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Baudouin IV

Baudouin IV est un roi de Jérusalem, était fils d'Amaury Ier, roi de Jérusalem, et de Agnès de Courtenay, fille de Josselin Il, comte d'Edesse, qu'Amaury avait dit répudier comme étant sa parente. au quatrième degré, mais sans toutefois que les deux enfants nés de cette union, Baudouin IV et Sibylle, pussent été déclarés illégitimes. Il n'avait que treize ans lorsque la mort de son père, survenue le 11 juillet 1173, l'appela au trône. Les brillantes qualités qu'il annonçait déjà furent malheureusement paralysées par la terrible maladie qui lui valut le nom de roi mézel ou de roi lépreux, et qui l'emporta douze ans plus tard, le 16 mars 1185. Il fut couronné le 15 juillet 1173, dans l'église du Saint-Sépulcre, par le patriarche de Jérusalem, Amaury. Comme il n'était point encore en âge de gouverner, il fallut constituer une régence. Deux hommes se la disputèrent : Milon de Plancy, seigneur de Montréal, et Raymond Il, comte de Tripoli, qui sortait d'une captivité de huit années dans les cachots d'Alep. Le premier, ami intime du roi défunt, l'emporta dans le conseil des barons; mais s'étant créé de nombreux ennemis par son arrogance et par l'abus qu'il fit de son autorité, il fut assassiné avant la fin de cette même année dans les rues de Ptolémaïs. Son concurrent, Raymond Il de Tripoli, fut alors investi de la baille du royaume et de la tutelle du roi, par un parlement qui se réunit à Jérusalem. Le nouveau régent joignait à une bravoure éprouvée un esprit vif, beaucoup d'ambition et la fermeté nécessaire aux difficiles fonctions qu'il avait à remplir. Mais les jalousies que son élévation suscita parmi les autres seigneurs francs diminuèrent son autorité au moment même où le royaume avait plus besoin que jamais d'unir toutes ses forces contre la puissance musulmane

Cette puissance, très morcelée au moment de la première croisade, se trouvait actuellement concentrée entre les mains du plus habile et du plus redoutable adversaire qu'eussent rencontré jusqu'alors les chrétiens d'Orient, Saladin, fils d'Ayoub. Déjà maître de l'Égypte, Saladin venait d'enlever au jeune fils de Nour-Eddin Damas et tout le pays dont cette ville était la capitale (1173). En vain, Raymond de Tripoli, dans l'espoir de l'arrêter, affecta-t-il de prendre sous sa protection le jeune prince, et conduisit-il une armée aux frontières de l'État de Damas, Saladin n'en fut pas ébranlé dans ses desseins. Il fit dire à Raymond de le laisser régler comme il l'entendait ses affaires de famille, soumit les unes après les autres toutes les villes musulmanes de Syrie et de Mésopotamie, et s'empara même en 1175 de l'importante cité d'Alep, ou le fils de Nour-Eddin avait cherché un dernier refuge. Il laissa toutefois à ce prince la possession de cette ville moyennant l'abandon complet du reste de ses États. A la suite de ces conquêtes, le calife de Bagdad lui conféra le titre de sultan de Damas et du Caire avec l'entière souveraineté de la Syrie méridionale et de l'Égypte. L'armée chrétienne tenta par deux fois, dans cette année 1175, de faire échec au nouveau souverain dont les forces grandissantes menaçaient la sécurité de la Palestine. Elle dirigea, sons la conduite du roi de Jérusalem et du comte de Tripoli, des incursions vers Damas et vers Baalbek, dont les environs furent ravagés; elle battit même en une rencontre le frère du sultan, mais ces succès partiels n'empêchèrent pas Saladin d'asseoir solidement sa puissance. Les chrétiens revinrent à Tyr, où Raymond de Tripoli résigna ses fonctions de baile, laissant au roi seul l'administration du royaume.

En 1176, Baudouin IV maria sa soeur aînée, Sibylle, à Guillaume Longue-Epée, marquis de Montferrat, qu'il avait mandé d'Occident et qui fut nommé comte de Jaffa et d'Ascalon. Il avait espéré trouver en lui un soutien dans le gouvernement du royaume, auquel sa santé chancelante ne lui permettait pas de donner tous ses soins. Mais le jeune marquis mourut au bout de deux mois (juin 1176), laissant sa femme enceinte d'un fils qui fut le roi Baudouin V. Le roi offrit alors le titre de balle à Philippe, comte de Flandre, récemment arrivé d'Occident à la tête d'une troupe assez nombreuse de croisés. Philippe ayant refusé sous prétexte qu'il était venu en Palestine uniquement pour se consacrer au service de Dieu, la bailie fut confiée à Renaud de Châtillon, qui avait été réent de la principauté d'Antioche, et qu'une longue captivité chez les Arabes avait rendu populaire. Baudouin projetait à ce moment une grande expédition contre l'Égypte, de concert avec l'empereur d'Orient; il demanda à Philippe de Flandre de prendre le commandement de l'armée royale. Mais celui-ci déclina cet honneur et se contenta d'aller assiéger, avec le prince d'Antioche et le comte de Tripoli, le château de Harenc, dans la principauté d'Antioche. Il fallut renoncer à l'expédition d'Égypte.

