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Charles II, roi d'Angleterre

Charles II est un roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande (1660-1685), né à Londres au palais de Saint-James le 29 mai 1630, mort à Londres au palais de Whitehall le 16 février 1685. Second fils de Charles Ier et d'Henriette-Marie, il fut baptisé par Laud le 7 juillet 1630, Louis XIIl était un de ses parrains. Prince de Galles dès l'origine, il eut pour gouverneurs Cavendish, duc de Newcastle (1638-1642) ensuite le marquis de Hertford, le comte de Berkshire. Il fut dès son enfance d'une santé médiocre, souvent et sérieusement malade. En 1640, il prit siège à la Chambre des lords à laquelle il apporta la lettre en faveur de Strafford. Il suivit son père dans ses campagnes; préposé en 1645 aux comtés de l'Ouest, il vit pour la dernière fois Charles Ier à Oxford le 4 mars 1645. Après la défaite, il se retira en Cornouailles, de là dans les îles Scilly (4 mars 1646), avec Hyde; malgré les invitations du parlement qui l'appelait, il se réfugia en France, arriva à Jersey le 17 avril, vint à Paris avec sa mère. Plusieurs des gentilshommes qui l'avaient escorté, Hyde, Capel, Berkshire, refusèrent de l'y suivre.

Il passa deux années à Paris, retenu soit par la maladie, soit par les plaisirs; Thomas Hobbes complétait son éducation. En 1618, il prit part à la deuxième guerre civile, arriva avec une flotte jusqu'à la Tamise, fit quelques prises, mais n'osa débarquer et se rendit en Hollande. Il y fut courtoisement reçu et fit, d'accord avec ses parents de la maison d'Orange, les plus grands efforts pour sauver son père. Il envoya à cet effet au parlement anglais une carte blanche signée de lui, acceptant ainsi d'avance n'importe quelle condition. Après l'exécution de Charles Ier, il fut proclamé roi d'Ecosse le 5 février 1649, roi d'Irlande (aussi bien par les Ecossais dans l'Ulster, que par Ormond et les catholiques); d'Angleterre il reçut des assurances de fidélité. La France, la Hollande, la Suède paraissaient bien disposées; mais il fallait conquérir son royaume. Charles comptant plus sur les purs royalistes que sur les covenantaires écossais, attendit quelque peu; une maladie le retarda; il se rendit à Jersey d'où il lança le 30 octobre 1649 une déclaration affirmant ses droits. Menacé par la flotte anglaise, il se réfugia dans les Provinces-Unies, à Breda. Il y trouva les commissaires du parlement écossais qui l'attendaient depuis longtemps. Dans l'intervalle, l'Irlande avait été comprimée; Montrose s'était embarqué pour l'Ecosse où il souleva les Highlanders, mais fut pris et supplicié. 

Charles II n'avait pas encore appris ce malheur quand il accepta les conditions des parlementaires écossais: adhésion au covenant; gouvernement civil confié au parlement.Il passa alors en Ecosse, débarqua le 16 juin 1650 dans la baie de Cromarty, se rendit à Falkland (comté de Fife) où il séjourna quelques semaines, négociant avec le parlement où les amis d'Argyle exigeaient le renvoi même des conseillers modérés du roi, tels que Hamilton et Lauderdale. Charles II signa à Dunfermline une déclaration désapprouvant la conduite de son père et l'idolâtrie de sa mère (18 août 1650). En même temps, il négociait en cachette avec les catholiques et leur faisait de grandes promesses. Il restait suspect aux presbytériens et était presque leur prisonnier à l'armée. La défaite de celle-ci à Dunbar (3 septembre) le délivra. Abandonné par les ultra-covenantaires, il vit les autres se rallier plus franchement sous ses ordres. Il rassembla ses forces dans les montagnes du Nord, se fit couronner à  Scone le 1er janvier 1651 et, en avril, s'établit à Stirling. Cromwell dirigeant contre lui un effort décisif, il prit la route du Sud et envahit l'Angleterre avec 11.000 hommes commandés par David Leslie, s'avança par le comté de Lancaster jusqu'à Worcester, appelant à lui les royalistes. Il reçut quelques renforts, dont ceux amenés de l'île de Man par Stanley, comté de Derby. Cromwell atteignit à Worcester les 13.000 royalistes; ses forces étant triples, il les écrasa facilement (3 septembre 1651). Le prétendant royal avait combattu vaillamment; vers six heures du soir, il fallut quitter le champ de bataille. Accompagné par soixante cavaliers dont Buckingham, Derby, Lauderdale, Wilmot, il se réfugia au château de White Ladies. Là il se sépara de tous ses compagnons, excepté Wilmot; il se cacha ensuite à Boscobel, aux limites des comtés de Salop et de Stafford. Sa tête avait été mise à prix 1000 livres, on avait défendu de le recéler sous peine de mort. Néanmoins, il put errer en Angleterre pendant quarante et un jours, cherchant à gagner la côte. Son nom fut connu de quarante ou cinquante personnes; aucune ne le trahit. Les épisodes de cette fuite romanesque prouvèrent la force du sentiment royaliste en Angleterre. Les principaux refuges de Charles furent à Moseley, à Bentley (comté de Hants), près de Bristol, près de Sherbourne (comté de Dorset), enfin à Brighton où il s'embarqua pour atteindre Fécamp le 16 octobre 1651. Il dicta plus tard à Pepys le détail de ces aventures dont un bon récit a été publié par Thomas Blount en 1660 sous le titre Boscobel. Elles ont été popularisées par le roman, et tout le monde connaît le chêne royal dans les branches duquel le proscrit se cacha.

