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Erasme
(Desiderius) de Rotterdam, célèbre littérateur et philologue
de la Renaissance ,
né à Rotterdam le 28 octobre 1467 (ou
1466?), mort à Bâle le 14 juillet 1536. Il était fils naturel de Gérard
de Praët (de Gouda) et de Marguerite, fille d'un médecin de Sevenbergen;
son père étant entré dans les ordres ne put le légitimer. Il mourut,
ainsi que la mère d'Erasme, quand l'enfant était dans sa treizième année.
Celui-ci fut d'abord appelé Gérard fils de Gérard (Geert Geerts, en
holl.). C'est lui-même qui, plus tard, adopta, selon la mode alors régnante,
le pseudonyme gréco-latin de Desiderius Erasmus (le désiré très
aimé). Il commença ses études à Gouda; il passa de là à la cathédrale
d'Utrecht où il fut enfant de choeur, puis
à Deventer dans l'école du célèbre Alexandre Hegius, qui pratiquait
la méthode de Rod. Agricola.
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Erasme
(1467-1536).
La mort de sa mère
la lui fit quitter au bout de quatre années. Il perdit ensuite son père
et fut placé par ses tuteurs dans le séminaire de Bois-le-Duc;
on le destinait à la vie monacale; mais il y répugnait, et les trois
années qu'il passa au séminaire furent à peu près perdues pour son
éducation; il refusa une place qu'on lui offrait dans le couvent des chanoines
réguliers de Sion, près de Delft. Il revint à Gouda; mais en 1486 son
ancien condisciple de Deventer, Cornelius Verdenus, réussit à le décider
à adopter la vie claustrale. Il entra au couvent de Stein ou Emmaüs,
près de Gouda; après un an de noviciat il prononça ses voeux. Cependant
il ne goûta pas longtemps cette existence, dont la pratique extérieure
du culte et la bonne chère étaient les principaux soucis; il passait
son temps à lire les classiques anciens et les écrits de Laurent Valla;
avec son ami Guillaume Hermann (dont il édita les poésies latines en
1497), il s'exerçait à écrire en latin. Il recueillait les matériaux
de son traité De Contemptu Mundi, satire de la vie des moines.
Il en fut bientôt délivré. Sa réputation de latiniste le fit désigner
pour accompagner à Rome l'évêque de Cambrai ,
Henri de Bergen, qui venait de recevoir le chapeau de cardinal .
Il se rendit auprès de l'évêque qui l'ordonna prêtre le 25 février
1492. Il gagna sa faveur, et, quoique le voyage à Rome n'eut pas lieu,
il demeura près de lui à Cambrai.
En 1496, son protecteur
exauça son plus vif désir en l'envoyant à Paris pour achever ses études.
Il se rendit au collège de Montaigu dont le séjour lui déplut; l'enseignement
de la théologie
scolastique
le rebutait non moins que la nourriture du collège, d'autant qu'il avait
le dégoût du poisson, dont la vue seule lui donnait la nausée. Il tomba
malade, revint à Cambrai ,
puis en Hollande auprès de parents; retourné à Paris et n'ayant plus
la pension de l'évêque de Cambrai, il donna pour vivre des leçons particulières.
Un de ses élèves, William Mountjoy, se prit d'affection pour Erasme,
l'aida de toutes manières, le logea chez lui; le jeune maître voyageait
d'ailleurs beaucoup, surtout lorsque la peste désolait Paris, et il se
rendit ainsi dans le Sud de la France, où il se lia avec la marquise Anne
de Vera, qui lui fit une pension de 100 florins et pour le fils de laquelle
il rédigea
Oratio de virtute amplectenda; il alla aussi à Orléans,
où il passa trois mois chez Jacques Tutor, professeur de droit canon;
son élève Mountjoy l'emmena en Angleterre en 1497, puis de nouveau en
1498 en lui faisant une pension de 100 couronnes par an.
