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Bède le Vénérable

Bède le Vénérable, l'un des plus illustres représentants de la littérature catholique anglo-latine, né en 672, sur le territoire du monastère de Wearmouth, dans le Northumberland, mort le 26 mai 735. Orphelin à sept ans, il fut élevé par l'abbé Bénédict, fondateur de ce monastère. Toute sa vie devait se passer à apprendre et à enseigner. A dix-neuf ans, il est ordonné diacre, six ans avant l'âge canonique. En 702, il reçoit la prêtrise et dès lors il commence à user de la riche bibliothèque du couvent pour composer les nombreux ouvrages qui ont rendu son nom célèbre. Au moment de sa mort, il était encore occupé à traduire en anglo-saxon l'Evangile de saint Jean. Il fut enseveli dans le monastère de Jarrow, sorte de succursale de Wearmouth, établie dans le voisinage de la maison-mère, et où il avait fréquemment séjourné. Bède a composé un grand nombre d'ouvrages qui nous sont presque tous parvenus. II a laissé beaucoup d'écrits théologiques peu originaux, et des travaux historiques qui sont d'une tout autre importance. Il faut citer tout d'abord son Histoire ecclésiastique (Historia ecclesiastica gentis Anglorum). Cette histoire se divise en cinq livres :
1er livre, description de la Grande-Bretagne et histoire depuis la conquête de Jules César; conversion des Anglais au christianisme, histoire ecclésiastique du pays jusqu'à la mort du pape saint Grégoire le Grand

IIe livre, de la mort de Grégoire, qui avait eu une grande influence sur l'histoire de l'Église d'Angleterre, jusqu'à la mort d'Edwin, roi de Northumbrie (633); 

Ille livre, de 633 à 665, année où Théodore fut sacré par le pape archevêque de Canterbury;

le IVe livre va jusqu'à la mort de Cuthbert (auquel Bède a consacré un autre ouvrage dont il va être question);

le Ve livre se termine à l'année 732; sa conclusion montre l'état prospère de la Grande-Bretagne, prospérité qui permet à plusieurs personnages nobles de quitter la vie du monde et de déposer les armes pour entrer en religion.

La première édition, extraordinairement rare, en a été donnée en 1474 à Strasbourg. La meilleure est celle donnée par Giles (Londres, 1847).
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Bède : Historia Ecclesiastica.
Page de l'Historia Ecclesiastica, de Bède.

La chronique de Bède, qui a dans l'ensemble certains rapports avec celle de Grégoire de Tours, est, surtout dans les deux derniers livres, intéressante pour l'histoire de la civilisation et des lettres. A côté de l'Histoire ecclésiastique, il faut citer un recueil de biographies qui la complètent: Vita beatorum abbatum Wiremuthensium et Girvensium, Benedicti, Ceolfridi, Easterwini, Sigfridi atque Huetberthi, tous abbés de la communauté, que Bède avait eus pour maîtres ou pour amis. Ce livre donne des renseignements curieux sur la vie ecclésiastique en Angleterre au VIIe, siècle. Un supplément à ces vies des abbés, supplément qui fait l'effet d'un roman à côté de l'histoire, c'est le double ouvrage en vers et en prose sur la vie et les miracles de saint Cuthbert, évêque de Lindisfarn. Dans le même ordre d'idées, Bède a composé en prose, à l'usage du commun des lecteurs, une vie de saint Félix d'après le poème de saint Paulin de Nole

