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Les Dorigny
sont une famille de peintres et graveurs
français aujourd'hui bien tombés dans l'oubli, mais l'histoire
doit conserver leur nom, car ils ont eu leur jour de gloire.
Michel Dorigny passe pour être
né à Saint-Quentin en
1617; mais aucun document n'a été produit à l'appui
de cette date, et il se pourrait que l'artiste fût venu au monde
un peu avant l'époque indiquée. Entré fort jeune dans
l'atelier de Simon Vouet, il fut à la fois
peintre et graveur et, dès 1638, il mettait au jour des estampes
d'après les oeuvres de son maître. Vouet avait pour lui une
très vive affection et le 11 février 1648 il lui donna en
mariage sa fille Jeanne-Angélique. Employé à la décoration
des palais du roi, il travailla notamment au château
de Vincennes, s'il faut en croire Félibien
qui enregistre le fait sans fournir aucun détail; les maisons opulentes
de Paris s'enrichirent aussi de peintures
de Dorigny qui, d'après d'Argenville, peignit en six tableaux l'Histoire
d'Hercule et le plafond d'un cabinet dans l'hôtel de M. Amelot
de Bizeuil, vieille rue du Temple.
Il entra le 3 mars 1663 à l'Académie royale de peinture.
Il y exerçait les fonctions de professeur lorsqu'il mourut au Louvre
le 22 février 1665. Les oeuvres de Michel Dorigny ont disparu. Un
ancien catalogue du musée de Tours
(1838) lui attribue une Mort d'Ajax que les nouveaux inventaires
ne mentionnent plus.
De son mariage avec la fille de Simon
Vouet, Michel Dorigny eut plusieurs fils et deux d'entre eux furent
peintres et graveurs :
Louis Dorigny, né à
Paris
en 1654, mort à Vérone
en 1742, est le plus célèbre de ces Dorigny de la seconde
génération. Il perdit son père trop jeune pour pouvoir
profiter de ses leçons et suivit l'école de Lebrun.
II parait être entré de bonne heure dans la vie active, puisque,
dès 1672, il ajoute à son nom le titre de peintre du roi.
A tort ou à raison, il crut avoir
à se plaindre de l'Académie qui
ne lui aurait pas rendu justice dans un concours et, pris du désir
de voir le monde, il quitta la France
qui l'oublia. D'après Pozzo, il fit d'abord un long séjour
à Rome et s'arrêta ensuite à
Venise
où il resta dix ans. Il travailla à l'église
San Silvestre et il peignit à fresque
le plafond qu'un voyageur indulgent signale en 1797 comme une oeuvre insigne.
Louis Dorigny était encore à Venise en 1683 et nous savons
par le Mercure qu'il donna le dessin de la somptueuse gondole qui
servit à l'ambassadeur français, Amelot, lorsqu'il fit son
entrée dans la ville. De plus en plus habitué à la
vie italienne, Dorigny s'établit ensuite à Vérone
où il était considéré comme un compatriote.
Il ne s'interdit pas quelques excursions dans les régions voisines,
car il a travaillé à Padoue,
à Bergame ,
à Vicence et même à la cathédrale
de Trente.
En 1704, on le vit apparaître à
Paris
où personne ne songeait plus à lui. L'Académie royale
continua à l'ignorer. En 1711, le prince
Eugène le fit venir à Vienne et employa son pinceau a
de grands ouvrages décoratifs. Dorigny alla jusqu'à Prague
où il peignit un plafond, dont le coloris n'eut pas le don de plaire
à Mariette, car le critique constate dans ses notes que le ton en
était « entièrement faux ». Après cette
promenade, l'artiste français retourna à Vérone
où il mourut à quatre-vingt-huit ans. Pozzo n'avait pas attendu
sa mort pour le célébrer dans ses Pittori Veronesi,
Les oeuvres de Louis Dorigny décoraient à Vérone et
à Padoue des maisons particulières
ét elles n'ont pas toutes été conservées.
Ses tableaux sont rares : dans les collections
françaises, nous ne pouvons guère citer qu'une Suzanne
au bain que lui attribue le catalogue du musée de Bordeaux,
mais ici le renseignement doit être accepté avec prudence.
Le Louvre n'expose de Louis Dorigny qu'un
dessin à la plume lavé de bistre,
Ia Vierge et l'Enfant Jésus apparaissant à un souverain
agenouillé. L'artiste a laissé quelques spirituelles eaux-fortes.
Comme peintre, Louis Dorigny, très
peu touché des spectacles que lui montraient Venise et Vérone,
est un machiniste qui a plus d'imagination que de sentiment et de véritable
élégance. Par ailleurs, il grava la Descente des Sarrasins
à Ostie d'après
Raphaël.
Mariette reconnaît en lui « un génie extrêmement
facile », mais il le caractérise suffisamment lorsqu'il
ajoute qu'il n'avait pas besoin d'esquisse pour rédiger sur le mur
ses improvisations mouvementées et inexpressives.
Nicolas Dorigny, graveur, frère
du précédent, né à Paris
en avril 1658, mort à Paris le 1er
décembre 1746; élève de Gérard Audran.
Après avoir travaillé pendant vingt-huit ans en Italie, il
fut appelé à Londres en 1711
pour graver les cartons de Raphaël de Hampton
Court. Le roi George ler
le créa chevalier. De retour en France
en 1724, il fut reçu à l'Académie de peinture
le 28 septembre 1725. grava surtout d'après Raphaël, le Dominiquin,
le Guerchin, Maratte et Lanfranc.Vers
la fin de sa vie, il se fit peintre et, de 1739 à 1743, il envoya
au Salon un certain nombre de tableaux religieux. On ignore ce que ces
oeuvres sont devenues, et il ne paraît pas qu'on les recherche beaucoup.
(P.
Mantz). |
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