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Deleuze

Jean Philippe François Deleuze est un aide-naturaliste, puis bibliothécaire au Muséum d'histoire naturelle, né à Sisteron en 1753, mort en 1835, est surtout connu par son zèle pour la propagation du magnétisme animal. Il avait des connaissances également étendues dans les lettres et dans les sciences, et y joignait des qualités morales qui le firent universellement aimer et respecter. On a de lui : Histoire critique du magnétisme animal, 1813, 2 vol. in-8 (réimprimée en 1819); Instruction pratique sur le magnétisme animal, 1819 et 1836; et plusieurs autres écrits sur le même objet. Il a traduit les Amours des plantes de Darwin, 1799, les Saisons de Thompson, 1801, et a donné en 1810 Eudoxe, ou Entretiens sur l'étude des sciences.
Gilles Deleuze est un philosophe français né à Paris 18 janvier 1925, et mort dans cette même ville le 4 novembre 1995. Il a joué un rôle important dans le développement de la philosophie contemporaine. Souvent associé à la philosophie de la différence, il a rejeté les conceptions traditionnelles basées sur l'identité et a préconisé une pensée de la différence et de la diversité. Il a insisté sur la singularité et l'hétérogénéité des individus et des concepts. Cela l'a conduit à développer le concept de rhizome pour décrire les structures non hiérarchiques et non linéaires, en opposition aux structures arborescentes. Il a également utilisé le concept de multiplicité pour désigner des assemblages complexes et diversifiés. Par ailleurs, Deleuze s'est intéressé à la philosophie politique, critiquant le capitalisme et la société de contrôle moderne. Il a également été impliqué dans des mouvements de protestation et d'activisme politique.

Deleuze a étudié la philosophie aux Lycées Louis-le-Grand et Henri-IV, puis à la Sorbonne et a obtenu l'agrégation en 1948.  Il a enseigné dans plusieurs lycées, à l'université de Lyon en 1969, à l'université de Paris VIII (Vincennes), et enfin à la Sorbonne.

Dans les années 1950-1960, il se fait connaître comme historien de la philosophie et reviendra ensuite à plusieurs moments de sa vie à cette matière.  Il écrira ainsi sur Spinoza, Hume, Foucault et  Bergson, etc. Parmi ses premières oeuvres, on note en particulier : Empirisme et subjectivité (1953), Nietzsche et la philosophie (1962), Proust et les signes (1964). Sa thèse de doctorat principale (sous la direction de Maurice de Gandillac) paraît en 1968 et s'intitule Différence et répétition. C'est l'un des ouvrages les plus importants de Deleuze :

• Dans Différence et répétition, il critique la manière traditionnelle de penser la différence comme étant simplement une négation ou une opposition. Il propose une conception de la différence qui va au-delà de l'opposition binaire, en la conceptualisant comme un processus créatif et productif. Deleuze insiste sur l'importance de la différence positive, créatrice et productive, qui est à la base de la diversité et de la multiplicité dans le monde. La répétition quant a elle envisagée comme un concept complexe et dynamique. Il ne la conçoit pas simplement comme une reproduction identique, mais plutôt comme un processus où quelque chose de nouveau peut émerger malgré la répétition apparente. La répétition, selon Deleuze, est liée à la différence, car même dans la répétition, il y a des variations et des différences qui peuvent conduire à des manifestations inattendues.
Dans La Logique du Sens, ouvrage paru l'année suivante (1969), il  s'intéresse à la philosophie de l'expression, du sens et du langage. Il examine la manière dont le sens est produit à travers l'énonciation et comment il est lié au corps et à la répétition.
• La Logique du sens  se présente en première approche comme une lecture des oeuvres de Lewis Carroll, mais elles ne sont qu'un prétexte pour illustrer les idées de Deleuze concernant la logique paradoxale et le langage. Deleuze s'intéresse aux jeux de langage et aux mécanismes de représentation que Carroll utilise dans ses histoires. Il étudie comment Carroll manipule les mots, les significations et les représentations visuelles pour créer des mondes fantastiques et étranges. Les jeux de mots, les paradoxes et les situations absurdes que l'on trouve dans les écrits de Lewis Carroll lui servent à illustrer la manière dont la logique peut donner lieu à des situations non linéaires, des contrariétés et des paradoxes. Deleuze s'appuie sur les dialogues ambigus et les scènes de dédoublement de sens que l'on trouve dans les Å“uvres de Carroll pour discuter de la nature de l'énonciation et de l'ambiguïté dans le langage. Il s'intéresse particulièrement à la relation entre les énoncés et leur contexte d'énonciation, ainsi qu'aux mécanismes par lesquels le sens est construit. Ainsi, Deleuze peut-il développee ses idées sur la nature du signe linguistique et ses relations avec la sémiotique. Un autre thème important dans La Logique du Sens est la relation entre le corps et le langage, sur la manière dont le corps et ses différentes composantes (gestes, sensations, perceptions) sont impliqués dans la production du sens et la création de signification. Enfin, Deleuze discute des affects, des forces et des intensités qui participent à la genèse du sens et influent sur la manière dont nous interprétons le monde.
Deleuze est encore à Lyon quand éclatent les événements de mai 1968. Il ne descendra pas dans la rue, mais, profondément anticonformiste et anti-autoritaire il ne peut que se trouver en phase avec le mouvement et avec les idées qui émergent à cette période. En retour, sa pensée sur la déconstruction des normes et des hiérarchies va va bientôt être une source d'inspiration pour pour de nombreux courants contestataires ( féministes, écologistes, anti-autoritaires...).  Il va avoir l'occasion de les exprimer au qcours des années suivantes, avec sa très singulière et fructueuse collaboration avec Félix Guattari,marquée par une approche interdisciplinaire, combinant  notamment des éléments de philosophie, de psychanalyse et, de sociologie. 

