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Le
Dar-Four,
Dar-for,
Darfour, ou encore Four (le mot dâr qui signifie
contrĂ©e n'appartenant pas au nom du pays) est une province situĂ©e Ă
l'Ouest du Soudan actuel bornée au Nord par le
désert de Lybie ,
Ă l'Est par le Kordofan, au Sud par l'ancien
Dâr-Fertit (aujourd'hui partagé entre la Centrafrique
et le Bahr-el-Ghazal au Soudan) et Ă l'Ouest par le Tchad
(circonscription du OuadaĂŻ). Capitale : El Fasher ( L'Histoire
de la Nubie et du Soudan oriental ).
Un Ă©norme massif
montagneux, appelé monts Marra (point culminant à 3088 m), couvre
presque en entier la partie septentrionale du Darfour et semble se prolonger
du Nord au Sud en une chaîne moins élevée qui forme la ligne de partage
des eaux entre le bassin du Nil et celui du lac Tchad.
La partie orientale, dont le sol très accidenté s'élève à une assez
grande hauteur, est extrêmement sèche, les eaux ne pouvant s'y frayer
un passage et étant obligés de s'écouler vers le Sud, tandis que le
versant occidental où les eaux ont un écoulement régulier est arrosé
par de nombreuses rivières; aussi cette partie
du Darfour est-elle la plus fertile et la plus peuplée. Grâce à la hauteur
générale du sol, le climat est salubre dans tout le Nord, mais les marécages
formés par les pluies torrentielles qui tombent de mi-juin à septembre
font de la partie méridionale une contrée très malsaine pendant plus
de la moitié de l'année. Durant la saison sèche, la température est
toujours fort élevée, sauf dans les montagnes où elle est presque toujours
supportable.
La végétation,
très luxuriante aussitôt après la saison des pluies, languit ou s'arrête
même presque complètement dès que la saison sèche est définitivement
établie, sauf dans les parties très montagneuses, où elle conserve une
certaine vigueur durant toute l'année. Le blé,
le millet, le maĂŻs, le
tabac, les pastèques, les melons, font l'objet de la culture générale
et fournissent d'abondantes récoltes dont une partie est exportée au
dehors. Les arbres, sauf le tamarin, ne sont utilisés
que pour les besoins locaux.
L'industrie est peu active, quoique le
sol recèle des gisements minéraux variés et qui paraissent avoir une
certaine importance (cuivre, fer,
antimoine,
plomb,
etc.). Le sel existe dans certaines parties du Darfour, oĂą les habitants
le recueillent en traitant les terrains salins par l'eau chaude, mais la
plus grande quantité y est apportée du dehors.
Les animaux domestiques sont nombreux et
de belle race; on y trouve le boeuf, le mouton, la chèvre, le chameau
et aussi quelques chevaux robustes et de petite taille. L'éléphant
a disparu; l'autruche, en revanche, est encore présente.
Histoire du Darfour.
Avant l’arrivée
de l’islam, le Darfour était habité par divers groupes ethniques et
tribus, dont les Fur, d’où la région tire son nom. Ces populations
pratiquaient des formes variées de religions traditionnelles africaines
et avaient des structures politiques locales. Aux alentours du XVe
et XVIe siècles, l’islam
se répand dans la région à travers le commerce transsaharien et les
interactions avec les royaumes voisins. Au XVIe
siècle, la dynastie Keira établit un sultanat qui devient une puissance
régionale. Le sultan Suleiman Solong (règne vers 1650) est crédité
pour avoir consolidé l’État du Darfour. Sous son règne, l’islam
devient une religion dominante et une partie intégrante de la gouvernance.
Le sultanat était structuré autour d’une économie mixte, reposant
sur l’agriculture, l’élevage et le commerce transsaharien, reliant
la région aux marchés d’Afrique du Nord.
Au XIXe
siècle, le Darfour attire l’attention des puissances étrangères, notamment
l'Empire ottoman et ses vassaux en Égypte.
En 1874, le sultanat est conquis par les forces égyptiennes dirigées
par Zubeir Rahma, un chef militaire et commerçant d'esclaves.
Cette période marque une tentative d’intégration du Darfour dans l'administration
égyptienne, mais elle suscite des révoltes locales. A partir de 1885,
le Darfour est intégré au mouvement mahdiste soudanais, dirigé par Muhammad
Ahmad, qui se proclame le Mahdi (« le Guide attendu »). Ce mouvement,
caractérisé par une idéologie islamique messianique, rejette la domination
égyptienne et ottomane. Après la chute du régime mahdiste en 1898, le
Darfour connaît une période d’instabilité.
Pendant la Première
Guerre mondiale, le Darfour est annexé par les Britanniques, qui administrent
le Soudan en condominium avec l’Égypte.
Cette annexion marque la fin du sultanat indépendant de Darfour. Les Britanniques
marginalisent politiquement et économiquement la région, favorisant les
zones orientales du Soudan (comme Khartoum).
Après l’indépendance du Soudan en
1956, le Darfour reste une région économiquement délaissée et politiquement
marginalisée. Plusieurs facteurs contribuent à cette marginalisation
: l’absence de développement infrastructurel; les tensions croissantes
entre groupes ethniques, exacerbées par des politiques discriminatoires
du gouvernement central de Khartoum; les sécheresses des années 1970,
qui aggravent les conflits pour les ressources. Les tensions ethniques
entre agriculteurs sédentaires (principalement les Fur) et pasteurs nomades
(souvent d'origine arabe) commencent à s’intensifier à cette époque,
posant les bases des conflits futurs.
