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Les
Peuls
sont un peuple important de l'Afrique
dans la région sénégambienne et soudanienne.
Il est désigné sous les noms les plus divers : Foulahs, Fellatahs, Fellans,
Fellanies, etc. La forme fondamentale du nom est Poul (d'origine ouolof),
qui signifie, « brun clair, rouge », pluriel Poulbé ou Foulbé.
L'origine des Peuls
a été très discutée. On a parfois vu en eux les Leuco-Oethiopes
de Ptolémée. D'un côté on les verrait bien
venir du Soudan central où on les découvre le plus anciennement sous
leur désignation actuelle. Mais d'un autre côté, ils parlent
une langue apparentée au Sérère et au Ouolof qui sont des populations
de la Guinée et de laSénégambie, c'est-à -dire du Soudan occidental.
En fait, les Peuls se définissent surtout par leur langue, le fufuldé,
et par leur mode de vie qui se centre sur l'élevage du boeuf à bosse
(zébu) et qui en fait peut-être les lointains dépositaires d'une ancienne
population paléo-saharienne. Quoi qu'il en soit, pour eux, l'élevage
du gros bétail n'a pas été une occupation accessoire; elle est devenue
en quelque sorte le principe de leur vie nationale. C'est grâce à leurs
troupeaux qu'ils ont pu vivre au sein de l'Afrique, errants ou vivant parmi
d'autres populations.
On les rencontrera
dans toutes la région où cet élevage est possible, dans toute la bande
sahélienne
entre la Sahara
au Nord et la forêt dense au Sud. Actuellement, l'aire d'expansion des
Peuls, majoritairement sédentarisés, va de l'Atlantique aux limites du
Darfour, de la lisière du Sahara à la
Centrafrique. On les trouve, avec une densité variable, dans les trois
grandes régions du Soudan occidental, de la Guinée septentrionale et
du Soudan central. Dans la région sénégambienne et en Guinée (Fouta-Djalon),
ils ont formé de longue date, pense-t-on, par métissage avec la population
locale, l'actuelle population des Toucouleurs, dont était issu,
El-Hadj Omar, fondateur au XIXe
siècle d'un royaume éphémère..
Morcelés en groupes hétérogènes, les
Peuls sont surtout liés par l'idée musulmane au service de laquelle ils
ont mis leur énergie conquérante. En fait, c'est au
XIIIe
et au XIVe
siècle que paraît avoir commencé la
conversion des Peuls à l'islam .
Et c'est surtout à partir du XVIIe
siècle, qu'ils ont commencé Ã
imposer leur pouvoir un peu partout au Soudan occidental. Faidherbe,
dresse de leurs conquêtes le tableau d'ensemble suivant :
1°
au début du XVIIIe siècle, fondation de l'État théocratique
du Fouta sénégalais;
2°
au XVIIIe siècle, fondation de l'État du Fouta-Djalon;
3°
à la fin du XVIIIe siècle, fondation du Bondou musulman;
4°
vers 1802, Othman, plus connu sous le nom de Dan Fodio, et son fils
Bello, fondent un vaste empire peul entre le Niger et le Tchad (royaumes
de Sokoto
et de Gando; 80 000 km²);
5°
au commencement du XIXe siècle, fondation d'un État peul le long
du Niger, entre Tombouctou et Ségou;
6°
de 1857 à 1891, El Hadj Omar, repoussé par Faidherbe du
Sénégal, soumet les puissants États du Kaarta et du Ségou;
7°
fin du XIXe siècle, fondation d'un nouvel État peul dans le Djolof
et le Cayor.
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L'expansion
des peuls
Quelle que soit l'origine
des Peuls, c'est vers le XIIIe
siècle que les auteurs du siècle suivant
(Chroniques de Kano ,
en particulier) placent les début de l'islamisation des Peuls et commencent
à les désigner sous ce nom. Ils les signalent dans royaume de
Kanem, qui s'étendait au Nord du lac Tchad jusqu'au Fezzan ,
à l'Est vers le Ouadai, à l'Ouest sur le Bornou .