Deleuze et Guattari ont été les coauteurs de plusieurs oeuvres majeures, à commencer par leurs deux livres répondant au projet appelé Capitalisme et schizophrénie, et qui sont : L'Anti-Oedipe (1972) et Mille plateaux (1980), lesquels redéfinissent la philosophie, la psychanalyse et les sciences sociales et s'inscrivent dans analyse du capitalisme et de la société de consommation, vus comme des modes de répression (ou de mise sous-tutelle) du désir (le capitalisme manipule le désir pour le canaliser vers la consommation et la production).

• L'Anti-Oedipe est une critique de la psychanalyse freudienne, en particulier de la notion de complexe d'Oedipe, Deleuze et Guattari affirment que cette théorie est répressive et réduit le désir humain à des structures familiales stéréotypées. Ils proposent une  approche différente de l'inconscient et du désir et  introduisent des concepts tels que le désir schizophrène, la schizo-analyse, et le corps sans organes. Leur étude de la nature du désir humain les mène à examiner son rapport avec la schizophrénie,  et à élaborer le  concept du désir schizophrène pour illustrer la multiplicité et la complexité du désir, qui ne peut être enfermé dans des catégories fixes. Il peut dès lors se constituer une schizo-analyse, capable de se substituer à la psychanalyse. Le concept du corps sans organes est quant à lui présenté comme un état où le corps n'est pas contraint par des structures préétablies. C'est une une structure flexible, en mouvement et non définie, un espace de potentialité et de liberté créative. Chemin faisant, l'Anti-Oedipe propose des idées politiques radicales et appelle à une révolution contre les structures oppressives, mettant en avant la nécessité de libérer le désir et de créer des espaces de résistance et d'émancipation.

 â€¢ Mille plateaux étend et approfondit les idées présentées dans L'Anti-Å’dipe. Tout en continuant d'explorer la schizo-analyse (la schizophrénie sertici de métaphore pour illustrer la multiplicité et la diversité des subjectivités), les relations entre le désir et le capitalisme, les deux auteurs développent des concepts nouveau tels celui de rhizome ou de déterritorialisation, et invitent à envisager la multiplicité et la créativité comme des moyens de repenser la manière dont nous comprenons le monde et notre place en son sein. Deleuze et Guattari développent une éthique et une politique basées sur la singularité, la créativité et la diversité. Ils prônent une transformation sociale radicale basée sur la libération des désirs et des subjectivités individuelles. Le concept de rhizome leur sert à décrire les structures non hiérarchiques et non linéaires. Deleuze et Guatarri opposent cette structure rhizomatique aux structures arborescentes traditionnelles, suggérant que les idées, les concepts et les phénomènes culturels se propagent et se connectent de manière non linéaire, créant ainsi des plateaux d'intensité. Le rhizome représente une déterritorialisation, une déconstruction des normes et des structures sociales. La déterritorialisation implique la rupture des structures établies et se complète par une reterritorialisation, qui est le processus de création de nouvelles connexions et de nouvelles structures. Ces concepts représentent des mouvements à la fois individuels et sociaux. La métaphore du rhizome peut par exemple servir à décrire la structure complexe et non hiérarchique du désir, qui ne peut plus être vu comme un simple manque à combler. Le désir est une force productive et créatrice qui forme des connexions entre les individus et les idées, et se voit confronté le au capitalisme qui opère en tant que système de contrôle et de désir. Mais, ici, plutôt qu'une confrontation frontale Deleuze et Guattari préfèrent des stratégies de détournement (détourner le capitalisme vers des fins créatives et libératrices). 

