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L'histoire de la Colombie
Aperçu Les Chibchas* Du XVIe au XVIIIe s. 1809-1831 1831-1861 1861-1903
La conquête par les espagnols

Quand les Européens abordèrent pour la première fois les contrées qui composent aujourd'hui la Colombie, ils trouvèrent les plaines couvertes de forêts et entrecoupées de rivières, et peu peuplées : des populations errantes, séparées par la différence du langage et des moeurs, vivaient éparses le long des côtes de la mer, des bouches et des rives de l'Orénoque; chacune de ces populations portait le nom de nation, quoique souvent le nombre des individus qui la formaient fût à peine de 1000, et que rarement il passât 10000.

Christophe Colomb découvrit ces contrées en 1498. Après avoir reconnu le golfe de Paria, il longea la côte jusqu'à la pointe d'Araya, puis il fit voile au nord. Ojeda et Amérigo Vespucci suivirent la découverte en 1499, et allèrent jusqu'au cap de la Vela. Des navires espagnols vinrent ensuite échanger à cette côte des bagatelles contre de l'or, des perles, du brésillet, etc.; mais en allant plus loin, à l'ouest, ils rencontrèrent à leur grand étonnement des indiens disposés à leur enlever ce qu'ils avaient. En 1510, Ojeda et Nicuessa découvrirent les côtes du golfe de Darien. La même année, Balboa s'avança dans l'intérieur de ces pays : en 1513, il franchit le premier l'isthme de Panama. Cependant les Espagnols formaient des établissements sur les côtes; ils y bâtissaient des villes; ils exterminaient les Indiens qui leur résistaient, et réduisaient en esclavage tous ceux qui échappaient au massacre : une loi de Charles-Quint les y autorisait. Les crimes commis par la nuée de brigands que l'avidité du pillage attirait dans ces pays malheureux, devinrent si grands et si nombreux qu'ils parvinrent jusqu'à l'administration de Saint-Domingue : en 1527, elle envoya Jean Ampues pour mettre un terme à ces atrocités.

Des missionnaires étaient déjà venus pour prêcher l'Évangile aux Indiens; les militaires, dont ils ne partageaient pas les excès, les avaient contrariés dans leur projet; les religieux furent égorgés par les Indiens par un effet de la haine qu'on portait aux Espagnols. En 1520, Las Casas, qui s'est immortalisé par son zèle persévérant à défendre les Indiens, arriva pour la première fois sur la côte de Cumana, pour y fonder une colonie de cultivateurs; ceux-ci furent égorgés pendant son absence. Ampues parvint à rétablir l'ordre, en se déclarant le protecteur des opprimés; par malheur, la province de Venezuela venait d'être cédée par Charles-Quint aux Welzers, négociants d'Augsbourg, en paiement de sommes qu'il leur devait. La férocité des agents de ces Allemands, venus en 1528, surpassa celle des Espagnols. Enfin, les Welzers furent dépossédés en 1545; l'oppression des Indiens cessa; ils furent déclarés libres, sans même excepter ceux qui seraient pris les armes à la main. Mais, persuadés par une triste expérience que les Européens n'avaient d'autre intention que celle de les exterminer, ils ne voulurent pas écouter la voie de la persuasion pour se ranger sous les lois des Espagnols; ceux-ci, réduits au parti de renoncer au pays ou de se l'approprier par la force, adoptèrent ce dernier moyen. Tous les Indiens défendirent leur territoire avec une ténacité dont on ne les croyait pas capables. Les Espagnols soumirent successivement la plus grande partie de ces contrées; mais ils ne parvinrent à fonder le plus petit établissement qu'après avoir combattu la population qui occupait le terrain. Celles qui se réfugièrent dans les forêts de l'Orénoque réussirent à conserver leur liberté.

De même que dans le reste de l'Amérique, les Espagnols qui parvinrent, en 1537, des rives du Magdalena aux plaines élevées du Bogota, furent frappés du contraste qu'ils observèrent entre  la situation précaire des populations éparses qui habitaient les régions chaudes voisines de l'embouchure de ce fleuve, et la solide organisation des peuples montagnards. Ceux-ci étaient distribués par communes, cultivaient la terre, fabriquaient des toiles de coton qui formaient leur vêtement. Quoique le sol fût peu fertile, les champs offraient partout de riches moissons de maïs, de quinoa, et de turmas ou pommes de terre. Quatre nations, les Muyscas (Chibchas), les Guanes, les Muzos et les Colimas, vivaient sur le plateau de Cundinamarca : celle des Muyscas ou Mozcas paraît avoir été la plus nombreuse. 