En France, le prétendant fut bien reçu par le duc d'Orléans, mais il était à court d'argent et la pension mensuelle de 6000 livres que lui alloua la cour ne fut pas très régulièrement payée. Les bénéfices faits par le prince Robert dans ses courses sur mer, les envois de royalistes anglais fournirent quelques suppléments. Sa mère l'engageait à négocier de nouveau avec les Ecossais, mais il n'en voulait plus entendre parler. Dans cette période, ses principaux conseillers furent Hyde et Ormond. Il chercha vainement du secours en France, en Espagne, en Hollande, en Allemagne. En 1654, la paix entre la Hollande et l'Angleterre eut pour condition l'exclusion des Stuarts des Provinces Unies. En 1655, Rochester (Wilmot) obtint un subside de la diète de Ratisbonne. L'entente entre Cromwell et Mazarin l'obligea à se retirer en Allemagne. Bien reçu à Cologne, il s'y fixa auprès du collège des jésuites (1654) fit une visite incognito à sa soeur à Francfort (septembre 1655), une autre à Bruxelles, où il négocia avec le gouvernement espagnol, transféra sa résidence à Bruges (1656), signa un traité d'alliance avec l'Espagne (1657). Il était alors réduit à une véritable indigence. En février 1658, il se rend à Bruxelles, en août à Breda où il apprend la mort de Cromwell. Il s'établit alors à Calais pour attendre des nouvelles. On lui annonce bientôt la défaite de ses partisans. Il se rend sur la Bidassoa où Mazarin et Louis de Haro traitaient la paix des Pyrénées. Mazarin lui refuse une entrevue, bien qu'il eût, dit-on, demandé la main de sa nièce Hortense Mancini.

Il revient alors à Paris puis à Bruxelles. Il ne comptait plus que sur Monk, lequel était très réservé. Sa restauration opérée par ce général n'intervint que parce qu'aucune autre solution ne fut possible aux partis qui divisaient l'Angleterre. Pour hâiter l'issue de ses pourparlers avec Monk (on en trouvera les détails dans la biographie de celui-ci), Charles sortit du territoire espagnol et se rendit à Breda. C'est là qu'eut lieu l'entente définitive, et le 4 avril, Charles II adressa au conseil d'État, à l'armée, aux magistrats de la cité et aux deux chambres la fameuse déclaration de Breda. Il promettait de payer l'arriéré de la solde de l'armée, de valider la vente des biens confisqués, de maintenir la liberté de conscience et proclamait une amnistie. La parlement, aussitôt qu'il se réunit, invita le roi à revenir; le 8 mai il fut proclamé à Westminster. La flotte anglaise vint le chercher à Scheveningen; le 24 mai, il débarqua à Douvres où Monk l'attendait; le 29 mai, à son trentième anniversaire de naissance, il fit son entrée à Londres au milieu des acclamations. L'Ecosse et l'Irlande imitèrent l'Angleterre, mais sans obtenir même les garanties stipulées à Breda.