Mais le savant anglais ne s'occupait pas uniquement de biographies ou d'histoire ecclésiastique : il écrivit, dès 703, un opuscule, De Temporibus, complété ensuite par un grand ouvrage chronologique, De Temporum ratione, qu'Ideler (Handbuch der Chronologie, II, 292) appelle « un manuel complet de chronologie pour les dates et les fêtes ». Bède y parle du jour, de la nuit, de la semaine et, en particulier, de "la grande semaine", c. -à-d. celle des âges du monde; des mois, chez les divers peuples et, en particulier, chez les Angles; des signe du zodiaque, des équinoxes, des solstices, etc. Le livre se termine par des notions sur les épactes, le cycle lunaire, la détermination de la fête de Pâques et un canon pascal à partir de l'année 532. Quatre chapitres sont consacrés aux septième et huitième âges du monde, c.-à-d. à ceux qui suivent immédiatement l'époque de Bède. Le septième âge sera celui du sabbat éternel; le huitième, celui de la bienheureuse résurrection. Ces âges du monde correspondent aux jours de la semaine des souffrances du Christ.
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L'histoire des six premiers âges du monde, que Bède fait partir de la création pour la mener jusqu'à son temps, et qu'il intitule Chronicon, sive de sex huius saeculi aetatibus, complète, au point de vue pratique, les données théoriques et mystiques de l'ouvrage précédent. Cette histoire des âges du monde est fondée sur la Cité de Dieu de saint Augustin et sur les Chroniques d'Eusèbe et saint Jérôme et d'Isidore. Aux ouvrages historiques de Bède se rattache un martyrologe (Martyrologium de natalitiis sanctorum diebus), qui a eu une certaine influence sur les recueils, similaires du Moyen âge. On a remarqué que l'auteur semble se complaire à des récits réalistes des tortures des saints; par exemple la passion de saint Pacôme, racontée au 14 mai. 

Tels sont les écrits qui ont fait de Bède un des maîtres du Moyen âge. Il composa aussi un certain nombre de poèmes ou plutôt d'ouvrages en vers, qui, semble-t-il, n'ajoutent rien à sa gloire. Nous ne les possédons pas tous; il cite lui-même un livre d'hymnes et un livre d'épigrammes (Liber hymnorum diverso metro sine rhythmo et Liber epigrammatum heroico metro sive elegiaco), qui ne nous sont pas parvenus. Le poème sur les miracles de saint Cuthbert (De miraculis sancti Cuthberti), qui fut composé avant l'ouvrage en prose De vita et miraculis sancti Cuthberti, scopi Lindisfarnensis, n'a pas de valeur au point de de la versification. D'un autre côté, la plupart des hymnes qu'on attribue à Bède sont apocryphes; la seule dont on puisse garantir l'authenticité, c'est celle qu'il composa en l'honneur de la virginité de la reine Etheldrida, qui était entrée dans la vie monastique et devenue abbesse. Cette hymne, insérée dans l'Histoire ecclésiastique où elle nous a été conservée, est d'une versification assez pure, mais sans élan.

Au point de vue théorique, certains opuscules de Bède méritent d'attirer l'attention : un traité De Orthographia, un livre De Schematis et Tropis sanctae scripturae, où les figures de rhétorique sont expliquées par des exemples empruntés à la Bible ou plutôt au texte de la Vulgate que Bède identifie avec l'original au point de se fonder sur elle pour énumérer des types d'homéotéleute; une métrique (De arte metrica), qui offre certains détails intéressants pour l'histoire de la littérature latine; une petite cosmographie (De natura rerum). L'édition des oeuvres de Bède le Vénérable publiée en 1612 attribue à ce moine deux ouvrages sur la musique, intitulés Musica quadrata et Musica theoretica; déjà, en 1565, on avait publié les oeuvres musicales de Bède sous le titre de Bedae venerabilis de musica libri duo (Bâle, in-8); depuis cette époque les ouvrages théoriques attribués à Bède le Vénérable ont été restitués à l'auteur que l'on désigne sous le titre du nommé Aristote (Opera cujusdam Aristotelis) et que Coussemaker a publiés dans les Scriptores de musica medii oevi. Enfin, dans son livre de lettres, Liber epistolarum ad diversos, on trouve un certain nombre de traités scientifiques. 

C'est à l'ensemble de ses connaissances, si diverses et si complètes dans toutes les parties de l'érudition de son temps, que Bède doit son surnom de Vénérable et l'influence qu'il exerça sur le mouvement intellectuel pendant tout le Moyen âge.
La première édition des oeuvres de Bède est celle de Paris (1544, 3 vol. in-fol.), souvent réimprimée. La meilleure est celle donnée par J. A. Giles (Opera omnia; Londres, 1843-1844, 12 vol. in-8), accompagnée d'une nouvelle traduction de ses ouvrages historiques et d'une biographie; les six derniers volumes renferment les commentaires de la Bible. Elle a été reproduite par l'abbé Migne dans sa Patrologie (1855), t. XC à XCV. Plusieurs éditions des oeuvres historiques ont été publiées à part, surtout en Angleterre. (Henri de la Ville de Mirmont).

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