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La religion phénicienne
La mythologie phénicienne
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La mythologie phénicienne ne nous est que très imparfaitement connue, et de manière très indirecte. Elle repose dans une large mesure sur un texte dû à Philon de Byblos (auteur du Ier siècle), et qui lui-même n'est connu que par ce qu'en rapportent d'autres auteurs (Eusèbe, principalement).  Philon de Byblos (qu'il ne faut pas confondre avec Philon d'Alexandrie) disait avoir publié, après les avoir traduites du phénicien en grec, toutes les oeuvres d'un historien ou d'un prêtre phénicien qui aurait vécu (selon une chronologie douteuse) au XIe siècle avant notre ère, Sanchoniathon.
A en croire Porphyre, « Sanchoniathon de Béryte a raconté l'histoire des Juifs de la manière la plus véridique, parce qu'elle est la plus conforme à la description et aux noms des lieux : il en avait revu les documents de Hiérombal [Iroubaal?], prêtre du dieu lévo [= Yahveh, probablement]. Il dédia son ouvrage à Abibal, roi des Berytiens, qui lui donna son approbation. Ces temps remontent avant la guerre de Troie, et se rapprochent de l'époque de Moïse, comme l'indiquent les annales des rois phéniciens. Sanchoniathon, qui a écrit fidèlement l'histoire antique en langue phénicienne, d'après les documents de la cité, et d'après les fastes des temples, naquit sous le règne de Sémiramis, reine des Assyriens, qu'on dit avoir existé, avant les événements d'ilium ou du moins vers la même époque. L'ouvrage de Sanchoniathon fut traduit en grec par Philon de Byblos. »
Eusèbe rapporte que Philon, divisant tout l'ouvrage de Sanchoniathon en neuf livres, s'exprime ainsi dans la préface du premier livre : 
 « Cela étant, Sanchoniathon, homme fort instruit et studieux, désirant s'éclairer sur toutes les connaissances relatives à l'histoire primordiale, étudia soigneusement les oeuvres de Taaut; car il savait que de tous les mortels Taaut a le premier inventé les lettres et écrit l'histoire. Il prit ainsi pour base celui que le Égyptiens nomment Thoyth, et les Alexandrins Thoth, noms que les Grecs traduisent par Hermès. »
Cela dit, note Eusèbe, Philon adresse des reproches aux auteurs plus récents, qui, 
« violant la vérité, ont rattaché les mythes des dieux à des allégories physiques et à des considérations théoriques.[...] Mais les plus jeunes des hiérologues, rejetant l'histoire primitive, ont inventé des allégories et des mythes, et, les ayant façonnés à l'image des phénomènes cosmiques, ont institué des mystères, enveloppés de tant d'obscurité qu'il est difficile d'y reconnaître, la vérité. Rencontrant les livres secrets des Ammonnéens [= prêtres d'Amon?], déposés dans les sanctuaires et accessibles à peu de monde, il en fit une étude approfondie; il s'empara des anciens mythes et des allégories, et acheva son travail; son autorité prévalut jusqu'au moment où les prêtres d'une nouvelle génération le cachèrent à leur tour et en tirent un mythe. De là ce sens mystique et occulte qui avait jusque alors échappé aux Grecs. » 
 Après cela, il ajoute :
« Voilà ce que nous avons trouvé, désireux de connaître ce qui concerne les Phéniciens; nous avons examiné beaucoup de matériaux, mais pas ceux que nous fournissent les Grecs : car ils ne s'accordent pas entre eux, et aiment mieux se combattre plutôt les uns les autres que réunir leurs efforts pour atteindre la vérité. » 
Plus loin il dit : 
« Pour s'en convaincre, il faut se rappeler la discorde des Grecs; nous avons élaboré sur ce sujet trois livres sous le titre d'Histoire paradoxale. »
 Et plus loin encore : 