La réaction commença aussitôt; les députés et les lords rivalisèrent de zèle, et comme la déclaration de Breda stipulait l'adhésion du parlement, il ne fut pas difficile de l'éluder en partie. Les régicides furent exclus de l'amnistie promulguée pour tous les actes politiques accomplis du 1er janvier 1637 au 24 juin 1660. On constitua un tribunal pour les juger; dix d'entre eux furent décapités à Charing Cross en vue de Whitehall, parmi eux le vaillant Harrison, Hugli Peters, Cook, Carew; un mouvement tenté par quelques fanatiques que dirigeait Thomas Venner permit de nouvelles représailles; Lambert s'exila à Guernesey, Vane fut mis à mort. Enfin, on déterra pour les suspendre au gibet les cadavres de Cromwell, Ireton, Bradshaw. Les biens confisqués furent restitués; les acheteurs souvent expropriés sans indemnité. L'armée fut licenciée; on ne garda que deux régiments; les soldats congédiés reprirent leurs anciens métiers et se conduisirent parfaitement. Partout des royalistes fervents remplacèrent dans les fonctions publiques les libéraux et les presbytériens; les compagnons d'exil du roi furent mis au premier rang. A côté de Monk fait duc d'Albemarle, l'influence prépondérante appartint à Hyde promu comte de Clarendon. 

La réaction s'étendit aux questions religieuses. Les presbytériens qui avaient collaboré à la restauration en furent victimes; dans toutes les cures on rétablit les épiscopaux, chassant leurs remplaçants presbytériens, l'Eglise officielle fut rétablie dans tous ses privilèges et bénéfices. En Ecosse, la réaction fut encore plus violente; le covenant fut aboli; l'église épiscopale, qui ne répondait qu'aux idées d'une minorité infime, fut imposée; le duc d'Argyle fut décapité pour haute trahison (mai 1661). Enfin, la grande oeuvre de Cromwell, l'union des trois royaumes fut abolie. Le parlement-convention (Le parlement anglais) qui avait accompli la restauration vota au roi le droit de tonnage pour toute la durée de son règne et une accise établie pendant la guerre civile, soit un revenu de 1.200.000 livres sterling. Il ne pouvait suffire pour les dépenses immenses de la cour dont Charles II s'entoura, et ce roi se vit aux prises avec les difficultés financières comme son père. Le besoin d'argent le tait à la discrétion de l'étranger à qui il vendit son concours dans les affaires générales de l'Europe. Il épousa la fille du roi du Portugal, Catherine, qui lui apportait une forte dot. Le parlement-convention fut dissous et remplacé par un autre où les royalistes et les épiscopaux disposaient d'une immense majorité (mai 1661). Il accentua la réaction. C'est alors que Vane fut mis à mort et toute entente avec les presbytériens jugée inutile.

Charles II se trouvait en possession d'un pouvoir aussi absolu que celui d'Elisabeth; la révolution semblait rayée de l'histoire. Hobbes professait la théorie de la monarchie
de bon plaisir, et le caractère sceptique et doux du roi dut modérer le zèle de ses partisans. En Irlande, les catholiques gagnèrent peu à la restauration et le vice-roi anglican Ormond ne revint guère sur les terribles mesures de Cromwell; à peine rendit-on aux Celtes un tiers de leurs terres. L'Ecosse connut toutes les atrocités de la persécution religieuse; ni la prison, ni les tortures, ni les massacres ne purent venir à bout des covenantaires. En Angleterre les maux étaient moindres. Charles II s'amusait à sa cour avec ses courtisans et ses maîtresses et laissait le gouvernement à son chancelier Clarendon que combattait la faction catholique. La première opposition se manifesta au parlement lorsque le roi voulut accorder la tolérance aux catholiques; les anglicans protestèrent et la déclaration « d'indulgence » combattue par Clarendon fut rejetée (1663). 

La politique extérieure accrut le mécontentement; la vente de Dunkerque à Louis XIV pour cinq millions mécontenta les Anglais à qui Cromwell avait conquis ce nouveau Calais (1662). L'alliance de Charles II avec le roi de France, chef du parti catholique en Europe, inquiétait tous les protestants. On disait que le roi s'était converti au catholicisme au moment de la paix des Pyrénées. La guerre avec la Hollande fut humiliante pour l'honneur national, les Anglais eurent le dessous dans la bataille des Quatre-Jours (11-15 juin 1666); Ruyter remonta la Tamise et vint brûler cinq navires de guerre anglais aux portes de Londres (juin 1667). L'indifférence de la cour lors de la peste qui avait enlevé 100.000 habitants de Londres (1665) et de l'incendie qui avait détruit les deux tiers de la ville (1666) contrastait autant avec l'admirable dévouement des puritains que la politique extérieure du Stuart avec celle de Cromwell. L'orage éclata au parlement après la paix de Breda avec la Hollande; Clarendon en fut victime; accusé de concussion, il fut destitué par le roi et s'enfuit en France (1667).

