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L'histoire de l'Elam
L'Elam est une contrée de l'ancienne Perse, sur les deux rives du Choaspe, au Sud-Ouest de l'Iran moderne, où a existé, dès le IVe millénaire avant notre ère un royaume qui rivalise, au cours du millénaire suivant, avec les puissances babylonienne et assyrienne. Le pays d'Elam comprenait des populations d'origines très différentes : des Sémites, des Perses; des Touraniens et des Cusites, qui figurent dans les textes sous le nom de Kassu qui se confondait avec les Sémites. Chacun donnait au pays un nom, et une certaine confusion a longtemps régné entre les diverses appellations. Le mot Elam est la forme hébraïque du mot babylonien' Ilamtou (= le haut pays), que portait la région située à l'orient du Tigre inférieur. Etymologiquement, le pays d'Elam est le pays de l'Orient ou « ce qui est en avant », et est le nom dont se servaient les Assyriens d'abord, semble-t-il, pour désigner les premiers ressauts du Zagros, avant d'étendre cette dénomination à l'ensemble des régions qui occupaient l'espace compris entre le Tigre, le Zagros, le cours supérieur de la Dialah, le rebord sud-ouest du plateau iranien. Ils l'appelaient aussi Ansân ou Anzân, terme quelquefois réservé à une province spéciale de la contrée. Les Grecs transcrivirent le nom d'Elam sous la forme Elymaïs (Elymaïde), mais ils la désignaient plus souvent par le nom de Susiane, d'après sa capitale, Suse, dont le nom lui-même dérivait de Susinak, terme par lequel les Touraniens identifiaient  le pays.  Ils lui donnaient aussi le nom d'Apparti ou Hapirti. Quant aux Perses, ils  l'appelaient Uvâza  (Khouzistan, de nos jours).

Le terme sumérien du pays était Nimma, mot qui exprime également la contrée du levant. Il est possible que ce mot, qui se rencontre dans les textes de la Susiane sous le nom de Nima, soit identique à celui de Nimrod qui, dans la Bible (Genèse, X), est l'expression de tout le pays généralement désigné par le mot d'Elam. Le terme spécialement réservé aux Sémites était Kassu ou Kalzu, d'où le mot Kissie a tiré son appellation. Pour les Assyriens, la Cissie était le pays sémite; la langue sémitique était la langue cissienne, tandis qu'ils étendaient le mot sémitique d'Elam pour indiquer tout le pays gouverné par des chefs touraniens, et ils employaient le mot de langue élamite pour désigner l'idiome touranien des Suso-Mèdes.

Le nom de Kassu semble même être le nom indigène des Elamites sémitiques, et c'est sous ce nom que tout ce pays a été primitivement connu des Grecs qui l'appelaient Cissie. C'est le nom sémitique indigène du pays et du peuple des Cissiens, non pas Cosséens, par lequel on l'a parfois remplacé par erreur. Il ne paraît pas que le nom d'Elam ait jamais été le nom employé par les habitants.-

Jalons chronologiques

Les traditions et les monuments de la Chaldée nous montrent que l'Elam jouait un rôle prépondérant dans l'histoire de l'Asie, dès le IVe millénaire avant notre
ère. D'après la légende de Gilgamesh, un Khoumbala, avait conquis Uruk et les villes du Bas-Euphrate aux temps mythiques. Le royaume élamite était un état féodal, divisé en principautés dont les principales étaient celle d'Anzân ou Anshân : celle que les Babyloniens appelaient plus particulièrement Ilamtou; celle des Harbadip : les Amardes de l'époque saïte; des Khoussi : les Ouxïï des géographes gréco-romains dans le Khouzistan actuel actuel, des Nimmé : chacune avait sa dynastie était indépendante, mais le plus souvent relevait de la dynastie d'Anzân. L'Anzân, et par suite l'empire entier, avait pour capitale Shoushîn (ou Shoushouna), la Suse actuelle, sur l'Ouknou; mais, plus haut, sur le fleuve, on rencontrait Madaktou : la Badaka des auteurs classiques.