Le pays de Cundinamarca fut conquis par Gonçalo Ximenez de Quesada. Enflammé par les récits d'un grand nombre d'indiens qui, en lui montrant le sud, lui assuraient qu'ils trouverait dans cette direction un empire riche et puissant, il partit, au mois d'avril 1536, à la tête de 620 fantassins et de 85 cavaliers. Ce ne fut qu'avec des peines infinies que ses bateaux, légers et mal construits, purent remonter le Magdalena. Un grand nombre de ses compagnons périrent de fatigue et de misère. Enfin il réussit dans son entreprise, fut vainqueur dans tous les combats qu'il livra aux Indiens, et reconnut qu'on ne l'avait pas abusé, par ce qu'on lui avait raconté de la richesse de Cundinamarca. Les Indiens se défendirent avec un courage que les armes à feu de leurs ennemis rendirent inutile; en un an, la conquête fut achevée.

Au moment où elle se terminait, Benalcazar, un des lieutenants de Pizarro, ayant soumis Quito, Pasto, Popayan et la vallée du Cauca, passa le Quindiu et le Magdalena, et arriva dans la plaine de Bogota. Quito avait précédemment formé un État indépendant : les Incas du Pérou s'en étaient emparés depuis un demi-siècle.

Pour remplacer les Indiens, qui avaient disparu dans les plaines du Venezuela, les Espagnols y amenèrent des esclaves Noirs d'Afrique. Il n'en était pas de même dans les montagnes; aucun Indien n'y périt accablé par la fatigue : la population indienne, bien loin de diminuer, s'y accrut considérablement, parce que la paix régna constamment dans ces contrées élevées.

La Vice-Royauté de Nouvelle-Grenade

Le pays reçut le nom de Nouvelle-Grenade, et dépendit du Pérou. En 1718, il fut érigé en vice-royauté; en 1731, les provinces de Venezuela, qui avaient appartenu au gouvernement de Saint-Domingue, en furent distraites et placées sous l'autorité d'un capitaine général résidant à Caracas.

Rien n'avait altéré la tranquillité intérieure dont ces contrées jouissaient depuis que l'Espagne les possédait, lorsque tout à coup le Socorro, province de la Nouvelle-Grenade, se souleva en 1781, au sujet de l'impôt de l'alcavala. Les rebelles s'avancèrent jusqu'aux portes de Bogota; des troupes marchèrent contre eux. L'archevêque employa la persuasion pour apaiser le mouvement : il y parvint. Le Socorro fut pacifié; sa population fut décimée par le gouvernement espagnol; il envoya un grand nombre d'habitants périr dans les cantons insalubres de la côte.

Les fondements de l'empire espagnol étaient ébranlés en Amérique. La révolution des États-Unis leur donna une nouvelle secousse; les esprits commençaient à s'agiter; on montrait secrètement de la prédilection pour le gouvernement républicain. La commotion se fit de nouveau sentir à la nouvelle de la révolution de France. En 1794, la Déclaration des droits de l'homme fut imprimée à Santa Fé (Bogota) : le gouvernement comprima bientôt ce mouvement. Les exemplaires de l'ouvrage furent brûlés; les traducteurs, jeunes encore, furent envoyés en Espagne les fers aux pieds.

En 1796, la ville de Caracas montra une telle indignation contre une mesure de police ordonnée par l'audience, que le gouverneur général, pour empêcher le tumulte, prit le sage parti de faire droit aux réclamations du peuple.

En 1797, trois prisonniers d'État condamnés en Espagne, pour des délits révolutionnaires, à être enfermés à perpétuité dans les casemates de la citadelle de la Guayra, parvinrent à ourdir une conspiration qui avait pour but de renverser le gouvernement. Ils s'enfuirent; plusieurs conjurés furent punis.