Érasme y resta une
année (1498-99), à Londres,
Cambridge
et surtout Oxford; il se lia avec les humanistes
les plus célèbres de l'île, Thomas More, Jean
Colet, William Grocyn, W. Latimer, fut présenté par More au roi Henri
VII qui l'accueillit fort gracieusement. A Oxford, il acheva de se rendre
maître de la langue grecque, encore peu connue des érudits; Colet lui
fit mieux connaître le texte de la Bible
et acheva de le dégoûter de la scolastique. Au commencement de 1499,
Erasme rentra en France, passant son temps alternativement Ã
Paris,
à Orléans, à Louvain, à Rotterdam ,
analysant les classiques grecs et latins et extrayant les sentences qui
le frappaient à la lecture. Il vivait au jour le jour de sa plume, comme
les humanistes d'alors. Chargé par les États de Brabant
de complimenter le nouveau gouverneur, l'archiduc Philippe, en janvier
1504, il reçut pour ce discours un présent de 50 pièces d'or. A Louvain,
il se liait avec les théologiens, dont le futur pape Adrien VI, et le
P. Vitriarius, franciscain. Il éditait les remarques de Laurent
Valla sur le Nouveau Testament
et y joignit une préface (1505). Malgré son désir de visiter l'Italie,
il ne pouvait s'y rendre faute d'argent. Il accepta une invitation de ses
amis d'Angleterre et vint faire à Cambridge des leçons de grec; il fut
présenté à l'archevêque de Canterbury, William Warham, et chargé d'enseigner
le grec au prince Alexandre, fils du roi Jacques III d'Écosse et archevêque
de Saint-Andrews.
En 1506, il se mit
en route pour l'Italie, passa par Paris, par Lyon où il se plut beaucoup;
en septembre 1506, il était à Turin ,
où l'université le nommait docteur en théologie; il passa ensuite Ã
Bologne, à Florence, revint à Bologne
au moment de l'entrée du pape Jules II, et, après une excursion à Rome,
y séjourna plus d'une année, puis il se rendit à Venise
où il se lia avec Alde Manuce. Celui-ci imprimait ses Adages
(Adagiorum
Collectanea ou Chiliades ,
publié pour la première fois en 1500), dont nous reparlerons plus bas.
En 1508, Erasme quitta Venise, hiverna à Padoue
et vint par Sienne à Rome. Sa réputation,
due surtout aux Adages, était déjà très grande et il fut très
fêté. Le pape le délivra de ses voeux en lui octroyant la permission
de vivre et de s'habiller selon les coutumes de chaque pays où il habiterait.
Il fut appelé en Angleterre par le nouveau souverain Henri
VIII qui l'aimait beaucoup (1509). Durant ce
voyage, ii composait son immortel Eloge de la Folie .
Il professa le grec à Cambridge avec un grand succès d'après les grammaires
de Chrysoloras
et de Théodore de Gaza, expliqua les Pères de l'Eglise
et le Nouveau Testament; il rédigea des manuels élémentaires
tels que la Copia verborum. En 1511, l'archevêque de Canterbury
lui donna la cure d'Addington qu'il céda, le 31 juillet 1512, pour un
revenu de 20 livres sterling. Le climat brumeux de l'Angleterre lui déplaisait,
et il ne put s'y fixer. En 1513, il se remit en route, voyagea à travers
l'Allemagne et vint à Bâle. Partout il était accueilli avec les plus
grands égards. Il vécut encore en Angleterre deux années (1515 à 1516).
A ce moment, il
fut appelé à la cour du jeune souverain des Pays-Bas, Charles, futur
roi d'Espagne et empereur d'Allemagne sous le nom de Charles-Quint.