Le parlement ne gagna rien à sa chute. Il fut remplacé par le ministère dit de la « Cabal-» d'après les initiales de ses cinq principaux membres (Clifford, Arlington, Buckingham, Ashley, Lauderdale). Buckingham, le fils du favori des deux premiers Stuarts, en était le principal personnage; il était à son tour le favori de Charles II dont il partageait les plaisirs. La grosse affaire était toujours la préoccupation religieuse; pour favoriser les catholiques on feignait de généraliser la tolérance au profit des protestants non-conformistes. Le frère du roi, son héritier présomptif, le duc d'York, se lit catholique et décida sa femme, la fille de Clarendon, à l'imiter. C'était une démarche des plus graves et qui fut décisive pour la ruine des Stuarts. Elle tut encore soulignée par l'alliance conclue à ce moment avec la France. Préparé par le lord catholique Arundel, un traité secret fut conclu à Douvres (mai 1670) par l'entremise de la duchesse d'Orléans, Henriette d'Angleterre, soeur de Charles II; en échange des subsides de Louis XIV, Charles II ne promettait pas seulement son alliance contre les Hollandais, il était disposé à passer au catholicisme; en novembre 1670 il reçut secrètement un nonce du pape. Clifford et Arlington conseillaient même de déclarer hautement la conversion du roi, mais Lauderdale était un presbytérien écossais, Ashley Cooper (qui devint comte de Shaftesbury), un libre penseur ami de Locke, et le sceptique Buckingham conseillèrent la prudence. La coopération de la flotte anglaise avec la flotte française, contre les Hollandais, une banqueroute provisoire de l'Etat qui fut désastreuse pour le commerce de Londres, un décret de tolérance religieuse au profit des catholiques accrurent tellement le mécontentement que la Chambre des communes se prit à faire de l'opposition. Le roi fut obligé de retirer le bill de tolérance et le parlement vota le bill du test qui excluait de toutes fonctions publiques quiconque n'adhérerait pas aux dogmes essentiels de l'Église anglicane. Le duc d'York fut obligé de renoncer au commandement de la flotte. Ses filles restèrent protestantes; lui-même se remaria avec une princesse catholique, Marie de Modène.

Cette attitude du futur roi d'Angleterre alarma fort le pays. La guerre contre la Hollande n'avait pas valu de lauriers à la marine anglaise; une bataille indécise à Southwoldsbay (7 juin 1672), un échec au Texel (21 août 1673) en furent les principaux incidents. Le ministère de la Cabal se disloqua; le catholique Clifford démissionna; Arlington et Buckingham se retirèrent aussi, Shaftesbury (Ashley) passa à l'opposition. L'ambassadeur français, Colbert de Croisse, vit que le rétablissement du catholicisme avec l'aide de la France était impossible et quitta Londres.. Le roi licencia ses troupes et signa la paix avec la Hollande (1674).

Le roi adopta alors une politique nouvelle dont le représentant fut le comte de Danby. Il s'agissait de s'appuyer sur la noblesse et la gentry anglaises et de gouverner d'accord avec l'Eglise anglicane et le parlement. Danby fit faire au roi une déclaration contre les catholiques et les non-conformistes et obtint du parlement un vote qui astreignait fonctionnaires et députés à jurer qu'ils tenaient pour un crime toute résistance à l'autorité royale. C'était une nette affirmation de la théorie du droit divin. Alors se fit entre les partis une division qui est restée capitale; les adversaires du bill, à leur tête Shaftesbury et Buckingham, formèrent le parti libéral qui devint celui des whigs; les partisans du bill formèrent le parti tory (Tories et Whigs). L'influence française, bien servie par l'envoyé huguenot, Ruvigny, resta prépondérante auprès de Charles II, sur qui sa maîtresse française, Louise de Kérouaille, qu'il créa plus tard duchesse de Portsmouth, et plus encore la duchesse de Mazarin, Hortense Mancini, eurent aussi un grand ascendant. Il finit par s'engager avec Louis XIV à ne pas traiter sans lui avec une autre puissance et, devant les hésitations de Danby et de Lauderdale, écrivit tout le traité de sa main. Les lords libéraux ayant eu l'imprudence de contester la validité des pouvoirs de la Chambre des communes en soutenant que la longue prorogation du parlement équivalait à une dissolution, le roi trouva les députés très dociles. C'étaient toujours les fidèles Cavaliers de la restauration et ce « Iong parlement » de la monarchie restait dévoué au roi (1677). Celui-ci, d'ailleurs, abandonnait l'alliance française, rappelait les auxiliaires qu'il avait fournis à Louis XIV et mariait sa nièce Marie à Guillaume d'Orange (1678).

