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Boisrobert

L'abbé François Le Metel de Bois-Robert (ou Boisrobert) est un littérateur français, né à Caen, dans la paroisse de Notre-Dame-de-Froiderue, en 1592, mort à Paris le 30 mars 1662. Fils d'un procureur à la cour des aides de Rouen, il fut destiné au barreau et plaida même à Rouen. Il vint à Paris vers 1622, se fit recommander au cardinal du Perron dont il gagna bientôt les bonnes grâces, par sa bonne humeur et son esprit. Il parut à la cour et fit des vers pour le ballet des Bacchanales qu'on dansa au Louvre le 26 février 1623. A cette occasion, il se lia d'amitié avec Théophile de Viau, Saint-Amant et Sorel, ses collaborateurs au ballet. Il accompagna en Angleterre M. et Mme. de Chevreuse, revint en France et partit en 1630 pour l'Italie. Il plut fort au pape Urbain VIII qui lui donna un prieuré en Bretagne. C'est alors que Bois-Robert prit les ordres. 

A son retour on le nomma chanoine de Rouen. En relation avec Richelieu depuis 1623, il ne tarda pas à jouir d'un crédit considérable auprès du sévère homme d'Etat. Il l'amusait par ses réparties vives, son agrément de causeur, ses bons mots et son talent tout particulier pour imiter les gens. Il usa d'ailleurs très noblement de sa faveur en obtenant force pensions pour les littérateurs pauvres, sans en excepter même ses ennemis. On possède nombre de lettres intéressantes de ses obligés et Balzac lui écrit (1er décembre 1634) :

« Monsieur, j'ai pitié de votre bonne fortune, vous estes malheureux d'estre si aimé et un homme nécessaire, à tant de gens [...]. Il faut que vous soyez toujours le médiateur entre Apollon et les poètes. »
C'est à ce moment que Bois-Robert fournit au cardinal l'idée première de l'Académie française. Il voyait chez son ami Conrart, un certain nombre d'hommes de lettres et de savants qui se réunissaient pour se communiquer leurs ouvrages. Bois-Robert parla avec enthousiasme à son protecteur de ces réunions où l'on échangeait tant d'idées intéressantes. Richelieu conçut aussitôt le plan de l'Académie et chargea Bois-Robert de proposer à ses amis de former un corps, sous la protection de l'Etat. La compagnie hésita quelque peu redoutant d'aliéner sa liberté. Bois-Robert déploya la plus grande activité et, en janvier 1635, l'Académie française était fondée par lettres patentes. Bois-Robert fut, comme de juste, un des premiers académiciens et non des moins remuants. Dès les premières séances (20 février 1635) il y prononçait un discours pour la défense du théâtre, dans lequel il attaquait violemment Homère, et disait entre autres aménités : 
« Ne vous entêtez pas si fort pour cet aveugle. Ses poèmes ne sont composés que de chansons qu'il chantait devant la Samaritaine et devant le Pont-Neuf de son temps. »
C'est ainsi que débuta en France la fameuse querelle des Anciens et des Modernes. Bois-Robert servit toujours d'intermédiaire entre d'Académie et le cardinal, notamment pour les questions d'élections, pour celles d'organisation intérieure, pour l'affaire de l'examen du Cid, pour la création du Dictionnaire. Il y était fort aimé, bien qu'il ne ménageât guère ses collègues. C'est lui qui a inventé ces épigrammes qu'on fait aujourd hui encore sur la lenteur des travaux du Dictionnaire :
L'Académie est comme un vrai chapitre
Chacun à part promet d'y faire bien,
Mais tous ensemble ils ne tiennent plus rien;
Mais tous ensemble ils ne font rien qui vaille,
Depuis dix ans que sur l'F on travaille,
Et le destin m'auroit fort obligé
S'il m'avait dit : Tu vivras jusqu'au G.
Sa faveur parvint à son apogée lorsqu'il fut jugé digne de collaborer avec Corneille, Colletet, de l'Estoile et Rotrou, aux pièces de théâtre dont le cardinal donnait le plan, qu'il signait et qu'il faisait représenter en son nom. Il y gagna une pension, l'abbaye de Châtillon-sur-Seine, le prieuré de la Ferté-sur-Aube, le titre de conseiller d'Etat et celui de prédicateur du roi.