Érasme reçut le titre de conseiller du roi et une pension de 400 florins,
sans condition de résidence. Il était désormais à l'abri du besoin
et libre de vagabonder et de travailler à son aise. Il fit de son revenu
l'emploi le plus désintéressé; après s'être constitué un intérieur
confortable, il consacra le surplus à subventionner des jeunes gens sans
fortune. Il rédigea pour le roi Charles une Institutio principis christiani
(Louvain,
1516), mais ne prit jamais aucune part aux affaires politiques. Ses préoccupations
étaient toutes intellectuelles. Nous y reviendrons tout à l'heure. Il
vécut à Bruxelles et à Louvain, retourna une dernière fois en Angleterre
(1517); à partir de 1521, il se fixa définitivement à Bâle où il rencontrait
les lettrés OEcolampade, Beatus Rhenanus,
Glareanus,
les fameux imprimeurs Froben et Amerbach, le peintre Holbein, etc. Lorsqu'en
1529 la Réforme eut triomphé à Bâle, Erasme, qui n'avait pas voulu
l'adopter, se retira à Fribourg en Brisgau ,
où il acheta une maison, mais il n'y fut pas aussi heureux; engagé malgré
lui dans les querelles religieuses, il était vivement attaqué par les
novateurs. Le pape Paul III lui avait donné en 1534 le prieuré de Deventer,
d'un revenu de 1500 ducats. Il voulut retourner dans sa patrie pour y achever
sa vie; la gouvernante des Pays-Bas l'y avait invité; mais auparavant
il se rendit à Bâle pour y surveiller l'impression de plusieurs ouvrages,
notamment d'une édition de l'Ecclésiaste .
Il y fut arrêté
par la goutte pendant l'hiver de 1535-36, et retenu à la chambre où il
écrivit son commentaire sur le psaume
XIV (De Puritate tabernaculi, scilicet ecclesiae chrislianae) et
travailla à une édition d'Origène (achevée
par Beatus Rhenanus). Trop faible pour voyager, il songeait à passer Ã
Besançon ,
ville catholique, lorsque les progrès de sa maladie ne lui laissèrent
plus d'espoir. Il mourut dans la nuit du 11 au 12 juillet 1536. Ses derniers
jours furent ceux d'un sage; sa sérénité ne se démentit jamais, et
il accueillit ses amis avec une bonne grâce imperturbable; prié par eux
de donner des ordres, il commanda son cercueil. Il s'éteignit entre leurs
bras et sans l'assistance d'aucun prêtre. Ses exécuteurs testamentaires
furent Boniface Amerbach, Jérôme Froben et Nicolas Episcopius. Par son
testament, il léguait tout ce qu'il possédait « aux pauvres vieux
et infirmes, aux jeunes orphelines et aux adolescents de belle espérance
». Toute la ville de Bâle suivit ses obsèques derrière l'université.
Il fut enterré dans la cathédrale.
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Portrait d'Erasme, par
Holbein
le Jeune.
Oeuvres
d'Erasme.
Erasme est le plus
grand des humanistes du XVIe
siècle, celui dont l'intelligence fut la plus compréhensive et l'influence
la plus étendue. Son oeuvre est immense et d'une variété prodigieuse,
comparable à celle de Voltaire, dont il a été
souvent rapproché. Nous étudierons successivement ses travaux philologiques,
ses travaux théologiques, son rôle comme publiciste et son attitude vis-à -vis
de la Réformation.
Ses Adages,
collection de maximes recueillies dans les auteurs classiques anciens,
furent l'origine de sa réputation; il semblait que toute la quintessence
de la sagesse antique y fût condensée. La première édition (Adagiorum
Collectanea; Paris, 1500) était assez courte, mais l'ouvrage reçut
des développements considérables, surtout dans l'édition de 1508 (Adagiorum
Chiliades. Elle comprit environ 4200 sentences, locutions du Adages.
Une intention analogue présida à la composition de deux autres
ouvrages : Parabola seu Similia (Strasbourg, 1514);
et Apophthegmata
(Bâle, 1531); le premier réunit des locutions applicables aux objets
de la nature ou de la vie usuelle, et tirées d'Aristote,
de Plutarque, de Pline,
etc.; l'édition de 1514 en renferme 1 856; le second est un recueil d'anecdotes
empruntées surtout à Plutarque et à Lucien.
Parmi les manuels consacrés à la vulgarisation de l'Antiquité classique,
dont le succès fut attesté par de nombreuses éditions, il faut citer
: De Duplici Rerum ac verborum copia (Paris, 1512);
De Octo Partium
orationis constructione (Strasbourg, 1515); De Conscribendis epistolis
(Bâle, 1522); Familiarium colloquiorum opus (Bâle, 1524; éd.
