour maintenir son pouvoir, tel Ludovic Sforza, dit le More, à Milan.

Non seulement l'Italie d'alors est rebelle à toute idée d'unité, mais ses divers morceaux sont accoutumés à recourir les uns contre les autres aux interventions étrangères. Même la menace d'une invasion générale des Turcs, qui guettaient l'Italie dans le temps où les Maures perdaient l'Espagne, ne retint pas Naples, à demi africaine, d'appeler les Musulmans contre Venise, ni Venise de les installer elle-même à Otrante - « Soyons Vénitiens, disait-elle, puis chrétiens », - ni Rome même de négocier avec eux contre Gênes ou contre Naples.

Charles VIII à Florence.
Ainsi chacun ne vit dans le paladin français qu'un instrument propre à servir ses passions et ses intérêts, - le prophète Savonarole comme le More ou le Doge, - mais cela échappa totalement à Charles VIII.

Ayant passé les Alpes au mont Genèvre (septembre 1494), il fut reçu avec de grands applaudissements à Pise, à Florence et à Rome et il les prit au sérieux, comme si quelque chose de solide se pouvait bâtir sur le vent des acclamations.

Il montait, la lance sur la cuisse, un très beau cheval noir (Savoie) et portait un long manteau de velours bleu pardessus une armure couverte d'or et de pierreries; ses 800 gentilshommes n'étaient pas moins richement vêtus. Toute cette fleur de France se voulait charmante; mais cette pompe de théâtre était accompagnée de mercenaires allemands et suisses, très bons soldats,  brutaux et pillards. Le roi dressait ses «-justices», c'est-à-dire ses gibets, dans les villes où il s'arrêtait.

Charles VIII à Naples. 
Sauf quelques troupes napolitaines que le duc d'Orléans mit en déroute au combat de Rapallo, l'armée ne rencontra aucune résistance. Cinq mois après son départ de France, Charles était maître de tout le royaume de Naples.

Il passait le temps en fêtes, partageait entre ses compagnons les fiefs et biens des partisans du roi aragonais et ne pensait plus à sa croisade de Constantinople.

Victoire de Fornoue. 
Pendant que ce roi de chevalerie s'amusait de son roman, une première coalition s'était formée derrière lui, à l'incitation du pape, entre l'empereur Maximilien, Ferdinand le Catholique, la République de Venise et les autres États italiens.

Charles se donna d'abord le divertissement de faire son entrée solennelle à Naples, comme roi de Sicile et de Jérusalem, revêtu de l'habit impérial, le dernier Paléologue, réfugié en Italie, lui ayant cédé ses droits à la couronne d'Orient.

La cérémonie terminée, il se hâta de prendre le chemin du retour, laissant le gros de ses troupes à Naples. Il fut à peine parti que « le plus inconstant des peuples de l'Italie-» (Guichardin) se révolta et releva les bannières du roi aragonais.

Ludovic le More, qui avait tourné contre lui, chercha à cerner la petite armée royale aux bords du Taro, à l'entrée des plaines lombardes. Charles lui passa bravement sur le ventre, lui tuant près de 4000 hommes (bataille de Fornoue).

Le traité de Novare mit fin aux hostilités. A Florence, le moine Savonarole, qui avait salué Charles comme le libérateur, fut excommunié par le pape Alexandre Borgia, traduit devant un tribunal ecclésiastique et condamné au feu.

Les pitiés d'Italie.
Si contradictoires qu'aient été les actes de Charles VIII pendant son voyage, promettant à tous, aux villes révoltées comme à leurs anciens tyrans, il n'en a pas moins eu le sentiment, tendre sinon profond, des pitiés d'Italie. La chétivité même de sa personne - « petit de taille, grand de coeur » (Brantôme) - a réveillé l'idée que la force brutale n'est pas tout. Quelque chose d'humain a passé comme un souffle avec son armée.

Les Guerres de Louis XII 

Charles VIII préparait une nouvelle expédition quand il mourut subitement (1498), âgé à peine de vingt-huit ans, « prince peu entendu, dit Commines, mais si bon qu'il
n'était pas possible de voir meilleure créature ».

La ligne directe des Valois s'éteignit avec lui et la couronne passa à la branche collatérale, en la personne de Louis d'Orléans (Louis XII).

Il avait été le chef de la « Guerre folle », où La Trémoille l'avait fait prisonnier. Son premier acte fut de le confirmer «  en tous ses états et offices », disant « que
le roi de France ne venge pas les injures du duc d'Orléans ».

Il s'empressa ensuite de faire rompre par le pape son mariage avec la duchesse Jeanne, fille de Louis XI, afin d'épouser, comme il avait été convenu au traité de Rennes, la reine Anne, veuve de Charles VIII, et de conserver ainsi la Bretagne.

La sage administration du cardinal d'Amboise valut au roi le surnom de « Père du peuple ».