Dans les années 1980, Gilles Deleuze retourne à l'histoire de la philosophie. 
Il consacre un ouvrage à Michel Foucault (Foucault, 1986), puis publie en 1988 Spinoza et le problème de l'expression où il étudie notamment la question de l'expression dans la pensée de Spinoza et la manière dont elle relie les individus au monde. On lui doit aussi, la même année, Le Pli : Leibniz et le Baroque, 1988.
•  Le Pli : Leibniz et le Baroque, comme son titre l'indique, s'emploie à relier la philosophie de Leibniz, au concept de  pli dans l'art et à la philosophie du Baroque. Ce livre propose une lecture originale de Leibniz et  montre comment sa philosophie valorise la diversité et la différence, comment le pli favorise la création d'univers multiples, déployant ainsi une philosophie de la multiplicité. L'ouvrage met ainsi en lumière l'importance dans l'histoire de la philosophie de Leibniz, mais aussi il illustre parfaitement la manière caractéristique de Deleuze de mettre en relation relation la philosophie avec d'autres domaines (art, littérature, sciences). 
Deleuze montre que, chez Leibniz,  le pli est à la fois un élément matériel (comme dans la structure des atomes) et un élément immatériel (comme dans les perceptions et les âmes). Sous des apparences de simplicité, il s'agit d'une structure complexe : le repliement engendre de la diversité et de la richesse.

Un parallèle est ensuite fait entre la philosophie de Leibniz et le mouvement artistique du Baroque. L'art baroque, l'achitecture baroque, aussi usent de plis, de courbes, et de mouvements complexes. Deleuze retrouve dans cette esthétique baroque une caractéristique centrale de la philosophie de Leibniz.

La notion de monade, elle aussi centrale chez Leibniz, est considérée par lui comme une entité indivisible et un reflet du monde entier. Deleuze l'aborde au travers cette fois d'une métaphore architecturale, celle de la fenêtre qui illustre la relation entre les monades et l'univers. 

(En librairie : Gilles Deleuze, Le Pli, Leibniz et le baroque, Ed. de Minuit.)
Dans les années 1990, les préoccupations esthétiques et éthiques prennent davantage d'importance. Il retrouve aussi Félix Guattari  pour un dernier ouvrage en commun : Qu'est-ce que la philosophie? (1991).
  • Qu'est-ce que la philosophie? met l'accent sur la production de concepts. Les deux auteurs abordent des thèmes tels que l'art, la science, la perception, et la pensée philosophique. Ils  voient la philosophie comme une activité créatrice qui consiste à produire de nouveaux concepts. Un travail de créations cependant distinct de la science et de l'art. Les concepts philosophiques ne décrivent pas simplement la réalité : ils l'inventent. Ils émergent de l'expérience et de l'imagination, créant ainsi des outils pour penser le monde. 

Deleuze et Guattari encouragent les philosophes à être des créateurs, des penseurs libres visant à élaborer des concepts en rupture avec les idées établies. La philosophie, pour eux, en tant qu'activité créatrice, est indissociable d'une attitude éthique et politique. Elle est  engagement radical avec le monde et un appel à la création de nouvelles possibilités, résistant aux contraintes et aux systèmes de pouvoir.

Les deux auteurs abordent aussi la question des affects (émotions, sentiments) dans la philosophie. Ils considèrent que les affects jouent un rôle essentiel dans la création de concepts philosophiques, influençant la manière dont nous percevons et pensons le monde. La schizoanalyse prend ici sa dimension de concept clé, de méthode d'analyse des discours et des pratiques sociales dans laquelle sont pris en compte des structures inconscientes et des flux de désir.

La philosophie de Deleuze, souvent appelée deleuzianisme, (mais elle pourrait aussi être définie dans une large mesure comme un guattarisme...) transcende en fait les étiquettes et est souvent difficile à catégoriser de manière stricte. Elle s'est largement développée, on la a déjà eu un aperçu, en interagissant avec d'autres philosophes, artistes et domaines (psychanalyse, littérature, cinéma, mathématiques). 

Deleuze a proposé une ontologie dynamique  qui se distingue par son rejet des conceptions statiques et figées de l'être au profit d'une vision dynamique, en perpétuel mouvement et devenir. En son coeur se trouve le concept de devenir qui oblige à remettre en question les notions l'identité et de la réalité. L'ontologie de Deleuze, en opposition avec  à la traditionnelle vision unifiée et réductrice de l'unité, valorise la multiplicité et la pluralité, affirmant que la réalité est constituée d'une multitude de différences, de variations et de diversités.

Deleuze est également souvent associé à deux écoles philosophiques majeures : le poststructuralisme, répandu dans les années 1960 et 1970, qui remet en question les concepts et les idées du structuralisme en insistant sur le caractère instable et fragmentaire de la réalité, ainsi que sur le rôle du langage dans la construction de la signification, et le réalisme spéculatif, un courant philosophique  qui insiste sur l'existence d'une réalité indépendante des perceptions et des représentations humaines.

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