Au XIVe siècle,
on en trouve dans le Bakhounou. Au XVIe
siècle, le chef peul Tenguella, qualifié
du titre d'ardo par ses compatriotes et de celui de silatigui
ou siratigui par les Mandingues, nomadisait du Termès au Kingui
(province de Diâra et de Nioro). Soutenu vraisemblablement par l'empereur
du Mali ,
il prêcha la révolte contre l'askia et fit la guerre au roi de Diâra
parce que celui-ci avait accepté la suzeraineté du Songhaï .
L'armée de l'askia, commandée par, son frère Amar, marcha contre Tenguella
et le poursuivit jusqu'à Diâra, où elle le défit et le tua en 1512.
Les bandes du chef peul se reformèrent sous le commandement de son
fils Koli, qui descendait, dit-on, par sa mère des empereurs mandingues.
On les trouve nomades et pasteurs guerroyant contre les rois du
Baghirmi : ce qui détermine leur émigration vers l'Adamaoua et le Ouassoulou
(Haut Niger) d'où ils conquièrent le Fouta-Djalon.
C'est de là que
Koli, à la tête de ses Peuls et de nombreux partisans mandingues, devait
partir un peu plus tard pour aller faire la conquête du Fouta-Toro sur
les derniers gouverneurs sarakollé dépendant de Diâra, y fonder un royaume
qu'il agrandit aux dépens du Kaniaga et de la partie orientale du Djolof
et y installer une dynastie peule et païenne, dite des Dénianké, qui
conserva le pouvoir de 1559Ã
1776.
Les princes de cette dynastie portaient, comme leur ancêtre Tenguella,
le titre de silatigui ou siratigui, devenu « siratique » dans les relations
des voyageurs français et satigui dans la langue du pays. Le mansa qui
régnait alors au Mali ,
Mamoudou II, avait imploré l'aide du roi Jean III de Portugal contre les
empiétements de Koli-Tenguella sur ce qu'il considérait encore comme
une partie de ses États; mais Jean III s'était contenté d'envoyer Ã
Mamoudou II, en 1534,
au lieu d'une armée, un simple ambassadeur nommé Peros Fernandez.
Au XVIIe
siècle, se forme l'État peul du Toro, bientôt maître des
deux rives du Sénégal; au XVIIIe
siècle, la tribu métisse des Torobé impose aux autres la
foi musulmane; vers le même moment, celle-ci prévalait au Fouta-Djalon
et y instituait une véritable théocratie. Stimulés par le prosélytisme
religieux, les Peuls subjugent jusqu'à l'Océan la plupart des tribus
malinké du groupe mandé et les convertissent ; ils fondent les nouveaux
États de Houbous, entre le Fouta-Djalon et le Komanko, et de Firdou, entre
la Gambie et le rio Grande.
Sur le Moyen Niger, un marabout, Othman-dan-Fodié
(Usman Dan Fodio), groupe les pasteurs peuls,
conquiert le Kano ,
le Gouber, tout le pays haoussa, le Noupé, le Yoruba et pénètre jusqu'au
golfe du Bénin; le Sokoto ,
le Bornou à l'Est, le Gando à l'Ouest, sont annexés à ce nouvel empire
peul qui s'étend, à la mort d'Othman (1816),
du lac Tchad aux monts Hombori et du Sahara
au delta du Niger. Son fils Mohammed Bello garde le Haoussa, laissant Ã
son cousin Mohammed ben-Abdallah les pays occidentaux; il agrandit Sokoto
fondée par son père, organise une armée, une administration; cependant
le Noupé, le Yauri se détachent; le roi du Bornou
rejette sa suzeraineté. Après la mort de Mohammed Bello, les pays du
Niger se sont aussi détachés, mais tout en reconnaissant la suzeraineté
nominale, au moins religieuse, des sultans du Sokoto. Celle-ci a même
été admise par les sultans de Gando, successeurs de Mohammed ben-Abdallah;
le Borgou, leYoruba, le Kebbi ont recouvré leur autonomie, et vers l'Ouest
les progrès des Peuls ont été arrêtés par les Mossi .