Milan et Naples. 
Par malheur, loin de ramener Louis XII à la politique de l'intérêt français, qui était l'agrandissement territorial dans la zone française, le cardinal le poussa à rentrer dans les affaires d'Italie. Il prit le titre de duc de Milan et affecta de n'appeler Ludovic le More que « Monsieur Ludovic ».

Les guerres d'Italie, au nombre de cinq, remplissent tout son règne. Il commença par s'allier avec Venise contre Milan et, grâce à la trahison des Suisses, s'empara du More, qui fut amené en France et y mourut en prison. Au moins eût-il pu se satisfaire du Milanais. Il voulut encore Naples et il y entra aussi aisément qu'avait fait Charles VIII. Il était convenu avec Ferdinand le Catholique de déposer le roi Frédéric III et de se partager ses États.

Machiavel vit tout de suite les conséquences de ces fautes : 

« La grandeur de l'Eglise et de l'Espagne en Italie a été l'ouvrage de la France et la cause de sa ruine dans cette contrée. »
Louis XII et Ferdinand, associés pour prendre le Napolitain, ne tardèrent pas à se diviser pour savoir qui en resterait maître. Pendant qu'ils négociaient, des conflits éclatèrent entre les officiers de leurs années, l'espagnole qui avait pour chef Gonzalve de Cordoue, la française où se voyaient des gentilshommes tels que La Palice, Louis d'Ars, le chevalier Bayard.

Jules II. 
Le cardinal d'Amboise s'étant porté, après la mort de Borgia, candidat à la papauté, l'armée s'était campée près de Rome. Le conclave ne se laissa pas intimider; il élut le cardinal de Sienne (Pie III qui n'occupa le siège de Pierre que vingt-cinq jours), puis le cardinal de la Rovère qui prit le nom de Jules II.

Il avait, comme cardinal de Saint-Pierre-aux-Liens, guidé Charles VIII en Italie. « Variable comme le vent de Gênes » (Michelet), il allait bientôt lancer contre les Français le cri de guerre fameux « Hors d'Italie (fuori) les barbares ! » et appeler dans la Péninsule ces autres étrangers, tout aussi barbares, les Espagnols, les Allemands, les Suisses. Plus guerrier encore que politique, il voulut que Michel-Ange le représentât l'épée au côté.

Pour sa politique, elle fut tout entière dans cette phrase d'une de ses lettres « Je voudrais un seul maître à l'Italie, le pontife romain. » Par ailleurs, un caractère de fer, une intelligence de feu et un grand protecteur des arts.

La guerre contre les Espagnols débuta par un succès, l'affaire du Garigliano, puis tourna au désastre après la bataille de Cérignole. Tout le Napolitain fut à nouveau perdu.

Ligue de Cambrai et Sainte-Ligue. 
Maintenant, les guerres d'Italie vont changer de caractère ou, pour mieux dire,
on va commencer à y discerner sous le fatras des diplomaties qui, s'entremêlant autour de Naples et de Milan, s'accordent par des mariages d'enfants qui ne seront jamais consommés, le problème de l'équilibre entre les grandes puissances, anciennes ou récentes.

Ce problème va dominer désormais la politique de l'Europe, avec l'Italie et l'Allemagne pour champs de bataille.

D'abord, la Ligue de Cambrai réunit contre Venise, alliée toujours douteuse et République trop puissante et trop riche, déclarée « l'ennemie publique de l'Europe », le pape, l'empereur, le roi de France, le roi d'Aragon, le duc de Ferrare, le marquis de Mantoue et les Suisses (1508).

Ensuite, la Sainte-Ligue, provoquée par le pape, réunit contre Louis XII les Vénitiens, l'empereur, les Espagnols, les Suisses et le roi d'Angleterre, Henri VIII.

Agnadel, Brescia et Ravenne. 
Les guerres, qui sortirent de ces Ligues, accrurent grandement, même aux jours de défaite, le prestige des armes françaises. 

Louis XII, à la bataille d'Agnadel contre les Vénitiens, s'exposa au feu comme « le plus petit soudoyer ». Répondant aux représentations des siens, il dit que « quiconque avait peur se mît derrière lui ».

Bayard, déjà fameux pour avoir défendu seul le pont de Garigliano contre 200 cavaliers espagnols, fit admirer, même par les ennemis, une vaillance et une générosité qui lui valurent le surnom de Chevalier sans peur et sans reproche. Jacques de Chabannes, seigneur de la Palice, et le maréchal de La Trémoille furent d'habiles tacticiens.

Il n'y a rien de mieux à dire de Gaston de Foix, vainqueur à Bologne, à Brescia, « prompt comme la foudre» dans ses mouvements, mort à vingt-trois ans en pleine poursuite des Espagnols à la bataille de Ravenne, que ce qu'en a écrit l'Italien Guichardin, adversaire de la cause française : 

« Mémoire sera de lui tant que le monde durera; fort jeune, mais déjà couvert d'une gloire immortelle, il fut grand capitaine avant d'avoir été soldat ».
Perte de l'Italie.
Mais ni la bravoure des armées ni le talent des chefs ne pouvaient l'emporter contre la coalition des autres États chrétiens et contre le soulèvement de l'Italie, d'autant plus irritée qu'elle avait conçu plus d'espérances de l'apparition des Français sur les Alpes. Finalement, le pape, qui avait déjà donné l'investiture sous réserve de Naples au roi d'Aragon, exigea le retour pur et simple du Milanais à Maximilien Sforza, fils de Ludovic le More. Il fallut tout lâcher.