« Pour mieux faire comprendre les détails qui vont suivre, il est nécessaire de rappeler que les plus anciens barbares, surtout les Phéniciens et les Égyptiens, dont les traditions ont été adoptées par les autres humains, considéraient comme les dieux les plus grands ceux qui ont inventé les choses les plus nécessaires à la vie ou qui ont rendu quelque bienfait aux peuples. C'est donc ceux qu'ils estimaient leurs bienfaiteurs qu'ils adorèrent comme des dieux. On éleva des temples, et on érigea des stèles en leur honneur; on consacra leurs noms sur des baguettes [= branches d'arbres sacrés, déposées dans les sanctuaires et les temps, utilisées plus tard dans les sortilèges]. Les Phéniciens les eurent surtout en grande vénération, et leur dédièrent des fêtes éponymiques. Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'ils transportèrent les noms de leurs rois à des éléments cosmiques et à quelques-unes de leurs divinités. Ils ne reconnaissent parmi les dieux physiques que le Soleil, la Lune, les autres planètes, et les éléments qui s'y rapportent, de manière que les uns sont mortels, les autres immortels. » 
Après cette préface, Philon aborde l'interprétation même de Sanchoniathon, exposant la mythologie phénicienne de la manière suivante, piochée chez Eusèbe (Préparat. Évang. liv. I, ch. x.), dont on a conservé les commentaires (en violet); la traduction est à quelques détails près celle de F. Hoefer, dont on s'est également inspiré pour les notes (en vert) :

Philon de Byblos
La mythologie phénicienne
[Philon, explique Eusèbe en préambule] admet comme le principe du tout un air rempli de ténèbres et d'esprit, ou le souffle d'un air ténébreux, et un chaos trouble et noir [La Genèse]. Tout cela était infini, et durait depuis une éternité. Mais, ajoute-t-il, lorsque l'esprit devint amoureux de ses propres éléments et qu'il s'y mêla, il en résulta l'union qui s'appelle désir. C'est là le commencement de toutes choses. Mais l'esprit ne reconnaissait pas son oeuvre; de son union naquit Mot. Les uns entendent par là un limon, les autres une sorte de putrilage aqueux. De la provient toute semence de la création, et la génération de tous les êtres. Il y avait d'abord des animaux n'ayant pas de sentiment; de ceux-là naquirent ensuite les animaux pensants, qui furent appelés zophasimin, c'est-à-dire contemplateurs du ciel, et qui reçurent une forme ovoïde : aussitôt brillèrent au ciel Mot, le Soleil et la Lune, les petits et les grands astres [...]. Voici comment l'auteur raisonne : après que l'air fut devenu resplendissant, la chaleur de la mer et celle de la terre donnèrent naissance aux vents et aux nuages, ainsi qu'aux précipitations et aux écoulements des eaux célestes. Puis, les éléments, d'abord distincts et séparés par la chaleur du Soleil, s'entrechoquèrent de nouveau dans l'air; de là les tonnerres et les éclairs. Au bruit du tonnerre les animaux pensants se réveillèrent; épouvantés de ce son, le mâle et la femelle remuèrent au sein de la terre et de la mer. Telle est la cosmogonie, que l'auteur fait suivre de ces paroles :
 « Voilà ce qui fut trouvé dans la cosmographie et les mémoires écrits de Taaut, tirés des arguments et des phénomènes que son intelligence lui a fait saisir et qu'ils nous a révélés. » 
Après avoir expliqué les noms des vents, de Notus, de Boréas, et des autres, il continue ainsi :
« Ceux-là consacrèrent les premiers les germes du sol, les mirent au nombre des dieux, et adorèrent les productions dont ils vivaient leurs descendants comme leurs ancêtres leur firent des libations et des sacrifices. Les idées de leur culte étaient en harmonie avec leur faiblesse et leurs besoins. Du vent Kolpias [de kol pi iah = voix de la bouche de Dieu?] et de sa femme Bauv, qui signifie nuit, naquirent deux mortels : Aeon et Protogone; Aeon découvrit la nourriture provenant des astres. De cela naquirent Genos (= genre) et Genea (= procréation), qui habitèrent la Phénicie : après que la chaleur se fut déclarée, ils élevèrent leurs mains au ciel vers le Soleil, parce qu'ils croyaient ce dieu seul maître du monde, l'appelant Beelsamin (Baal), ce qui signifie chez les Phéniciens maître du ciel, Zeus chez les Grecs. »
Puis il relève ainsi l'erreur des Grecs :
