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Daniel Defoe

Defoe ou De Foe (Daniel), publiciste et romancier  né à Londres (Cripplegate) en 1661, mort à Londres (Moorfields) le 26 avril 1731. Fils d'un boucher whig (Tories et Whigs) nommé James Foe, nom qu'il changea en De Foe ou Defoe pour des raisons restées inconnues, il fut d'abord destiné à l'Église dissidente, carrière à laquelle il dut renoncer par manque de fortune pour entrer en apprentissage chez un bonnetier. On connaît peu de la première partie de sa vie, si ce n'est que treize fois il perdit une fortune assez considérable gagnée dans différents commerces, par ce qu'il en dit lui-même : Thirteen times have I been rich and poor, jusqu'à ce qu'une banqueroute définitive le dégoûtât pour toujours des spéculations.
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Daniel Defoe.
Daniel Defoe (1661-1731), par Godfrey Kneller.

 Il n'avait que trente et un ans et il faut dire à son honneur qu'il paya plus tard ses créanciers avec une scrupuleuse exactitude. Déjà à vingt et un ans, il avait publié un Traité contre les Turcs pour protester contre l'opinion qui, par haine du catholicisme, se prononçait contre l'Autriche. Compromis dans la tentative du duc de Monmouth, il entre en 1688 comme volontaire dans l'armée de Guillaume d'Orange, se fait publiciste, accumule articles sur articles et brochures sur brochures pour soutenir la politique du roi, et vers la fin du règne de Guillaume III publie une vigoureuse satire, the True-born Englishman, pour excuser le roi d'être Hollandais en prouvant aux Anglais qu'ils étaient eux-mêmes de toutes les provenances. La même année (1701), il présenta au Parlement la fameuse Pétition de la Légion qui lui valut la confiance de Guillaume.

Sa plume infatigable ne resta pas inactive sous la reine Anne. Il guerroya en faveur des non-conformistes, et son traité, the Shortet way with the Dissenters, est resté célèbre. La haute Église se laissa prendre d'abord à la sincérité apparente de ce pamphlet qui demandait la destruction totale et violente des sectes non orthodoxes; mais, dès qu'elle en eut compris la sanglante ironie, sa rage accabla le courageux publiciste. La Chambre des communes fit brûler le livre par la main du bourreau et offrit cinquante livres sterling pour l'arrestation de l'auteur. Il est jugé à Old Bailey, condamné à deux cents marks d'amende, à avoir les oreilles coupées, à trois expositions au pilori, et enfermé à Newgate au bon plaisir de Sa Majesté. 
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Defoe.
Daniel Defoe condamné au pilori en 1703
par Ron Embleton (début du XXe s.).

Au pilori le peuple l'entoure, le protège des insultes des tories, couvre l'échafaud de fleurs, lui porte des toasts, tandis que le même jour se criait dans les rues son Hymn to the Pillory, où il défiait le gouvernement et l'Église officielle. Pendant son emprisonnement, il continue sa violente polémique et publie une Revue, le premier ouvrage périodique de ce genre, d'abord hebdomadaire puis bi- et tri-hebdomadaire, qui dura jusqu'en 1713, un des plus grands monuments de labeur littéraire écrits par une seule plume, contenant en plus de cinq mille pages toutes les branches de connaissances et où il combat pour la liberté de la presse, la liberté religieuse, la propriété littéraire, etc. 

Libéré au bout de deux ans à l'instigation de Harley, il recommence la publication de ses pamphlets qui lui valurent de nouvelles poursuites et de nouvelles amendes : Giving alms no Charity; Employing the Poor a Grievance to the Nation, où sont développées des théories reprises par le socialisme moderne; Memoirs of Sundry transactions from the world in the moon, satire politique où Swift puisa l'idée de ses Voyages de Gulliver. Entre temps, Defoe fut chargé par Harley d'une mission secrète dans l'ouest de l'Angleterre, puis par lord Godolphin dans l'affaire relative à la réunion de l'Écosse à l'Angleterre. Il s'en tira avec habileté et fit paraître à son retour History of the Union (1709). Protégé par la reine Anne qui l'avait défendu contre la haine des partis et sauvé d'une deuxième condamnation, il joua un rôle douteux dans les intrigues qui précédèrent l'ascension de la maison de Hanovre et tomba dans un discrédit que sa propre apologie, An Appeal to Honour and Justice (1715), ne parvint pas à effacer. C'est alors que, dégoûté de la politique et de l'ingratitude des humains, il se consacra à des oeuvres purement littéraires. 

La même année paraît le premier volume de Family Instructor et quatre ans plus tard la première partie de l'immortel Robinson Crusoe, admirable récit que tout le monde a lu ou doit lire. Il le donna sous le titre Life and surprising Adventures of Robinson Crusoe (1719) et reçut pour cette oeuvre, traduite dans toutes les langues et qui a fait la fortune de tant de libraires, dix livres sterling de son éditeur! L'année suivante vint la seconde partie, fort inférieure à la première; l'intérêt attaché au héros jusqu'alors solitaire s'amoindrit dès qu'on lui adjoint un compagnon. Néanmoins le succès fut immense, et n'a pour ainsi dire pas diminué depuis. Defoe avait alors cinquante-huit ans et jamais peutêtre à cet âge ne se déploya plus brillante, plus féconde imagination. En 1720, il publie encore : Vie et Aventures de Duncan Campbell, Mémoires d'un Cavalier, le Capitaine Singleton, puis les Heurs et les Malheurs de Molly Flanders (1721), Histoire de la Peste, le Colonel Jacques (1722), Roxana (1724), Tour à travers la Grande-Bretagne (1724-26), Nouveau Voyage autour du monde; Histoire politique du Diable, Système de Magie (1726); Essai sur la Réalité des Apparitions (1727), Traité concernant l'usage et l'abus du lit matrimonial (1727 ), etc. 
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Robinson Crusoé.
Robinson Crusoé fait un grand feu 
pour signaler son île.

L'édition complète de ses oeuvres a été donnée pour la première fois par  Talboys (Oxford, 1840-1844, 20 vol.). Depuis cette date, on a retrouvé quelques écrits inédits.

Defoe avait écrit le Parfait Trafiquant anglais, glorification de l'art de gagner des écus, qui excita l'indignation de Charles Lamb, art dans lequel il n'excella guère, car, malgré ses travaux écrasants, sa fécondité prodigieuse, son immense talent de publiciste et de romancier, son Robinson Crusoe et ses quatre-vingts volumes d'oeuvres en tous points remarquables, il mourut dans la misère, tué par l'ingratitude de son fils. Beaucoup plus tard, on lui éleva, par souscription, une tombe monumentale au cimetière de Bunhill  à Londres. (Hector France).

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Dictionnaire biographique
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