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La Révolution française
1790 : deuxième année de la Constituante
Aperçu Causes Constituante Législative Convention Directoire
Les provinces tenaient à leurs prérogatives; et la nouvelle organisation leur enlevait jusqu'à leur nom. Travaillées par les mécontents, elles protestent contre les résolutions de l'Assemblée constituante. Plus de deux mille députés viennent de toutes les parties du pays faire valoir à Paris leurs prétentions. Même on parle de guerre civile. Meunier, l'ancien président, essaie de soulever le Dauphiné, lui qui avait protesté par sa démission contre l'insurrection du 6 octobre. Les parlements de Rouen, de Metz (novembre 1789), de Rennes (décembre 1789, janvier 1790), de Bordeaux (mars, avril 1790), refusent d'accepter la suppression des chambres de vacations. Celui de Rennes s'entête à tel point que l'Assemblée rend, le 6 février 1790, un décret par lequel ses membres sont déchus des droits de citoyens actifs. Les états de Languedoc et de Bretagne protestent aussi. Les clameurs sont si violentes que l'Assemblée croit de son devoir d'adresser au pays une proclamation résumant ses travaux et expliquant ses actes où elle disait notamment que : 
« la nouvelle division du royaume pouvait seule effacer jusqu'aux dernières traces des anciens préjugés, substituer à l'amour-propre des provinces l'amour véritable de la patrie, asseoir les bases d'une bonne représentation et fixer à la fois les droits de chaque homme et de chaque canton en raison de leurs rapports avec la chose publique » (11 février 1790). 
Les mécontents n'ayant pas réussi de ce côté paraissent accepter la formation des départements; mais ils y envoient des agents, chargés de pousser les électeurs à demander de nouvelles nominations d'accord avec la nouvelle répartition territoriale. Ils échouent encore, car cette sorte de complot est dénoncé à la tribune. Sans se décourager ils changent de tactique, réclament hautement le renouvellement intégral de l'Assemblée. Ils s'appuient sur les voeux contenus dans les cahiers des États généraux, qui limitaient à un an le pouvoir des députés. Cette question donna lieu à une brillante discussion; à laquelle prirent part Le Chapelier, l'abbé Maury et Mirabeau qui, par un magnifique discours, amena les représentants à déclarer qu'ils ne se sépareraient pas avant d'avoir accompli leur oeuvre. 

En même temps, on profita de la proclamation de la liberté de la presse (20 janvier 1790) pour publier contre l'Assemblée un nombre considérable de pamphlets contre lesquels elle dut se défendre à coup de décrets (31 juillet, 1er août et 9 août 1790). 

Enfin on essaie de désorganiser l'armée que l'Assemblée s'attache en décrétant une augmentation de solde (5 et 6 juin 1790) et surtout en réglementant les grades et les conditions d'avancement, désormais indépendants des titres nobiliaires et du bon plaisir de la cour (9 février 1790). D'autre part, les émigrés, notamment le comte d'Artois et le prince de Condé, commencent à intriguer à l'étranger; mais sans grand succès encore, faute d'organisation.

Au milieu de ces intrigues dont nous avons dû faire un bref exposé sans tenir un compte rigoureux de l'ordre chronologique, l'Assemblée nationale continuait la discussion de la Constitution (janvier à mai 1790), abordait les réformes financières (janvier-avril), et, votant la loi martiale (22 février), réprimait les troubles qui depuis le 14 juillet 1789 n'avaient cessé de se produire tant à Paris qu'en province, où ils étaient excités tantôt par les meneurs anti-révolutionnaires, tantôt par les meneurs ultra-révolutionnaires. Elle avait enfin obtenu que le roi se rendit dans son soin et promit formellement qu'il défendrait et maintiendrait la liberté constitutionnelle (4 février 1790). Victorieuse sur tous les points, ayant répondu aux attaques de la noblesse par la suppression de la noblesse héréditaire, des titres et des armoiries (19 juin), elle songea à manifester par un signe visible, par une fête un peu théâtrale, mais qui devait, à ce titre, frapper fortement l'imagination du peuple, la rénovation sociale qu'elle avait provoquée, l'unité de patrie qu'elle croyait  - de très bonne foi - avoir fondée en remaniant l'ancienne division administrative.

La première idée de la fédération de tous les corps civils et de toutes les gardes nationales du royaume est due à la commune de Paris. Elle fut acceptée avec enthousiasme par l'Assemblée, sur la proposition de Bailly. Un décret du 9 juillet 1790 fixa, pour la fête nationale, la date anniversaire de la prise de la Bastille. Le 14 juillet 1790, en présence de quatorze mille représentants de la garde nationale des provinces, de douze mille représentants de l'armée de terre et de mer, de la garde nationale de Paris et d'une foule immense de spectateurs, les fédérés, l'Assemblée nationale, puis le roi, prêtent serment à la Constitution sur l'autel de la Patrie dressé au Champ-de-Mars. D'un bout à l'autre de la France, le même jour, le serment civique est prononcé, car au chef-lieu de chaque département, au chef-lieu de chaque district, on célèbre la fête de la Fédération.