Dans les années
1980, l'histoire du Darfour est marquée par des tensions croissantes et
des conflits violents. La région continue de souffrir de marginalisation
Ă©conomique et politique, exacerbant les tensions historiques entre les
communautés agricoles sédentaires, principalement non-arabes, et les
populations nomades, souvent arabes. Ces conflits sont aggravés par les
sécheresses récurrentes qui réduisent les terres cultivables et les
pâturages, provoquant des rivalités pour l’accès aux ressources naturelles.
Des milices armées commencent à se former, parfois soutenues par des
acteurs étatiques ou extérieurs, augmentant l’instabilité régionale.
Les années 1990 voient une radicalisation progressive des tensions, notamment
sous l’influence de la politique centralisatrice du gouvernement de Khartoum.
Ce dernier privilégie certaines élites arabes, alimentant un sentiment
de discrimination chez les groupes non-arabes, tels que les Fur, les Masalit
et les Zaghawa. Les rivalités locales prennent de plus en plus une dimension
ethnique et politique.
Les années 2000
marquent un tournant dramatique avec l’éclatement d’un conflit Ă
grande Ă©chelle. En 2003, deux groupes rebelles principaux, le Mouvement
pour la justice et l’égalité (JEM) et l’Armée de libération du
Soudan (SLA), prennent les armes contre le gouvernement soudanais, accusé
de marginaliser le Darfour. En réponse, Khartoum soutient des milices
locales connues sous le nom de Janjawids, qui commettent des atrocités
contre les populations civiles. Ces attaques entraînent des massacres,
des viols et des déplacements massifs, qualifiés de génocide par certains
observateurs internationaux.
Le conflit du Darfour
attire l’attention mondiale. Les Nations Unies,
l’Union africaine et plusieurs ONG s’engagent dans des efforts humanitaires
et diplomatiques pour atténuer la crise. Malgré ces interventions, les
violences persistent, alimentées par des luttes pour le pouvoir local,
des dynamiques régionales complexes et l’absence de volonté politique
à Khartoum pour résoudre le problème de manière durable. La signature
de divers accords de paix, dont celui d’Abuja
en 2006, échoue à apporter une stabilité durable, souvent en raison
de la fragmentation des groupes rebelles et du manque d’engagement du
gouvernement soudanais.
Au cours des années
2010, bien que l’intensité des combats diminue, les problèmes structurels
restent non résolus. Les camps de réfugiés continuent d’abriter des
millions de personnes déplacées, tandis que les tensions intercommunautaires
demeurent élevées. Les transitions politiques au Soudan, notamment la
chute d’Omar el-Béchir en 2019, suscitent des espoirs de changement,
mais la région du Darfour reste instable. Des affrontements sporadiques
et des problèmes de gouvernance locale témoignent de la fragilité de
la paix. L’histoire récente du Darfour continue de refléter l’intersection
de défis locaux, nationaux et internationaux, où les rivalités pour
le pouvoir, les injustices Ă©conomiques et les pressions environnementales,
aggravé"es par le dérèglement climatique,
se mêlent dans un contexte de souffrance humaine prolongée.
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Collectif,
Urgence
Darfour, Des idées et des hommes, 2007. - Le
collectif Urgence Darfour mène le combat de lutter contre le silence qui
entoure "le premier génocide du XXIe siècle"
dans cette région du Soudan. Depuis février 2003, ce conflit "oublié"
a fait plus de 300000 morts, il s'agit d'un guerre civile qui oppose le
rĂ©gime islamiste de Khartoum alliĂ© Ă
des milices arabes les janjawids, Ă des groupes rebelles issus de la population
noire locale. Comme le souligne Jacky Mamou, président du collectif et
ancien dirigeant de MĂ©decin du monde, "au Darfour, il y a plein de gens,
plein d'ONG qui y sont allés et qui ont essayé de raconter ce qu'ils
on vu. Mais ça ne passe pas, l'indifférence demeure". Pourtant Kofi Annan,
l'ex secrétaire général de l'ONU, a déclaré "le Darfour, c'est l'enfer
sur terre". Pour lutter contre "le silence qui couvre la poursuite des
massacres" et contre "l'inaction générale", les personnalités du collectif
Urgence Darfour ont décidé de signer ensemble cet ouvrage en apportant
leurs visions de la situation et des solutions envisageables.
Dari
Daoud, Dans
l'enfer du Darfour, Flammarion, 2008.
GĂ©rard
Prunier, Un
Darfour, génocide ambigu, La Table ronde, 2005. -
Depuis février 2003, le Darfour, province orientale du Soudan jouxtant
le Tchad, est le théâtre de massacres épouvantables suivis d'une famine
largement programmée par l'action des autorités gouvernementales. Génocide
ou pas? la communauté internationale s'interroge, mais en attendant, la
population meurt.
L'ouvrage
de Gérard Prunier remonte dans le temps pour expliquer ce qu'a été le
Darfour, pays indépendant du Soudan jusqu'en 1916. Il montre comment il
a été marginalisé sur tous les plans tant pendant la période coloniale
que du fait des gouvernements qui ont suivi l'indépendance en 1956. La
révolte du Darfour et la violence de la répression qui ont suivi ont
fait exploser le mythe des "guerres religieuses" au Soudan puisqu'ici tout
le monde, tueurs et victimes, est musulman.
Pour
l'auteur, il s'agit d'une guerre de races, d'autant plus paradoxale que
les "Arabes" sont noirs et les Noirs souvent arabophones. Mais Khartoum
espère garder le contrôle d'une périphérie qui lui fait désormais
peur en dressant les unes contre les autres des tribus qui avaient jusque-lĂ
vécu dans des rapports parfois tendus mais jamais destructeurs.
GĂ©nocide
"ambigu", la crise du Darfour est à l'image des déchirements de l'Afrique
contemporaine, dans un pays qui est en train de devenir l'un des plus gros
producteurs pétroliers du continent. (couv.). |
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