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Frédégonde

Frédégonde est une reine franque du VIe siècle. On ignore son origine exacte, mais il est probable qu'elle était de basse extraction. Femme ou concubine de Chilpéric Ier (Moyen âge, Mérovingiens), elle fut d'abord délaissée par lui lorsque ce prince épousa Galswinthe, soeur de Brunehaut, fille du roi goth d'Espagne, Athanagild. Galswinthe fut bientôt assassinée, et il est probable que Frédégonde inspira ce crime (567). Devenue de nouveau la femme de Chilpéric, elle domina cette nature violente et grossière, mais pour la pousser aux spoliations, aux cruautés, aux crimes. En 575, Chilpéric était en guerre avec son frère Sigebert dont la femme, Brunehaut, poursuivait la vengeance de Galswinthe; la ruine de Chilpéric paraissait certaine lorsque, à Vitry, deux jeunes Francs, « ensorcelés » par Frédégonde, assassinèrent Sigebert en le frappant de leurs scramasaxes empoisonnés. 

Chilpéric avait eu plusieurs fils de son mariage avec une autre femme, Audovère. Frédégonde les poursuivit de sa haine, jalouse d'assurer la royauté à ses enfants. L'un d'eux, Mérovée, s'éprit de la veuve de Sigebert, Brunehaut, qui habilement l'avait séduit afin de s'assurer un défenseur. Il l'épousa à Rouen, à la grande colère de son père qui fit semblant de lui pardonner, mais dès lors se défia toujours de lui. Quelque temps après, Mérovée fut tonsuré et envoyé au monastère de Saint-Calais. Il s'en échappa et suscita une insurrection contre son père. Un des partisans de Frédégonde, le comte Leudaste, s'empara des enfants de Mérovée, et les égorgea. Mérovée lui-même, après avoir trouvé quelque temps asile dans la basilique de Saint-Martin, chercha de nouveau fortune. Les habitants de Thérouanne se saisirent de lui par trahison afin de le livrer à Chilpéric, mais Mérovée, avant l'arrivée de son père, se fit tuer par un de ses serviteurs. Le bruit courut cependant qu'il avait été secrètement assassiné sur l'ordre de Frédégonde. Quelque temps après, les deux jeunes enfants que Frédégonde avait de Chilpéric tombèrent gravement malades. 

L'anxiété détermina chez elle une crise de remords : dans un accès de désespoir, Chilpéricet elle voulurent apaiser Dieu en jetant au feu les registres des impôts qui venaient d'être établis. Cependant les enfants royaux moururent. Chilpéric n'avait plus désormais qu'un seul fils, né de son mariage avec Audovère, Clovis, frère de Mérovée. Le jeune homme, avec un imprudent orgueil, répétait : "Voilà que tous mes frères sont morts, à moi reviendra toute la Gaule", et il s'exprimait en termes insultants sur le compte de sa marâtre. La rage de Frédégonde se tourna contre lui, d'autant plus cruelle qu'on accusa auprès d'elle Clovis d'avoir fait disparaître ses enfants par des maléfices. Elle obtint de Chilpéric que Clovis lui fût livré enchaîné : peu de temps après le jeune prince mourut assassiné à Noisy-le-Grand où on le retenait captif. On raconta à Chilpéric qu'il s'était tué lui-même. Audovère, qui vivait encore, fut mise à mort, sa fille Basine fut enfermée dans un monastère.
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Frédégonde.
Frédégonde.

