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Bürger

Gottfried August Bürger est un poète allemand, né à Molmerswende, dans le comté de Falkenstein, en Saxe, le 31 décembre 1747, mort à Göttingen le 8 juin 1794. II était fils d'un pasteur et étudia d'abord la théologie et le droit à Halle, où il fit la connaissance de Goeckingk. En 1768, il se rendit à Göttingen, où il se lia avec Boïe. Il avait commencé, avec quelques jeunes gens qui partageaient ses goûts, à lire et à imiter les Anciens, mais il s'attacha bientôt de préférence aux littératures modernes; Shakespeare surtout et le recueil de ballades publiées par Percy sous le titre de Reliques of ancient english poetry firent sur lui une grande impression. Il obtint, par l'intercession de ses amis, des fonctions judiciaires, peu rétribuées, dans différentes petites villes aux environs de Göttingen; malheureusement, les inconséquences de sa conduite entravèrent son avancement et nuisirent à sa considération.

Il se rattacha au Göttinger Hainbund, qui fut le noyau d'une nouvelle école poétique, et il publia, en 1773, dans l'Almanach des Muses de Göttingen, la ballade de Lénore, qui est restée son chef-d'oeuvre, et qui est en même temps une des oeuvres les plus originales de la littérature allemande. Il épousa l'année suivante la fille d'un officier de justice hanovrien, nommée Dorette Leonhard. Cette union s'annonça d'abord sous d'heureux auspices, à en juger par quelques lettres de Bürger; mais elle fut bientôt troublée par la passion que lui inspira sa belle-soeur Augusta, qu'il a chantée sous le nom de Molly, une passion, dit-il, dont il reçut le germe dans son coeur le jour même où il tendit la main devant l'autel à la soeur aînée. Molly entra dans sa maison comme sa seconde femme, à côté de la première; elle lui donna un fils, qui fut élevé chez une tante.

A une situation de famille particulière se joignirent des spéculations malheureuses; Bürger se mit à la tête d'une exploitation agricole au village d'Appenrode, et se ruina complètement. Il était resté bailli à Wöllmershausen; il déposa sa charge en 1784, et vint s'établir à Göttingen. Dorette venait de mourir, lui laissant une fille. Alors il légitima son union avec Molly, et une ère plus calme et presque heureuse sembla s'ouvrir pour lui; il donna des leçons et fit des conférences qui eurent du succès. Mais, le 9 janvier 1786, Molly fut enlevée par une mort brusque, après avoir donné le jour à une fille, le troisième et dernier enfant de Bürger. Ce malheur l'accabla :

« Les morts sont morts et ce qui est perdu est perdu, écrit-il à Boïe, quelques mois après, en s'appliquant à lui-même un vers de Lénore. Si j'espère, si je désire encore quelque chose, si, las et épuisé, me soutenant à peine, j'aspire encore après quelque chose, c'est pour mes enfants. Sans eux, je ne demanderais plus qu'à dormir à côté de celle qui est entrée dans le sommeil éternel. Pourquoi le tronc aride et nu est-il encore debout, quand la belle vigne fleurie qui s'y attachait en a été arrachée? »
Il chercha un refuge dans les études philosophiques et fit des conférences sur Kant; l'Université de Göttingen lui conféra, en 1789, le grade de docteur, et le nomma professeur extraordinaire, sans traitement. Une seconde édition de ses poésies parut la même année; elle contenait les élégies sur la mort de Molly. Le Stutltgarter Beobachter publia, peu de temps après, une pièce de vers anonyme, où une jeune fille, pénétrée d'admiration et de sympathie pour le poète malheureux, lui offrait sa main. Bürger apprit du directeur de la revue le nom de l'inconnue : c'était Elise Hahn, fille d'un modeste employé de Stuttgart. II lui envoya son autobiographie, où il ne se flattait pas; elle persista dans sa résolution, et il l'épousa. Deux ans après, il dut faire prononcer son divorce, et cette fois-ci les torts n'étaient pas de son côté. Il était déjà malade, et le chagrin hâta sa mort.

Les contemporains de Bürger louèrent unanimement son talent; quelques-uns firent de justes réserves sur son caractère. Schiller, dans un article célèbre, publié d'abord dans la Allgemeine Litteraturzeitung d'Iéna, en 1791, disait :

« Le poète ne peut nous donner que son individualité; il faut donc que cette individualité soit digne d'être exposée aux regards des contemporains et de la postérité. »
Et il reprochait à Bürger d'avoir confondu la popularité avec la vulgarité et de s'être ravalé au niveau de la foule. Goethe a prononcé, devant Eckermann, un jugement analogue :
« Bürger n'a jamais su se mettre un frein, c'est pourquoi sa poésie manque de consistance, comme sa vie. » 
II est certain que la carrière de Bürger n'offre pas cette belle continuité d'études et de travaux qui plait dans celle de Goethe ou de Schiller; on ne peut même pas dire qu'il y ait chez lui un progrès dans un sens quelconque. Son génie éclate par intervalles; le trivial, dans ses oeuvres, heurte le sublime. Aussi la majeure partie de ses poésies est tombée dans l'oubli; mais, dans les moments où il était heureusement inspiré, il a écrit quelques pages immortelles. Ce qui ne l'a jamais quitté, c'est le soin de la forme. Il ne cessait de se corriger; ses oeuvres, d'édition en édition, se sont chargées de variantes, et la dernière leçon n'est pas toujours la meilleure. La pièce qui ouvre ordinairement le recueil de ses poésies, la Veillée de Vénus, est connue sous cinq formes différentes. 

En somme, Bürger a laissé dans la littérature une dizaine de morceaux absolument classiques; il est, parmi les écrivains du XVIIIe siècle, un de ceux qui ont mis leur empreinte sur la langue, et, pour l'harmonie du vers et la plénitude du rythme, il n'a été égalé que par Goethe.

Bürger a traduit, avant Voss, le quatrième livre de l'Enéide et des parties détachées de l'Iliade en hexamètres allemands; il a même essayé d'appliquer à l'Iliade la forme du trimètre iambique; il a fait une traduction en prose du Macbeth de Shakespeare; il a raconté, avant Immermann, les aventures de Münchhausen d'après un original anglais; enfin il a été, depuis l'année 1779 jusqu'à sa mort, rédacteur en chef de l'Almanach des Muses de Göttingen.

Elise Hahn, après son divorce avec Bürger, se fit artiste dramatique; elle joua sur les théâtres d'Altona, de Hanovre et de Dresde; puis elle fit des tournées pour son propre compte, donna des séances de déclamation, et se produisit même dans des tableaux vivants. Elle mourut à Francfort-sur-le-Main le 24 novembre 1833; elle avait perdu la vue quelques années auparavant. Elle a donné au théâtre Adélaïde, comtesse de Teck (Hambourg, 1799), et quelques autres pièces; elle a publié en outre un roman intitulé Irrgänge des weiblichen Herzens (Altona, 1799), et deux recueils de poésies (Gedichte, Hambourg, 1812; Lilienblätter und Cypressenzweige, Francfort, 1826). (A. Bossert).

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