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César Borgia

César (Cesare) Borgia  est un célèbre prince italien du XVe siècle, né à Rome en avril 1474 selon Ed. Alvisi, selon d'autres en 1475 ou 1476, mort sous les murs de Pampelune le 12 mars 1507. Il était fils de Roderic Borgia, qui devint pape sous le nom d'Alexandre VI, et de la dame Rosa Vanozza de Catanei. Son père était Espagnol de naissance, mais Romain d'adoption, et allié aux grandes familles romaines des Savelli, des Gaetani, des Orsini. Il destina le jeune César à la carrière ecclésiastique, réservant pour les armes son fils aîné Jean, duc de Gandia. César, élevé avec le plus grand soin dans le goût des lettres classiques, par un rhéteur originaire de Majorque et membre de l'Académie littéraire de Pomponio Loeto, fréquenta le collège de la Sapience à Pérouse et suivit à l'Université de Pise les leçons de Philippe Decio, célèbre canoniste. Dès l'âge de quatorze ans, il obtint le titre de protonotaire apostolique. En 1492, il reçut du pape Innocent VIII l'évêché de Pampelune, et en 1493, de son père devenu pape, l'archevéché de Valence, et le chapeau de cardinal (20 septembre) du titre de Sainte-Marie Majeure

César devint alors le dispensateur principal des grâces qu'accordait le pape. Il encouragea les arts et les artistes et favorisa tout particulièrement le peintre Benedetti, dit Il Pinturricchio, qui l'a représenté au château Saint-Ange, parmi les membres de sa famille. Quand Charles VIII vint à Rome, il exigea que le jeune César Borgia lui fût livré comme otage à la suite du traité qu'Alexandre VI venait de signer avec lui. Mais à Velletri, César se glissa hors du camp français, déguisé en palefrenier, et le pape put faire alliance de nouveau avec les ennemis du roi de France. Cependant César Borgia était jaloux de son frère aîné. Cavalier de belle mine, brave, ambitieux et plus fait pour le service des armes que pour celui de l'autel, il ne pouvait souffrir que le duc de Gandia disposât de toutes les forces du Saint-Siège, comme capitaine général et gonfalonier de l'Eglise. Le 14 juin 1497, César offrit à son frère un repas d'adieu avant d'aller à Naples pour couronner au nom du pape le nouveau roi Frédéric. Le repas se prolongea fort avant dans la nuit. Les deux frères se quittèrent gaiement; mais le duc ne reparut pas. Sur le rapport d'un batelier du Tibre, qui avait vu un cavalier, suivi de plusieurs bravi, jeter un cadavre dans le fleuve, on retrouva le surlendemain le corps du malheureux duc de Gandia percé de neuf coups d'épée. Le pape procéda avec une activité fiévreuse à l'enquête sur le crime; puis il l'arrêta tout d'un coup et sans motif plausible.