Stalbaum, Leipzig, 1828; cf. l'éd. de Leipzig, 1867, 2 vol.).
Erasme fut un des
plus remarquables éditeurs de textes classiques; parmi ses éditions de
classiques latins, mentionnons celles de Caton
(1513), des historiens latins (Suétone,
Scriptores
Historiae Auqustae; Amelius Victor, Ammien
Marcellin, Eutrope, Quinte-Curce)
en 1518, du De Officiis de Cicéron (1520),
des Tusculanes (1524), de Tite Live (1531),
une célèbre édition de Térence (1532); parmi
les auteurs grecs, Erasme a donné l'édition princeps de Ptolémée
(1530), la première édition complète d'Aristote
(1531), des éditions de Démosthène
(1532), de Josèphe
(1534), etc. La plupart de ces publications sont excellentes, collationnées
avec soin d'après les manuscrits. Il faut y joindre les traductions latines
de tragédies d'Euripide (Hécube ,
lphigénie ),
des discours de Libanius, d'Isocrate
(De Regno administrando), de Xénophon
(Tyrannus), de Galien (Exhorlatio ad
bonas artes).
Ses études philologiques
engagèrent Erasme dans deux discussions célèbres, la première contre
Reuchlin, relative à la prononciation du grec;
la seconde contre les humanistes italiens propos
de l'élégance cicéronienne Erasme avait écrit en 1510 un traité sur
la prononciation du grec (Dialogus de recta latini graecique sermonis
pronunciatione); il soutint que le grec, ancien ne devait pas se prononcer
comme le faisaient les Grecs modernes; que l'il devait être prononcé
ê et non i; que dans les diphtongues ai, ai, ei il fallait faire sonner
les deux voyelles aï, oï, ci, et non les fondre en é, i, i, comme font
les modernes; Reuchlin, au contraire, soutenait la prononciation de ceux-ci,
comme seule correcte; les idées d'Erasme, appuyées sur la discussion
des textes anciens, ont prévalu; la prononciation érasmienne, encore
usitée en France, paraît se rapprocher plus que l'autre de l'usage des
Grecs du Ve siècle av. J.-C.
La querelle d'Erasme
avec les cicéroniens d'Italie eut un retentissement plus grand. Lui-même
était un fervent admirateur de Cicéron; mais il n'acceptait pas les excès
de. fanatisme littéraire
de l'école de Bembo, qui voulait qu'on n'employât
pour écrire en latin que des mots et des expressions qu'on trouvait dans
Cicéron. Pour les dissertations scientifiques et théologiques, cela conduisait
à l'adoption de périphrases absurdes. Érasme le fit remarquer très
finement dans son Ciceronianus, dialogue écrit en 1528. Les humanistes
italiens, piqués au vif, répondirent par l'organe de Pierre Cursius (Defensio
pro Italia ad Erasmum Roterodamum, Rome, 1535); Erasme répondit qu'il
ne s'attaquait pas à l'Italie, que, d'ailleurs il ne lui devait pas son
éducation.
Érasme écrivit
un certain nombre d'ouvrages pédagogiques intéressants :
De Ratione
Studii et instituendi pueros commentarii (Paris, 1512);
Libellus
novus et elegans de pueris statim ac liberaliter instituendis (Bâle,
1529); De Civilitate morum puerilium (Fribourg, 1530).
Les oeuvres théologiques
d'Érasme sont extrêmement considérables et importantes. Au premier rang,
il faut mettre sa fameuse édition princeps du Nouveau Testament,
en grec, avec traduction latine (Bâle, 1516; 2e
éd., 1519; 3e éd., 1522; 4e
éd.,1527; 5e éd.,1535). C'est d'après
la seconde édition que Luther a publié sa traduction.