La fureur de Frédégonde n'épargnait personne. Prétextat, évêque de Rouen, avait béni le mariage de Mérovée, dont il était le parrain, avec Brunehaut. L'affection qu'il témoignait au jeune prince exaspéra Frédégonde; il fût arrêté et traduit comme coupable de lèse-majesté devant un synode d'évêques à Paris (577). Malgré les attaques violentes de Chilpéric, Grégoire, évêque de Tours, l'historien des Francs, prit vaillamment la défense de l'accusé. Vainement Frédégonde lui fit offrir secrètement une forte somme d'argent s'il voulait abandonner la cause de Prétextat. L'évêque de Rouen fut néanmoins exilé. Sept ans après, Chilpéric étant mort, il crut pouvoir rentrer dans sa ville épiscopale. Mais la haine de Frédégonde n'avait pas désarmé. Prétextat, menacé par elle, lui ayant tenu tête en public, un assassin excité par elle le frappa en pleine église. Frédégonde poussa l'impudence jusqu'à aller trouver l'évêque sur son lit de mort, affectant la pitié et l'indignation. Prétextat agonisant l'interpella : "Qui a frappé ce coup, si ce n'est la main qui a tué des rois, qui a si souvent répandu le sang innocent?" et, l'accablant de ses malédictions, il lui prédit qu'elle serait dans tous les siècles un objet d'exécration. Plus tard elle poussa l'audace jusqu'à livrer aux parents de Prétextat le misérable qu'elle avait chargé du crime; celui-ci, mis à la torture, avoua qu'il avait reçu de Frédégonde cent sous d'or pour commettre ce meurtre.

En 584, Chilpéric fut assassiné à Chelles. On ignore au juste quels furent les instigateurs du crime, et cette question a souvent été débattue; parmi les contemporains il s'en trouva qui accusèrent Frédégonde; elle aurait voulu empêcher ainsi l'exil d'un de ses amants, Landéric. Elle se réfugia à Paris avec ses trésors; puis elle invoqua la protection d'un des frères de Chilpéric, du roi Gontran, "Que mon seigneur vienne, lui fit-elle dire, et qu'a prenne le royaume de son frère." Les Francs de Neustrie reconnurent pour roi le fils de Chilpéric et de Frédégonde, Clotaire Il, encore tout jeune (il n'avait que quatre mois), et pour son tuteur, Gontran. Vainement elle essaya de faire empoisonner Brunehaut; le jeune clerc qu'elle avait chargé de ce crime fut soupçonné, mis à la torture, et avoua. On le renvoya à Frédégonde qui, furieuse, lui fit couper les pieds et les mains. Deux autres clercs qu'elle excita à frapper de poignards empoisonnés Childebert, fils de Brunehault, échouèrent également. Plus tard, Gontran se rapprocha de Brunehaut et de son fils Childebert Il. Quand Childebert II fut mort, quand Brunehaut vieillie administra l'Austrasie et la Burgondie au nom de ses petits-fils, Théodebert II et Thierry II, Frédégonde avec son fils Clotaire reprit la lutte; elle reconquit Paris et d'autres villes; les Austrasiens furent battus à Latifao. L'année suivante (597) Frédégonde mourut.

Frédégonde personnifie les passions sauvages de cette époque; cruelle et rusée, elle règne, elle combat ses ennemis, satisfait ses haines par la trahison, le poison et le meurtre. On n'a cité ici qu'une partie des forfaits commis par elle et que raconte Grégoire de Tours, qui d'ailleurs lui est vivement hostile. Ses moeurs étaient dissolus. Ce fut ainsi qu'on prétendit que son fils Clotaire Il était un bâtard; il fallut que trois évêques et trois grands affirmassent le contraire par serment au roi Gontran. Même pour ses enfants, elle était sans pitié dès qu'ils exaspéraient son caractère sauvage. Sa fille Rigunthe se plaignait d'être dépouillée de sa part de l'héritage paternel. "Voilà, lui dit un jour Frédégonde, les trésors de ton père, prends-les", et elle lui ouvre un coffre plein d'objets précieux, les tire, les lui donne. Puis elle invite Rigunthe à y puiser elle-même, et comme celle-ci se penche, elle referme sur elle le couvercle du coffre, cherche à l'étouffer. Rigunthe fut sauvée grâce aux servantes qui accoururent à son secours. Cette furie a trouvé cependant un panégyrique. Fortunat a vanté son intelligence, sa générosité, mais Fortunat est un courtisan dont les éloges ne comptent pas. (C. Bayet).

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Dictionnaire biographique
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