Tandis qu'une grande partie de la chevalerie chrétienne était devant Harenc, Baudouin courut le plus grand danger. Saladin, profitant de ce que le royaume de Jérusalem était dégarni de troupes, l'envahit par le sud et s'avança jusque sous les murs d'Ascalon, où Baudouin IV courut s'enfermer avec tout ce qu'il put rassembler de troupes. Les musulmans, trop confiants dans leur nombre, s'abstinrent de prendre contre lui des précautions qui leur eussent assuré la victoire. Ils se dispersèrent aux environs de la place et les mirent à feu et à sang. Ramalah fut brûlé, Lidda ravagé. A l'aspect de ces désastres, les chrétiens ne purent demeurer dans l'inaction. Le 25 novembre 1177, ils sortirent d'Ascalon, au nombre de trois cent soixante-quinze, ayant à leur tête le roi en personne et parurent à l'improviste en face du camp de Saladin dans les plaines de Ramalah. Le sultan n'avait autour de lui qu'une partie de son armée. Avant qu'il eût pu rallier le reste, les chrétiens fondirent sur lui, le culbutèrent et détruisirent l'une après l'autre ses bandes dispersées. On fit des musulmans un carnage épouvantable; beaucoup furent pris. Saladin lui-même n'échappa que par la vitesse de son chameau et s'enfuit sans escorte à travers le désert. L'armée chrétienne rentra dans Ascalon chargée d'un immense butin. Pendant ce temps, Philippe de Flandre était toujours devant Harenc, s'occupant beaucoup plus de chasse et de divertissements de toutes sortes que des opérations du siège. Enfin, an bout de quatre mois, il accepta une somme d'argent des habitants pour se retirer, et reprit le chemin de l'Europe, poursuivi par les malédictions des chrétiens de Palestine, dont il avait trompé l'espoir.

En 1178, Saladin envahit de nouveau les principautés franques, et battit l'armée royale dans la forêt de Panéas, puis sur le territoire de Sidon (Saïda). Dans la première de ces rencontres, le connétable Humfroi de Toron reçut une blessure mortelle; dans la seconde, le grand maître du Temple fut fait prisonnier, avec beaucoup d'autres des principaux chefs, et conduit dans les cachots du sultan, où il termina ses jours. Saladin se dirigea ensuite sur le château du Gué de Jacob que les chrétiens venaient de faire construire pour défendre la Galilée et les rives du Jourdain, et dont ils avaient confié la garde aux Templiers. Il s'en empara et le détruisit de fond en comble. Vers le même temps, un grand nombre de croisés de l'Occident, conduits par le comte Henri de Champagne et Pierre de Courtenay, frère du roi de France, apporteront un utile renfort au royaume de Jérusalem.

En 1180, Baudouin remaria sa soeur Sibylle à Guy de Lusignan, frère du connétable de Jérusalem, et fils de Hugues le Brun, sire de Lusignan. Guy, récemment arrivé, avait plu à la jeune princesse, et entretenu avec elle des relations intimes qu'il fallut consacrer par un mariage. A la suite d'une nouvelle attaque de Saladin contre Tibériade, Baudouin demanda une trêve que le sultan lui accorda facilement parce qu'une grande famine sévissant alors en Syrie l'empêchait d'entretenir son armée. Un pacte fut alors conclu pour deux ans, mais ne fut sérieusement observé ni par l'un ni par l'autre des contractants : D'une part, Saladin s'empara d'un vaisseau chargé de pèlerins qui avait échoué près de Damiette et refusa, malgré les instances de Baudouin, de rendre la liberté aux prisonniers. D'autre part, Renaud de Châtillon, qui joignait à la bailie du royaume la seigneurie de Montréal, alla assiéger, infructueusement d'ailleurs, la ville d'Hela ou Helis sur la mer Rouge et entreprit contre la ville sainte des Arabes, la Mecque, une expédition que les troupes de Saladin arrêtèrent en route. Enfin Saladin envahit les domaines du comte de Tripoli qui n'étaient point compris dans la trêve, et les dévasta pendant que la flotte égyptienne ravageait les côtes. En 1182, la trêve fut officiellement rompue. Saladin attaqua la Syrie Sobale et mit le siège devant Montréal. L'armée chrétienne, aussitôt convoquée, marcha à sa rencontre et s'empara de la Pierre-du-Désert, au Sud de la mer Morte. En même temps, des Arabes de Damas envahirent la Galilée. Baudouin se replia bientôt sur Nazareth. Une grande bataille eut lieu dans laquelle les chrétiens, malgré leur infériorité numérique, firent éprouver aux musulmans une sanglante défaite. Ils se portèrent ensuite vers Beyrouth, bloqué par une flotte égyptienne et menacé du côté de terre par Saladin en personne (août 1182). Leur approche, coïncidant avec celle de la flotte chrétienne partie d'Acre, obligea l'ennemi à lever le siège.