Erasme avait donné dès 1505 une traduction latine; pour son édition
gréco-latine, il collationna cinq manuscrits et utilisa les notes de Valla
qui on avait collationné sept autres. Il dédia son oeuvre au pape Léon
X qui l'accueillit sans enthousiasme. Érasme a édité un grand nombre
de Pères de
l'Église grecque et latine : Jérôme, Cyprien,
Arnobe,
Hilaire, Irénée, Chrysostome,
Ambroise,
Augustin,
Origène; de plus, des traités théologiques,
Enchiridionmilitis christiani (Anvers, 1509); Institutio principis
christiani (Louvain, 1516); Paraclesis seu exhortatio ad christianae
philosophiae studium (Bâle, 1519); Précatio dominica in
septem portions distributa (Bâle, 1523); De Immensa Dei misericordia
concio. (Bâle, 1524); Dilucida et pia explanatio Symboli quod Apos.
tolorum dicitur (Bâle, 1533); Ecclesiastes seu de ratione
concionandi libri IV (Bâle; 1535), le premier manuel d'homélies rédigé
d'après un plan méthodique.
Érasme ne fut pas
seulement un philologue et un théologien; ce fut aussi un littérateur,
écrivain original, dont malheureusement les écrits ont été rédigés
en latin, ce qui ne leur a pas permis de conserver, de place dans aucune
littérature nationale et nuit aujourd'hui à leur vogue après y avoir
servi. Il demeure cependant un des humoristes les plus fins de l'Europe.
Outre sa vaste correspondance, dont nous dirons quelques mots ci-dessous,
il a écrit un grand nombre de satires, de libelles, de dialogues, dont
quelques-uns sont des chefs-d'oeuvre. Son ouvrage le plus connu est intitulé
Colloques (Colloquia; Bâle, 1516). Il a été souvent réédité.
«
Jamais, dit Hoefer, livre n'eut au XVIe et au
XVIIe siècle autant d'éditions que les Colloques d'Érasme. C'est
là aussi que l'on retrouve tout l'auteur avec cette finesse d'observation,
cette verve caustique et incisive, cette pureté; cette souplesse
et cette élégance de style qui pourraient faire surnommer Erasme le Voltaire
du XVIe siècle. »
La meilleure édition
des Colloques est celle d'Amsterdam (1650). L'Eloge de la folie
(Enconium moriae; Paris, 1509), souvent réédité et popularisé
par les illustrations que Hans Holbein dessina en 1514, en marge
de I'exemplaire de Froben écrit après son voyage en Italie, raille toutes
les formes de la sottise humaine avec une verve extrême; les théologiens,
les moines, les hauts dignitaires de l'Église, les papes, les princes
et les autres grands sont successivement tournés en dérision. Ensuite
Erasme donna : Encomium matrimonii et artis medicae (Bâle, 1516);
Epigrammata (Bâle, 1518); Apologiae duae contra Latomum : item
De Vera nobilitate; De Tribus fugiendis : ventre, pluma et Venere
(Paris, 1518); Antibarbarorum liber unus (Bâle et Cologne, 1520);
Apologiae omnes adversus eos qui illum locis aliquot in suis libris
non satis circumspecte calumniati sunt (Bâle, 1522); De Contemptu
Mundi epistola (Strasbourg, 1523); Exomologesis sive modus confitendi
(Bâle, 1524); Lingua
(Bâle, 1525); Poludaitea (grec),
Dispar convivium (Anvers, 1527); Epistola consolatoria in adversis
(Bâle, 1528); Apologia adversus articulos aliquot per monachos quosdam
in Hispanias exhibitos (Bâle, 1529); Vidua christiana ad seren.
pridem Ungariae Boemaeque reginam Mariam; Utilissima consultatio de bello
Turcis inferendo (Bâle, 1530). En 1529, il réunit sa correspondance,
dont quelques recueils avaient paru déjà à partir de 1516, et, publia
un Opus epistolarum (Bâle, in-fol.); un supplément fut publié
à Fribourg en 1532; de nouvelles éditions à Bâle en 1526, 1538, 1546,
1558.
Cette correspondance,
qu'Érasme entretenait avec les hommes les plus marquants de son époque,
savants, ecclésiastiques, princes; etc. est une des parties les plus intéressantes
de son oeuvre. C'est par un échange de lettres avec Luther qu'il fut impliqué
dans la grande querelle de la Réformation. Il ne pouvait y échapper,
car l'état d'esprit qu'il repré sentait et qu'il avait contribué Ã
propager
fut une des causes directes de la rénovation religieuse. Adversaire narquois,
mais résolu; de l'Eglise catholique, Erasme lui avait fait beaucoup de
tort. De plus il avait, dans son édition du Nouveau Testament,
demandé qu'on le traduisit en langue vulgaire. Luther répondit à cet
appel. L'attitude que prit alors Erasme lui a souvent été reprochée.