Mort de Louis XII. 
Quelques mois avant sa mort (1515), Louis XII avait épousé, à cinquante-trois ans, la jeune soeur du roi d'Angleterre : il espérait d'elle un héritier et, incorrigible, parlait de reconquérir l'Italie au printemps. Il fut le premier roi qui fit graver son image sur les monnaies.

La couronne passa à son plus proche parent, François d'Angoulême, roi sous le nom de François Ier, arrière-petit-fils de Charles V, qui avait épousé sa fille Claude.

François Ier et l'Italie

Le nouveau roi poursuivit la guerre en Italie. Il s'empara du Milanais, à la suite de la bataille de Marignan, gagnée sur les Suisses qui défendaient Maximilien Sforza, et qui signèrent la paix perpétuelle de Fribourg. Le pape Léon X, d'abord hostile au roi, conclut avec lui la paix de Viterbe et le concordat de Bologne, en 1516.  Le traité de Noyon avec Charles d'Autriche, qui venait d'hériter de la couronne d'Espagne, acheva la pacification de l'Europe occidentale. 

Mais, en 1519, à la mort de Maximilien Ier, Charles et François briguèrent la couronne impériale : les électeurs l'accordèrent à Charles-Quint. Dès lors commença la longue rivalité des maisons de France et d'Autriche, qui sera la cause de plusieurs nouvelles guerres, dont le théâtre sera en partie en Italie. Dans le premier de ces conflits, Lautrec, gouverneur du Milanais, ne put payer les mercenaires suisses, dont la mère du roi, Louise de Savoie, aurait, dit-on, détourné la solde. Il dut leur accorder la bataille, fut défait à la Bicoque, 1522, et perdit tout le duché. 

Retenu dans ses Etats par la trahison du connétable de Bourbon, qui était victime de l'inimitié de Louise de Savoie, 1523, François Ier envoya au delà des Alpes l'amiral Bonnivet, qui perdit la bataille de Liagrasso; Bayard fut tué dans la retraite à Rebec, et l'ennemi, pénétrant en Provence, prit Toulon et assiégea Marseille, 1524.

Le roi entra lui-même en Italie, fut vaincu par sa faute et pris à Pavie, 1525, et ne recouvra la liberté, par le traité de Madrid, 1526, qu'en acceptant des conditions onéreuses. De retour eu France, il se fit refuser, par les députés de Bourgogne, le droit da céder cette province. De là une deuxième guerre, qu'auraient dû rendre plus favorable à la France le concours de Henri VIII, mécontent de l'opposition que l'Empereur faisait à son divorce avec Catherine d'Aragon, et l'appui des italiens, opprimés par la maison d'Autriche, et confédérés à Cognac

Mais François Ier soutint trop tard ses alliés, laissa les troupes du connétable de Bourbon prendre Rome, 1527, s'aliéna le Génois André Doria, et, après avoir perdu Lautrec et toute une armée devant Naples, signa le traité de Cambrai, 1529. 

Pendant la paix, il prépara une nouvelle lutte, par l'organisation des légions provinciales. Il saisit pour prétexte l'assassinat d'un envoyé français dans le Milanais, profita de l'absence de Charles-Quint, alors engagé dans une expédition contre Tunis, et conquit la Savoie, 1535. Mais l'Empereur, à son retour, trompa le roi par de feintes négociations, reprit la Savoie, envahit la Provence, 1536, et, après d'infructueux efforts contre Marseille, dut se retirer, épuisé par le système de temporisation et de dévastation qu'avait adopté le connétable de Montmorency

La paix fut signée à Aigues-Mortes par l'entremise du pape, 1538, et confirmée à Nice. L'année suivante, Charles-Quint demanda à son rival le passage par ses États, pour aller soumettre les Gantois révoltés, et promit en récompense de donner au deuxième fils du roi l'investiture du Milanais. Mais ce jeune prince étant mort, il refusa d'accorder le duché à l'un de ses frères, et une nouvelle guerre commença. L'Empereur s'allia avec Henri VIII, François Ier avec Soliman (Les Capitulations), sultan des Turcs, et avec les princes protestants d'Allemagne. La flotte franco-turque bombarda Nice, 1513, et le comte d'Enghien remporta la victoire de Cérisoles, 1514. 

Le reste du régne de François Ier fut paisible. D'Italie, il avait importé  l'institution de la loterie.  Il appela des artistes d'Italie: Léonard de Vinci, le Rosso, le Primatice, André del Sarto, Benvenuto Cellini, faisant pénétrer ainsi la Renaissance en France (J. Reinach).

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