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Conan Mériadec

Conan, dit Mériadec ou Caradog, est un personnage semi-légendaire de Bretagne que l'on fait naître  en Grande-Bretagne à la fin du IVe siècle. Il serait passé dans les Gaules vers 384, avec le tyran Maxime, dont il aurait servi les intérêts. Il aurait été  créé duc d'Armorique et aurait gouverné pendant 26 ans, sous la dépendance des Romains, la partie de l'Armorique connue depuis sous le nom de Bretagne. En 409, toujours selon la légende, les Armoricains, s'étant soulevés, avaient déféré à Conan l'autorité souveraine. Il aurait conservé le pouvoir jusqu'à sa mort (421), et l'aurait légué à ses descendants, qui furent depuis ducs de Bretagne. Ceux-ci revendiqueront par la suite ce lignage.

C'est bien là une vue chimérique de l'histoire, car les Betons insulaires sont venus en Armorique non en conquérants, mais par petits groupes. On peut tout au plus admettre qu'un personnage du nom de Conan a bien existé, qu'il s'est peut-être signalé par des faits d'armes, enjolivés et amplifiés considérablement par l'historiographie médiévale  pour servir à la constitution d'une mythologie nationale bretonne, au  moment où les esprits passaient sous l'emprise de l'Eglise.

La légende de Conan Mériadec.
Selon les anciennes chroniques, au IVe siècle, les diverses provinces armoricaines étaient gouvernées, sous la domination suzeraine de Rome, par des princes qui prenaient le titre de rois ou de ducs, et qui reconnaissaient encore la suprématie du roi de Trinovante (aujourd'hui Londres). Un des derniers, nommé Cohel, d'abord duc de Kaereolum ou Gloucester, fut le père de sainte Hélène, la première impératrice que l'Église ait placée au rang des saints, la mère de Constantin. A la mort de Cohel, Octavius son frère, duc de Windisilor (Windsor), s'empara du trône de Bretagne. Arrivé à une grande vieillesse et désirant pourvoir au soin de son gouvernement, il rassembla les grands de ses États, et leur demanda conseil sur le choix de son successeur. Il n'avait qu'une fille; mais il lui restait un neveu, qui était Conan Mériadec (ou Mériadech). Les avis furent partagés : les uns proposaient Conan, d'autres Maxime, dont l'union avec la fille d'Octavius devait être le gage d'une paix éternelle avec les Romains. On se sépara cependant sans rien décider, et Conan sortit rempli d'indignation.

Caradoc, qui avait proposé Maxime, l'envoya aussitôt inviter à se rendre dans la Grande-Bretagne; comme il l'avait prévu, l'ambitieux Romain arriva bientôt avec de nombreux amis. Octavius, qui penchait pour Conan son neveu, surpris de l'arrivée du général romain, pensa à l'instant que les avares dominateurs du monde exigeaient de lui de nouveaux tributs. Il appela Conan, lui ordonna de réunir ses chevaliers pour marcher contre l'étranger, et bientôt la plus vaillante jeunesse suivit Conan et parut devant Maxime.
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Conan Mériadec et Maxime.
Conan Mériadec et Maxime.

Déjà effrayé de sa propre témérité, le Romain se dit, en les voyant, que ses hommes, si braves qu'ils fussent , étaient hors d'état de résister à cette armée dix fois plus forte que la sienne. Le fils de Caradoc, qui connaissait les moeurs de ses compatriotes et les intrigues de son père, lui conseilla de faire sortir de son camp douze vieillards, tenant élevés des rameaux verts en signe de paix, et chargés d''annoncer que Maxime n'avait d'autre mission que de porter à Octavius des mandements impériaux. Le nombre considérable de guerriers qui accompagnait Maxime fut expliqué par la juste crainte qu'il devait avoir des jaloux de sa gloire passée et des ennemis de la puissance de Rome qu'il représentait.