C'était pourtant celle d'un sage, et il eut le mérite de prévoir les
catastrophes qu'allait entraîner la furieuse réaction religieuse dont
Luther donnait le signal et qui fut poursuivie à la fois par les réformés
et par le catholicisme réorganisé.
La culture philosophique
supérieure et la large tolérance des humanistes
étaient bien plus près des idées actuelles. Le langage même de Luther
le prouve. Après avoir cherché à s'abriter derrière le grand nom d'Erasme,
il se défie de lui et voici ce qu'il lui reproche :
«
Erasme s'attache trop à l'éducation morale
de l'homme et pas assez à la vraie adoration de Dieu. »
Ce reproche est pour
nous un éloge. Si Erasme hésita à se prononcer dans le débat engagé
à cette époque, c'est moins par prudence que parce que réellement il
ne pouvait donner raison à aucun des deux partis. Luther lui écrivit
le 28 mars 1519; il répondit de Louvain en lui recommandant la modération.
Il chercha à émpêcher le conflit, blâma la bulle du pape qui condamnait
Luther mais sans le réfuter. Il refusa, malgré les sollicitations du
pape et des princes catholiques, d'écrire contre les protestants. Cependant,
en 1524, il rompit avec Luther qui lui devenait hostile et qui l'injuria.
Erasme écrivit alors son traité
De Libero Arbitrio auquel Luther
répondit par le De Servo Arbitrio (1525). La polémique envenimée
par les emportements du réformateur continua; Erasme demanda à l'électeur
de Saxe justice des calomnies contenues dans l'écrit de Luther; il écrivit
sur un ton très vif son Hyperaspistes adversus servum arbitrium Lutheri
(1526-27); il avait déjà riposté très violemment à Ulrich
de Hutten (auteur de l'Expostulatio cum Erasmo) dans ses Spongia
adversus Hutteni aspergines (Bâle, 1523). D'autre part, un docteur
en
Sorbonne, du nom de Noël Bedda, accusait
Erasme d'être le père de l'hérésie par sa paraphrase du Nouveau
Testament, et la Sorbonne condamnait comme fausses et hérétiques
trente-deux propositions de l'auteur des Colloques (17 décembre
1527); le traducteur d'Erasme, Berquin, fut brûlé le 17 avril 1529. Le
grand humanisme était donc en butte aux attaques des violents des deux
partis. A Bâle même, il tenta d'empêcher la cité d'embrasser la foi
luthérienne (Consilium senatui Basiliensi in negotio Lutheranos,
1525), il n'y réussit pas; en 1529, les évangéliques font la révolution.
C'est alors qu'Erasme se retira à Fribourg. II entra en polémiqué avec
son ancien disciple Gérard Geldenhauer à qui il adressa Epistola contra
quosdam qui se falso jactant evangelicos (1529). Il offrit même au
cardinal
Cajetan de publier comme saint Augustin un livre de Rétractations.
Après la diète d'Augsbourg ,
Erasme semble décidément du côté des catholiques. Mais il ne prend
plus part à la lutte; il se borne à souhaiter le maintien de l'Église.
Ses idées sont parfaitement exprimées dans son livre De Amabili ecclesiae
concordia (1533). II revient à cette attitude modérée et conciliatrice
du vrai sage. Mais ces luttes avaient attristé la fin de sa vie et ébranlé
son autorité. Il vit la fin de l'humanisme. (A. M. B.).
 |
Stefan
Zweig, Erasme,
Le livre de Poche, 2007.
Erasme,
La langue, Labor et Fides, 2002. - Plaidoyer pour la paix, Arléa,
2002. - Traité de civilité puérile, Mille et Une Nuits, 2001.