L'indépendance

Il s'était fait dans les idées une révolution dont les suites ne seraient de longtemps devenues funestes pour la métropole, si le ministère n'avait continué à froisser tous les intérêts et à contrarier tous les voeux; on désirait un avenir plus heureux. Cette disposition des esprits n'annonçait pourtant rien d'hostile; car en 1806la tentative de Miranda, soudoyé par le ministère britannique, n'aboutit qu'à  la prise de quelques places qui furent bientôt rendues aux Espagnols.

La nouvelle de l'emprisonnement de Ferdinand, roi d'Espagne, en 1808, produisit l'événement qui, tôt ou tard, devait arriver. Des agents du nouveau roi arrivèrent d'Europe à Caracas, et exigèrent en son nom le serment de fidélité; on ne leur répondit que par les cris de vive Ferdinand! Quito proclama l'indépendance en 1809; l'élan ne fut arrété qu'avec beaucoup de difficulté. Cette ville se souleva encore la première en 1810; ce mouvement n'influa pas sur le reste du pays haut. A Caracas, un manifeste, publié le 19 avril 1810, annonça le projet de mettre ce pays à couvert des projets de la France et de la junte centrale d'Espagne, et de soutenir Ferdinand VII. Le 23 juillet, on courut aux armes à Santa Fé, sous le prétexte que les troupes de Napoléon menaçaient la Nouvelle-Grenade; une junte déclara que l'on reconnaissait Ferdinand VII pour souverain de Cundinamarca; rappeler cet ancien nom était déjà indiquer que l'on voulait un nouvel ordre de choses. 

Le vice-roi fût arrêté; on l'accusait d'avoir voulu vendre l'Amérique à Napoléon; il fut envoyé à Carthagène. Les habitants de Caracas, invités par ceux de Cundinamarca à faire cause commune, répondirent qu'ils ne reconnaîtraient jamais de rois, et ne se soumettraient qu'au gouvernement établi par leurs représentants. Le congrès qui avait succédé à la junte suprême, le 2 mars 1811 , déclara l'indépendance de Venezuela, le 5 juillet. Ce congrès tint ses séances à Valencia , dans les vallées d'Aragua, en mars 1812.

Cependant les Espagnols conservaient des forces dans le pays. Les progrès de leurs troupes furent hâtés par un tremblement de terre qui renversa Caracas, le 26 mars 1812. Le peuple vit dans cet événement affreux la main de la Providence punissant la révolte. Monteverde réussit sans effort, en août, à reconquérir Venezuela pour la métropole. Miranda, qui était revenu à Caracas, et qui avait obtenu le commandement de l'armée, fut constamment battu. Une capitulation, signée dans les derniers jours de juillet , promit une amnistie générale. Néanmoins, Miranda, livré à Monteverde, fut envoyé en Europe et mis en prison à Cadix. Monteverde, violant ouvertement la capitulation, remplit les cachots de toutes les personnes qui avaient pris part à la révolution. Le signal des supplices fut donné. Les actes de rigueur augmentèrent le mal que l'on voulait faire disparaître. Les proscrits réfugiés à la Trinité et dans d'autres îles organisèrent des partis, et vinrent attaquer Caracas. La capitale ouvrit ses portes à Simon Bolivar le 16 août 1813. Ses compatriotes lui décernèrent le titre de libérateur du Venezuela.

Battu ensuite par les Espagnols, il escalada les montagnes de la Nouvelle-Grenade, où il obtint des succès contre des troupes indépendantes qui fatiguaient le pays de leurs divisions. En 1815, il fut abandonné par la fortune sous les murs de Carthagène. La guerre civile avait éclaté; Bolivar, délaissé par ses soldats, obtint la permission de s'exiler: il s'embarqua pour la Jamaïque. Les Espagnols, maîtres du Venezuela depuis juillet 1814, le devinrent de Bogota en juin 1810. La même année, Bolivar débarqua à l'île de la Marguerite, et revint sur le continent; il s'enfonça dans les déserts de la Guyane, et harcela les généraux espagnols.

Morillo, arrivé d'Espagne, s'empara de Carthagène, qui fit une vigoureuse défense; il commandait des troupes bien disciplinées : tout plia devant lui. La guerre s'était faite avec une cruauté inouïe; Morillo, après la victoire, employa les moyens les plus affreux pour étouffer le dernier germe de la rébellion. Mais plus il faisait fusiller d'Américains, plus il augmentait le nombre des mécontents.