« Ce n'est pas sans dessein que nous avons insisté sur tous ces détails : pour conserver les traditions intactes, nous avons ajouté les noms aux choses [?]; les Grecs les ont mal comprises, parce qu'ils avaient été trompés par une interprétation équivoque.-»
 Il ajoute ensuite :
« Aeon et Protogone engendrèrent à leur tour des enfants mortels, appelés Lumière (Phos), Feu (Pyr)  et Flamme (Phlox). Ceux-ci découvrirent le feu par le frottement des bois, et ils en enseignèrent l'usage. Ils engendrèrent des fils, distingués par leur stature. Ces derniers imposèrent leurs noms aux montagnes dont ils s'étaient emparés; de là le Kasius [dérivé peut-être de Kados, nom de plusieurs montagnes du Proche-Orient], le Liban, l'Anti-Liban et le Brathy [Nom inconnu]. Ceux-ci engendrèrent Memroumos et [si ce deuxième nom n'est pas simplement la traduction grecque du premier] Hypsouranios [de hypsos (hauteur) et Ouranos = le ciel d'en haut?]; ils tirèrent leur origine des mères [mortelles], car les femmes se livraient alors sans pudeur au premier venu. Hypsouranios s'établit dans Tyr; il inventa le moyen de construire des cabanes avec des roseaux, des tiges de scilla et de papyrus. Il s'insurgea contre son frère Ousous [= l'Esaü de la Bible d'après Scaliger], qui le premier songea à se vêtir avec les peaux des animaux dont il s'était emparés. Pendant une tempête violente, les arbres de Tyr furent brisés, prirent feu, et tout le bois fut consumé. Ousous se saisissant d'un arbre, en abattit les branches, et osa le premier entrer dans la mer. Il éleva deux stèles, et les consacra au Feu et au Vent : il les adora en leur offrant des libations avec [le sang] des animaux pris à la chasse. Après la mort de ceux-ci [d'Hypsouranios et Ousous ], les autres hommes leur consacrèrent des verges, adorèrent les stèles et instituèrent en leur honneur des fêtes annuelles. Longtemps après, de la lignée d'Hypsourios naquirent Agreus [= chasseur, en grec] et Halieus [= pêcheur, traduction grecque du phénicien tsaïd dont dériverait le nom de Sidon (Saïda)], les inventeurs de la chasse et de la pêche. Ils engendrèrent deux frères, et inventèrent le fer et ses usages : l'un, appelé Chrysor [ou Khorès = forgeron], s'exerça dans l'éloquence, dans les enchantements et l'art divinatoire. C'est le même que Héphaistos : il inventa aussi le hameçon, la ligne et le radeau. Ce fut le premier navigateur. C'est pourquoi, après sa mort, on le révéra comme un dieu. On l'appelle aussi Diamnichius.

Ses frères, dit-on, ont inventé l'art de construire des murs avec des briques. Ils eurent pour descendants deux jeunes gens, dont l'un se nomme Technite [= artisan], et l'autre Autochthone terrestre. Ceux-ci inventèrent l'art de mêler du mortier à l'argile des briques, de les sécher au Soleil et d'en couvrir les édifices. Ils engendrèrent Agros et Agrouéros ou Agrotes, dont il existe en Phénicie une statue en bois, très vénérée, et une chapelle portative [apparemment, un analogue de l'Arche d'Alliance des Hébreux], et les Bybliens le regardent comme l'un des plus grands dieux. Ces deux derniers perfectionnèrent la construction des maisons, en y ajoutant des vestibules, des compartiments et des galeries. Leurs descendants furent des cultivateurs et des chasseurs. On les appelle Alètes et Titans. Ceux-ci engendreront Amynus et Magus, qui élevèrent des villages et des troupeaux. Ils eurent pour enfants Misor et Sydyk, c'est-à-dire le léger à la course et le juste, qui inventèrent l'emploi du sel. De Misor naquit Taaut, qui trouva l'écriture des premiers caractères; les Égyptiens l'appellent Thooth, les Alexandrins Thoyth, et les Grecs-Hermès. De Sydyk descendirent les Dioscures, ou Cabires [confusion courante] ou Corybantes, ou Samothraces. De ceux-là naquirent d'autres inventeurs, qui enseignèrent la connaissance des plantes, la guérison des morsures d'animaux venimeux, et les enchantements. Après cela vinrent au monde Elioun, c'est-à-dire le Très-Haut, et sa femme Beyrouth ou Bérith [= Alliance].