Ces raisons et ces excuses furent acceptées, non sans peine, surtout par Conan qui voulait la guerre; et l'on arriva à Trinovante, réconciliés en apparence. Maxime épousa la fille d'Octavius, et, soutenu par un parti formidable ,devint héritier de la couronne (an 381 de J.-C.). Conan se rendit en Albanie (= Écosse), arma les Pictes et les Scots, et déclara la guerre à Maxime. Après une lutte sanglante, les légions romaines ayant proclamé Maxime empereur, il eut une entrevue avec Conan et lui offrit une partie de l'empire que sa nouvelle position lui faisait un devoir de conquérir. Conan se donna sans réserve à l'usurpateur, qui n'exigea de lui que son amitié et le secours de son bras.

Le vaillant, le hardi, le généreux Conan rassembla ses amis, ses alliés, ses serviteurs, tout ce que la jeunesse de l'île offrait de brillant, de brave et d'aventureux, et leur communiqua à tous quelque chose de sa grande âme; il leur promit la conquête du monde. Les légions romaines qu'il commandait, s'embarquèrent suivies de plus de douze mille  volontaires Bretons et abordèrent dans la péninsule armoricaine, en l'an 383 de l'ère chrétienne.

Le premier pas de Conan sur le sol de l'Armorique fut une victoire. La ville d'Occismor était défendue par une forteresse où se trouvaient des troupes romaines; il l'assiégea, et elle se rendit. A la nouvelle des succès croissants de Maxime, l'empereur Gratien s'émut et adressa à tous les gouverneurs du littoral des Gaules occidentales, ou provinces armoricaines, l'ordre de réunir leurs troupes pour s'opposer au débarquement de l'usurpateur. Mais il était trop tard, et le préfet Jubaldus, après avoir perdu quinze mille hommes de son armée, vit le reste de ses soldats grossir les rangs des partisans de Maxime. Quelques jours après cette horrible défaite, Rennes était assiégée par l'usurpateur, et Conan Sulpicius, qui commandait la garnison de cette ville, apprenant le désastre de Jubaldus et la défection des troupes romaines, se rendit sans résister. Maxime, après avoir confié Rennes à son lieutenant, marcha sur Nantes, qu'il réduisit promptement. On l'accueillait partout comme un libérateur; car il accordait sans peine aux peuples, écrasés d'impôts par les mandataires de Rome, la punition des exacteurs. Il favorisait le culte des chrétiens, qui commençaient à être nombreux, et achevait la ruine du polythéisme. Nantes devint sa résidence.

Tout le servait à souhait; mais il sentait que la continuation de ses succès dépendait de l'aide de Conan et de ses braves : que serait-il devenu si, désireux de revoir leur pays, ils l'avaient abandonné dans l'Armorique si récemment soumise? Maxime, qui avait déjà songé à les attacher au sol même qu'ils avaient conquis, se hâta de couronner roi Conan, leur chef le plus aimé. La portion de l'Armorique dont la souveraineté fut conférée à Conan par Maxime, comprenait, en outre du pays encore aujourd'hui spécialement appelé la Bretagne, une partie de l'Anjou, du Poitou, de la Touraine et du Berry.

Conan, aussi sage administrateur qu'intrépide guerrier, nous-dit-on, pensa qu'un de ses premiers devoirs était de visiter en détail tout son royaume, afin de s'assurer des besoins de ses peuples. Dans le pays de Léon, il fit ceindre de murailles les principaux havres de la côte, trop souvent visités par les pirates. Près d'Occismor et de la mer, il fonda un château auquel il donna son nom et dont il fit une de ses résidences. Quimper, Vannes et plusieurs autres villes attirèrent son attention, et il pourvut à leur défense ou à leurs intérêts avec sagesse et bonté.

Maxime venait de quitter Nantes pour aller porter la guerre sur les bords du Rhin; cette ville, qui pendant quelque temps avait été sa résidence, devint désormais celle de Conan. Dans ses voyages, il avait entendu les plaintes de ses sujets, et avait remédié, aussitôt qu'il l'avait pu, aux abus qu'on lui dénonçait. Après un examen de deux ans, il pensa qu'il était assez bien informé pour fixer par des lois et des ordonnances le sort de ses peuples. Il se mit à l'oeuvre, et, tout en rédigeant un code nouveau, il sut respecter les vieilles coutumes et les anciennes libertés de l'Armorique dans ce qu'elles offraient de bon et d'utile. Après quelque résistance, les règlements de Conan furent adoptés, et le peuple les suivit fidèlement pendant plusieurs siècles.

