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Anaxagore
est un philosophe grec rattaché à l'École
Ionienne, l'un des plus grands penseurs de l'Antiquité .
Fils d'Hégésibolus, né à Clazomène
dans la première année de la 70e olympiade
(500 av. J.-C) et mort à Lampsaque
en 428 av. J.-C. Il était d'une famille riche et puissante; aussi put-il
s'adonner à loisir à l'étude de la philosophie
et de l'astronomie, seules connaissances,
disait-il, dignes d'attirer l'attention des esprits éclairés. Après
avoir suivi les leçons d'Anaximène et peut-être
d'Hermotime, il vint, âgé de vingt ans, Ã
Athènes, où il se mit à enseigner pour son compte la philosophie. Ses
idées élevées et originales lui attirèrent des disciples qui portent
des noms illustres : Périclès, Euripide,
Archelaüs,
Thucydide,
Thémistocle,
Démocrite,
Empédocle,
et peut-être même Socrate.
Anaxagore se lia particulièrement avec
Périclès, auquel il enseigna, si nous en croyons Plutarque,
l'art de gouverner le peuple avec fermeté. Comme la plupart des grands
esprits de ce temps, il fut en butte à l'envie et à la haine des démagogues
d'Athènes. Les auteurs ne sont pas d'accord sur les accusations lancées
contre le philosophe; les uns disent qu'on l'accusa de médisme, les autres
qu'on lui reprocha ses opinions religieuses, car il aurait cherché Ã
expliquer par des causes physiques des phénomènes qu'on avait jusqu'alors
attribués à des influences divines; il aurait alors été accusé d'impiété
et mis en prison, pour être jugé conformément à la loi qui devait maintenir
intact le culte des dieux .
Quoi qu'il en soit, il fut bien mis en jugement, condamné à mort et sauvé
par Périclès, qui le fit sortir d'Athènes (421 av. J.-C.). Anaxagore
se retira à Lampsaque, sur le bord asiatique de l'Hellespont, et y mourut
à l'âge d'environ soixante-douze ans. Il s'était laissé, raconte-t-on,
mourir de faim.
La doctrine d'Anaxagore
est doublement curieuse : elle fait, pour la première fois, la distinction
entre la matière
et l'esprit et, en reconnaissant un principe
raisonnable, cause du mouvement, elle se sépare
de l'École Ionienne, dont elle est issue,
pour former une branche spéciale, d'une haute originalité. Nous analyserons
brièvement cette théorie en nous bornant aux fragments laissés par Anaxagore,
et en laissant de côté les hypothèses intéressantes, sans doute, mais
un peu hasardeuses, des penseurs modernes qui ont tenté la reconstitution
totale de cette philosophie.
Anaxagore part de ce principe : il n'y
a ni création, ni destruction; il y a seulement union et séparation d'éléments
déjà existants, en sorte que la naissance n'est que l'agrégation et
la mort la séparation de ces éléments. La matière
est donc éternelle; elle se résout en homéoméries,
c'est-Ã -dire en parties infinies en nombre et
en petitesse, mais toujours semblables les unes aux autres. Ces homéoméries
ne sont pas des atomes
car le nombre des atomes, s'il est infini en totalité, est fini dans un
corps
donné.
Un objet quelconque est composé des éléments
de toutes choses qui y entrent en égale quantité.
En un mot, tout est dans tout. Pourtant nous reconnaissons des différences
entre les choses; pour nous, elles ne sont pas identiques, et nous leur
donnons des noms différents. Cela vient de ce que chaque chose renferme
les autres à des degrés divers d'apparence. La chose qui paraît dominer
dans l'agrégat lui donne son nom. Ainsi définie, la matière, infinie
en quantité et en petitesse, est incapable par elle-même de s'ordonner,
de former des agrégats harmonieux et de les dissoudre : elle est incapable
de mouvement et de vie; abandonnée à elle-même, c'est le chaos .
Il faut donc chercher en dehors et au-dessus de la matière le principe
du mouvement. Ce principe ordonnateur du monde, cause
du bien et du beau qui existent dans l'univers, c'est l'Esprit (noûs).
L'Esprit (ou intelligence,
ou encore principe raisonnable) est infini
(apeiros), indépendant (autocratès); il est répandu dans
toute chose, mais il ne se mêle à rien. Sous son influence le monde se
meut, entraîné dans un tourbillon dont la Terre
occupe le centre. Par suite de ce mouvement de rotation, des masses rocheuses
se détachent du sol et, lancées vers le ciel, sont enflammées par l'éther
: ce sont les étoiles .
On dit que c'est la chute d'une météorite
qui aurait fait naître chez Anaxagore le sentiment de la matérialité
du ciel. Toujours est-il que le Soleil
est pour lui un globe de pierre incandescente, plus grand que le Péloponnèse
et que la Lune
reçoit la lumière du Soleil : elle a des mers, des collines et des vallées,
d'après ce que nous dit Origène(Philosoph.,
I, VII). Quant aux êtres animés, ils sont apparus au moment où
toutes les conditions nécessaires à leur existence se sont produites,
c'est-à -dire après la période d'incandescence, quand la terre encore
chaude fut saturée d'humidité; ils se sont ensuite reproduits par l'accouplement.