En 1817, tout parut tranquille à Morillo dans la Nouvelle-Grenade; il y laissa pour vice-roi Samanon, et s'occupa de pacifier le Venezuela. Santander accrut le nombre des victimes. Chacun, craignant d'être mis sur la liste de proscription, se réfugia dans les plaines. Ces fugitifs furent réunis en troupes régulières par les généraux indépendants. Morillo ne voulut pas se hasarder dans les forêts de l'Orénoque; il tourna ses armes contre l'île de la Marguerite, où commandait Irismendi; il éprouva une défaite complète, et revint à Caracas; le manque de soldats, car presque tous les Espagnols étaient morts ou par le fer ou par les maladies, le retint dans cette capitale. D'ailleurs les Américains, qui d'abord s'étaient joints à lui, l'avaient quitté, parce qu'il offensait continuellement leur amour-propre.

De la Grande Colombie à la république de la Nouvelle-Grenade

Morillo reçut des renforts d'Espagne : Bolivar le surprit en 1818, à Calabozo, et le poursuivit jusqu'aux portes de Valentia : battu à son tour, il rentra dans les déserts de Casanare. Le second congrès de Venezuela fut installé à San Tome, le 18 février 1819. La loi fondamentale qui réunit le Venezuela à la Nouvelle-Grenade, sous le nom de Colombie, fut proclamée le 17 décembre. Bolivar franchit les paramos de la Cordillère, et, malgré un échec, marcha sur Santa-Fe; il mit en déroute les Espagnols à Boyaca, près de Tunja, et s'empara de la capitale. Il redescendit promptement dans les plaines de Caracas. Ses soldats y soutinrent fréquemment des combats contre ceux de Morillo : les succès furent partagés. Bolivar, dans une entrevue avec le général espagnol, le 25 novembre 1820, convint d'une trêve de six mois; on ignore par quel motif il l'enfreignit en s'emparant de Maracaïbo. Morillo était retourné en Espagne. La Torre, qui lui succéda, fut battu à Carabobo et obligé de se réfugier dans les murs de Puerto-Cabello.

Un congrès fut assemblé à Cucuta; il assit les bases d'un nouveau gouvernement. La constitution fut publiée le 30 août 1821. Elle était modelée sur celle des États-Unis de l'Amérique septentrionale : le président est en exercice pendant quatre ans. Le congrès rédigea aussi plusieurs lois, et déploya une activité extraordinaire. La guerre s'étant rallumée dans le sud, Bolivar marcha sur le Pasto, où des mécontents du nouveau régime s'étaient réunis aux Espagnols en 1822; il soumit cette province, puis vola au secours de Sucre, son lieutenant, qui était devant Quito. Les Espagnols furent mis en déroute par les Américains indépendants, à la vue du Pichincha : ce terrible volcan a donné son nom à la bataille. Depuis cette époque, Bolivar et Sucre sont allés affermir l'indépendance du Pérou par leurs victoires sur les Espagnols.

La république a été reconnue par la Grande-Bretagne en 1825, comme un État indépendant. La Colombie et le Mexique ont conclu, le 3 octobre 1823 , un traité d'alliance. D'après le décret du 23 juin 1824 , le territoire de la république est divisé en douze départements, qui sont : Orinoco, Venezuela, Apure, Sulia, Boyaca, Cundinamarca, Cauca, Magdalena, Isthme (Panama), Équateur, Assuay, Guayaquil : les départements sont divisés en provinces qui renferment chacune un certain nombre de cantons; les cantons comprennent des cabildos ou municipalités. Cette Grande Colombie, comme on la nomme pour la distinguer de la Colombie actuelle, beaucoup moins étendue,  ne résista à l'éclatement que six ans. En 1830-1831, elle se divisa en trois pays : la Nouvelle-Grenade (Colombie actuelle plus Panama), l'Equateur et le Venezuela. 

Un acte du congrès de la république, en ayant séparé en février 1855 le département de l'Isthme, pour en former le nouvel Etat indépendant de Panama, et le département. d'Antioquia étant devenu un Etat libre en 1856, la Nouvelle-Grenade ne comprend plus à partir de cette époque que cinq départements. subdivisés en provinces. Sous le président Lopez, élu en 1849, et sous son successeur Obando, les passions révolutionnaires, favorisées par l'administration, ont plongé le pays dans une agitation permanente. La constitution a été révisée de 1851 à 1853 dans le sens le plus libéral; les jésuites, tout puissants, ont été expulsés. L'Etat enfin s'est séparé de I'Eglise, et la liberté des cultes a été proclamée. Mais le règne de la démagogie aboutit, en 1854 à la dictature du général Melo et à la guerre civile. Un centre de résistance s'établit à Ibague, sous la direction du vice-président J. de Obaldia, et la délivra de la dictature à la fin de 1854. Obaldia, élu président en 1855, a été remplacé en 1856 par Ospina. 