Ses moeurs étaient assez légères. Grand ami de Ninon, grand coureur de ruelles, il ne sut pas résister aux sollicitations d'une comédienne, Mlle Saint-Amour Frerelot, et l'introduisit dans la salle où l'on donnait une comédie de Richelieu devant une assemblée choisie. Cinq-Mars, qui n'aimait pas le cardinal, se plaignit au roi, qui déclara que Bois-Robert déshonorait la maison de Richelieu. Bois-Robert fut exilé en province. Mais il avait beaucoup d'amis, entre autres Mazarin et le médecin du cardinal, Citois, qui ne manquait aucune occasion de répéter : 

« Je n'ai plus rien, monseigneur, à vous ordonner, que deux drachmes de Bois-Robert après le repas. »
Il ne tarda donc pas à être rappelé. Peu après son retour, Richelieu mourut. Bois-Robert se plaça sous la protection de Mazarin; il lui fut très dévoué pendant la Fronde et osa même chansonner le cardinal de Retz. Son incorrigible passion pour la plaisanterie ligua contre lui quelques personnages de la cour qui le firent exiler de nouveau, Mlle Servien, fille du ministre et Mme de Mancini sollicitèrent et obtinrent sa grâce. On l'obligea seulement, à son grand déplaisir, à exercer plus sérieusement son ministère de prêtre. 

Les oeuvres de Bois-Robert se composent de pièces de théâtre, de poésies et de romans qui, certes n'auraient pas suffit à sauver son nom de l'oubli, s'il n'avait joué un rôle considérable dans l'histoire littéraire du XVIIe siècle et s'il ne s'était trouvé mêlé à la fondation de l'Académie. En voici la liste : Pyrandre et Lysimène, tragi-comédie (Paris, 1633, in-4); les Rivaux amis, id. (1639, in-4); les deux Alcandres, id. (1610, in-4); le Couronnement de Darie, id. (1642, in-4); la vraye Didon ou la Didon chaste, id. (1643, in-4); la Jalouse d'elle-même, comédie (1650, in-4); la Folle gageure ou les divertissemens de la comtesse de Pembroc, id. (1653, in-4). Ces deux pièces sont tirées de Lope de Vega. Les trois Orontes, id. (1653, in-4); Cassandre, comtesse de Barcelone, tragi-comédie (1654, in-4); la belle Plaideuse, comédie (1655, in 42), dans laquelle il a mis en scène, avant Molière, l'aventure du président de Bercy, usurier, se trouvant en face de son propre fils, emprunteur; les Généreux Ennemis, id. (1655, in-12); la Belle Invisible ou la Constance éprouvée, id. (1656, in-12); les Coups d'Amour et de Fortune ou l'heureux infortuné, tragi-comédie (1656, in-42); les Apparences trompeuses, comédie (1656, in-42); Theodore, reyne de Hongrie, tragi-comédie (1658, in-12); Histoire indienne d'Anaxandre et d'Orazie où sont entremêlées les aventures d'Alcidaris et de Cambaye, roman (Paris, 1629, in-8); les Nouvelles héroïques et amoureuses (Paris, 1657, in-8); les Epistres en vers et autres oeuvres poétiques (Paris, 1647-1659, in-4); Paraphrases (en vers) sur les sept psaumes de la pénitence (Paris, 1627, in-12). Il a publié en outre deux recueils intitulés : le Parnasse royal (Paris, 1634, in-4) et le Sacrifice des muses au grand cardinal de Richelieu (Paris, 1635, in-4) et édité les Oeuvres de Théophile (Rouen, 1627, in-8). Il existe des pièces et lettres de Bois-Robert dans le manuscrit 1231 du fonds Sorbonne à la Bibliothèque nationale et dans le portefeuille 217, collection Godefroy à la bibliothèque de l'Institut. (R. S.).

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