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L'histoire du Royaume-Uni
L'Angleterre des Tudor
I - Le règne de Henri VIII
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L'histoire de l'Ecosse
L'histoire de l'Irlande
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L'avènement, en 1509, du jeune Henri (Henry) VIII , fils de Henri VII, suscita de belles espérances. Il fut acclamé par toute l'Angleterre. Il avait dix-huit ans : il était grand, bel homme, très agile, passionné pour le tennis, vainqueur dans tous les tournois. « Saint Georges en personne », écrivait un ambassadeur vénitien. Musicien, lettré, généreux, il apparaissait comme un vrai prince de la Renaissance, et Érasme faisait de lui le plus grand cas. Il avait même étudié la théologie au temps où, du vivant de son frère aîné Arthur, il était voué aux hautes dignités ecclésiastiques. Mais ses brillantes qualités cachaient une âme vaniteuse, despotique, jalouse. Pendant la première partie de son règne, grâce à un ministre d'une suprême habileté, Henri VIII se considéra comme l'arbitre de l'Europe, et, jusqu'à la disgrâce de Wolsey, il aura pour devise : 
« Qui je défends est maître.» 
Les années suivantes seront occupées par le schisme, la Réforme, la terreur politique et religieuse.

Friand de popularité, Henri VIII garde Warham comme chancelier, mais non Dudley et Empson, qui ont été les âmes damnées de son père : il les immole froidement, tout en profitant du fruit de leurs rapines. Il célèbre avec une magnificence insolite son mariage avec Catherine d'Aragon. A l'extérieur, sollicité par la France et l'Autriche, il adopte une politique de bascule. Il se prétend insulté par Louis XII et il entre dans la Ligue organisée par Jules II, Ferdinand et les Vénitiens contre la France. La flotte anglaise met à la voile pour conquérir la Guyenne; elle ne va pas plus loin que Brest, et son amiral, Howard, se fait tuer à l'abordage de la galère capitane française. Au mois de mai 1513, une armée anglaise débarque à Calais et assiège Thérouanne : Henri VIII la rejoint bientôt et s'entend avec l'empereur Maximilien. Le 16 août a lieu la célèbre journée des Éperons; le 15 septembre, le roi d'Angleterre apprend, devant Tournai, la mort de Jacques IV : par une adroite manoeuvre tournante, le comte de Surrey avait battu, à Flodden, le roi d'Écosse (1513). Après la chute de Tournai, Henri VIII signe à Lille, en vue d'une seconde invasion en France, un nouveau traité avec Maximilien et Ferdinand; mais ceux-ci ayant pris des arrangements particuliers avec l'ennemi commun, il fait de son côté une paix séparée et rompt même le mariage convenu avec la princesse Mary et le prince de Castille pour donner sa soeur à Louis XII. Comme le roi de France meurt peu après et que Ferdinand d'Aragon le suit bientôt dans la tombe, Henri est, à vingt-cinq ans, l'arbitre de l'Europe occidentale. François Ier confirme le traité de paix conclu par son prédécesseur avec l'Angleterre et sans revendiquer Tournai.

L'ascension de Wolsey.
Henri VIII avait alors pour conseiller un homme dont la fortune fut véritablement prodigieuse. Wolsey, fils d'un boucher d'Ipswich, a su de bonne heure intéresser à son sort de puissants protecteurs. Il s'est lié, à Oxford, avec Thomas More, avec Érasme et, malgré quelques peccadilles de jeunesse, il devient chapelain du roi Henri VII. Fox le recommande au nouveau roi, dont il gagne rapidement la faveur par ses talents de danseur, de mime, de musicien, d'escamoteur, d'écuyer. Aumônier de la maison royale, membre du conseil privé, archevêque d'York, cardinal et légat du pape, pensionné par la France et l'Espagne, son autorité va de pair avec son opulence, et il la met au service de l'arbitraire; enfin, le 22 décembre 1515, le vénérable Warham résigne entre ses mains, volontairement ou non, la dignité de chancelier. Cela ne lui suffit pas encore : il est secrètement atteint de ce mal que les Italiens appelaient la rage de la tiare, et Charles-Quint, perspicace et habile, lui promet son appui.
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Holbein : Warrham, archevêque de Canterbury.
William Warham (mort en 1532), archevêque de Canterbury,
par Hans Holbein. (Musée du Louvre).

