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Octave Auguste
L'administration intérieure
Aperçu Octave, le caméléon Constitution d'Auguste Administration intérieure Provinces et guerres
Avec l'instauration d'un pouvoir héréditaire par Auguste, un nouvel ordre politique avait été instauré à Rome. Toutefois, au premier abord, il sembla que rien ne fût changé dans l'administration de la République, et que la légende des monnaies, respublica restituta, fût l'exacte expression de la vérité. Les assemblées du peuple sont rétablies, et l'empereur leur soumet les projets de loi et l'élection des magistrats. Auguste lui-même se présenta devant les comices populaires comme candidat au consulat. Il laissa les autres candidats briguer librement le vote populaire, se contentant d'en recommander un certain nombre, usant en cela d'ailleurs d'un droit qui avait appartenu de tout temps aux citoyens et aux magistrats. Et l'importance au moins légale et apparente des assemblées du peuple fut si peu diminuée sous Auguste qu'il voulut permettre à tous les principaux citoyens romains de l'Italie de prendre part au vote. Il imagina, pour cela, un système de vote qui rappelle un peu ceux de l'époque contemporaine : 
« Il imagina, dit Suétone,  un genre de suffrages au moyen duquel les décurions des colonies pouvaient chacun voter pour l'élection des magistrats de Rome, en y envoyant, le jour des comices, leurs bulletins cachetés. » 
L'autorité du Sénat, loin d'être diminuée, fut au contraire affermie et augmentée par Auguste, sans que cependant ce corps ait eu sous son règne la place prédominante qu'il occupera dans la suite des transformations du régime impérial, surtout après l'avènement de Tibère. Le Sénat demeure sous Auguste ce qu'il était autrefois, le conseil permanent des magistrats, et comme maintenant c'est un magistrat, l'empereur, qui détient la totalité de la souveraineté, le rôle du Sénat grandit de toute la puissance de celui qu'il est appelé à conseiller. L'empereur abandonne au Sénat le gouvernement d'un certain nombre de provinces, celles où il n'est pas nécessaire qu'il exerce son titre d'imperator, les provinces sans légions et sans garnisons : le Sénat les fait administrer, comme autrefois, par des proconsuls. Le Sénat partage encore avec l'empereur le droit de battre monnaie, mais sur les monnaies frappées en son nom (S C, senatus consulto), c'est la tête de l'empereur que l'on figure. Le Sénat conseille l'empereur dans l'exercice de la Justice, il fonctionne près de lui, soit comme cour d'appel au civil, soit au criminel comme jury (Bouché-Leclercq), mais l'empereur est le maître absolu de la décision. En toutes choses, Auguste tient le Sénat dans sa main; comme investi des pouvoirs censoriaux, il ravise la liste des sénateurs (il le fit trois fois, ter senatum legi), dit-il dans son testament, en 28, 18 et 11 av, J.-C., et il préside en droit le Sénat comme princeps senatus. C'est donc aller infiniment trop loin que de dire qu'Auguste associa le Sénat au gouvernement général de l'empire, que la République à partir d'Auguste avait deux têtes, l'empereur et le Sénat, que le régime impérial était à l'origine une dyarchie. Cela a pu être vrai un instant, sous Tibère seulement. Dans les premières années du règne de cet empereur on peut dire que la dyarchie a eu une certaine existence officielle. Mais le gouvernement d'Auguste est tout autre. 

Respublica restituta?

Dans l'idée même d'Auguste, le Sénat ne devait pas demeurer entièrement le consilium du prince, comme il était autrefois le consilium ordinaire des magistrats. Il institua une délégation du Sénat, chargée de remplir ce rôle de conseil.

« Il jugea utile d'appeler un certain nombre de sénateurs à délibérer avec lui sur les affaires de l'État. Il pensait qu'il valait mieux examiner tranquillement à l'avance, avec un petit nombre de personnes, les affaires les plus importantes. Il pria donc le Sénat d'établir auprès de lui une délégation composée de quelques-uns de ses membres et renouvelable tous les six mois. A la fin de son règne, il demanda vingt délégués nommés pour un an. De plus, il fut décrété que toutes les résolutions prises par lui avec les délégués du Sénat et les citoyens qu'il aurait choisis chaque fois pour conseillers, auraient la même force que si le Sénat tout entier les eût sanctionnées-». (Cuq, le Conseil des empereurs). 
Et remarquez qu'Auguste avait le droit d'adjoindre aux sénateurs des chevaliers et des simples citoyens. Ce conseil était donc, dans l'esprit de l'empereur, destiné à hériter des attributions du Sénat, et à être un nouvel instrument de monarchie absolue.