Dès le IVe millénaire avant notre ère, les rois d'Anzân conquirent la Mésopotamie, puis la Syrie entière, presque jusqu'aux confins de l'Egypte. Le premier d'entre eux dont nous connaissions les exploits, Koudour Nakhounta Ier, prit Ur et Babylone. Après lui, Koudouriazamar conduisit jusqu'aux pays du Jourdain une razzia, au cours de laquelle, d'après la tradition hébraïque, il serait entré en contact avec le patriarche Abraham et avec Loth; puis Koudourmabouk établit son fils Rîmakou, peut-être l'Ariokh de la Bible, roi à Ishîn et à Larsam.

La grandeur soudaine de Babylone arrêta ce développement de la puissance élamite vers le milieu du XXIIe siècle avant notre ère, et les victoires de Hammourabi refoulèrent les rois de Suse sur la rive droite du Tigre. L'Elam, déchu désormais, ne cessa pas, cependant, de prétendre à la suzeraineté de la Mésopotamie. Un groupe de rois susiens paraît avoir été fort actif, du XIVe au XIIe siècle. Ils arrachèrent de nombreux territoires aux Cosséens, et aux Babyloniens tous les cantons situés sur la rive droite du Tigre jusqu'au Namar. Nabuchodonosor Ier délivra Babylone et reconquit la Chaldée entière et le Namars, mais les hostilités continuèrent avec de rares intervalles de répit; et, si les Elamites ne réussirent pas à s'emparer définitivement de Babylone, du XIe au VIIe siècle avant notre ère, la faute en fut à leurs discordes intestines.

L'Elam devint pourtant comme le suzerain de la Babylonie vers le milieu du VIIe siècle, lorsque la réunion du royaume babylonien au royaume de Téglathphalasar le mit en collision pendant un siècle avec l'Assyrie. Les rois de ce dernier pays, Sargon, Sennachérib, Assarhaddon, Assurbanipal bataillèrent presque sans interruption contre les rois d'Elam, de 742 à 647. Le dernier souverain élamite, Khoumbânkhaldash III, ne put empêcher Suse d'être prise, puis pillée par Assurbanipal, vers 613, et cette catastrophe marqua la ruine du vieil empire susien; Khoumbânkhaldash tint la campagne quelque temps encore, et plusieurs chefs élamites se défendirent dans la montagne, mais tous leurs efforts furent vains et l'Elam se trouva réduit en province assyrienne. Ce ne fut pas pour longtemps : bientôt les Perses l'envahirent et en occupèrent la presque totalité, si bien que leurs rois, jusqu'au grand Cyrus, portèrent le titre de "roi d'Anzân". 

Le pays d'Elam se révolta plusieurs fois pour recouvrer son ancienne indépendance sous Darius Ier. Mais, depuis que les rois achéménides avaient établi leur siège d'habitation à Suse, ces velléités nationales cessèrent, et la Susiane ou l'Elam s'identifia avec la politique de la Perse. Par la suite, l'Elam ne sera plus qu'une province des empires qui se succédèrent en Asie. Seules, les populations montagnardes indisciplinées, vivant de rapines, comme les Uxiens, les Amardes, les Cosséens et d'autres, jouirent encore durablement d'une indépendance complète, que les conquérants macédoniens seuls réussirent à détruire pour quelque temps. Mais, en fait, jusqu'au XXe siècle, ces mêmes contrées, le Luristan, le pays des Bakhtiyari ont continué de profiter d'une sorte d'immunité, comme anciennement sous les rois de Perse et d'Elam. (NLI / J. Oppert).

La religion élamite

Le peu que nous connaissons de la religion nous transporte dans un monde de formes et de noms étranges : Shoumoudou, Lagamar, Partikira, Ammankasibar, Oudourân, Shapak, Aîpaksina, Bilala, Panintimri, Kindakarpou. Mais la civilisation élamite s'apparentait étroitement à celle du pays de Sumer et tout porte à penser qu'elle s'identifiait presque entièrement avec elle sous le rapport religieux. 