La retraite de Saladin et les guerres qu'il entreprit alors contre les Sarrasins de Mésopotamie auxquels il enleva Sindjar, Charan, Édesse, Diarbékir, Alep où venait de mourir la fils de Nour-Eddin, et enfin Mossoul laissèrent quelque tranquillité au royaume de Jérusalem. Mais Baudouin sentait bien que le péril n'était pas conjuré. Au mois de février 1183, après avoir pris l'avis des principaux du royaume, il décréta qu'un impôt extraordinaire serait levé sur tous ses sujets pour subvenir aux frais de la guerre sainte. Chaque habitant, qu'il fût chrétien, juif ou musulman, dut payer un pour cent sur la valeur de ses propriétés, et deux pour cent sur ses revenus. Ceux dont la fortune ne s'élevait pas à cent besants furent taxés à un besant ou à un demi-besant. Au moment où l'on était occupé à percevoir cet impôt, on apprit que Saladin était revenu à Damas et qu'il y faisait de grands préparatifs de guerre. L'armée chrétienne, commandée par le roi lui-même, alla aussitôt se poster à la frontière. Mais à ce moment la santé de Baudouin devint si mauvaise qu'il se résigna de nouveau à créer une régence. Il choisit à cet effet son beau-frère, Guy de Lusignan, auquel il remit également le commandement des troupes, ne conservant pour lui-même que le titre de roi, la ville de Jérusalem et une rente de cent besants. Bientôt Saladin, à la tête d'une armée formidable, assaillit les principautés chrétiennes et vint s'établir dans la région située entre les deux sources du Jourdain, d'où il envoya des bandes ravager les contrées voisines. Marchant ensuite vers le sud, il campa près de la source de Tubanie, entre l'ancien Scythopolis et le mont Gelboë. 

L'armée chrétienne, cependant, ne bougeait pas. Bien que comptant près de 1300 chevaliers et plus de 20 000 hommes de pied, elle était affaiblie par la famine et par les divisions des chefs, dont le plus grand nombre étaient jaloux du nouveau régent. Plusieurs de ces derniers demandèrent qu'on livrât bataille, mais Guy de Lusignan, avec une prudence peut-être exagérée, refusa de jouer une aussi grosse partie. Il finit par se retirer, tandis que Saladin allait assiéger l'importante forteresse de la Pierre-du-Désert, défendue par Renaud de Châtillon, La conduite de Guy, en cette circonstance, où il avait manqué de hardiesse, donna une apparence de raison aux récriminations des barons chrétiens qui avaient vu de mauvais oeil son élévation à la régence. Baudouin lui-même résolut de le priver d'une charge qu'il ne semblait pas capable de remplir. Il fit donc couronner roi son neveu Baudouin, fils de sa soeur Sibylle et de Guillaume de Montferrat. La cérémonie eut lieu le 20 novembre 1183. Puis la bailie du royaume fut donnée à Raymond Il, comte de Tripoli, dont la valeur et la sagesse soulevaient l'admiration des Arabes eux-mêmes. La tutelle du jeune roi, alors âgé de sept ans, fut confiée à Josselin III, comte titulaire d'Edesse et sénéchal du royaume, son grand-oncle maternel. Baudouin IV n'abdiqua pas cependant, mais, accablé par la maladie, il dut renoncer de plus en plus à prendre part à l'administration du royaume. Le comte de Tripoli, à peine investi de la bailie, se porta au secours de la Pierre-du-Désert dont Saladin abandonna le siège.

A la suite de ses démêlés avec Guy de Lusignan, Baudouin voulut faire annuler le mariage de sa soeur Sibylle. Aussitôt Guy conduisit sa femme dans Ascalon et quand le roi le somma de paraître devant la cour des prélats et des barons, il s'y refusa avec obstination. La cour ayant alors décidé qu'elle ne pouvait formuler un jugement sans l'avoir entendu. Baudouin, quoique n'ayant plus qu'un souffle de vie, partit en personne pour Ascalon. En ayant trouvé les portes fermées, il commanda par trois fois qu'on les lui ouvrit. Ses ordres furent méconnus ; la population de la ville, montée sur les murs, lui criait de se retirer. Il prit alors le ciel à témoin de l'outrage qu'on lui infligeait, se rendit à Jaffa, dont Guy était comte, et y mit son baile à la place de celui du seigneur rebelle.

En 1184, il envoya en Europe le patriarche de Jérusalem, Héraclius, et les grands maîtres du Temple et de l'Hôpital pour solliciter les secours des princes d'Occident. Mais ces ambassadeurs ne parvinrent à émouvoir ni le roi de France ni le roi d'Angleterre qui refusèrent l'un et l'autre de prendre la croix. Baudouin IV mourut peu de temps après, le 16 mars 1185, vaincu par la maladie qui avait fait de son existence un long supplice. Il ne s'était jamais marié. Il eut pour successeur son neveu Baudouin V. Le célèbre historien des croisades, Guillaume, archevêque de Tyr, qui avait été son précepteur, fait le plus grand éloge de son caractère. (Ch. Kohler).

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