Les magistratures.
Les magistratures traditionnelles subsistèrent, sans que leurs pouvoirs fussent diminués de droit, quoiqu'en fait elles ne soient plus que l'ombre d'elles-mêmes. Auguste ramena à vingt le nombre des questeurs, auxquels il confia le fonds des archives et du trésor public (quaestores oerarii), la comptabilité provinciale (quaestores pro praetore), et le secrétariat impérial (q. principis) ou consulaire (q. consulum). Les édiles n'ont plus a s'occuper que du culte municipal et des soins de balayage des rues et de la police des marchés. On ne touche pas aux tribuns, quoiqu'ils disparaissent dans l'ombre de leur tout-puissant collègue. Les préteurs et les consuls demeurent chargés de la juridiction comme autrefois, et même à certains égards on peut dire que l'empereur a augmenté leurs attributions en cette matière. Mais, en fait, l'autorité de tous ces magistrats est ruinée par la création de fonctions parallèles, celles des représentants de l'empereur, fonctions dont les empiétements feront constamment reculer devant elles les magistratures républicaines. La principale, sous Auguste, est la préfecture de la ville. 

« Auguste, pendant les guerres civiles, avait confié à Cilnius Mécénas (en 36), chevalier romain, l'administration de Romeet de toute l'Italie. Devenu maître de l'empire, et considérant la grandeur de la population, la lenteur des secours qu'on trouve dans les lois, il chargea un consulaire de contenir les esclaves et cette partie du peuple dont l'esprit remuant et audacieux ne connaît de frein que la crainte (Tacite). » 
Le praefectus urbis était chargé de la haute police de Rome et de l'Italie, en qualité de suppléant de l'empereur absent, concurremment avec les consuls et les préteurs. Pour l'aider dans l'administration des finances, des travaux publics et de la police municipale, Auguste créa des surintendants des travaux publics (curatores operum publicarum), des routes (cur. viarum), du lit du Tibre (c. alvei Tiberis), des aqueducs (C. aquarum), un préfet des vigiles (praefectus vigilum), un préfet de l'annone (pr. annonae), etc. Pour le remplacer à la tête des soldats de la garde impériale (cohortes praetoria), il nomma deux préfets du prétoire (praefecti praetorio). Tous ces fonctionnaires, entièrement dans la main de l'empereur, et ne tenant que de lui leur autorité, étaient considérés comme ses mandataires (les curatores), ou ses suppléants (les praefecti). Enfin, pour le détail de l'administration de ses domaines particuliers, pour la perception des impôts qui lui étaient attribués, pour le gouvernement des provinces dont il était le roi ou le propriétaire, Auguste recourut à ses intendants personnels (procuratores), ou à ses affranchis, administrant cet ensemble de choses comme sa chose propre.

Les finances.
L'administration financière dut être à peu près complètement remaniée par Auguste. Tandis qu'il laissait subsister le trésor public (œrarium), il prit pour son trésor personnel (fiscus) les revenus de la moitié des provinces, se chargeant également de couvrir les dépenses des administrations qui lui étaient confiées. De nouveaux impôts durent être établis, notamment en l'an 6 de notre ère, un impôt de 5% sur les successions (vicesimae hereditatium) et de 1%, sur les ventes (centesima venalium), qui servirent surtout aux frais de l'organisation militaire. On créa à cet effet un oerarium militare pour lequel Auguste nous dit qu'il fournit lui-même un capital de fondation de 170 millions de sesterces. 

