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Carstens

Asmus-Jacob Carstens est un peintre danois, né le 10 mai 1754 au moulin de Sankt Jürgener, dans le Schleswig, mort à Rome le 25 mai 1798. Il a joui en Allemagne d'une grande renommée, et son nom a été mis à côté de celui de Thorvaldsen comme représentant dans les arts du dessin, le retour à l'antique, commencé et provoqué par les écrits de Winckelmann.

Ses débuts furent difficiles. Orphelin de bonne heure, élevé par sa mère et envoyé à l'école paroissiale de Schleswig, il conçut en présence des tableaux d'Ovens, élève de Rembrandt, qui décoraient les murs de l'église, et devant lesquels il passait ses heures de récréation, le désir et prit la résolution de se vouer à la peinture. Sa mère essaya de le faire entrer d'abord chez Gewe à Schleswig, puis chez Tischbeim, à Kassel; mais elle mourut sur ces entrefaites, laissant sa famille dans une position voisine de la pauvreté, et les tuteurs de l'enfant décidèrent qu'il fallait lui donner un état. 

A dix-sept ans, il entra comme apprenti chez un marchand de vins à Eckerntörde. Il y resta cinq ans, mais sans jamais cesser de s'exercer à dessiner et même de lire tous les traités théoriques qu'il pouvait se procurer pour s'initier aux lois de la peinture. Cette éducation par les livres, sa peinture s'en est toujours ressentie! Enfin, à sa majorité, il racheta à son patron les deux années d'apprentissage qu'il lui devait encore, et partit pour Copenhague, résolu à consacrer toute sa vie à l'art.
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Carstens : la mélancolie d'Ajax.
La mélancolie d'Ajax devant Termessa und Eurysakes, de Jakob Carstens (ca. 1791)..

Abilgaard y régnait à l'Académie; mais Carstens fréquenta moins les cours de l'Académie que la collection des moulages d'après l'antique. Il s'en remplit les yeux et l'esprit, jusqu'à pouvoir les dessiner tous de mémoire. Ce fut là, avec ses lectures et quelques leçons d'anatomie, toute son éducation artistique. Sa première grande composition fut la Mort d'Achille, bientôt suivie d'Eole et Ulysse, qui figura et fut remarqué à une exposition publique.

Le désir d'obtenir une bourse de voyage finit par le décider à prendre part aux concours de l'Académie. Le prince royal lui en facilita l'accès; mais il crut avoir à se plaindre d'une injustice, et se retira ou fut remercié. Il quitta peu après Copenhague et entreprit, avec les maigres ressources que lui avait procurés la vente de quelques dessins à la sanguine, le voyage de Rome, si longtemps désiré (1783); mais l'argent lui manqua avant la fin du voyage; il fut arrêté à Mantoue et contraint de revenir sur ses pas, non sans avoir vu et admiré, trop admiré sans doute, les fresques de Jules Romain au palais du Té.

Il s'établit à Lubeck, où il fit quelques portraits pour vivre, et où il eut la bonne fortune de faire la connaissance d'un riche amateur. En 1787, il partit pour Berlin; ses débuts y furent difficiles et il vécut dans la gêne jusqu'au moment où un dessin, la Chute des anges, lui valut un grand succès et une place de professeur à l'Académie des beaux-arts (1790). Il avait entrepris une série de compositions d'après Homère, Eschyle, Klopstock, Ossian et des allégories où son imagination, éprise de grandiose et de nobles rêveries, se donnait libre carrière. 

A l'Académie des beau-xarts, il fit la connaissance et devint le collègue de H. Chr. Genelli, Chlodowiecki, Moritz; le ministre Von Heinitz s'intéressa à son talent et lui confia la décoration d'une salle de l'ancien palais de Dorville; la plus grande partie de ce travail a péri; quelques épaves en ont été recueillies au palais royal de Berlin. Ce sont des compositions peintes ton sur ton (imitant un bas-relief), représentant les heures, les âges de la vie, Orphée, le Parnasse... De la même époque à peu près, datent le Banquet de Platon, la Bataille de Hosbach, le modèle d'une statue de Frédéric le Grand.

En 1792, le roi, à qui il avait été présenté, lui accorda une bourse de voyage, et il put enfin partir pour Rome, la ville de ses rêves. Il y passa les six dernières années de sa vie, non sans des tracas de plusieurs sortes, mais entouré de quelques admirateurs, rares mais dévoués, et salué par eux comme un guide et comme maître. C'est le temps de sa pleine maturité et de sa plus grande fécondité. On vit se succéder rapidement ces grandes compositions et cette série de cartons, conservés aujourd'hui à Weimar, où Goethe les fit acheter après sa mort, qui furent pour les contemporains, fatigués des niaiseries sentimentales et vides du rococo germanique, le signal et le gage d'une renaissance classique. 

Avant d'arriver à Rome, il avait fait à Florence un séjour de quelques semaines, et y avait dessiné le Combat des Centaures et des Lapithes. A Rome, il commença par copier Raphaël et Michel-Ange, puis donna successivement les Argonautes et le centaure Chiron, et une série de compositions tirées de l'histoire des Argonautes et de l'Oedipe de Sophocle. En 1795, il organisa une exposition de ses oeuvres, qui obtint un grand succès. Il allait chercher tantôt chez Dante, Ossian ou Goethe (Faust dans son laboratoire), et plus souvent dans le monde antique et les poèmes d'Hésiode, d'Homère et des poètes grecs, les sujets de ses compositions (Naissance de la lumière, la Nuit avec ses enfants, le Sommeil et la Mort, Homère chantant devant le peuple assemblé, l'Age d'or. Socrate sauvant la vie à Alcibiade, Ganymède, Megapenthès, etc.).

Carstens avait une imagination riche et noble, l'ambition et le sentiment de la grandeur, un idéal très élevé, beaucoup de conviction et d'ardeur; mais il est impossible de le maintenir à la place éminente que ses contemporains ont voulu lui assigner. C'est au musée de Weimar, où se trouve la plus grande partie de ses oeuvres, qu'on apprend le mieux à le connaître. Il a été gravé par Müller, Schäffer, Thäter, Koch, Hery etc. (A. M.).

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