"Rome entière, dit Raphaël de Volterra, murmurait le nom du meurtrier, mais personne n'osait le prononcer tout haut. "
Malgré les tentatives de réhabilitation d'Ed. Alvisi, il semble bien que le pape ait subitement arrêté l'enquête sur le meurtre par crainte de découvrir le nom du meurtrier. Il plana à cause de cela un certain doute sur l'assassin. Mais Alexandre VI fut persuadé que César était le coupable, et la postérité ne peut juger autrement que ce malheureux père. Atterré de l'audace criminelle de son fils, il n'osa cependant pas lutter contre lui, encore moins le punir. César, devenu par ce meurtre le chef de la dynastie de Borgia, fut relevé de ses vieux ecclésiastiques et échangea le chapeau de cardinal pour le titre de gonfalonier de l'Eglise. Alexandre VI semblait abdiquer entre ses mains; il ne fut plus que l'instrument de l'ambition formidable de son fils, qu'il admirait en le servant. Ce fut pour César Borgia le commencement d'une fortune qu'il rêvait sans limites. Son nom semblait le pousser aux grandes choses : aut Caesar aut nihil, être César ou rien, lui répétaient ses flatteurs.
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César Borgia, par un artiste inconnu.
César Borgia (ca. 1475 - 1507).
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L'expédition de Charles VIII avait abaissé les Sforza de Milan et les Aragonais de Naples. Les Médicis avaient été chassés de Florence. Seul, le crédit des Borgia était resté intact. César conçut le projet de constituer un Etat compact de tous les petits fiefs de la Romagne dont la soumission au Saint-Siège était très précaire. Ces premières conquêtes lui auraient permis de prendre Bologne, de confisquer Florence et la Toscane; il fût devenu roi de la Romagne, c.-à-d. de l'Italie centrale. Arriver à être le grand despote de toute l'Italie, tel fut le but qu'il poursuivit constamment. Pour l'atteindre, il exploita surtout l'affection sans bornes que lui partait son père. Alexandre prit en main la diplomatie, et César l'action militaire. Pour cela il lui fallait de l'argent et des hommes. II alla en France chercher l'un et l'autre. C'était le moment où Louis XII voulait divorcer avec la pauvre boiteuse Jeanne de France, pour épouser Anne de Bretagne. César fut chargé par son père de porter la bulle du divorce. Son ambassade frappa les contemporains par l'extrême magnificence qu'il y déploya. Une flotte aux voiles de pourpre, une suite de gentilshommes richement costumés, des mules ferrées d'argent destinées à porter au roi les présents du pape, devaient rehausser son prestige. Louis XII, en échange de la bulle de divorce et de l'alliance pontificale, lui accorda le duché de Valentinois avec une compagnie de cent lances garnies et une pension de 20,000 livres. Au printemps de 1499, il épousa Charlotte d'Albret, soeur du roi de Navarre, et se fit appeler César Borgia de France. Deux mille chevaux et six mille fantassins français le suivirent en Italie.

C'était une armée véritable (1499). Aussi la Romagne fut-elle bientôt conquise. Imola, Forli, Césène, qui appartenaient à la maison de Riaro, Pesaro, le domaine de Jean Sforza son beau-frère, Rimini, occupé par Pandolfo Malatesta, et Faenza, par Astorre Manfredi, tombèrent successivement entre ses mains. Très cruel à l'égard des barons, César fut bien accueilli par le peuple et laissa aux villes leurs franchises. Alexandre VI donna solennellement à son fils l'investiture du duché de Romagne (1501). L'année suivante il réclama à Montefeltro, duc d'Urbino, ses canons pour prendre Camerino; l'artillerie de Montefeltro fut tournée contre Urbino, qui subit à son tour, ainsi que Camerino, la loi du vainqueur. Plusieurs des seigneurs qui défendaient contre César leurs places fortes furent tués par le fer et le poison : la plupart réussirent à s enfuir. A ce moment, une intrigue fut nouée avec quelques seigneurs de Toscane pour livrer Florence à César. Louis XII s'émut de la clameur de toute l'Italie inquiète. César eût dû borner son ambition à la possession de la Romagne. En prenant Urbino et Camerino, en enlevant Pérouse aux Baglioni, en menaçant Bologne, Sienne et la Toscane, César voulait souder ses Etats avec ceux de l'Eglise. Tous les princes de l'Italie moyenne se sentirent menacés, quand il tenta de prendre Bologne aux Bentivogli. Montefeltro d'Urbino, les Orsini, les Vitelli, les Baglioni, les maîtres de Fermo, de Sinigaglia, de Sienne, qui tous faisaient métier de condottieri, se liguèrent ensemble pour lui résister. 

