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Bazin

François Emmanuel Joseph Bazin est un compositeur né à Marseille en 1819, mort en 1878; fut plusieurs fois lauréat et devint professeur au Conservatoire. Il a donné plusieurs opéras-comiques qui ont eu du succès (Maître Pathelin, etc.), et divers morceaux estimés de musique sacrée et profane : par exemple la musique de l'opéra-comique Le Voyage en Chine.
René Bazin est un écrivain français né à Angers en 1853, mort à Paris en 1932. II s'est fait connaître par des nouvelles, des romans, des impressions de voyage en France, en Espagne, en Italie. C'est un écrivain délicat et tendre, ayant un sentiment très vif de la nature, et qui excelle à ressusciter les moeurs du passé. Il a été élu membre de l'Académie française en 1903.

Parmi ses ouvrages, nous citerons : Stéphanette (1883); Ma Tante Giron (1886); Victor Pavie (1887); Une tache d'encre (1888); les Noellet (1889); A l'aventure (1890); la Légende de sainte Béga (1891); la Sarcelle bleue (1892); Sicile (1892); Madame Corentine (1893); Humble amour (1894); les Italiens d'aujourd'hui (1894); Terre d'Espagne (1895); En province (1896); De toute son âme (1897); Contes de bonne Perrette (1898); la Terre qui meurt (1889); les Oberlé (1901); Donatienne (1903); Récits de la plaine et de la montagne (1903); l'isolée (1905), le Blé qui lève (1907); Mémoires d'une vieille fille (1908); la Barrière (1910); Gingolph l'abandonné (1914); les Nouveaux Oberlé (1919); Charles de Foucauld (1922), etc..

L'écrivain Hervé Bazin (1911-1996), auteur de Vipère au poing et ses suites, Au nom du fils, Les Bienheueux de la désolation, etc., , était le petit fils de la soeur de René Bazin, Marie Bazin (1850-1919), elle-même romancière sous le pseudonyme de Jacques Bret. (G.-F.).
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Un ménage Breton

 « Ils étaient assis, l'homme et la femme, en haut de la colline, sur le seuil de la ferme, la tête appuyée sur la paume des mains, lui très grand, elle très petite, tous deux Bretons de race ancienne. L'ombre achevait de tomber.

Une bande rouge, mince comme un fuseau, longue de bien des lieues, à peine entamée, çà et là, par l'ondulation lointaine des terres laissait deviner l'immensité de l'horizon qu'ils avaient devant eux. Mais il n'en venait presque plus de lumière, ni aux nuages floconneux qui barraient le ciel, ni sur la forêt de Lorges, dont les vallons et les côtes fuyaient en houles mêlées. Bancs de nuages dans le ciel, bancs de brume dans le pli des frondaisons, tout était orienté dans le même sens et tout dormait. Une senteur âpre, la respiration nocturne de la forêt, passait par intervalles. A la limite des bois, à trois cents mètres de la maison, une lande ressemblait à une tache brune. Puis il y avait un maigre champ de blé noir moissonné et, plus près, le petit raidillon pierreux, semé de genêts, qui portait la closerie de Ros Grignon.

Ils étaient pauvres. L'homme avait épousé, au retour du service, une fille de marin, servante en la paroisse d'Yffiniac, qui est peu distante de celle de Ploeuc. Elle avait quelques centaines de francs d'économie, des yeux noirs très innocents et très vifs, sous sa coiffe aux ailes relevées en forme de fleurs de cyclamen. Lui ne possédait rien. Un soldat qui revient du régiment, n'est-ce pas? Mais c'était moins pour son argent qu'il l'avait choisie, bien sûr, que parce qu'elle lui plaisait. Et comme il était réputé bon travailleur, dur à la besogne, il avait pu obtenir à bail quatre hectares de mauvaise terre, vingt pommiers, une maison composée d'une étable où vivait la vache, d'une chambre où dormaient les gens, sous le même toit de paille épais d'un mètre et tout brun de mousse : la closerie enfin de Ros Grignon. Cependant, il payait mal. Depuis six ans qu'il était marié, trois enfants lui étaient nés, dont le dernier, Joël, avait cinq mois. La mère pouvait à peine aider son mari, dans les grands jours de peine, à remuer la terre, à semer, à sarcler, à moissonner. Et l'avoine se vendait mal, le blé noir était presque entièrement consommé à la maison, et l'ombre de la forêt, les racines profondes des chênes et des ajoncs, rendaient chétives les récoltes.

La nuit s'annonçait calme et humide, comme beaucoup de nuits de la fin de septembre. Dans la chambre, derrière Jean Louarn et sa femme, s'élevait le bruit régulier d'un berceau qu'une petite fille de cinq ans, Noémi, balançait en tirant sur une corde. Elle endormait Joël. Eux ne bougeaient pas. Les yeux vagues, on eût dit qu'ils regardaient diminuer la bande de lumière rouge au-dessus de la forêt. Des gouttes de rosée, glissant sur les tuyaux de chaume, tombaient sur le cou de l'homme, sans qu'il y prît garde. Ils se reposaient, ouvrant leurs poitrines à la brise fraîche, n'ayant point de pensée, si ce n'est le songe toujours présent de la misère, qui ne se partage plus
et que chacun fait de sol, côté quand elle a trop duré.

Le gémissement du berceau s'arrêta et l'enfant, mal endormi, cria. La femme tourna la tête vers le fond de la chambre :

 - Tire donc, Noémi ! Pourquoi ne tires-tu pas?

Rien ne répondit. Le bruit doux de l'osier recommença. Mais le père, sorti du rêve où il était plongé, dit lentement :

 - Faudrait vendre la vache.

- Oui, reprit la femme, faudra la vendre.

Ce n'était pas la première fois qu'ils parlaient ainsi de mener au marché l'unique bête de l'étable. Mais ils ne se décidaient point à le faire, attendant un autre moyen de salut, sans savoir lequel.

- Faudrait la vendre avant l'hiver, ajouta Louarn.

Puis il se tut. Le petit Joël était endormi. Aucun bruit ne s'élevait de la closerie, ni de l'immense campagne épandue alentour. La lueur du couchant s'était faite mince comme un fil. C'était l'heure où les bêtes de proie, les loups, les renards, les martres rôdeuses, se levant des fourrés, le cou tendu, flairent la nuit, et tout à coup, secouant leurs pattes, commencent à trotter par les sentiers menus, à découvert.  »
 

(R. Bazin, extrait de Donatienne).
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Dictionnaire biographique
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