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Dickens

Charles Dickens est un romancier né à Laudport, près de Portsmouth (Angleterre), le 7 février 1812, mort à Gads Hill, près de Rochester, le 9 juin 1870. Son père, John Dickens, était comptable dans les bureaux de la marine royale; d'un caractère très faible, il n'avait pas d'ordre dans ses affaires, et, pendant l'enfance du romancier, il fut poursuivi par une meute de créanciers. Dickens l'a peint plus tard sous les traits de Mr. Micawber. Il laissait ses enfants cirer ses bottes et ne se souciait nullement de leur procurer une éducation convenable. En 1824, il fut mis à la Marshalsea (prison pour dettes); son mobilier fut vendu; le jeune Charles fut employé à faire des paquets chez un fabricant de cirage. Dickens a raconté ces épisodes dans les romans de son âge mur : la prison pour dettes, dans Little Dorrit; les voisinages interlopes qu'il fut obligé de subir, ainsi que sa mère, dans les lodgings sis aux alentours de la prison, dans Dombey and Son (Mrs. Pipchin) et dans Old Curiosity Shop (les Garlands). 

Dickens père, cependant, fut tiré d'affaire par un héritage et par la liquidation de sa pension de retraite. Il se décida alors à envoyer Charles à l'école d'un certain M. Jones, dans Hampstead Road. Charles y resta deux ans, puis devint clerc d'avoué, il allait fréquemment au British Museum, et acquit une grande habileté manuelle en sténographie (David Copperfield). Comme sténographe, il fut employé par plusieurs journaux pour recueillir les débats parlementaires; en 1835, il fut attaché régulièrement comme reporter au Morning Chronicle. Cela le lança dans le journalisme. Il écrivit alors, pour divers recueils périodiques, de petites nouvelles sous le pseudonyme de Boz. Ces nouvelles, réunies sous le titre de Sketches by Boz, avec des illustrations de Cruikshank, parurent sous forme de volume au printemps de 1836. Le 2 avril 1836, Dickens épousa Catherine Hogarth, fille de l'un de ses confrères du Morning Chronicle. Il entreprit, aussitôt après son mariage, pour les libraires Chapman et Hall, les fameux Pickwick Papers, qui parurent par livraisons et furent salués par un succès inouï. La première livraison fut tirée à quatre cents exemplaires et la quinzième à quarante mille. Sam Weller devint, du jour au lendemain, un personnage populaire, le type classique du cockney londonien. Jamais livre anglais n'avait excité pareille tempête de rires à l'aide de moyens si simples. 

L'auteur, encouragé, se livra tout entier à la production littéraire, mais sans perdre le respect de sa plume; tous ses livres sont composés et écrits avec soin, bien qu'ils se soient succédé d'année en année : Oliver Twist (18371839), Nicholas Nickleby (1838-1839), Old Curiosity Shop, Barnaby Rudge, etc. Cette succession d'excellents ouvrages le mit hors de pair il reçut, dès 1841, le titre de bourgeois honoraire d'Édimbourg, et lia connaissance avec tous les beaux esprits du Royaume : Landor, Douglas-Jerrold, Jeffrey, etc. En 1842, il fit un voyage aux États Unis, pays qui lui déplut fort; il fut dégoûté par la cruauté des possesseurs d'esclaves, par l'hypocrisie des citoyens des États du Nord, prompts à éviter de soulever le dangereux problème de l'abolitionnisme, par la grossièreté des États du Far West. Les Américains lui pardonnèrent malaisément les American Notes qu'il publia à son retour (octobre 1842).
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Charles Dickens
Charles Dickens (1812-1870).
Tableau d'Ary Scheffer (1855).

En janvier 1843, la première des vingt livraisons mensuelles d'un nouveau roman, Martin Chuzzlewit, fut livrée au public; c'est l'oeuvre maîtresse du romancier, qui n'a jamais déployé autant de force et de verve; les principaux personnages de ce roman, Pecksniff et Mrs. Gamp, sont devenus, à juste titre, des types proverbiaux; l'ouvrage n'obtint pourtant qu'un succès d'estime (tirage à vingt-trois mille exemplaires). En 1843, parut Christmas Carol; ce livre exquis ne se vendit qu'à quinze mille. Dickens se montra fort irrité et rompit avec ses éditeurs. Il avait reçu d'eux de très grosses sommes; mais il vivait largement, s'intéressait à toutes sortes d'oeuvres de bienfaisance, soutenait une famille nombreuse; il crut qu'il avait été exploité par les libraires. Fatigué, vexé et désireux de rafraîchir et de renouveler son fonds d'impressions personnelles, il partit pour l'Italie en 1844. Mais l'activité était pour lui un besoin si pressant que, à peine revenu, il se jeta à corps perdu dans toutes sortes d'entreprises; il organisa des représentations théâtrales, fonda le Daily News (21 janvier 1846). En 1846, on le retrouve à Lausanne; c'est là qu'il écrivit Dombey and Son, l'un de ses romans les plus populaires. Sa vieille passion du théâtre (il avait songé sérieusement à se faire acteur avant d'entrer au Morning Chronicle) le ressaisit alors, et il donna dans diverses villes d'Angleterre nombre de représentations de charité; il joua notamment le rôle de Shallow dans les Joyeuses Commères de Windsor de Shakespeare