Lorsque François Ier et Charles d'Autriche se disputent la couronne impériale, Henri VIII tente de se glisser entre les deux rivaux. Jaloux déjà de la victoire de Marignan, il souffre dans son amour-propre du faste déployé par le roi de France, qu'il dessert d'ailleurs par ses tractations secrètes avec Charles-Quint. La guerre recommence en 1522 contre la France et I'Ecosse, son alliée. Morlaix est pris; une armée anglaise opère en Picardie; mais il n'y a guère que des escarmouches. Henri VIII hésite encore entre la France et l'Empire. Après Pavie (février 1525), il se montre résolu à une action énergique mais c'est l'empereur victorieux qui, maintenant, accueille froidement ses ouvertures. II se dispose alors à diriger en personne une expédition.

Depuis qu'il a fait décapiter le duc de Buckingham, coupable de s'être donné comme le plus proche héritier du trône, il croit son pouvoir sans limites. Le Parlement, convoqué pour lui donner les moyens de faire la guerre à la France, refuse pourtant tout net les subsides demandés. Une benevolence est sollicitée de la Cité de Londres, qui fait la sourde oreille. Les Communes grondent; le turbulent comté de Kent manifeste son mécontentement, soutenu par les régions industrielles de l'Est; Thomas More comme speaker, Thomas Cromwell comme rapporteur, dirigent l'opposition : Wolsey est forcé de se contenter de maigres taxes. Mais la conquête de la France ne peut se faire a ce prix, et le projet est abandonné. Bien plus, le 30 août 1525, un nouveau traité d'alliance est signé, à More, avec les ambassadeurs français, à la grande satisfaction du pape et des princes italiens.

Un divorce et beaucoup d'enterrements.
Henri VIII, revenant à la politique de bascule, s'abstient d'adhérer (1526) à la Ligue de Cognac contre son allié de la veille et propose sa médiation. Après le sac de Rome, Wolsey est envoyé en France (juillet 1527) pour resserrer l'entente avec le roi François I; car le roi veut rompre le mariage qu'il a contracté, à son avènement, avec Catherine d'Aragon, veuve de son frère Arthur. Mais Catherine est la propre tante de Charles-Quint et Henry VIII a besoin de n'avoir pas contre lui François ler dans cette grave affaire de divorce, qui sera l'occasion de la rupture avec Rome.

L'Angleterre était le pays des libertés politiques et de l'hérésie wyclefiste. L'Eglise y avait provoqué des critiques pars ses abus et les excès de sa fiscalité, des convoitises par ses richesses, et les rois étaient intéressés à un schisme qui accroîtrait leur autorité tout en leur permettant de s'emparer des biens ecclésiastiques. Enfin, l'humanisme anglais avait été illustré par quelques hommes de premier ordre tel ce John Colet, qui contribua à maintenir dans l'orthodoxie la pensée religieuse d'Erasme; tel le célèbre Thomas More qui, dans l'Utopie, critiqua, sous une forme à la fois philosophique et satirique, les conceptions du Moyen âge jusqu'à soutenir une thèse communiste. L'Éloge de la Folie fut écrit en Angleterre, alors que le célèbre humaniste était l'hôte de Thomas More, et celui-ci semble bien, de son côté, avoir subi l'influence d'Érasme, quand il écrivit son utopie. Mais l'école d'Oxford voulait réformer l'Eglise sans briser l'unité chrétienne, et Henri VIII avant de vouloir fonder un catholicisme sans pape, avait écrit en 1521, contre Luther, une « Défense des Sept Sacrements » qui lui valut alors de la curie romaine le titre de « Défenseur de la foi ».

Au bout de dix-huit ans de mariage, il devint amoureux de la sémillante Anne de Boleyn. Il eût voulu qu'une cour anglaise prononçât la nullité de son mariage, avec assez de célérité et de discrétion pour que la reine ne fût pas admise à se défendre. Wolsey était d'avis que le roi demandât au pape, non pas de déclarer le mariage nul, mais de rapporter la bulle de son prédécesseur. Clément VII ne pouvait se soumettre à un caprice qui eût discrédité son autorité morale et il était, du reste, sous la main de l'empereur. Sur les conseils du jeune théologien Cranmer, le roi déçu convoqua le Parlement - ce fut le célèbre Parlement Réformation, - et il congédia Wolsey (octobre 1529). Le tout-puissant cardinal fut brusquement dépouillé de toutes ses charges, prévenu d'avoir, contrairement au statut de Praemunire, exercé les fonctions de légat et relégué dans son diocèse d'York. Bientôt accusé de trahison, il fut arrêté, traîné vers Londres, mais il n'eut pas le temps d'y arriver et une attaque mortelle d'hydropisie lui épargna la pire disgrâce (1530). 
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Holbein : Henri VIII, sa soeur et son bouffon.
Henri VIII Tudor, la princesse Mary, sa soeur, 
et le bouffon William Somers, par Hans Holbein.