Telles sont les principales théories
d'Anaxagore sur l'origine et le développement du monde sensible. La conception
d'une intelligence, cause
première du mouvement, a été vue comme un grand progrès
dans l'histoire de la philosophie ,
car elle met l'esprit au-dessus de la matière
et de la fatalité. Mais il ne faut pas s'abuser
sur la portée du mot Noûs. N'oublions pas qu'Anaxagore est avant
tout un physicien. L'esprit moteur du monde opère
à l'aide d'un enchaînement d'effetsmécaniques.
Mais il n'a pas de but final, il n'agit pas en vue du Bien. Ce n'est pas
un Dieu, ou, si l'on veut ce n'est pas une volonté
morale. (R. S.).
La pensée d'Anaxagore
d'après les auteurs anciens
Principes
généraux.
•
« Anaxagore de Clazomène dit que les principes sont indéfinis, parce
qu'à peu près toutes les homccoméries comme l'eau ou le feu, naissent
et meurent par combinaison ou par séparation seulement, qu'autrement il
n'y a ni naissance ni mort; mais que tout demeure éternellement. » (Aristote,
Métaphysique,
I, III).
•
« Les mots naître et périr sont mal à propos employés par les Grecs.
En effet rien ne nail, rien ne périt; mais les choses réelles sont sujettes
au mélange et à la séparation. Far suite on aurait raison d'appeler
la naissance un mélange et la mort une séparation. » (Simplicius, Phys.,
34b).
•
« De cette distinction faite il faut conclure que rien n'est jamais ni
moins ni plus ; car il n'est pas possible que le tout augmente; tout est
toujours de même. (Ibid.).
•
« Le physicien par excellence, Anaxagore accuse de nullité les sensations
à cause de leur mobilité; il en conclut que nous sommes incapables d'apprécier
la vérité. Il pose comme preuve de cette insuffisance, la confusion presque
complète des couleurs; en effet si nous prenions deux couleurs, du noir
et du blanc, et si nous versions de l'une dans l'autre goutte par goutte,
la vue ne pourrait distinguer ce changement presque insensible, bien que
dans la nature il fût réel. » (Sextus Empiricus, Adv. Math.,
VII, 90).
Le
monde.
•
« Anaxagore répète que l'air contient les germes de toutes choses et
que ceux-ci transportés dans l'eau produisent les plantes. » (Théophraste,
Hist.
Plant., III, 2).
•
« Les animaux naquirent d'abord de l'humide et du chaud et de la terre,
puis les tins des autres. » (Diogène Laërce, II, 9).
•
« La plante est un animal attaché au sol.-»
(Plutarque, Questions Naturelles, I.).
•
« Les plantes sont des animaux qui éprouvent du plaisir et de la peine,
Anaxagore le conclut de la chute des feuilles et de l'accroissement de
la
plante [...]. |
Il
dit même qu'il y a pensée et connaissance dans les végétaux. » (Aristote,
de
Plant., I, I).
Le
divin.
•
« Anaxagore commence ainsi son traité : " Tous les éléments étaient
confondus; puis l'esprit est venu et les a ordonnés". » (Diogène Laërce,
II, 6).
•
« Anaxagore et les Stoïciens disent que nous appelons hasard toute cause
inconnue à la raison humaine. » (Plutarque, des Opin. des Phil.,
I, 29).
•
« Il dit que rien de ce qui arrive n'arrive par une loi fatale; mais que
c'est là un mot vide. » (Alexandre d'Aphrodisie, de Fato, 2).
•
« L'Esprit est une chose sans limites et libre; il n'est mêlé à aucun
élément; mais seul il est par lui-même. Car s'il n'était pas par lui-même
et qu'il fût mêlé à quelque autre chose, il serait analogue à toutes
les choses comme mêlé, à l'une d'elles, parce qu'en tout se trouve une
partie de tout. De plus, il serait empêché par le mélange de dominer
sur aucune chose comme il le fait étant seul par lui-même. C'est en effet
ce qu'il y a de plus subtil et de plus pur; il possède toute pensée sur
toute chose ; il a une puissance infinie. Tout ce qui a la vie, êtres
supérieurs et inférieurs, tout subit son empire; le mouvement circulaire
universel dépend de son pouvoir qui l'a réglé dès le début. D'abord
c'est par un petit effet que débuta ce mouvement; ensuite il s'étendit
d'avantage et il s'accroîtra d'avantage encore. Tout ce qui est mêlé
et aussi ce qui est séparé et distinct l'esprit le connaît; tout ce
qui a été, ce qui est et ce qui sera, l'esprit a tout ordonné ainsi
que ce mouvement qui emporte et les astres et le soleil et la lune et l'air
et l'éther. » (Simplicius, Phys.).
L'homme.
•
« Anaxagore dit que c'est parce qu'il a des mains que l'homme est le plus
intelligent des animaux. » (Aristote, De anim., IV, 10).
•
« C'est encore un apophthegme d'Anaxagore rappelé par ses disciples que
les réalités sont pour les hommes ce qu'ils supposent. » |
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En
bibliothèque - Les fragments d'Anaxagore
ont été recueillis et publiés par Schaubach sous le titre d'Anaxagorae
Clazomenii fragmenta quae supersunt omnia, etc., Leipzig, 1827, in-8°.
On les trouve aussi dans Mullach, Fragmenta philosophorum graecorum;
Paris (Firmin Didot, 1860, grand in-8°). |
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