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Donato Bramante
(appelé à tort Lazzari) est un architecte né
suivant toute vraisemblance en 1444, dans une petite propriété
de famille appelée del Colle et plus tard Ca Bramante, commune de
Monte Asdrualdo, à peu de distance d'Urbino
(Italie), mort le 11 mars 1514. Ainsi s'explique le surnom d'Asdruvaldinus
qui lui est donné sur la médaille gravée par Caradosso,
au moment de la pose de la première pierre du nouveau Saint-Pierre
en 1506. Les droits de Castel Durante, aujourd'hui Urbania, mis en avant
par Vasari, ne sont pas soutenables, et il en
est de même de ceux de Stretta, Fermignano et Urbino; car plusieurs
localités se sont disputé l'honneur d'avoir donné
le jour à un si grand artiste. Cesare Cesariani, qui fut l'élève
de Bramante, et non son maître comme on l'a prétendu, dans
son Commentaire sur Vitruve, dit que notre
architecte était fils d'un nommé Severo Lazzari. C'est une
erreur. Son père s'appelait Agnolo di Pascuccio et son grand-père
Pascuccio d'Antonio. Le premier, en outre, dans divers actes porte déjà
le surnom de Bramante qu'il devait sans doute à son ambition bien
connue (Bramare = désirer ardemment).
Médaille
d'argent de Bramante par Caradosso.
Réussissant admirablement dans tous
les arts, Bramante s'adonna d'abord à la peinture .
Mais nous ne pouvons avec certitude lui attribuer ni un tableau ni une
fresque .
Vasari,
l'anonyme de Morelli, Lomazzo, Lanzi, donnent à ce sujet des indications
qu'il n'est plus possible de contrôler, ou tombent dans d'étranges
erreurs. Avant de se rendre à Milan,
ce qui eut lieu vers l'année 1472, Bramante, dont Vasari nous vante
les précoces dispositions pour l'architecture, mit certainement
la main à quelque édifice important dans la vaste région
des bords de l'Adriatique. Seulement il paraît bien difficile qu'en
1459 on lui ait confié la construction du temple rond connu sous
le nom de la Madonna del Riscatto, aux environs de Fano, et quant aux trois
églises et au palais que Pagave cite à Faenza, l'authenticité
de leur origine a été contestée par Geymüller,
l'auteur qui a le mieux étudié la jeunesse du maître.
Ce dernier ne trouve guère de probabilités qu'en faveur du
sanctuaire de la Madone del Monte, tout près de Cesena.
A Milan, où il devait séjourner
jusqu'en 1499, Bramante ne tarda pas à acquérir une grande
réputation. On admirait sa manière toute nouvelle qui le
posait en continuateur de Brunelleschi et
d'Alberti. La reconstruction du Dôme
sous la direction de nombreux architectes, pour la plupart étrangers,
n'exerça sur lui aucune influence, bien que des documents nous le
montrent, à certain moment, assez intimement mêlé aux
travaux. Dans la forme tout au moins il avait dès le début
rompu avec le Moyen âge ,
et c'est là, croyons-nous, une des principales causes de son succès.
A Milan, parmi les édifices qui
doivent à Bramante tout ou partie de leurs embellissements, nous
citerons : Saint-Satyre, 1474, avant-nef donnant sur la Via del Falcone;1497,
chapelle Saint-Théodore; 1498, base de la façade, sacristie
octogone. - Saint-Ambroise : 1492, maison canoniale; 1498, monastère.
- Sainte-Marie des Grâces : 1492, cloître,
sacristie,
porte,
coupole, chapelle Saint-Paul, réfectoire;
1494, tombeau d'un fils de Ludovic le More. - Grand-Hôpital : 1494,
côté du portique de la grande
cour qui regarde le Nord. - Archevêché : 1493-97, deux galeries
vers la Piazza Fontana. - Château :
pont-couvert, du côté de la porte de Côme, aujourd'hui
Garibaldi. Aux environs de Milan, durant la même période,
Bramante construisit toute l'aile droite de la cathédrale
de Côme (1491), fournit les plans de la célèbre église
dite de l'Incoronata, à Lodi (1488), et ceux de la chapelle des
Barnabites de Canepanuova, à Pavie
(1494). Chez lui, du reste, l'ingénieur était au niveau de
l'architecte et on avait recours à ses lumières chaque fois
que quelque difficulté se présentait, comme nous le voyons
pour les cathédrales de Milan et de Pavie, le pont de Domo d'Ossola
et les fortifications de Vigevano.
Bramante, arrivé à l'âge
de cinquante-cinq ans et depuis longtemps célèbre, sentit
tout à coup, semble-t-il, le besoin de retremper son génie
dans une étude plus complète des monuments antiques. Rome
sous ce rapport pouvant offrir des avantages qu'il n'aurait rencontrés
nulle part ailleurs, c'est là que, de 1499 à 1503, nous le
trouvons dessinant, mesurant, se rendant compte des moindres détails.
Grâce à l'argent gagné à Milan, il ne sent pas
le besoin de rechercher des commandes et jouit de sa pleine liberté.
Lorsque toutes les ruines de la ville éternelle lui sont suffisamment
connues, celles de Tivoli et de la villa Hadriana
reçoivent à leur tour sa visite. Il passe même de longs
mois à Naples dont l'archevêque
Olivier Caraffa, cardinal du titre de Sainte-Marie de la Paix, lui demande,
en 1504, d'ajouter un cloître aux bâtiments qui avoisinent
son église. Bramante accepte, revient à Rome et commence
alors cette série de merveilleux travaux qui devaient faire de lui
le plus grand des architectes d'Italie.