C'est en 1849-1850 qu'il publia David  Copperfield, qui est en grande partie son autobiographie. En même temps, il créait une revue hebdomadaire, Household Words, qui ne contribua pas peu à accroître sa popularité, désormais immense dans le grand public. Mais les malheurs domestiques commencèrent à cette époque à attaquer sa santé : il perdit sa chère soeur Fanny, son père, l'une de ses filles. Il donna toutefois Bleak House en 1852-1853, Hard Times en 1854, Little Dorrit en 1856-1857. Sa santé s'épuisait, sa vivacité se changeait en agitation nerveuse. Il se fit, à partir de 1857, public lecturer, conférencier et récitateur ambulant de ses contes. En 1858, sa femme et lui se séparèrent et se partagèrent les enfants nés d'un mariage longtemps heureux. 
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Portrait de Dickens
Charles Dickens.

Dickens commit l'inconvenance de publier dans son journal, Household Words (12 juin 1858), un compte rendu, à sa manière, de ses querelles domestiques. Les éditeurs l'obligèrent, après cette indélicatesse, a quitter la direction de cette feuille, et il en fonda immédiatement une nouvelle, sur le même plan : All the Year Round (30 avril 1859). Sa popularité atteignit néanmoins son zénith vers ce temps-là; il ne ménageait pas ses efforts comme conférencier et faisait de continuelles et très fructueuses tournées de récitation; on calcule qu'en 1857 ses récitations publiques lui rapportèrent jusqu'à 500 livres par semaine. Sa nouvelle, Hunted Down, lui fut payée une fortune par une revue américaine. En janvier 1863, il « lectura » à Paris, et il fut un moment tenté par une offre financière très importante d'aller donner des représentations en Australie. 

Deux romans datent de cette période de la vie de l'infatigable écrivain : Great Expectations et Our Mutual Friend. Il ne se ménageait pas, sentant sa fin prochaine, et « voulait faire autant d'argent que possible, dans le plus bref délai possible », pour ses enfants. Aussi bien, la récitation publique, qui l'a tué, lui rapportait, en même temps que de grosses sommes, des jouissances d'amour-propre très vives, auxquelles il n'était pas insensible. Engagé en 1866 à raison de 50 livres sterling par séance, en 1867 à raison de 60 liv. st., il entama des négociations avec l'Amérique pour une série de représentations à raison de 20 000 liv. st., tous frais payés. Les Américains avaient oublié leur ressentiment de 1842; ils accueillirent avec enthousiasme le leader incontesté des écrivains de langue anglaise. Mais la machine surchauffée, épuisée, surexcitée, brisée par de perpétuels voyages, par cette vie d'acteur nomade, prolongée pendant des années, se détraqua à la fin. Pendant l'automne de 1869, Dickens put encore écrire un roman, Edwin Drood, mais il fut frappé d'apoplexie en juin 1870; on l'enterra avec simplicité à l'abbaye de Westminster. 

Dickens était faible de corps, quoique passionné pour la marche, d'un tempérament très nerveux, très soigné en sa mise. Tous ceux qui l'ont connu attestent sa générosité, sa sincérité, sa bonté; il aimait les enfants et les animaux. C'est peut-être faire suffisamment son éloge et sa critique que de constater qu'il a été sans comparaison l'écrivain le plus goûté par les classes moyennes des pays anglo-saxons (bien qu'il n'ait cependant jamais fait de concessions au piétisme hypocrite desdites classes). Il n'est pas profond, il n'est pas puissant; il n'est que vif, agréable, clair, aimable, spirituel. Il observe bien, mais il ne réfléchit pas. Il n'a été ni un grand écrivain, ni un grand homme, mais il a soulevé les masses populaires et laissé dans la littérature, voire dans l'âme de son pays, des traces ineffaçables. (Ch.- V. L.).



N. Vanfasse, Charles Dickens : entre normes et déviance, Presses de l'université de Provence, 2007.9782853996686
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