Le parlement, enchanté, vota un million de livres sterling pour faire la guerre à la France. Cependant, une grosse crise intérieure allait détourner l'attention. L'inquiétude qu'inspiraient aux protestants anglais les menées catholiques leur fit croire aisément à un grand complot papiste. Un jour que Charles II se promenait dans le parc Saint-James, un de ses amis, du nom de Kirkby, le supplia de rentrer, sa vie étant en danger. Interrogé, il déclara qu'il s'agissait d'une conspiration catholique contre la vie du roi et indiqua Titus Oates comme pouvant l'éclaircir. Celui-ci raconta que les jésuites avaient résolu d'assassiner Charles Il et de rétablir le catholicisme avec, l'aide d'armées françaises; Coleman, secrétaire de la duchesse d'York, aurait été du complot. Le juge de paix chargé de l'éclaircir disparut et son cadavre fut trouvé dans un champ, près de Londres. L'émotion fut alors immense. Coleman et trois jésuites furent suppliciés. Le parlement partagea cette émotion; il demanda l'expulsion des catholiques des deux Chambres, de la cour, de la ville de Londres (octobre 1678). La terreur régna dans la capitale qui fut mise sur le pied de guerre; les enquêtes domiciliaires, les incarcérations se poursuivirent sans trêve; la torture arracha des aveux. Chaque jour, le complot papiste semblait prendre plus d'extension. On s'en prit à la corruption de la cour, an premier ministre. Lassé, Charles II prononça la dissolution du parlement (24 janvier 1679). Ce parlement, qui avait commencé par être plus royaliste que le roi, finissait, après dix-huit ans, par le mettre en échec; il avait obtenu trois choses qui réalisaient la monarchie parlementaire : la responsabilité ministérielle, la limitation du droit de succession, la nécessité du vote de l'impôt par le parleraient; enfin, il avait consolidé à jamais l'Eglise épiscopale anglicane.

Les élections se firent au milieu d'une agitation extrême et donnèrent l'avantage à l'opposition (février 1679); à la Chambre des communes, William Russel, fils du comte de Bedford, la dirigeait. Le grand trésorier Danby fut accusé par les Communes devant les lords et, malgré les efforts du roi, condamné à la prison. Charles Il eut alors recours à William Temple, d'une probité incontestée. Sur son avis, il forma un conseil d'Etat qui servirait de tampon entre le roi et son peuple; il y appela les chefs de l'opposition, Russel, Cavendish, Halifax, Shaftesbury; un conseil plus intime, formé avec les comtes d'Essex et de Sunderland, Temple et Halifax, eut la véritable direction des affaires.
Shaftesbury présida le conseil d'État. Ces concessions parurent inutiles car le parlement vota, au grand mécontentement du roi, l'exclusion de son frère, le duc d'York, de la succession au trône d'Angleterre (22 mai 1679). Il est vraisemblable que Shaftesbury songeait à transférer la couronne au duc de Monmouth, fils naturel de Charles II. Quoi qu'il en soit, le roi prononça la dissolution du parlement qui n'eut que le temps de voter le fameux bill d'habeas corpus (27 mai). Les poursuites contre les catholiques se prolongeaient. En Ecosse, des fanatiques covenantaires assassinèrent l'archevêque de Saint-André. Le roi destitua Shaftesbury et les libéraux qu'il avait appelés à son conseil, Le nouveau parlement se réunit le 21 octobre 1680, la Chambre des communes renouvelal'exclusion du duc d'York, mais les lords rejetèrent le bill par 63 voix contre 30, grâce aux efforts d'Halifax. Les libéraux bravés se vengèrent sur les catholiques; on redoubla larigueurdes poursuites. Charles Il traita avec Louis XIV qui lui alloua deux millions de livres de subside annuel, et prorogea le parlement (20 janvier 1681). 