De Mosquera à celle de Nuñez

En 1858, le pays s'organisa en république fédérée (composée des deux Etats de Colombie et de Panama) et prit le nom de Confédération grenadine.  Mais le gouvernement a été renversé en 1861 par Mosquera, qui s'est emparé de Bogota, s'est proclamé président provisoire, a imposé par la force des armes son pouvoir dictatorial, et a convoqué un congrès de plénipotentiaires pour rétablir l'ancienne république de Colombie, qui devient désormais les Etats-Unis de Colombie. En 1863, Mosquera s'est démis du pouvoir dictatorial, mais en se faisant attribuer une pension viagère. Il a été établi un nouveau gouvernement provisoire, composé de cinq ministres, et où Mosquera est entré comme ministre de la guerre.

Murillo, le nouveau président, installé au pouvoir en 1864, ne tint que deux ans. Mosquera revint au pouvoir et s'y maintint jusqu'en 1867; De plus en plus contesté, il est renversé par le commandant de l'armée, le général Santos Acosta et condamné à l'exil. On rappela le vice-président Santos Gutiérez, en disgrâce, mais aussitôt arrivé à la tête de l'Etat, il fut confronté à plusiuers insurrections, en particulier à Panama. Sous le mandat de ses successeurs, Eustorgio Salgar (1870-1872), Manuel Murillo Toro (1872-1874), Santiago Perez (1874 -1876), la situation du pays s'améliora, malgré quelques troubles fomentés par Mosquera de retour d'exil. En 1876, pourtant cette période de progrès fut stoppée par une nouvelle guerre civile. Elle termina, après quelques mois, par la victoire des libéraux sur les cléricaux qui s'étaient insurgés. Mais sous les présidences suivantes (celle de Parra entre 1876 et 1878 et de Trujillo entre 1878 et 1880) l'autorité de l'Etat fédéral s'en trouvait affaiblie, ce qui encourageait un peu plus les velléités séparatistes de Panama; les finances étaient également très affectées.

De même que Mosquera, au pouvoir ou dans l'opposition, avait dominé la vie politique de la Colombie depuis près de vingt ans, Rafael Nuñez, un autre conservateur, allait être l'homme fort de la Colombie pendant la période qui suivit. Nuñez, une première fois président de 1880 à 1882, le fut de nouveau de 1884 à 1886, et sous la nouvelle constitution, en 1886, il fut réélu pour six ans. Ses pouvoirs lui furent renouvelés pour une période de 1892 à 1898, mais il laissa le vice-président Caro les exercer à sa place.

En 1893, se manifestèrent les premiers symptômes d'une agitation révolutionnaire. La mort du président Nuñez, en 1894, coupa court à ce commencement de troubles. Mais ils recommencèrent l'année suivante, le président Caro, conservateur militant, s'étant attiré la haine du parti libéral; il y eut une sanglante insurrection, que réprima le général Reyes.

Une nouvelle guerre civile, que l'on allait appeler « la guerre des mille jours  » éclata en octobre 1899, à la suite d'un conflit entre le pouvoir exécutif et la Chambre. Le vice-président Marroquin s'empara du pouvoir en 1900 et le vieux président Sanclemente, âgé de quatre-vingt-six ans, fut fait prisonnier. Ce coup d'État portait au pouvoir la fraction la plus impopulaire du parti conservateur. Les libéraux résistèrent longtemps et trouvèrent l'appui des révolutionnaires vénézuéliens à la solde du président vénézuelien Cipriano Castro; la lutte ne se termina qu'à la fin de 1902, après la défaite du principal chef insurgé, le général Uribe. Le conflit avait fait 100 000 morts.