[La suite est un mélange de plus en plus confus de mythologie grecque et phénicienne-: ]

[Elioun et Bérouth] habitèrent les environs de Byblos, et eurent pour fils Epigée ou Autochthon, qu'on appela plus tard Ouranos [= le Ciel]. Ce dernier donna son nom à l'élément qui est au-dessus de nous, et dont la beauté est sans égale. Il eut pour soeur Gaïa [= la Terre], dont la beauté laissa de même son nom à ce que nous appelons la Terre. Son père, le Très-Haut, ayant péri dans un combat contre des animaux féroces, fut divinisé : ses enfants lui offrirent des libations et des sacrifices. Ouranos, ayant succédé à son père, épousa sa soeur, la Terre, et il en eut quatre enfants : Ilus [êl ou îl, c'est-à-dire le dieu par excellence, synonyme de Baal et, selon Servius, de Moloch à Carthage], qu'on, nomme aussi Cronos, Betylus [= Maison de Dieu], Dagon, qui préside au blé [c'est le sens du mot dagon], et  Atlas. Ouranos eut avec d'autres femmes une descendance nombreuse. La Terre en fut jalouse; dans sa colère, elle en fit de vifs reproches à son mari et amena le divorce. Ouranos, chaque fois qu'il voulait en approcher de force, fut repoussé. Il tenta même de tuer ses enfants. La Terre, aidée de ses auxiliaires, eut souvent à se défendre. Lorsque Cronos eut atteint l'âge viril, il prit pour conseiller et aide Hermès le trois fois très-grand (c'était son secrétaire); embrassant le parti de sa mère, il combattit son père Ouranos. Cronos eut deux enfants : Perséphone et Athéna. La première mourut vierge. Sur l'avis de Athéna et de Hermès, Cronos fabriqua avec du fer une faux et une lance. Hermès séduisit ensuite les auxiliaires de Cronos par des paroles magiques, et leur inspira le désir de faire, dans l'intérêt de la Terre, la guerre à Ouranos. C'est ainsi que Cronos, ayant battu Ouranos, le chassa de son empire, et prit les rênes du gouvernement. Dans ce combat, la concubine favorite d'Ouranos, enceinte, fut faite prisonnière. Cronos la donna en mariage à Dagon elle accoucha d'un fils, qui reçut le nom de Démarous.

Après ces événements, Cronos entoura son habitation d'un mur, et fonda la première ville, Byblos[Étienne de Byzance fait également de Byblos la plus ancienne ville] en Phénicie. Ayant ensuite conçu des soupçons contre son frère Atlas, Cronos, d'après le conseil d'Hermès, l'ensevelit dans les entrailles de la terre. Vers la même époque, les descendants des Dioscures [des Kabirim?] naviguèrent sur les radeaux et les navires qu'ils avaient construits, et, ayant échoué contre le mont Kasius, ils y élevèrent un temple. Les auxiliaires d'llus, dit Cronos, furent appelés Eloim [= les dieux, appelés Elohim dans  la Bible, où le contexte monothéiste fait du mot un pluriel de majesté], comme qui dirait Croniens (Saturniens). Cronos eut pour fils Sadid; ayant conçu contre lui des soupçons, il s'en saisit, et le fit périr par son propre glaive; il coupa de même la tête à sa fille. Tous les dieux furent épouvantés de ce goût sanguinaire de Cronos. Par la suite du temps, Ouranos, s'étant enfui, envoya sa fille Astarté, avec deux autres de ses soeurs, Rhea et Dione, pour faire tomber Cronos dans un piège. Mais ce dernier s'empara des deux soeurs, et en fit ses épouses. Averti de cette nouvelle, Ouranos fit marcher contre Cronos Himarmène et Hora avec leurs auxiliaires. Mais Cronos se les appropria également. On rapporte que le dieu Ouranos inventa aussi les Bétyles après avoir fabriqué des pierres animées [= météorites?]. Cronos eut avec Astarté sept filles, les Titanides ou Artémides, et avec, Rhéa, sept fils dont le plus jeune fut divinisé dès sa naissance. Avec Dione, il eut plusieurs enfants femelles, et de nouveau avec Astarté, deux enfants : Pothus (désir, Cupidon) et Eros (= amour).