Conan, veuf depuis quelques années, songea à se remarier; il jeta les yeux sur la fille de Dionote, roi de Trinovante, et lui écrivit en ces termes, si nous en croyons un vieux texte :

« Conan d'Armorique à Dionote, conservateur des Bretons : Je te mande salut, et t'expose que la terre de la petite Bretagne, où je règne, possède air serein, champs fruitiers, belles forêts, eaux et poissons, chasse plantureuse et terre convenable à labour. N'y a défaut maintenant , fors de sexe féminin pour les nobles. Pourquoi je te prie que tu me veuilles donner en alliance de sacré mariage ta fille Ursule, qui surpasse en beauté les autres jeunes filles de Bretagne, à laquelle je désire être époux, et que tu pourvoyes d'autres femmes brètes mes autres chers compagnons, et convenables à leur lignage; car ils refusent prendre des Gauloises, de maison peu insigne, et ignorantes de notre langage. »
Dionote accorda sa fille à Conan, et fit réunir un grand nombre de jeunes filles de haute naissance, qu'il donna pour compagnes à Ursule. Cette princesse, parée de vêtements de soie, de joyaux d'or, de fermaux, de gemmes et de saphirs, comme il convenait à son rang, s'embarqua avec sa suite sur les navires de Conan. Ce fut un jour de tristesse pour la Grande-Bretagne, et l'événement qui le suivit en fit un jour de deuil éternel. Une tempête affreuse se déclara à la sortie du port de Trinovante, et bientôt on dut renoncer à toute espérance de salut. Plusieurs vaisseaux se brisèrent sur les rochers, d'autres sombrèrent; celui que montaient la princesse et ses nobles compagnes fut jeté, après quelques jours, sur les rives de la Hollande, vers l'embouchure du Rhin, où une horde de Pictes et de Huns les massacrèrent sans pitié. L'Église a mis au rang des saintes Ursule et ses amies, sous le vocable des Onze mille vierges.

Quelques mois après ce funeste événement, Conan offrit ses voeux à Daréréa, soeur de saint Patrice, l'apôtre de l'Irlande : la mère de Daréréa était née dans les Gaules, et se trouvait proche parente de saint Martin, évêque de Tours, que Maxime avait appelé à son conseil. Les compagnons de Conan s'allièrent presque tous à des familles armoricaines.

Vers cette époque Maxime, qui avait passé en Italie pour conquérir l'Empire d'Occident, fut, à la suite d'une sanglante défaite, livré à Théodose par ses propres soldats et massacré impitoyablement. Conan, qui reconnut toute l'étendue de la perte qu'il venait de faire, obtint, par des soumissions peu importantes, le retour des troupes bretonnes qui avaient suivi son ami : elles revinrent en Armorique, et le roi de Bretagne, redoublant d'activité, renforça les garnisons qui protégeaient les limites de ses États.
Depuis longtemps Conan mûrissait dans son esprit une pensée dont l'exécution offrait de grandes difficultés, mais sur les conséquences de laquelle il fondait à juste titre l'affermissement du christianisme et de sa propre puissance il voulait anéantir sans retour et le polythéisme romain et le druidisme. A cet effet il réunit dans la ville de Rennes les états généraux de la Bretagne, selon les formes que les Armoricains avaient jadis affectionnées. Comme autrefois, il fut permis aux communautés des villes de se réunir et d'élire des députés. Mais trois cents ans s'étaient écoulés depuis les dernières assemblées, et la tradition des règles en usage dans les élections s'était même perdue. On eut recours aux druides, qui répondirent que tous les suffrages étaient égaux et libres; que le vote du dernier citoyen valait celui du roi lui-même, et que trois classes étaient appelées à former les états généraux, à savoir le peuple, les guerriers ou les nobles, et les prêtres. Conan déclara qu'on suivrait de point en point leur conseil, et, l'adoptant à la lettre, il ordonna que les prêtres chrétiens seraient éligibles, et que les évêques paraîtraient de droit dans l'assemblée comme le grand chef des druides. Le même privilège fut accordé aux prêtresses de l'île de Sène sur leur réclamation.