Derrière ceux-ci était le royaume des Bambara de Ségou; à la mort de
leur roi Ngolo, les Peuls du Nord se soulevèrent, appelant à eux tous
les sujets musulmans et leurs frères de l'Est; un lieutenant d'Othman
dan-Fodié fonda un royaume peul dans le Macina
septentrional; ce chef, Abmadou-Ahmed-Lebbo (mort en 1846),
réussit au bout d'une quinzaine d'années à soumettre tout le Macina
(1822) et fut même un instant maître
de Tombouctou; sa capitale était Hamdallahi.
La fondation du dernier empire peul est
encore plus directement associée à la propagande islamique .
La renaissance religieuse, due au développement des croyances mystiques
et hagiologiques répandues à la fin du XVIIIe
siècle de l'Orient dans l'Afrique occidentale, religieuses
eut pour principaux organes deux grandes confréries : les Qadriya (Kadariyya),
qui représentent le groupe arabo-berbère et
la tendance pacifique; les
Tidjaniya (Tidjaniyya), qui représentent
le groupe peul et le prosélytisme à main armée. Plus que les autres,
les Peuls réduisent à la condition de classe inférieure et sujette la
masse des populations demeurée attachées aux religions traditionnelles;
l'antagonisme est plus marqué dans la zone méridionale où ils opèrent
que dans la zone plus septentrionale qui est le centre d'action des Maures
et des Arabo-Berbères, lesquels se manifestent plus volontiers comme commerçants.
Le
royaume toucouleur d'El-Hadj Omar
Les Qadriya sont divisés en trois groupes
principaux : les Bekkaya, disciples de Sid-Ahmed-el-Bekkay, prépondérants
à Tombouctou et chez les Aouelimmiden;
les Fadeliya, disciples de Mohammed el-Fadel, qui ont rayonné de l'Adrar
des Lemtouna (ou occidental); les Othmamya, répandus chez les Peuls du
Sokoto
et de là jusqu'au Lagos et à Kong. Les Tidjaniya ont eu pour chef le
fameux El-Hadj Omar, un toucouleur né à Aloar, dans la province de Podor,
vers 1797, mais
dont l'histoire participe d'événements qui s'étaient déroulés un peu
plus tôt. C'est en 1776, que
s'était produit en effet dans le Fouta-Toro une révolution qui devait
donner un regain puissant à l'islamisation des peuples sénégalais. Les
Toucouleurs ( qui sont sans doute une composante peule anciennement sédentarisée
et métissée), en majorité musulmans depuis six siècles, triomphèrent
des Peuls proprement dit, païens et nomades; l'imam ou almâmi Abdoulkader
remporta une victoire définitive sur Soulé-Boubou, le dernier prince
de la dynastie dénianké fondée par Koli, et établit au Fouta-Toro un
État théocratique, à monarchie élective, qui devait durer jusqu'en
1881,
date de l'annexion de ce pays à la colonie française du Sénégal.
Omar Saïdou Tall, qui allait s'emparer
en l'espace de huit ans de trois puissants États, et que l'on connaîtrait
sous le nom d'El-Hadj Omar, était un Toucouleur de la caste des Torodo,
laquelle avait dirigé le mouvement de révolte contre les Dénianké.
il entreprit dans les années 1820
de se rendre à La Mecque, où il se fit recevoir
dans la confrérie des Tidjania (1828-31)
et investir du titre de « calife » de cette
confrérie
pour le Soudan; à son retour, il séjourna auprès du Kanémi, maître
du Bornou ,
de Mohammed Bello (1833), empereur
toucouleur de Sokoto, et de Sékou-Hamadou, roi peul du Macina (1838)
au centre musulman de Kankan, et en 1840
au Fouta-Djalon et, en 1848, s'établit
à Dinguiraye, où il s'occupa activement de se constituer, une armée
avec laquelle il fonda, au profit d'un autre disciple, le royaume peul
du Firdou, au Sud de la Gambie; puis souleva les musulmans du Ripp au Nord
de ce fleuve, et de là vint, en prophète pacifique, à son pays natal
près de Podor (1846); il sut gagner
la faveur des fonctionnaires français, s'enrichit des dons des fidèles,
recruta des adhérents et, après un nouveau séjour au Fouta-Djalon, reprit
la guerre sainte. El-Hadj Omar se bâtit une citadelle à Dinguiray
(1849) sur le Tinkisso, détruisit
le royaume de Tamba, soumit le pays djallonké, le Ménien,
la vallée du Bafing, écrasa les Bambara du Kaarta après des luttes acharnées
(1854-55), puis ne tarda pas à soumettre
le Manding
à son autorité, s'empara du Bambouk, puis, sous prétexte de convertir
les Bambara, qui étaient toujours demeurés païens, il marcha contre
les Massassi et entra en vainqueur à Nioro (1854).