Après que Dagon eut inventé le blé et la charrue, il reçut le nom de Zeus Aratrios. L'une des Titanides, ayant eu un commerce amoureux avec Sydycus, dit le Juste , mit au monde Asclépios (= Eshmoun). Cronos engendra, dans Pérée, trois enfants , Cronos, l'homonyme du père, Zeus Bélus [= Baal] et Apollon. Après ceux-ci naquirent Pontos, Typhon et Nérée, le père de Pontos. Pontos engendra Poséidon et Sidon, qui, à cause de la douceur de sa voix, inventa la mélodie et le chant. Démarous engendra Mélicarthus [= Melek Arta = le Roi de la Terre ou Melek Cortha = Le Roi de la Ville], qui se nomme aussi Heraclès. Ouranos s'insurgea ensuite de nouveau; et, après avoir fait défection, il s'adjoignit à Démarous, pour combattre Pontos. Démarous attaqua Pontos, mais ce dernier mit l'agresseur en fuite. Démarous fit un sacrifice pour s'être sauvé par la fuite. Dans la trente-deuxième année de son règne, Ilus, c'est-à-dire Cronos, fit tomber son père Ouranos dans une embuscade, dans un endroit de l'intérieur de la Terre : il s'empara de lui, et lui coupa les parties génitales près des sources des fleuves. Ouranos, rendant l'âme, fut reçu au nombre des dieux : le sang, dégouttant des parties génitales, se mêla à l'eau des sources et des fleuves; et on montre encore aujourd'hui l'endroit où cela eut lieu. Telle est l'histoire de Cronos et de cette époque fameuse que les Grecs vantent comme l'âge d'or des mortels, siècle de l'antique félicité. »

L'auteur ajoute ensuite :
« Astarté, la très grande, Zeus Démarous, et Adod, roi des dieux, régnèrent sur le pays, d'après le voeu de Cronos. Astarté mit sur sa tête, comme insigne de la royauté, une tête de taureau. En parcourant la terre, elle trouva un astre tombé du ciel; elle le prit, et le consacra dans l'île sacrée de Tyr. Les Phéniciens disent qu'Astarté est la planèteVénus. Cronos, faisant le tour de la Terre, donna à Athéna, sa fille, le royaume de l'Attique. Pendant les ravages d'une maladie pestilentielle, Cronos offrit en holocauste à Ouranos, son père, son fils unique; il se mit à circoncire ses parties génitales, et força ses compagnons à en faire autant. Peu de temps après, il voua aux dieux son second fils, qu'il eut de Rhéa, et qui venait de mourir : il portait le nom de Mouth [= Mort en phénicien et en hébreu]. Les Phéniciens l'appellent la Mort ou Hadès. Après cela, Cronos donna la ville de Byblos à la déesse Baaltis, qu'on nomme aussi Artémis; il donna Bérytus à Poséidon et aux Cabires agricoles et pêcheurs, qui déposèrent les restes de Pontos à Bérytus. Déjà auparavant, Taaut avait imité les figures d'Ouranos (du ciel), de Cronos, de Dagon et des autres, et tracé les caractères sacrés des éléments. Il imagina pour Cronos, comme emblème de la royauté, quatre yeux, dont deux placés à la face et deux à la partie postérieure, deux de ces yeux étaient à demi fermés; il lui attacha aux épaules quatre ailes, dont deux levées comme pour le vol, et deux abaissées.