Débarrassé du seul conseiller assez habile pour le guider sans lui faire ombrage, Henri VIII s'engagea dans le labyrinthe d'un schisme sans franchise et d'une révolution sans logique comme sans grandeur. Thomas More devint chancelier et les fonctions de premier ministre furent confiées au chef du parti boleyn Tous deux ne tardèrent pas à être remplacés par Thomas Cromwell. Se voyant à la veille d'un conflit avec le pape, Henry VIIl résolut de s'appuyer sur le peuple anglais, comme autrefois Philippe le Bel en France sur les Etats généraux. Un homme de loi, protégé de Wolsey, subtil, hardi et d'une expérience consommée dans les affaires, Thomas Cromwell, survint à point pour suggérer au gouvernement les moyens d'agir sur le clergé et de l'amener peu à peu à subir l'autorité suprême du roi national et présent plutôt que celle du souverain pontife, lointain et tenu par l'empereur en une étroite dépendance.

La brèche fut ouverte par une série de bills condamnant les abus les plus évidents, à savoir les droits perçus par les évêques sur les successions et les pluralités, c'est-à-dire le cumul des prébendes. Le 30 mars 1531, il fut donné lecture des consultations favorables au divorce que le roi avait obtenues, non sans peine, de quelques Universités étrangères, entre autres de l'Université de Paris, auprès de laquelle François Ier était intervenu. Thomas More, comme chancelier, exhorta ensuite les députés à rapporter dans leurs circonscriptions que la conduite du roi n'était déterminée que par ses scrupules canoniques. Pendant cette même session, Henri VIII fit savoir à la « Convocation », c'est-à-dire à l'assemblée générale du clergé, que celui-ci avait violé le statut de Praemunire en reconnaissant Wolsey comme légat. Pour obtenir leur pardon, les membres de l'assemblée votèrent la Déclaration de 1531 :

« Nous reconnaissons que Sa Majesté est le protecteur particulier, l'unique et suprême seigneur et, autant que le permet la loi du Christ, le chef suprême de l'Église et du clergé d'Angleterre. Le soin des âmes sera confié à Sa Majesté. »
En 1532, un bill supprima les annales et une Déclaration, où il n'était pas question du pape, porta qu'aucune loi, aucune constitution ne pourrait être faite, promulguée ou exécutée sans l'autorisation du roi. Un peu plus tard, les appels en cour de Rome furent abolis. Enfin, Henri VIII s'avisa que ses sujets ecclésiastiques prêtaient deux serments d'obéissance incompatibles, l'un au pape, l'autre au roi, et il abolit le droit du clergé de se réunir en synode sans sa permission. Thomas More, heurté dans ses sentiments par la politique de son maître, offrit sa démission. Le 23 mars 1533 fut publiée la sentence de Clément VII attestant la validité du premier mariage de Henri VIII. Cranmer, qui avait remplacé Warham sur le siège de Canterbury, cita Catherine à comparaître devant lui : elle fit défaut et l'archevêque annula le premier mariage de Henri VIII comme contraire aux lois de l'Église (23 mai), prononça la validité du second, proclama Anne de Boleyn reine légitime (Ier mai). Le roi en appela au concile général contre le pape, mais il rompit, sans attendre, avec le Saint-Siège.

L'Anglicanisme.
Le schisme est définitivement consommé. Thomas Cromwell va exercer une véritable dictature en matière d'administration religieuse et il sera nommé, en janvier 1535, vicaire général du roi pour les affaires ecclésiastiques. Henri VIII décide que le pape sera désigné à l'avenir sous le nom d'évêque de Rome, qu'il n'aura pas plus d'autorité en Angleterre que n'importe quel évêque étranger, que les évêques seront nommés sans intervention du Saint-Siège, que les appels ecclésiastiques viendront en dernier ressort devant la cour royale de la Chancellerie. Le serment de suprématie oblige tous les prêtres à voir dans le roi la source de toute puissance spirituelle et les fidèles doivent, par le serment de succession, reconnaître comme seule héritière légitime la fille d'Anne, la future reine Elisabeth I. Les treasons laws édictent des sanctions terribles à l'encontre de ceux qui ont simplement souhaité du mal à la famille royale.