César prodigua les menaces et les promesses séduisantes pour dissoudre la ligue. Plusieurs de ses chefs s'engagèrent à son service et avec leur aide il défit les autres. Montefeltro dut quitter de nouveau Urbino, et Jean de Varano, Camerino; Sinigaglia fut pris à François-Marie de la Rovère. Mais César, selon la mot de Machiavel, ne pardonnait jamais à qui l'avait offensé. Le 31 décembre de l'an 1502, il fit saisir les capitaines qui, par leur défection, avaient le plus contribué à ses dernières victoires : Vittellozzo Vitelli, Oliverotto, seigneur de Fermo, François de Todi, un Orsini, un Gravina, et il les fit exécuter sous ses yeux. C'est la sanglante tragédie de Sinigaglia. Alvisi, pour innocenter César, fait remarquer que beaucoup de massacres aussi sanguinaires furent ordonnés par les condottieri de cette époque. Ce n'est pas une justification suffisante. Alvisi peut tout au plus prouver que César était un habile homme et ne valait pas moins que les plus féroces et les plus hypocrites de ses contemporains. Mais il ne valait pas mieux non plus. Là doit s'arrêter la tentative de réhabilitation en faveur de César. 

En même temps, Alexandre VI faisait arrêter, étrangler ou emprisonner tous les autres chefs de la famille des Orsini. César Borgia songea très sérieusement alors à se faire nommer par son père roi de la Romagne. Il semblait maître de l'avenir. Sa fortune pouvait braver les hasards d'une élection pontificale. Il allait peut-être faire « l'Italie d'un seul morceau ». Il avait tout prévu, même la fin prochaine de son père; mais il n'avait pu prévoir que lui-même serait moribond lors de la mort du pape. A la suite d'un repas offert par le cardinal Adrien dans une de ses vignes, Alexandre VI et César tombèrent gravement malades. Le pape, plus affaibli par l'âge que son fils, mourut (18 août 1503).
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César Borgia, par Altobello Melone.
César Borgia, par Altobello Melone.

D'après le récit de Guichardin, on a cru longtemps qu'ils avaient tous deux été empoisonnés. Il est plus probable, d'après le récit de l'ambassadeur vénitien Giustiniani et de Burchard, que le pape succomba à une atteinte de la malaria dont triompha la robuste constitution de son fils. Sa fortune tomba aussi rapidement qu'elle avait été édifiée. Ses ennemis nommèrent Pie III, qui mourut au bout de trois semaines, et le cardinal Julien de la Rovère, qui devint le pape Jules II. Réfugié au château Saint-Ange, César Borgia livra les trésors de son père pour sauver sa vie, renonça à toute prétention sur la Romagne, où rentrèrent tous ceux qui restaient encore de ses anciens ennemis. Il chercha un asile auprès de Gonzalve de Cordoue, et celui-ci le livra à son maître Ferdinand le Catholique, qui le retint captif pendant deux ans au château de Medina del Campo. César réussit à s'en évader, se mit au service de son beau-frère le roi de Navarre, et termina ses jours en aventurier, tué d'un coup de lance sous les murs de Pampelune qu'il assiégeait.

César Borgia ne constitue pas une exception monstrueuse parmi les princes de l'Italie du XVe siècle. Sans doute il a été le démon de sa famille, et il doit porter le plus lourde part de la réputation maudite des Borgia. Mais beaucoup des contemporains, les Visconti, les Sforza, les Este, les Bentivogli, furent aussi cruels et aussi fourbes, aussi peu soucieux de l'opinion et de la morale.

"Chacun comprend, dit Machiavel, combien il est louable dans un prince de garder la foi, d'agir sincèrement et non par la ruse. Mais l'expérience de nos temps nous montre qu'il n'est arrivé de faire de grandes choses qu'aux princes qui ont fait peu de cas de leur parole, qui ont sa adroitement tromper les autres et qui à la fin ont su vaincre ceux qui s'étaient confiés à leur loyauté. "
Cependant nul n'apporta dans son rôle de tyran plus d'esprit de suite, plus de ténacité, plus d'indifférence au crime, une âme plus altière et plus exempte de scrupules ou de remords. Il fut un véritable virtuose du despotisme. C'est ce qui explique qu'il ait été choisi par Machiavel pour devenir le héros de son ouvrage du Prince. (H. Vast).
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