Après avoir fait à Hamadou-Hamadou, alors
roi du Macina, et à Touroukoro-Mari, bambara de Ségou, des propositions
d'alliance qui furent repoussées, il se tourna contre le Khasso et, de
son nouveau camp de Nioro, vint, le 20 avril 1857,
assiéger Médine, capitale de cet État, avec une vingtaine de mille hommes.
Le siège fut soutenu pendant trois mois, avec une rare vaillance, par
Diouka-Sambala, roi du Khasso, et le mulâtre français Paul Holle, commandant
du fort que la France possédait en cette localité ( La
Conquête française du Soudan ).
Le gouverneur Faidherbe arriva le 18, juillet
avec des renforts et mit en fuite El-Hadj Omar, qui demeura néanmoins
maître du Fouta sénégalais (Toro), et conquit le Beledougou (1859).
La même année, il passa dans le Boundou et attaqua vainement en 1859
le poste français de Matam où il retrouva en face de lui Paul Holle,
retourna à Nioro, marcha contre le Bélédougou et, après toute une série
de combats contre les Bambara et les Peuls, s'empara de Ségou le 10 mars
1861.
Sans se reposer, il se tourna contre les Peuls du Macina, alliés aux Bambara,
qui avaient été vaincus avec eux. El-Hadj Omar les poursuivit, emporta
leur capitale Hamdallahi et fit couper la tête au roi du Macina
(1862). Cette conquête du Macina,
suivie de la soumission de Tombouctou,
marque l'apogée de l'empire du chef tidiane; mais l'hostilité des Qadriva
ne tarda pas à l'abattre; ils amenèrent à la rescousse les berbères
du Nord, les Kountah, soulevèrent les Bambara; séparé de son fils Ahmadou
qu'il avait laissé à Ségou, El-Hadj Omar fut battu, assiégé
dans Hamdallahi; il s'échappa, mais fut enfumé dans un grotte par les
Bekkaya, ses adversaires religieux (septembre 1864).
Un empire fondé dans de pareilles conditions,
et n'ayant même pas comme base le pays d'origine de son fondateur, ne
pouvait pas durer. El-Hadj Omar avait laissé, dans chacun des royaumes
conquis par lui, un de ses fils ou de ses parents comme gouverneur; tous
se jalousaient ou ne s'accordaient que pour jalouser l'un d'eux, Ahmadou,
qui était installé à Ségou et prétendait au commandement suprême.
La lutte continua entre les Bekkaya et Tidiani, neveu du prophète, qui
se maintint dans le Macina, Ã Bandiagara, jusqu'Ã sa mort (1887);
le principal héritier d'El-Hadj Omar fut son fils Ahmadou Cheikhou, lequel
demeura maître de Ségou, de Nioro, de Koniakary et Dinguiray, les diverses
places fortes de son père, mais vit bientôt son pouvoir effectif réduit
au pays de Ségou et au Kaarta. De fait, les peuples opprimés par El-Hadj,
ses fils et ses bandes saisissaient toutes les occasions de se révolter
contre un joug détesté; païens et musulmans s'unissaient contre le despotisme
cruel d'Ahmadou et de ses frères. Aussi les troupes françaises purent-elles
profiter de ce chaos pour s'imposer. Le lieutenant-colonel Archinard entrait
à Ségou le 6 avril 1890; devenu colonel,
il occupait Nioro le ler janvier 1891
et, promu général, il enlevait, le 29 avril 1893,
la ville de Bandiagara, dont les Toucouleurs avaient fait leur capitale
au Macina. La domination française avait succédé à l'aventure toucouleure.
(Delafosse
/ GE). |
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