L'anglicanisme fut I'oeuvre personnelle de Henri VIII. En Angleterre, la Réforme descendit en quelque sorte du trône à l'Église et à la nation, tandis que, dans d'autres pays, elle remonta de l'Église et du peuple jusqu'au roi. Henri VIII pourchassa les doctrines luthériennes, calvinistes ou wycléfistes aussi âprement que les doctrines papistes, et il s'appuya non sur les réformateurs, mais sur les traditionalistes. Il prétendait limiter le schisme aux questions essentielles de discipline et instituer un catholicisme bâtard, où le roi rejette l'obédience de Rome et remplace le pape. Le schisme rencontra d'opiniâtres résistances. Le roi, Cromwell et Cranmer se virent contraints à sévir, non seulement contre d'obscures victimes comme la nonne de Kent, Elizabeth Barton, qui avait prédit que Henri mourrait dans l'année, mais aussi contre le savant évêque de Winchester, Fischer, une des gloires de l'humanisme, et sir Thomas More, le premier laïque qui, depuis la conquête, avait été élevé à la dignité de chancelier (1535). 

Tout le clergé frémit : il allait avoir bien d'autres sujets d'alarme. Thomas Cromwell organisa une vaste enquête sur les monastères et supprima d'abord ceux qui ne possédaient pas un revenu annuel de 200 livres au moins. Pour recevoir et administrer la proie ainsi livrée au fisc, on créa une cour nouvelle qui reçut le nom expressif de «-Cour des Augmentations » (Court of the Augmentations of the revenue of the King's Crown). Des troubles éclatèrent dans le Nord. Le Lincolnshire se révolta sous l'abbé de Barling, mais Henri VIII put le remettre brutalement sous le joug. Les catholiques du Yorkshire décidèrent de faire, à Londres, un pèlerinage de grâce : au nombre de trente mille, en armes, ils se mirent en route, ayant à leur tête un légiste, Robert Aske. Le duc de Norfolk les amena à se disperser, mais ses hypocrites promesses furent suivies d'une atroce répression (1536). Après les petits établissements religieux vint le tour des plus riches et des plus célèbres. Les circonstances de cette confiscation remplirent d'horreur le monde catholique, mais ni Charles-Quint, ni François Ier n'étaient de force à intervenir.

Tandis que la gentry, devenue propriétaire des domaines ecclésiastiques, allait donner son appui à l'anglicanisme, tous ceux qui auraient pu élever des prétentions au trône étaient supprimés : Henry Pole, lord Montague, descendant de la maison de Clarence; le marquis d'Exeter, descendant d'Edouard IV. La comtesse de Salisbury, mère de lord Montague et du cardinal Pole, fut pendant deux ans enfermée, malgré son âge, à la Tour de Londres, puis exécutée. Le cardinal Pole avait été envoyé par Paul III auprès de François ler et de Charles-Quint : Henri VIII, le considérant comme l'âme d'un complot, s'était vengé à sa manière. Paul III prononça alors contre le roi d'Angleterre l'excommunication et l'interdit. Fort ému par des intrigues que la police de Cromwell avait facilement éventées, Henri VIII traversait une crise morale qui le rendait chaque jour plus inhumain et plus cruel. Il avait fait condamner à mort Anne de Boleyn, accusée d'adultère, et il avait perdu sa nouvelle femme, Jane Seymour, morte des suites de couches (1537).

En 1539, il fit voter par un nouveau Parlement le statut des Six articles, destinés à remplacer les Dix articles de 1536, et un acte donnant force de loi aux proclamations faites en conseil privé. « L'acte pour abolir la diversité des opinions », communément désigné sous le nom de Statut des six articles et sous ceux de « bill sanglant », de «-fouet à six queues », par les hérétiques de toute secte, était obligatoire sous peine de mort et de confiscation. Il admettait la transsubstantiation, la communion sous une seule espèce, le célibat ecclésiastique, les voeux de chasteté, la confession auriculaire, la messe pour les âmes du purgatoire.

Thomas Cromwell cherchait à l'extérieur un point d'appui contre les catholiques. Pour rapprocher l'Angleterre schismatique et l'Allemagne luthérienne, il négocia le mariage du roi avec Anne de Clèves, parente de l'électeur de Saxe; mais il ne retira de cette combinaison aucun avantage politique et le mariage fut annulé. Cromwell devenait inutile; il fut, en plein conseil, accusé de trahison par le duc de Norfolk, déclaré hors la loi, mis à mort : il venait d'être créé comte d'Essex et il n'avait jamais paru plus puissant (1540). Ce coup de théâtre ouvre la dernière période du règne, la plus sinistre peut-être de l'histoire d'Angleterre.

