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La Révolution française
Le Tribunal Révolutionnaire
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Le Tribunal révolutionnaire a été un tribunal d'exception, institué par la Convention, le 10 mars 1793, sous le nom de tribunal criminel extraordinaire, puis dénommé révolutionnaire par décret du 29 octobre 1793. Contraire aux principes de 1789, cette institution, considérée par ses auteurs comme essentiellement temporaire, fut réclamée impérieusement par plusieurs sections, lorsqu'arrivèrent de Belgique les premières mauvaises nouvelles, que les intentions de Dumouriez commencèrent à être suspectées, et que les bons citoyens purent redouter le renouvellement des massacres de septembre. Formé d'un jury, d'un accusateur public et de deux substituts, tous nommés par la Convention. Il jugeait sans appel ni recours en cassation. 
Relevaient de sa compétance «  tous attentats contre la liberté, l'égalité, l'unité, l'indivisibilité de la République, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, et [...] tous complots tendant à rétablir la royauté ou à établir toute autorité attentatoire à la liberté, à l'égalité et à la souveraineté du peuple ». 
C'est Jeanbon-Saint-André qui en fit la proposition, et Danton qui enleva le vote. Le tribunal finit par comprendre jusqu'à 80 membres (juges ou jurés), toujours nommés par la Convention. Il fut présidé par Hermann, puis par Dumas. Fouquier-Tinville y remplit les fonctions d'accusateur public, sur le refus de Faure. Des historiens considèrent que le tribunal rendit de grands services à la Révolution et à la défense nationale. Mais il ne tarda pas à devenir l'instrument du comité de Salut public, puis du « triumvirat » de Robespierre, Couthon et Saint-Just. Il condamna à mort Charlotte Corday (17 juillet 1793), Marie-Antoinette (16 octobre), les Girondins (31 octobre), Mme Roland (8 novembre), J.-S. Bailly (11 novembre), Hébert et 20 hébertistes (24 mars 1794), Danton, Desmoulins et leurs amis (5 avril ), Madame Elisabeth, Philippe-Egalité, Malesherbes, Lavoisier; les généraux Custine, Houchard, Biron, Beauharnais, La Marlière; Chaumette; l'évêque constitutionnel Gobel; Lucile Desmoulins: en tout, 1220 victimes en treize mois, jusqu'à la loi du 22 prairial (Robespierre, et La Terreur), puis 1376 en quarante-neuf jours, depuis le 22 prairial jusqu'au 9 thermidor an Il. 
« Ce fut une boucherie de coupables et d'innocents », hommes, femmes, adolescents, prêtres réfractaires ou constitutionnels, ex-nobles, bourgeois, gens du peuple en très grand nombre : « boucherie digne de l'Ancien régime, digne de l'Inquisition, et à laquelle le succès de la défense nationale, alors assuré, ôte toute excuse aux yeux de l'historien.» (Aulard). 
La « commission » siégeant au Muséum, instituée par le décret du 24 floréal, divisait les détenus en trois catégories :
1°  ceux à élargir (un sur 80 environ);

2° ceux à déporter;

3° ceux à envoyer au tribunal révolutionnaire, c.-à-d. à la mort. 

Ces listes étaient ratifiées, en général sans modification, par les comités de Salut public et de Sûreté réunis, qui en prenaient ainsi la responsabilité. Dans les départements, de simples arrêtés pris par divers représentants en mission (Carrier, Lebon, etc.) transformèrent des tribunaux criminels ordinaires en tribunaux révolutionnaires supprimés le 3 floréal an II, ils furent remplacés par des commissions populaires, comme celles de Bordeaux, de Noirmoutier, d'Orange; celle-ci fit 332 victimes. Pas ou peu de procédure ou d'enquête; pas de défenseurs officieux; au lieu de preuves matérielles et de témoignages oraux, des preuves morales; une seule peine, la mort : telle est la loi du tribunal révolutionnaire. 
« L'acte d'accusation était signifié à l'accusé à dix heures du matin pour paraître au tribunal à onze heures ou midi; on était jugé à onze heures et le jugement exécuté avant quatre » (Beugnot). 
Sont réputés « ennemis du peuple », non seulement ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, trahi la République dans le commandement des places ou des armées, corrompu les mandataires du peuple, dilapidé les finances, trompé sur les fournitures; mais encore, griefs autrement vagues, ceux qui auront 
« cherché à empêcher les approvisionnements de Paris, favorisé l'impunité des conspirateurs et de l'aristocratie, calomnié le patriotisme, abusé des principes de la Révolution par des applications fausses et perfides », trompé le peuple ou ses représentants, semé le découragement, répandu de fausses nouvelles;

« ceux qui auront cherché à égarer l'opinion et à empêcher l'instruction du peuple, à dépraver les moeurs, à corrompre la conscience publique et altérer l'énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination. » (loi du 22 prairial). 

Le 9 thermidor, le tribunal envoie à l'échaufaud « la dernière charrette » (46 condamnés); le 10 et le 11, il fit exécuter Robespierre et ses complices. Le 14 seulement, Le Cointre demanda que la loi de prairial fût rapportée; il l'obtint, mais non sans objections ni discussion. Quant au tribunal, il est maintenu : Barère avait même fait, le 11 thermidor, l'éloge de « cette institution salutaire ». Seulement, il convenait d'en exclure les robespierristes. C'est ce qui eut lieu par le décret du 23, qui en fit un tribunal politique presque régulier, jugeant toutefois sans appel. Les « terroristes », qui à leur tour comparurent devant lui, Carrier, Fouquier-Tinville, eurent toute liberté pour leur défense. 
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Procès de Fouquier-Tinville.
Fouquier-Tinville jugé par le Tribunal révolutionnaire, le 1er floréal an III. (B. N.)

Il fut encore réformé par le décret du 8 nivôse an III. Après les journées de prairial, il ne fonctionna pas; on fit passer par les armes 24 insurgés, et c'est devant une cour martiale que comparurent les « derniers Montagnards ». Quelques jours après, le tribunal révolutionnaire fut supprimé (12 prairial an III). Il avait été «  aux yeux de l'Europe, le signe même et le principal moyen de la Terreur. On l'abolit donc, quand on eut traité avec une partie de l'Europe et qu'on se mit à négocier pour la pacification générale » (Aulard). 

Les commissions populaires furent « suspendues » indéfiniment et disparurent en fait. Le décret du 29 thermidor an III déclara même non avenus « les jugements rendus révolu. tionnairement depuis le 10 mars 1793 jusqu'au 8 nivôse an III  contre les personnes actuellement vivantes, portant peine afflictive ou infamante, détention ou emprisonnement. »  (H. Monin).

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