Tous les historiens sont d'accord sur l'enthousiasme indescriptible qui, en ce moment, anima le peuple tout entier et qui gagna même les ennemis du nouvel ordre de choses. On croyait que la liberté, l'ordre, le progrès, le bonheur dépendaient de la constitution, et qu'une vie nouvelle allait commencer. On croyait aussi à la sincérité du roi. Malheureusement, la fédération ne fut qu'une trêve, fort courte, aux hostilités des partis.

Les menées des mécontents dont nous avons signalé plus haut le début reprennent, peu après le 14 juillet, avec plus de force et aussi plus de succès, car la désunion entre les partis s'affirme tous les jours; il y a encore des indécis, des hésitants, mais en moins grand nombre, et deux courants d'opinions commencent à se dessiner nettement pour ou contre la Révolution. Au célèbre club des Jacobins, on oppose le club Monarchique. Le Châtelet reprend contre Mirabeau et contre le duc d'Orléans, revenu d'Angleterre, la procédure jadis entamée sur les journées des 5 et 6 octobre dont on les accusait d'être les auteurs.

L'émigration prend des proportions inquiétantes, et les menées des émigrés à l'étranger produisent quelques résultats. Dès le 27 juillet 1790, Dubois-Crancé dénonce à l'Assemblée des mouvements suspects de troupes autrichiennes sur les frontières de France; le duc d'Aiguillon, dans la séance du 28, parle fort clairement des négociations qui existent entre l'Angleterre, la Savoie, l'Autriche et la Prusse pour appuyer les projets contraires à la Révolution. L'Assemblée décrète que le passage des troupes étrangères sur le territoire français ne doit être accordé qu'en vertu d'un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi, et de plus elle prend des dispositions pour armer les municipalités. Le ministère, de son côté, cherchait à entraver la marche de l'Assemblée. Necker notamment protestait contre les réformes financières, qu'il trouvait trop brusques et trop désordonnées. Il ne cessait d'envoyer à l'Assemblée des mémoires et des lettres dans lesquels il combattait la plupart de ses décrets et dont elle ne tenait aucun compte. Irrité de l'inutilité de ses efforts, ne pouvant se résigner à la perte de son ancienne influence et lassé aussi des insultes et des dénonciations des journaux, il donne sa démission et quitte Paris le 4 septembre 1790. L'Assemblée se félicite de son départ, qui laisse profondément indifférentes les provinces qu'il avait jadis traversées en triomphateur. Le 29 septembre, un député de la droite, Duval d'Espréménil, propose fort sérieusement le retour pur et simple à l'ancien ordre de choses. Charles de Lameth fait remarquer que cette proposition n'est pas seulement ridicule, mais qu'elle est en corrélation avec la recrudescence des menées antirévolutionnaires, et l'on décrète que le projet de Duval est « le produit d'une imagination en délire ». 

Pendant ce temps l'armée était travaillée par les deux partis. D'une part, les officiers, qui appartiennent à la noblesse, ne cachent pas leur préférence pour l'Ancien régime (le général de Bouillé notamment refuse longtemps de prêter le serment civique et tient son armée rigoureusement séparée des citoyens de peur qu'elle ne soit entachée de civisme); d'autre part les soldats, qui sont peuple, font cause commune avec le peuple, se défient de leurs officiers, les accusent de voler une partie de la solde, les menacent et les insultent. Il en résulte des révoltes dont quelques-unes sont fort graves (celle de Nancy, en août 1790, celle des marins à Brest, en septembre). L'Assemblée est forcée de prendre des mesures énergiques. Elle félicite Bouillé qui a réprimé l'insurrection de Nancy. Mais à Paris des attroupements se forment en faveur des soldats patriotes; on réclame la mise en accusation des ministres qui ont donné l'ordre de marcher sur Nancy. L'Assemblée résiste, mais elle est obligée de recourir à La Fayette et à la garde nationale pour dissiper les mécontents.

Les plus sérieuses difficultés furent causées par la déclaration de la Constitution civile du clergé (décrétée en juillet et sanctionnée le 20 décembre 1790). Elle amena dans l'Eglise un véritable schisme, le pape y ayant refusé son adhésion (10 juillet, 15 septembre 1790 et 13 avril 1791). Il y eut deux clergés, l'un constitutionnel, l'autre réfractaire. Les évêques et les curés destitués, pour n'avoir pas prêté le « serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi », refusèrent de quitter leurs fonctions et d'abandonner leurs diocèses où ils prêchèrent la désobéissance à l'Assemblée
et fomentèrent des troubles. Cette déclaration eut une autre conséquence. Elle blessa profondément les sentiments pieux de Louis XVI et de sa famille, et le décida à mettre à exécution le plan que lui avait jadis suggéré Mirabeau. Mais le peuple et l'Assemblée se défiaient, car il avait été déjà plusieurs fois question de la fuite du roi, et on le gardait pour ainsi dire à vue aux Tuileries. Une tentative, à main armée, pour enlever la famille royale pendant que La Fayette et la garde nationale réprimaient une émeute à Vincennes, fut déjouée. Le départ pour Rome des tantes de Louis XVI, Mme Marie-Adélaïde et Victoire-Louise, accrut encore les soupçons. (R. S.).

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