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Cardan

Girolamo Cardano, connu sous le nom francisé de Jérôme Cardan est un savant italien, né à Pavie le 24 septembre 1501, mort à Rome le 21 septembre 1576. Sa vie n'est que le récit d'une série d'actes inconséquents les plus extraordinaires. Joueur, peut-être meurtrier, il était aussi un fanatique de la science, résolvant des problèmes qui avaient longtemps déjoué toutes les recherches; à un moment de sa vie il se livrait à des intrigues considérées comme scandaleuses, même au XVIe siècle, à un autre moment il s'abandonnait à des divagations astrologiques prétendait avoir un démon ou génie familier, se disait doué d'une clairvoyance surnaturelle, et à une autre époque enfin il déclarait que la philosophie était le seul sujet digne de fixer l'attention. C'était le génie frisant de près la démence. 
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Cardan (1501-1576).

Fils naturel d'un jurisconsulte de Milan, il suivit les cours des universités de Pavie et de Padoue. Il fut reçu docteur en médecine et l'exerça à Sacco près de Pavie; en 1534, il fut nommé professeur de mathématiques à Milan et y acquit une grande réputation tant comme professeur que comme médecin; en 1547, il fit à Pavie des conférences médicales. Après avoir passé une année environ en France, en Angleterre et en Ecosse où il fut appelé en 1552 pour soigner d'un asthme l'archevêque Hamilton. Il retourna à Milan comme professeur de sciences et peu après fut choisi pour occuper une chaire à Pavie, en 1559. Là, son temps se partageait entre la débauche, l'astrologie et la mécanique. Ses deux fils étaient aussi mauvais et irascibles que lui-même : en 1556, l'aîné fut exécuté pour avoir empoisonné sa femme, et vers la même époque Cardan dans un accès de colère coupa les oreilles du plus jeune qui avait commis quelques méfaits; cette action répréhensible ne lui attira aucune punition, le pape Grégoire XIII l'ayant pris sous sa protection.

En 1562, Cardan se rendit à Bologne, mais son nom rappelait une vie si scandaleuse que les membres de l'Université s'arrangèrent pour l'empêcher de faire, des cours, et ne désarmèrent que sous la pression de Rome. En 1570, il fut emprisonné pour hérésie parce qu'il avait publié l'horoscope de Jésus, et quand il fut relâché, il se vit si généralement détesté qu'il se détermina à abandonner sa chaire. Il quitta Bologne en 1571, et peu après se rendit à Rome. Cardan était l'astrologue le plus renommé de son temps et, lors de son séjour à Rome, il reçut une pension pour les services qu'il rendait comme astrologue à la cour pontificale. Cette dernière profession lui fut fatale, car, ayant annoncé qu'il devait mourir un certain jour, particulier, il se vit dans l'obligation de se suicider pour maintenir sa réputation intacte. C'est là, du moins, la légende.

On lui attribue quelques découvertes en physique, en chimie et en mathématiques, entre autres une méthode pour résoudre les équations cubiques, qui porte encore le nom de formule de Cardan. 

Une édition complète des oeuvres de Cardano, oeuvres mathématiques, astronomiques et astrologiques, médicales, etc., a été publiée à Lyon en 10 vol. in-fol. (1663). Elle renferme 108 traités différents. Outre les traités mathématiques, énumérés ci-dessous, nous citerons : De revolutione annorum, mensium et dierum (Nuremberg, 1547); De temporum et motuum erraticarum restitutione (id., 1547); De subtilitate (id., 1550); Ptolemaei libri IV de astrorum judiciis (Bâle, 1554); De vitali aqua seu ethere (id. 1566).  (A.-M. B.).

Mathématiques.
Les traités mathématiques de Cardan sont contenus dans le quatrième tome de l'édition de ses oeuvres. Ce sont :

1° Un chapitre d'un ouvrage inachevé sur les propriétés des nombres

2° une Practica arithmeticae generalis, en 68 chapitres publiés en 1539. C'est un remaniement, avec corrections, des travaux antérieurs, en particulier de celui de Luca Paciuolo

3° un fragment intitulé Computus minor

4° le traité célèbre publié à Nuremberg en 1545 sous le titre de Artis magnae sive de Regulis Algebraicis liber unus qui et totius opens de arithmetica est in ordine decimus. Cardan avait donc conçu le projet d'un grand ouvrage en dix livres sur l'Ars magna, mais il ne l'a pas achevé; 