A défaut d'une communauté d'origine, cette analogie étroite s'explique aisément par les simples relations de voisinage. Comme chez les Sumériens, la religion primitive des Élamites fut de caractère naturaliste. On vénérait les arbres, les plantes, les rochers, les animaux. Les astres avaient aussi leur place dans cette adoration. Les monuments figurés de la Susiane nous ont conservé de multiples représentations d'astres, de végétaux, d'oiseaux, d'animaux, particulièrement de capridés, qui semblent avoir tenu, comme divinités de la végétation, un rôle analogue à celui qui, dans la plaine mésopotamienne, était dévolu au taureau.

Les serpents, notamment les serpents enlacés, les aigles aux ailes éployées reviennent fréquemment comme symboles ou attributs de la divinité. Parmi ces attributs, dont la seule représentation suffit aux âges primitifs pour évoquer chez le fidèle l'idée du dieu, il faut mentionner un fer de lance de forme triangulaire monté sur une tige. On s'accorde à y voir une représentation de l'arme distinctive du Mardouk, le marrou, ou marre.

Le deuxième stade dans la représentation des dieux se marque, en Élam comme en Sumer, par l'apparition des dieux zoomorphes lions à tête humaine principalement. Cette forme subsistera plus tard, réservée alors aux génies inférieurs.

Avec la conception anthropomorphique, qui couronne cette évolution, les dieux perdent enfin leur anonymat, sans que nous soyons, toutefois, beaucoup plus renseignés sur leur nature, leur caractère et leurs attributions.

La principale divinité des Élamites était In-Shoushinak, « le Susien », qui n'était pas seulement, comme son nom semble l'indiquer, le dieu propre de Suse, mais était considéré encore comme le « Souverain des dieux », le « Maître du ciel et de la terre le Constructeur de l'univers ». Ce sont là les titres que l'on donnait en Babylonie aux dieux suprêmes. Il est à remarquer que le nom que porte le dieu est simplement un qualificatif d'origine et nullement un nom individuel. Il est probable que les Élamites ne voulaient pas révéler le vrai nom de leur dieu, lequel demeurait « l'ineffable ». Ce scrupule se retrouve d'ailleurs chez les Akkadiens, qui désignaient leur dieu suprême du nom de Bel, « seigneur  », et chez les Syro-Phéniciens, dont le Baal veut dire également le « maître ».

Il est donc assez malaisé d'identifier exactement In-Shoushinak. On s'accorde généralement à voir en lui l'équivalent élamite de Nin-Ourta, « le champion des dieux célestes ou même d'Adad, le dieu de l'éclair et de la tempête. N'oublions pas que ces deux divinités, à côté de leur aspect terrible, étaient aussi regardées comme les dieux de la pluie qui féconde et de la crue bienfaisante, par suite comme des dieux de la fertilité. In-Shoushinak devait sans doute réunir aussi cette double nature.

Déesse élamite  (bas-relief).
Nah-Hounté.

Parmi les autres divinités qui peuplent le panthéon élamite et pour lesquelles nous sommes contraints à une simple énumération, car nous ne savons guère que leurs noms, nous pouvons citer la déesse Kiririsha, la déesse souveraine; elle avait pour époux le dieu Khoumban, que l'on identifie avec le Mardouk babylonien. On trouve encore Lagamal, qualifié de fils d'Êa; Nah-Hounté (ou Nakhounta), le soleil, qui, pareil à Shamash, était à la fois le dieu de la lumière et celui de la justice; Teshoup, dieu de la tempête, qui fut d'ailleurs adoré dans toute l'Asie occidentale; Narouti, que nous ne connaissons que par une offrande que lui présenta l'ishakkou de Suse; Arkhou, divinité d'origine vannique.

A ces divinités nationales s'adjoignirent, par la suite, les dieux et déesses des pays de Sumer et d'Akkad, qui furent imposés à l'Élam, lorsque ce pays subit l'hégémonie des souverains d'Agadé (Akkad), d'Ur et de Lagash, ou qui, au contraire, furent librement introduits, lorsque les Élamites étendirent leur domination sur la Babylonie.
 

Ces apports achevèrent l'assimilation de la religion élamite et de la religion assyro-babylonienne, qui comportèrent désormais les mêmes croyances et les mêmes pratiques. (F. Guirand).

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