Le cloître dont nous avons parlé
fut achevé en peu de temps et cette rapidité d'exécution,
tout autant peut-être. que le talent déployé dans la
circonstance, contribua à fixer sur Bramante L'attention de Jules
II. Ce pontife, en effet, entendait jouir et le plus tôt possible,
des transformations qu'il projetait d'opérer autour de lui. La première
consistait à mettre en communication an moyen de galeries longues
de trois cents mètres environ le vieux palais du Vatican
et la villa dite du Belvédère ,
élevée, peu d'années auparavant, par Innocent
VIII. De cette façon le vallon qui séparait les deux
constructions se trouverait comme enserré et l'on obtiendrait une
sorte de cirque dans le goût antique. Ce programme ne put cependant
être qu'à moitié rempli par Bramante. La galerie de
droite, élevée sur deux étages extérieurement
décorés de pilastres, en dépit de l'activité
apportée à son exécution, était à peine
terminée au-moment où le maître mourut. Un autre construisit
la seconde galerie, du côté du parc, un demi-siècle
plus tard, sous Pie IV.
Vue
du projet primitif de Bramante pour Saint-Pierre de Rome.
(Revers
d'une médaille de bronze à l'effigie de Jules II).
Les travaux que Jules Il faisait exécuter
dans son palais - et à ceux déjà indiqués nous
devons ajouter le triple portique autour de la cour Saint-Damase ainsi
que le grand escalier en spirale du Belvédère
- ne l'empêchaient pas de rêver le complet renouvellement de
la basilique Saint-Pierre. A cet effet un plan fut demandé
à Bramante, qui s'empressa de proposer
la construction d'un édifice à croix grecque dont chaque
bras intérieurement en hémicycle ne ferait que très
peu saillie sur les côtés d'un vaste rectangle. De la sorte,
quatre coupoles secondaires pourraient accompagner celle qui s'élancerait
au centre à une grande élévation, et le tout pyramiderait
d'une façon merveilleuse. Mais le temps devait manquer pour l'exécution
d'un aussi beau projet. A la mort du maître, la construction ne dépassait
guère les arcs bandés entre les quatre grands piliers. Quant
aux bras de croix, sauf du côté de la tribune et au sud, ils
n'étaient pas même ébauchés, bien que la pose
de la première pierre remontât à huit années
en arrière, c.-à-d. au 18 avril 1506.
Nous pouvons citer encore, à Rome,
plusieurs autres travaux importants de Bramante. Ce grand architecte, peu
de temps après son retour de Naples, construisit dans le Borgo Nuovo
pour le cardinal de Corneto
(Adrien Castellesi) un charmant palais, appelé depuis, du nom de
ses différents propriétaires, palais du roi d'Angleterre,
palais Giraud et palais Torlonia. Puis, en adoptant le même genre
de décoration, dans un autre quartier de la ville, il éleva
sur une plus grande échelle le palais dit de la Chancellerie qui
passe à bon droit pour l'un des chefs-d'oeuvre de la Renaissance .
On peut en dire à peu près autant du petit temple rond connu
sous le nom de Saint-Pierre in Montonio. Rien de mieux proportionné
ni de plus gracieux n'a été créé à cette
époque. En dehors de Rome la tradition attribue encore à
Bramante plusieurs édifices parmi lesquels nous signalerons la cathédrale
de Foligno et celle de Città di Castello, le portique de la cathédrale
de Spolète et la magnifique église de la Madonna della Consolazione,
à Todi. Mais dans les trois premiers cas il y a erreur manifeste,
ainsi que l'a fort bien démontré Geymüller, et la participation
au dernier se borne probablement à l'envoi d'un plan qui n'a pas
été exécuté d'une manière très
consciencieuse, car l'intérieur accuse une main beaucoup moins habile
que l'extérieur.
Façade
intérieure du palais de la Chancellerie à Rome.
La grande activité que Bramante
a surtout déployée dans les dix dernières années
de sa vie n'a pas, autant qu'on pourrait le croire, servi la cause de l'art.
Faute d'avoir été bien assise, la galerie droite du Vatican,
peu d'années après son achèvement, s'écroulait
sur une longueur de quatre-vingts brasses et, pour éviter pareil
accident, il a fallu dès l'année 1515, renforcer les piliers
destinés à supporter la coupole de Saint-Pierre. D'où
il ne s'ensuit pas assurément que l'illustre maître, à
l'occasion, ne sût construire solidement, mais le sentiment de la
forme l'emportait peut-être trop chez lui. Avant tout il voulait
faire oeuvre d'élégance, déployer en même temps
que la plus parfaite mesure le goût le plus délicat. Vasari
au sujet de la reconstruction de Saint-Pierre entre dans certains détails
que nous nous reprocherions de ne pas faire connaître. Au lieu de
suivre le procédé ordinaire: pour décorer ses voûtes,
Bramante, sur l'extrados
des cintres disposés en matrices, étendait
une couche de chaux et de sable délayés dans de l'eau. Il
obtenait ainsi d'un seul jet tous les ornements dont il pouvait avoir souci,
et le travail se trouvait entièrement achevé au moment de
l'enlèvement des échafaudages.
(L. Palustre). |
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