Pour associer dans une certaine mesure le peuple à la connaissance des choses de l'État, Auguste imagina de publier de temps à autre le budget de l'empire. Jusqu'à quel point ce budget, malgré l'accroissement énorme des dépenses, fut florissant sous l'empereur Auguste? c'est ce que montrait le testament de l'empereur conservé par Suétone (§ 101) : 

« il léguait au peuple romain 40,000,000 de sesterces, et aux tribus, 3,500,000; à chaque soldat de la garde prétorienne, 1000 sesterces; à ceux des cohortes urbaines, 500, et à ceux des légions, 300 (ce qui formait un total d'environ 100,000,000 de sesterces. Cette somme devait être payée sur-le-champ, car il l'avait toujours conservée dans le fisc (Il y avait donc sous Auguste un fonds de réserve très important. Il y avait encore divers legs, dont quelques-uns s'élevaient jusqu'à 2,000,000 de sesterces. Il donnait un an pour les payer, en s'excusant sur l'exiguïté de son patrimoine, et affirmant que ses héritiers jouiraient à peine de 150,000,000 de sesterces, quoique dans l'espace des vingt dernières années, il eût reçu 4 milliards de sesterces par les testaments de ses amis. »
La reconstruction de Rome.
On comprend que, disposant d'une telle somme, Auguste ait pu, à peu près à ses seuls frais, reconstruire presque entièrement Rome et les villes de l'Italie, et changer à peu près complètement la face du pays. On le voit, après la bataille d'Actium, distribuer 600,000,000 de sesterces aux propriétaires italiens, pour paiement des terres distribuées à 30 000 vétérans. 200 000 citoyens, à Rome, étaient nourris aux frais de l'empereur. De nouveaux aqueducs furent construits pour approvisionner d'eau la Ville Éternelle ( Frontin, de aquis, 5). De magnifiques monuments s'élevèrent, le théâtre de Marcellus, l'amphithéâtre de Statilius Taurus (le premier amphithéâtre en pierre de la ville de Rome), la basilique Julienne, le forum d'Auguste, le panthéon d'Agrippa, le temple d'Apollon et la bibliothèque du Palatin, le temple de Mars Vengeur, le temple de Jupiter tonnant sur le Capitole.
 « Auguste, dit Suétone (§ 30), divisa Rome par sections et par quartiers. Les magistrats annuels furent chargés de tirer au sort la garde des sections, et le soin des quartiers fut confié à des magistri e plebe. Il établit contre les incendies des vigiles qui veillaient pendant la nuit. Pour prévenir les inondations du Tibre, il en élargit et en nettoya le lit qui depuis longtemps était encombré de ruines et rétréci par la chute des édifices. Afin de rendre l'accès de Rome plus aisé, il se chargea de réparer la voie Flaminia jusqu'à Rimini, et voulut que chaque magistrat qui eût triomphé employât à la construction des autres routes des fonds provenant de leur part de butin. Il releva les temples qui étaient tombés de vétusté ou consumés par des incendies, et les orna, ainsi que les autres, des plus riches présents. Il fit porter, en une seule fois, dans le sanctuaire de Jupiter Capitolin, 16 000 livres pesant d'or, et pour 50, 000,000 de sesterces en perles et en pierres précieuses » ( Ruinen Roms, de Reber, p. 39). 
En un mot, comme Auguste le disait lui-même, « il laissa de marbre une ville qu'il avait reçue de brique », jure gloriatus marmoream se relinquere quam lateritiam accepisset. - Il en alla de même dans presque toutes les villes de l'Italie. Des routes militaires furent continuées et réparées, 28 colonies furent fondées, colonies qui, « de mon vivant », dit Auguste, « furent très célèbres et très peuplées ». 30,000 vétérans y furent établis. « Il rendit même l'Italie », dit Suétone, « la rivale de Rome ». Certaines villes, notamment en Etrurie et dans le Samnium, dépeuplées et dévastées depuis la guerre sociale et les guerres mariennes, recommencèrent, sous le règne d'Auguste, comme une seconde existence. Pour faciliter l'administration du pays, l'Italie fut divisée en onze régions, conformément d'ailleurs aux antiques traditions du pays.
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L'empereur Auguste.
                      Auguste, empereur.