- Guerre et paix, Aubier, 2001. - Eloge de la folie, Flammarion
(GF), 1999. - Les préfaces au Novum Testamentum, Labor et
Fides, 1990. - Colloques (coffret, 2 vol.), Imprimerie nationale,
1992.
La
correspondance d'Erasme et de Guillaume Budé,
Vrin,. - Luther, Du serf arbitre / Diatribe
d'Erasme, Gallimard (Folio), 2001.
Stefan
Sweig, Erasme, Grasset et Fasquelle, 2003. - Daniel Ménager,
Erasme, Desclée de Brouwer, 2003. - Jean-Christophe Saladin,
Les
funérailles de la Muse (la conférence macaronique dans laquelle les amis
d'Erasme ridiculisent la scolastique), Les Belles Lettres, 2001. -
Alexandre Melc, Les 100 adages d'Erasme, Sefi, 1999. - Jacqueline
Lagrée et Paul Jacobin, Erasme, Humanisme et langage, PUF, 1998.
- Erika Rummel, Les Colloques d'Erasme, Le Cerf, 1998. - Jean-Claude
Margolin, Erasme, une abeille laborieuse, un témoin engagé,
Paradigme publications universitaires, 1993. - Du même, Erasme
et la musique, Vrin. - M.A. Schreech, Erasme, L'extase et l'Eloge
de la folie, Desclée, 1995.
Hervé
Le Tellier, L'orage en août, Erasme, Faust,
Luther : une rencontre, La Lettre volée, 2003. - Francisco Rico,
Le
rêve de l'humanisme, de Pétrarque à Erasme,
Les Belles Lettres, 2002. - L. de Brabandère et al., Erasme, Machiavel,
More, trois philosophes pour le manager d'aujourd'hui,
Village mondial, 2000. - Richard Popkin, Histoire du scepticisme,
d'Erasme à Spinoza,
PUF, 1995.
Augustin Renaudet, Erasme et l'Italie, Droz, 1998. - Marcel Bataillon,
Erasme
et l'Espagne, Droz, 1998. - Silvana Seidel Menchi, Erasme hérétique,
Réforme et Inquisition
dans l'Italie du XVIe siècle, Le Seuil, 1996. - Jean-Claude Margolin,
Erasme, précepteur de l'Europe, Julliard, 1995. - Simon Markish,
Erasme et les Juifs, L'Âge d'Homme, 1990.
En
bibliothèque - Les oeuvres complètes
d'Erasme ont été éditées après sa mort par Beatus Rhenanus (Bâle,
1540-41, 9 vol. in-fol.). Une excellente édition fut donnée par Clericus
(Opera omnia emendatiora et auctiora; Leyde, 1703-1706, 10 vol in-fol.).
Les
principales biographies d'Erasme sont, après celle que Beatus Rhenanus
a insérée en tête de l'édition des Œuvres complètes,
en français : celles de La Billardière (Paris, 1721, in-12), Bayle, dans
son Dictionnaire, Lévesque de Buigny (Paris. 1757), Nisard
(Rev. des Deux Mondes, août et septembre 1835), Durand Le Laur
(Paris, 1872), Frugère (Paris,1871); en anglais : celles de Knight (1726,
in-8), John Fortin (Londres, 1758, 3 vol. in-4), Butler (Londres, 1525,
in-8), Drumond (Londres, 1873), Pennington (Londres, 1874); en allemand
: celles de Muller (1528, in-8), Erhard (dans l'Allgem. Encyclop.
d'Ersch et Gruber), Stichart (Leipzig, 1870). -
Citons aussi; Stoekhelin, Erasmus Stellunq zur Reforrnation; Bâle,
1873. - Scholy, Die Paedagogischen und didaktischen Grundsaetza des
Erasmus; Nordhausen, 1880. - Kan, Erasmasia - Rotterdam, 1881. - De
Nolhac, Erasme en Italie; Paris, 1888. - Cf un article du
même dans Rev. des Deux Mondes, 1er juil. 1888. - On trouvera aussi
d'abondants renseignements et une bibliographie dans l'ouvrage de Geiger,
Renaissance und Humanismus, de la collection Oncken. |
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