La sécession de Panama.
La Colombie comprenait, d'après la constitution de 1886, neuf départements : Antioquia, Bolivar, Boyaca, Cauca, Cundinamarca, Magdalena, Panama, Santander et Tolima. Le 4 novembre 1903, à la suite d'un mouvement séparatiste et après le vote du Congrès de Bogota rejetant le traité rédigé par les Etats-Unis pour rendre possible l'achèvement du canal, le département de Panama acquit l'indépendance et fut érigé en république indépendante. Il y eut à ce moment à Bogota des manifestations contre les légations de France et des Etats-Unis. En outre, le général Reyes fut envoyé à Washington. Il remit au gouvernement nord-américain une note très énergique dans le fond, très modérée dans la forme, protestant contre la séparation de Panama, mais ce fut en vain : les Etats-Unis avaient décidé de reconnaître le fait accompli.

D'autre part, un décret du Congrès du 5 août 1904 constitua les territoires méridionaux de la Colombie en département sous le nom de Nariño. Le général Reyes fut élu président le 29 février 1904, à la place de Marroquin. Le 8 novembre 1905, trois arrangements entre la Colombie et le Pérou mirent fin à des difficultés qui existaient depuis longtemps entre les deux pays : une convention de frontière donnant comme limite aux deux Etats le rio Putumayo, un traité de commerce, une convention d'arbitrage remettant au pape le soin de statuer sur les litiges ultérieurs qui surviendraient entre les deux Etats.

Le XXe siècle.
Les conservateurs, divisés, finissent par céder le pouvoir en 1943 à un président réformiste,  Alfonso Lopez, qui, au cours de ses deux mandats (entre 1934 et 1938, puis entre 1942 et 1945), essaie d'imposer une réforme agraire et sociale. Mais son action s'enlise avec l'émergence, au sein de son propre parti, d'un populiste, Jorge Eliécer Gaitàn, qui sera assassiné en 1948.  Il s'ensuivra, à Bogota, des émeutes violentes qui débouchent sur une guerre civile entre libéraux et conservateurs. Cet épisode, connu sous le nom de « la Violencia », fera 300 000 morts, se terminera en 1953, et sera suivi par la dictature militaire du général Gustavo Rojas Pinilla. Après une forme du pacification du pays, celui-ci cède le pouvoir en 1957 aux civils,  libéraux et conservateurs, qui s'entendent pour alterner au pouvoir et se partager à égalité les diverses charges et mandats.

Cet accord, qui a pu d'abord apparaître comme une mesure d'apaisement, a abouti à un blocage des institutions et au développement de la corruption. Un contexte qui a aussi favorisé la naissance de plusieurs guerrillas depuis les années 1960. Au cours des années 1990, on assistera, sur fond de rafic de drogue,à l'intensification d'un conflit de plusieurs décennies entre les forces gouvernementales, les paramilitaires et les groupes d'insurgés antigouvernementaux, principalement l'ELN (Année de libération nationale) fondée en 1964, les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), fondées en 1966. 

Le début du XXIe siècle.
A la fin de 2006, plus de 31 000 anciens paramilitaires des Forces unies d'autodéfense de Colombie (Autodefensas Unidas de Colombia = AUC) ont été démobilisés. Les AUC en tant qu'organisation officielle ont cessé leur action, mais à la suite de la démobilisation des paramilitaires, de nouveaux groupes armés illégaux sont apparus, dont les membres comprenaient certains anciens paramilitaires.

Après quatre ans de négociations, le gouvernement colombien a signé un accord de paix définitif avec les FARC en novembre 2016, qui a ensuite été ratifié par le Congrès colombien. L'accord appelle les membres des FARC à se démobiliser, à désarmer et à se réintégrer dans la société et la politique. L'accord engageait également le gouvernement colombien à créer trois nouvelles institutions pour former un « système global de vérité, de justice, de réparation et de non-répétition », comprenant une commission de la vérité, une unité spéciale chargée de coordonner la recherche des personnes disparues pendant la conflit et une « juridiction spéciale pour la paix » chargée d'administrer la justice pour les crimes liés au conflit. Le gouvernement colombien a ensuite intensifié ses efforts pour étendre sa présence dans chacun de ses départements administratifs. 

Malgré des décennies de conflits internes et de problèmes de sécurité liés à la drogue, la Colombie maintient des institutions démocratiques relativement solides caractérisées par des élections pacifiques et transparentes et la protection des libertés civiles. (NLI).

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