A cette époque furent appliqués aux deux grands partis anglais les noms de wighs et de torys qui accentuaient l'opposition de leurs tendances. De nouvelles élections eurent lieu et le parlement fut convoqué à Oxford, le centre du parti tory. Les whigs vinrent avec des écharpes bleues et des devises : pas de papisme, pas d'esclavage (21 mars 1681); ils proposèrent de laisser au duc d'York le titre de roi, mais en donnant le pouvoir à un protecteur. Au bout de huit jours, le roi prononça encore la dissolution de ce parlement. Les subsides français permettaient au roi de tenir bon; en Ecosse, son frère ouvrait paisiblement le parlement. Même en Angleterre l'on n'était pas disposé à recommencer la guerre civile; les torys soutenaient énergiquement le roi et finirent par s'emparer de la municipalité de Londres. Les whigs amenèrent leur ruine en essayant un recours à la force. Ils organisèrent une insurrection simultanée à Londres, Bristol, Newcastle, dans le Cheshire, en Ecosse afin de porter au trône Monmouth et d'établir un Parlement annuel. Les aux whigs hésitèrent; Shaftesbury s'enfuit_en Hollande, où il mourut bientôt. Les plus exaltés continuèrent le projet, se réunissant chez un meunier du Hertfordshire. Ce complot dit de Rye-house fut découvert. On y impliqua tous les chefs du parti whig : ils furent mis à la Tour, accusés de haute trahison; lord Russel fut décapité (21 juillet 1683); Algernon Sidney eut le même sort (8 décembre 1683); Monmouth passa en Hollande. Charles ll, complètement maître de la situation, jugea même inutile de convoquer le parlement qui eût été tout à fait docile. Le duc d'York revint, reprit toutes ses charges et fut bien accueilli par tous les commerçants que la paix enrichissait. Sur ces entrefaites, le roi fut frappé d'une attaque d'apoplexie, le 11 février 1685. N'ayant pas d'enfant légitime, il eut pour successeur son frère Jacques II.

Jusqu'à sa dernière heure, il continua la politique d'atermoiement : il se fit d'abord administrer par l'archevêque de Canterbury; puis il fit appeler secrètement un prêtre catholique, John Huddleston, moine bénédictin, qui le confessa, lui donna l'absolution, et l'extrême-onction, enfin il revit encore les évêques anglicans.

Le portrait de Charles II a été tracé par Walter Scott dans Peveril du Pic et par Macaulay. Nous en résumons les traits essentiels. C'était un homme de très haute taille, aux cheveux brun foncé; sa santé était médiocre. Sceptique et sensuel, mais bienveillant, il était intelligent, aimable, avait plaisir à conter des histoires, surtout ses aventures après Worcester. S'il n'eut pas de favori comme son père et son grand-père, il eut des moeurs moins regulières, un grand nombre de maîtresses. La chasse et les courses de chevaux étaient ses plaisirs favoris; il excellait à tous les exercices du corps, notamment à la paume. Il s'adonnait avec ardeur aux expériences de chimie, s'intéressait beaucoup aux sciences; la Royal Society de Londres date de son règne. Sa culture littéraire était étendue; il parlait le français et l'italien; il protégea les arts, surtout la peinture et l'architecture. 

Parmi ses maîtresses nous citerons : Lucy Walters, Catherine Peg, lady Shannon, lady Byron au temps de son exil; mistress Palmer qu'il fit comtesse de Castlemaine puis duchesse de Cleveland (1670); elle fut détrônée par Louise de Kérouaille ensuite duchesse de Portsmouth (1673), qui domina presque complètement le roi, mais fut tenue en échec par Hortense Mancini qu'il avait connue en France et voulu épouser. Il eut un grand nombre d'enfants naturels : de Lucy Walters, Jacques duc de Monmouth et Buccleugh né en 1649 et une fille; - de Catherine Peg Charles Fitzcharles, duc de Plymouth, né en 1657; - de lady Shannon, Charlotte, comtesse de Yarmouth; - de la duchesse de Cleveland, Charles Fitzroy, duc de Southampton et Cleveland, né en 1602, Henry Fitzroy, duc de Grafton, né en 1663; George Fitzroy, duc de Northumberland, né en 1665; Anne, comtesse de Sussex; Charlotte, comtesse de Lichfeld; Barbara Fitzroy qui se fit religieuse en France; - de Margaret Davis, Mary Tudor, comtesse de Derwentwater; - de Nell Gwynne, Charles Beauclerk duc de Saint-Albans, né en 1670; James Beauclerk, né en 1671; - de la duchesse de Portsmouth, Charles Lennox, due de Richmond, né en 1678. (GE).

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