5° un autre traité intitulé Ars magna Arithmeticae, dédié à Filippo Archinto, évêque de Borgo-San-Sepolcro, et qui paraît une première rédaction du précédent, que Cardan n'a pas fait imprimer; 

6° le De regula aliza libellus, publié par lui en 1570, en suite d'une réimpression de l'Ars magna de 1545, dont il est un développement; 

7° un Sermo de plus et minus, mutilé, qui est une discussion contre Bombelli;

8° un Encomium Geometriae, lu en 1535; 

Exaereton mathematicorum, écrit en 1572, et relatif aux problèmes géométriques du troisième degré; 

10° Opus novum de proportionibus numerorum, motuum, ponderum, sonorum, etc., imprimé en 1570; 

11° et 12° deux écrits en italien sur les opérations de géométrie pratique et sur les règles de la musique

Au milieu de tant d'autres occupations, Jérôme Cardan avait de temps en temps professé les mathématiques; il forma le projet d'écrire un traité complet sur l'arithmétique. Sur ces entrefaites (1539), il apprit le résultat d'une joute scientifique qui venait d'avoir lieu à Venise et dans laquelle Niccolo Tartaglia avait, en moins de deux heures, résolu trente problèmes numériques rentrant dans l'équation cubique :
x3 + px² = q. 
Etant lié depuis longtemps avec Tartaglia, il lui demanda le secret de cette solution pour en enrichir son livre. Le géomètre de Brescia lui ayant opposé un refus, Cardan lui adressa, le 12 février 1539, une lettre de reproches; puis, changeant tout à coup de tactique, il l'invita avec des paroles mielleuses à venir le plus tôt possible à Milan, où l'attendait, disait-il, avec une vive impatience, le généreux marquis del Vasto. Gagné par ces paroles, Tartaglia se rendit à Milan et vint loger chez Cardan même, après avoir appris que le marquis était parti pour Vigevano. Dès lors Cardan employa tous les moyens de séduction auprès de Tartaglia :
« Je vous jure, lui disait-il, sur les saints évangiles que si vous m'enseignez vos découvertes, non-seulement je ne les publierai jamais, mais encore je les noterai pour moi en chiffres, afin qu'après ma mort personne ne puisse les comprendre. » 
Tartaglia céda, et communiqua à Cardan ses Règles, résumées en vingt-neuf vers techniques, disposés en trois strophes, chacune de neuf vers (3 X 9 = 27 = 33). En voici la première : elle contient la solution du cas x3 + px = q.
Quando che il cubo con le cose appresso 
S'agguaglia à qualche numero discreto, 
Trova mi due altri differenti in esso; 
Dapoi terrai questo per consueto 
Ch' il lor producto sempre si eguale 
Al terzo cubo delle cose netto. 
El residuo poi tuo generale 
Delli lor lati cubi ben sottrato,
Verrà la tua cosa principale.
Voici, suivant Montucla, ce que ces vers signifient : « Quand le cube avec les choses est égal à un nombre (en d'autres termes, p étant le coefficient numérique de l'inconnue au premier degré, et q la quantité absolue), il faut prendre deux nombres, z et y, dont la différence soit q, et dont le produit, zy, soit égal au cube du tiers du coefficient des choses, c'est-à-dire à 1/27 p3. Cela fait, qu'on trouve les valeurs de x et y, ce qui est facile; car, par la première équation, on a z - q = y et y + q = s, conséquemment z² - qz = 27 p3, et y² + qy =1/27 p3, dont les racines prises, selon la méthode d'alors, c'est-à-dire en ne tenant compte que des racines positives, sont : 
et 
Il faut prendre ensuite leurs racines cubiques, et soustraire la moindre de la plus grande, et on aura la valeur de la chose, c'est-à-dire de
Les derniers vers donnent la date et le lieu (Venise) de la découverte des règles en question. Voici ces vers :
Questi trovai, ed non con passi tardi 
Nel mille cinque cents quatro e trente 
Con fondamenti ben solidi e gogliardi 
Nel città dar mur intorno centa.
Tartaglia retourna à Venise et reçut encore de Cardan plusieurs lettres au sujet de quelques développements qui lui manquaient. Au commencement de 1540, leurs relations cessèrent. Cardan parvint, avec le concours de son élève Ferrari, à donner de l'extension aux règles de Tartaglia, à résoudre les équations du 4e degré et à donner des éclaircissements sur la nature des équations. Tout cela fut publié dans l'Ars magna. Mécontent de cette conduite, Tartaglia adressa à Cardan un défi public. Le rendez-vous avait été fixé au 10 août 1548, dans une église de Milan. Cardan n'y vint pas ; il se contenta d'y envoyer son disciple Lodovico Ferrari.