La révolution conservatrice d'Auguste

La « moralisation » de Rome et de l'Italie fut au moins aussi à coeur à Auguste que son bien-être et sa prospérité. Il dit dans son Index rerum gestarum

« Je fis de nouvelles lois pour remettre en honneur les exemples de nos ancêtres qui commençaient à être oubliés dans notre cité, et moi-même, je fis en sorte pour laisser à la postérité des modèles à imiter ». 
Sa préoccupation constante fut de remettre en honneur les anciennes moeurs : cela fit comme partie de sa devise « respublica restituta ».

 On connaît les vers d'Horace :

Quum tot sustineas et tanta negotia solus, 
Res Italas armis tuteris, moribus ornes...
Le moribus ornare a été une des parties les plus soigneusement traitées de l'administration impériale. La loi sur les adultères (lex Julia de adulteriis) soumit les crimes de ce genre à la juridiction publique et édicta contre les coupables le bannissement ou la perte des droits civiques. La loi sur les mariages (lex Julia de maritandis ordinibus), en 4 apr. J.-C., déclara les célibataires en âge nubile incapables d'être faits héritiers ou légataires, sauf par leurs proches parents; les citoyens mariés et sans enfant ne recevaient que la moitié de ce qui leur revenait. D'autres clauses favorisèrent le mariage plus directement. En l'an 9, la lex Papia Poppaea complète la première en l'adoucissant en partie.

D'autres lois furent portées pour mieux délimiter les différentes classes de la société, par exemple, en 4 apr. J.-C., la lex Aelia Sentis, et, en 8 apr. J.-C., la lex Furia Caninia, sur les affranchissements. Suétone caractérise ainsi l'oeuvre de ces deux lois (§ 40) : 

« Non content d'avoir, à force d'obstacles, détourné les esclaves de l'affranchissement, et, par des difficultés plus grandes encore, de l'entière liberté, il détermina soigneusement le nombre, les conditions et les différences de leur affranchissement. »
Auguste fut, pour les mêmes motifs, très avare de ce droit de cité que Jules César répandit à profusion. Sa femme Livie sollicitait le titre de citoyen romain pour un Gaulois tributaire : il exempta le Gaulois du tribut, mais refusa d'en faire un Romain :
« Il vaut mieux, dit-il, faire perdre au trésor que de restreindre la dignité du nom romain. » 
Il classa les sénateurs, les chevaliers, les citoyens et les soldats sur les degrés des amphithéâtres ou les gradins des théâtres. Il défendit certaines places aux femmes lors des représentations de gladiateurs. Aux gens vêtus de noir, il interdit le centre de la salle. Auguste allait si loin dans son désir de tout rétablir du passé, classes et castes, moeurs et coutumes, qu'il voulut que tout citoyen romain ne parût jamais dans le forum ou dans le cirque, que vêtu de la toge nationale, et il enjoignit aux édiles de veiller à faire quitter, le cas échéant, le manteau noir dont les Romains avaient alors pris l'usage. On comprend, dès lors, les vers d'Horace célébrant dans le règne d'Auguste, le retour du plus ancien passé de la nation :
Tua, Caesar, aetas 
Et veteres revocavit artes,
Per quas Latinum nomen et Italae Crevere vires.
Ce caractère réactionnaire, traditionnel et en quelque sorte archaïque, - qui est en somme la note dominante du gouvernement et de la politique d'Auguste, - n'est nulle part mieux marqué que dans sa réforme religieuse. Jamais souverain de Rome ne fit plus pour les dieux, et plus particulièrement pour les plus vieux dieux de Rome. Son administration est à cet égard la lutte et la réaction contre toute l'histoire religieuse de Rome depuis la seconde guerre punique. Les vieux dieux nationaux, comme les dieux populaires, furent remis en honneur. Devins, astrologues, prophètes furent persécutés. Il rétablit le culte des Lares des carrefours, fit célébrer avec un éclat inaccoutumé, en 17, les jeux séculaires, en l'honneur desquels Horace composa une de ses pièces les plus fameuses. Lui-même se vante, dans le monument d'Ancyre, d'avoir réparé quatre-vingt-deux temples à Rome même. Tite-Live l'appelle le constructeur et le restaurateur de tous les temples : 
« Augustus Cassar templorum omnium conditor ac restitutor ».
(Camille Jullian).
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