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Dion Chrysostome
(ou Dion de Pruse) est un rhéteur et philosophe grec, né
à Pruse, en Bithynie ,
vers l'an 30 ap. J: C. Il fut d'abord sophiste
et enseigna la rhétorique. Comme il remplissait certaines fonctions
publiques, le peuple se révolta contre lui et essaya de mettre le
feu à sa maison. A la suite de cet événement, il quitta
sa ville natale et se mit à voyager. En Égypte ,
il rencontra Vespasien, qui fut charmé
par son talent et l'emmena en Italie. Il acquit à Rome une grande
réputation comme professeur de rhétorique. Ayant protesté,
sous Domitien, dans un écrit courageux,
contre le supplice d'un noble personnage, victime de l'empereur, il dut
quitter Rome. Nous le voyons alors, réduit à la pauvreté,
errer de contrée en contrée, non plus en enseignant son art,
mais en prêchant la morale. Il parcourt
la Thrace, la Scythie. Chez les Gètes, il apprend l'avènement
de Nerva. Des légions, campées non
loin de là, menacent de se révolter. Dion accourt, peint
aux soldats les vices de Domitien et les vertus de son successeur; grâce
à son éloquence, la sédition est apaisée. Peu
de temps après, il revient à Rome. C'est là qu'il
mourut en l'an 117, après avoir joui d'une grande faveur auprès
de Nerva et de Trajan.
Dion, comme sophiste, cultiva l'éloquence
frivole qui était, de son temps, si fort à la mode. Il donnait
des séances publiques, dans lesquelles il développait d'ingénieux
paradoxes,
déclamait contre Socrate, contre Zénon,
faisait l'éloge du perroquet
et de la puce. Tel était le goût du jour.
L'exil le rappela aux pensées sérieuses.
Ce fut une véritable conversion. Autant le sophiste avait été
pédant, arrogant, de moeurs licencieuses, autant le philosophe fut
grave et modeste. Le monde lui fut subitement révélé.
Comme sa vie errante et sa condition médiocre le faisaient prendre
pour un sage, on venait de partout le consulter sur des affaires particulières,
sur des cas de conscience, etc. Il s'aperçut alors que tous les
humains étaient uniquement occupés d'intérêts,
de plaisirs. Il fit un retour sur lui-même et eut conscience de sa
propre folie, de la vanité de son talent. II se mit à faire
de la prédication populaire.
C'était une philosophie
d'un genre nouveau. La méditation cessa d'être une occupation
de grand seigneur, réservée aux âmes bien nées
que tourmentait une conscience délicate. Elle descendit parmi la
foule et fut rendue accessible aux plus humbles. Cette révolution
fait de Dion une figure très intéressante dans l'histoire
des idées morales de l'Antiquité. Âme ardente, passionnée,
il résume son époque et donne une idée très
nette de ce bouleversement moral, de ce trouble des consciences, de ce
besoin aussi d'éloquence et de beau langage qui caractérisent
le Ier siècle de notre ère.
(P.
Girard). |
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Dion Cassius
(Cassius Dio Cocceiu ou Coccianus), célèbre historien
grec, né à Nicée en Bithynie ,
vers 170 ap. J.-C., mort vers 235. Sa vie - quoiqu'il remplit des fonctions
administratives importantes - nous est connue surtout par ce qu'il en a
dit lui-même dans son histoire. Son père, Cassius Apronianus,
avait été successivement sous Marc-Aurèle
gouverneur de Dalmatie
et de Cilicie .
Par sa mère il descendait probablement du grand orateur Dion Chrysostome
(ci-dessus), et c'est à cause de cette parenté qu'il a sans
doute pris le surnom de Cocceianus. En 180, il vint à Rome,
fut admis au Sénat en 193, sous Pertinax,
exerça les fonctions de préteur. Il fut consul deux fois;
la date de son second consulat nous est seule connue et d'après
Dion lui-même (LXXX, 4; cf. C. I. L., t. III, 5587); elle doit être
placée en l'an 229. Sous Macrin, Dion avait
été préfet de Pergame
et de Smyrne ,
et sous Alexandre Sévère il avait successivement été
envoyé comme proconsul en Afrique, en Dalmatie et dans la Pannonie
supérieure. Après son second consulat, il se retira chez
lui où il mourut à un âge avancé.
Dion Cassius commença de bonne heure
sa carrière d'écrivain. Il débuta par un livre sur
les prodiges et sur les songes
qui avaient annoncé l'avènement de Septime
Sévère, livre qui lui valut les vives félicitations
de l'empereur. On a supposé, sans grandes raisons, que ce livre
pourrait bien être celui que Suidas (au
mot Diôn) désigne sous le nom d'Enodia. Peu
après, nous raconte Cassius, un génie
(daimonion) lui apparut en songe (LXXII, 23) et lui ordonna d'écrire
un ouvrage historique. Obéissant à cet ordre divin, Dion
écrivit une biographie de Commode qui
eut un grand succès, puis, sur de nouvelles injonctions de ce génie,
il conçut le plan d'une histoire générale de Rome.