Tous les prêtres chrétiens qui se trouvaient alors dans la Bretagne furent choisis pour représenter les opinions religieuses : les druides, exclus par le vote, se virent réduits à quelques chefs de communauté.

Les états généraux s'ouvrirent, présidés par Conan. Il était revêtu de ses armes, portait l'épée au côté et tenait dans sa main une longue baguette blanche, ornée à son extrémité supérieure d'une fleur d'argent pareille à celle du lotus. Il s'assit, et ses plus vaillants capitaines se rangèrent autour de lui. Les évêques et leur clergé entrèrent ensuite, et furent suivis des druides avec leur chef; les vierges de l'île de Sène fermaient la marche; elles étaient au nombre de neuf.

La discussion fut vive et imposante : les bases des lois fondamentales du royaume et de l'administration générale y furent posées. La tradition n'a conservé qu'un faible souvenir de la plupart des points qu'on y traita.

Les druides furent ensuite écoutés, mais avec froideur; le règne de leur doctrine était passé, et ils comprirent que le christianisme les avait vaincus. Ils allaient se retirer prudemment et sans bruit, lorsque la grande prêtresse se répandit en invectives contre Conan, et proféra des paroles tellement séditieuses, que l'indignation gagna le coeur de toute l'assemblée. 

« Sortez, dit Conan aux druides et aux vierges de Sène; la patrie vous rejette : je vous retire ma protection. J'ai trop longtemps balancé entre les intérêts humains et ceux du Dieu que je sers. »
L'assemblée des états continua ses travaux, qui n'éprouvèrent désormais aucune interruption. Des décrets ordonnèrent la fermeture des colléges des druides, comme celle des temples païens, et il leur fut expressément défendu de se mêler davantage de l'éducation de la jeunesse, qui fut désormais confiée aux ministres de la religion chrétienne. La plupart des chefs qui avaient suivi Conan se convertirent à la religion chrétienne. Les Armoricains n'eurent pas besoin de cet exemple; le nombre des chrétiens surpassait déjà, dans les villes, celui des idôlatres et des païens à l'époque de l'invasion de Maxime. Les druides ne furent pas les derniers à reconnaître la vanité de le leurs doctrines, et Conan les accueillit avec bonté et avec honneur. Plusieurs se consacrèrent au service des autels, et achetèrent dans la retraite des jours sanctifiés par la prière.

Seules les prêtresses de l'île de Sène, avec quelques druides, protestaient, l'injure à la bouche, contre les prétendumment pacifiques conquêtes du christianisme, et prêchaient l'insurrection contre toute autorité. L'opinion publique poussa Conan à en faire justice, et leur destruction devenue nécessaire rendit la paix au pays, qu'elles avaient si longtemps tenu asservi dans le mensonge et les pratiques cruelles d'un culte sanglant.

Conan mourut peu de temps après avoir mis la dernière main à toutes les grandes réformes qui ont honoré son règne : il fut regretté de tous. On l'inhuma à Saint-Pol de Léon. Tous les souverains et les ducs de Bretagne se sont fait honneur de descendre de Conan Mériadec, ou Cyning-Murdoch. La généalogie d'Anne de Bretagne, deux fois reine de France, par ses mariages avec Charles VIII et avec Louis XII, prétendait déscendre de cette tige héroïque.

On a longtemps cru Conan le premier auteur de la  devise : 

« J'aime mieux mourir que de me souiller ». 
On rapportait que, débarquant sur les côtes de l'Armorique, il aperçut des hermines qui se réfugièrent sous son bouclier. Frappé par ce présage, qu'il jugea favorable, le conquérant aurait fait peindre un de ces petits animaux sur ce bouclier même, et aurait pris pour devise ces mots : Malo mori quam foedari.

A cela, comme l'a fort judicieusement dit un historien moderne, on ne voit qu'une difficulté : c'est que du temps de Conan on ne prenait pas de devise et qu'on n'avait pas d'armoiries. Leur usage ne date que des premières croisades. La Bretagne a pourtant gardé la devise dite de Conan, comme elle a longtemps cru à tout le reste de sa légende. (Ch. Barthélémy).

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