Celui-ci soutint seul la lutte, qui eût entièrement tourné à l'avantage de Tartaglia, si l'attitude des amis de Cardan ne l'avait pas décidé à quitter précipitamment Milan par un chemin détourné.

« A voir, dit ici Libri, tous ces problèmes du troisième degré, qu'on se proposait par des hérauts au commencement du XVIe siècle, on comprend l'importance que l'on attachait alors aux découvertes algébriques. Il serait difficile de trouver dans l'histoire des sciences l'exemple d'un fait semblable. Les paris, les disputes publiques se succédaient sans interruption; toutes les classes de la société s'intéressaient à ces luttes scientifiques, comme dans l'antiquité on s'intéressait aux défis des poètes et aux combats des athlètes. »
Cardan a publiquement révélé dans son Ars magna (Nuremberg, 1545, in-fol.) ce que Tartaglia n'aurait voulu communiquer à personne. La publication de l'Ars magna (Nuremberg, 1545) immortalisa, pour les mathématiciens, le nom de Cardan qui est resté attaché à la formule algébrique pour la solution de l'équation du troisième degré, quoiqu'on la donne d'ordinaire sous une forme qui, bien entendu, ne peut lui appartenir, puisqu'elle suppose l'adoption des quantités négatives. Cardan publia quelques années après un autre traité sur l'arithmétique, qui se trouve également dans le dixième volume de l'édition de Lyon, 1663, mais qui n'offre pas l'intérêt de l'Ars magna.

Tartaglia se plaignit vivement des procédés de Cardan et vint le défier à Milan même le 10 août 1548. Cardan ne se risqua pas contre lui et se fit remplacer par Ferrari. Le tournoi resta indécis, Tartaglia n'ayant pas trouvé de sûreté suffisante pour le pousser jusqu'au bout. La conduite de Cardan paraît, de fait, assez peu honorable, mais il faut dire que la postérité ne juge le procès que sur le plaidoyer de l'accusateur, et qu'au nom de l'intérêt public, on est d'autant plus disposé à accorder les circonstances atténuantes que Tartaglia, quoique écrivain assez fécond, n'a jamais rien voulu ou pu publier sur ses découvertes algébriques, même après l'apparition de l'Ars magna. En tout cas, Cardan n'est  nullement un simple plagiaire; il a rendu pleine justice à l'inventeur dont il publiait la découverte sans autorisation. Le mode d'exposition de cette découverte lui appartient; il a, le premier, constaté l'existence des racines négatives dans les équations du second degré et osé manier les quantités imaginaires. Enfin, la découverte de Ferrari pour la solution des équations du quatrième degré dérive de tentatives de Cardan pour résoudre des problèmes numériques de cet ordre, posés par Tonini da Coi de Brescia, en transformant l'équation de façon à mettre chaque membre sous la forme d'un carré. (P. Tannery).

Philosophie.
Comme philosophe, Cardan a composé une théorie philosophique de la nature dans ses deux livres de physique De Subtililate rerum et De rerum veritate; ses ouvrages philosophiques sont le Theonoston, les traités De Consolatione, De Natura, De lmmortalitate animarum, De Uno, De Summo Bono, De Sapientia.

D'après Cardan, trois grands principes agissent dans la nature et la constituent; ce sont : l'espace, la matière et l'intelligence ou l'âme du monde. Il n y a pas de matière sans forme, la forme se confond avec l'âme, tout corps est donc animé. Toutes les âmes sont des émanations de l'âme universelle, elles sont toutes différentes les unes des autres, individuellement distinctes et cependant égales en nature. Toutes jouissent de l'immortalité. Dieu n'est guère que la collection de toutes les âmes, l'intelligence suprême, l'âme du monde partout répandue, qui meut et anime tout. Bien que les êtres soient substantiellement égaux, ils ont cependant des différences, nous venons de le dire; c'est ainsi que les animaux ont un principe intime de mouvement, l'instinct, que n'ont pas les plantes, et que l'humain a la conscience, que ne possèdent pas les animaux. Ce système paraît un mélange assez confus des doctrines d'Aristote et des stoïciens. (G. Fonsegrive / F. Hoefer).

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