La fin du règne.
Le roi, convolant de nouveau, épousa Catherine Howard : il lui fit trancher la tête après deux ans de mariage (1542), parce qu'il la soupçonnait de l'avoir trompé pendant qu'il visitait les comtés du Nord. Il se heurta de toutes parts à des forces dont son égoïsme l'empêchait de comprendre la nature. En Angleterre, il exaspérait à la fois catholiques et protestants, et il multipliait les supplices d'hérétiques, aggravant les persécutions par la pratique de la torture. Dans ses rapports avec l'Irlande, peu entamée par les idées nouvelles, il suivit durant tout son règne une politique incertaine, encourageant tour à tour les Fitzgerald, comtes de Kildare, et leurs ennemis. L'archevêque de Dublin fut massacré au cours d'une insurrection. Les chefs irlandais, assiégés dans le château de Maynooth, capitulèrent sur la promesse qu'on leur ferait grâce, et furent pendus. Enfin, un rusé diplomate, Saint-Léger, nommé lord député d'Irlande, réunit un Parlement à Dublin : il fit substituer au titre de seigneur d'Irlande celui de roi. 

Encouragé par ce demi-succès, Henri VIII voulut faire de l'Écosse un État vassal. Sous le prétexte que Jacques V lui avait refusé une entrevue, il lui déclara la guerre et Jacques mourut de honte en apprenant la défaite de son armée dans les marais bourbeux de Solway; mais l'Écosse resta dans l'alliance française, grâce à la reine mère, Marie de Guise, et au cardinal Beaton. Il se formait, il est vrai, un parti puissant, qui préconisait l'alliance anglaise et même le mariage du petit prince de Galles avec la petite reine Marie Stuart; mais ce parti, foncièrement protestant, avait en horreur le roi d'Angleterre.

En 1543, Henri VIII se laissa entraîner par Charles-Quint à prendre les armes contre la France et contre ses alliés d'Écosse. Une armée anglaise, renforcée de mercenaires allemands, brûla Édimbourg, et Henri, après avoir contracté un sixième mariage - avec Catherine Parr - passa sur le continent et s'empara en personne de Boulogne. La paix de Crespy (septembre 1544) permit à la flotte française de faire une manifestation devant Portsmouth et de piller les côtes de Sussex et de Kent. Le traité de Compiègne mit fin aux hostilités (7 juin 1546).

Les derniers jours de ce despote sanguinaire, prodigue jusqu'au gaspillage, faux monnayeur, banqueroutier, furent lugubres et lamentables. Jusqu'à la fin, le maniaque ne cessa de frapper et de tuer. Apoplectique et impotent, il se défiait de tous et de tout. On le craignait, on le flattait en le haïssant. II eut le temps de disgracier le duc de Norfolk et le fils de celui-ci, Henry, Thomas Howard, comte de Surrey, qui avaient joué un rôle si infâme et si brillant; le fils fut décapité, le père ne dut la vie qu'à la mort subite du tyran.
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Holbein : Howard, comte de Surrey.
Thomas Howard (1443-1524), comte de Surrey,
fait duc de Norfolk après la victoire de Flodden
sur les Ecossais, par Hans Holbein.
(Galerie royale de Windsor).

Henri VIII a pourtant dans son pays des panégyristes qui lui font honneur d'avoir réalisé, avec le concours du Parlement, une réforme à la fois religieuse et nationale. Ce qu'il faut retenir, c'est que le schisme eut des conséquences économiques et sociales d'une importance essentielle. Le roi, en effet, ne s'empara pas des biens ecclésiastiques : ils allèrent à la nouvelle Église, aux établissements d'enseignement et de bienfaisance, et surtout à la noblesse. Émile Boutmy a fait ressortir que toute la haute classe laïque s'était trouvée plus ou moins intéressée au maintien du nouvel ordre de choses, qui lui procurait de riches dotations, et qu'un fait analogue s'était produit en 1789 dans la masse des paysans français, après le partage des biens nationaux.

« La crainte de voir la dynastie restaurée revenir sur cette mesure révolutionnaire a servi de recommandation et d'apologie à des gouvernements détestables et a fait entrer, dans les instincts héréditaires du peuple, une sorte de parti pris contre tout ce qui rappelle l'Ancien régime. L'inconsciente poussée de l'égoïsme et de l'avarice servit pareillement de soutien et de contrefort à la nouvelle Église de Henri VIII. Un intérêt personnel et de famille contribua à fortifier la foi protestante contre tout retour des doctrines romaines.»
En même temps, des milliers de moines et de nonnes furent, pour la plupart, réduits à tendre la main; ils grossirent l'armée des misérables que I'extension des pâturages au détriment des terres de culture avait jetés sur le pavé. (HGP).
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