Pour mener à bien une entreprise aussi considérable, il vécut
dans la retraite à Capoue, autant du moins que le permettaient ses
fonctions administratives. Pendant dix ans (201-211), il recueillit les
matériaux de son ouvrage et employa dix autres années (211-222)
à les mettre en ordre et à rédiger la plus grande
partie de ce travail gigantesque qui fut probablement achevé à
Nicée.
Dion avait écrit en outre une histoire de Trajan
(Ta kata Traianon) et une biographie de son compatriote Arrien.
L'histoire de Trajan n'était peut-être qu'un fragment de l'histoire
générale de Rome, et la vie d'Arrien une production de jeunesse.
On lui a encore attribué deux autres ouvrages, l'un intitulé
Persika,
l'autre Getika, mais ils ne sont certainement pas de lui.
Son ouvrage capital nous est seul parvenu
et encore présente-t-il des lacunes aussi considérables que
fâcheuses. Il était intitulé Rômaiké
historia et comprenait l'histoire de Rome depuis l'arrivée d'Énée
en Italie jusqu'au règne d'Alexandre Sévère, exactement
jusqu'en l'année 229 ap. J.-C. II se composait de quatre-vingts
livres divisés en Décades, comme l'histoire de Tite-Live,
ou même en Pentades. Les livres I à XL donnaient l'histoire
de Rome depuis les origines jusqu'au commencement de la guerre civile entre
César
et Pompée;
les livres XLI à LX allaient jusqu'à la mort de Claude
et les livres LXI à LXXX jusqu'en 229. De cet ouvrage nous ne possédons
aujourd'hui qu'une faible partie, c. -à-d. les livres XXXVI et suivants
jusqu'au LXe, ch. XXIX, soit de l'an 686
de Rome av. J.-C. jusqu'à l'année 800 de Rome, 47 ap. J.-C.,
et encore cette partie présente-t-elle de nombreuses lacunes et
de graves mutilations, particulièrement au début du livre
XXXVI et dans les livres LIV et suivants. Nous avons aussi les livres LXXVIII,
2, et LXXIX, 8, 3, d'après un seul manuscrit (Vatic., 1288).
Les lacunes considérables de cet ouvrage peuvent cependant être
comblées dans une certaine mesure. Zonaras nous donne un abrégé
plus ou moins exact des trente-cinq premiers livres; et J. Xiphilin nous
donne l'abrégé des autres livres. D'autres fragments, plus
ou moins exactement reproduits, nous sont encore fournis par le recueil
composé sur les ordres de Constantin Porphyrogénète,
par le grammairien Leo et les abréviateurs du Moyen âge .
Comme Diodore,
Dion Cassius a été l'objet des jugements les plus divers.
Ces jugements se concilieront facilement si l'on veut distinguer deux parts
dans son oeuvre. Quand Dion raconte - souvent d'une façon très
sommaire - les événements très anciens, ceux dont
il n'a connaissance que par d'autres témoignages, il est sujet à
mainte erreur; il fait preuve d'une fâcheuse partialité, d'une
crédulité extraordinaire aux songes et aux prodiges. Quand,
au contraire, il témoigne de ce qu'il a vu, de ce qu'il savait très
bien d'après le maniement des affaires publiques (l'exposé
mis dans la bouche de Mécène XLII, 14-40, convient à
un véritable homme d'État), c'est un témoin considérable
et digne de notre confiance; les inscriptions et les médailles ont
au reste souvent confirmé les renseignements qu'il nous fournit.
L'oeuvre de Dion a donc une importance considérable au point de
vue historique; de plus, elle se présente à nous sous une
forme tout à fait remarquable. L'auteur montre en effet un grand
talent d'exposition, il a le don de la vie. Imitateur de Thucydide,
il n'a pas sans doute égalé son modèle; il lui a du
moins pris quelques-unes de ses qualités, la concision, l'art de
composer des discours pleins de faits et d'idées. Sa langue, malgré
quelques latinismes, quelques néologismes, se rapproche de celle
des meilleurs écrivains. Dion avait vécu pendant longtemps
dans l'intimité des chefs-d'oeuvre grecs; il avait consacré
dix ans, plus peut-être, à composer son ouvrage, à
lui donner sa forme dernière : il semble qu'il n'ait pas tout à
fait perdu son temps et sa peine. (S. D.). |