Pour ce qui concerne les yeux, le sens symbolique est que Cronos voit, quoique endormi, et qu'il dort, quoique éveillé. Les ailes avaient le même sens symbolique : le dieu prend son essor, quoiqu'en repos, et se repose, bien qu'il vole. Quant aux autres dieux, il ne leur attribua à chacun que deux ailes aux épaules, comme pour indiquer qu'ils étaient les compagnons de Cronos. De plus, il mit à ce dernier deux ailes sur la tête : l'une comme symbole de l'intelligence suprême, l'autre comme symbole du sentiment. Étant venu dans le pays du midi, Cronos donna toute l'Égypte au dieu Taaut (Thot) comme royaume. Ces choses furent rédigées, selon l'ordre de Taaut , d'abord par les sept fils de Sydyk , les Cabires, et par leur huitième frère, Asclépios [c'est-à-dire plutôt Eschmoun]. Le fils de Thabion [Sanchoniathon, Hierombal?], qui fut de mémoire d'hommes le premier hiérophante des Phéniciens, mêla toutes ces allégories à des phénomènes physiques et cosmiques, et transmit ce mélange de doctrines aux prophètes qui président aux orgies et aux mystères. Ceux-ci ajoutèrent encore à cette amplification, et transmirent l'oeuvre à leurs successeurs et aux initiés. L'un d'entre eux était lsiris, l'inventeur des trois lettres [ajoutées au premier alphabet phénicien?] [...], frère du premier Chna [= marchand, même étymologie que Cananéen], c'est-à-dire Phénicien. »

Philon de Byblos ajoute ensuite ceci: 
« Les Grecs, surpassant par leur aptitude tous les autres humains, se sont d'abord appropriés la plupart des doctrines primitives, qu'ils ont ensuite enjolivées par des fables ingénieuses et variées. De là les fictions d'Hésiode et des poètes cycliques relativement à la théogonie et à la gigantomachie. Et comme nous sommes, dès notre enfance, accoutumés à entendre le récit de ces fictions, il est difficile de s'en défaire, et on les prend, sans examen préalable, pour la vérité. »
Bornons-nous à cet extrait de l'histoire de Sanchoniathon, traduite par Philon de Byblos, et approuvée comme véridique par Porphyre le philosophe. Ce dernier, dans son livre sur les Juifs, écrit ce qui suit sur Cronos :
[Extrait de Porphyre : ] « Taaut, que les Égyptiens appellent Thot, renommé chez les Phéniciens pour sa sagesse, rédigea le premier en un corps de doctrine les notions vulgaires sur le culte des dieux. Après un grand nombre de générations, il eut pour successeurs le dieu Saurumbel et Thuso, dont le nom fut changé en celui de Chrusarthis : ils mirent en lumière la théologie de Taaut, obscure et enveloppée d'allégories. » 
Puis il ajoute :
« Il était de coutume chez les Anciens que les chefs de l'État et de la nation devaient, en temps de grandes calamités, immoler aux génies vengeurs , pour le salut de tous , l'enfant le plus chéri [on pense ici au sacrifice d'Abraham]; et ce sacrifice se pratiquait selon le rite des mystères. Or, Cronos, que les Phéniciens appellent lsrael [= Celui qui lutte avec Dieu, nom donné dans la Genèse au neveu d'Abraham], et auquel on consacra, après sa mort, l'astre du même nom  [Saturne], était roi du pays; il avait eu d'une nymphe indigène, nommée Anobret  [= Concevant par la grâce, on pense à Sarah], un fils unique, appelé Ieoud (ce nom signifie encore aujourd'hui fils unique chez les Phéniciens [c'était aussi l'épithète d'Isaac]). Le pays ayant été accablé sous le poids d'une guerre grave, il revêtit son fils des ornements ruraux, construisit un bûcher, et l'y sacrifia. »
[Philon], revenant à l'histoire primitive des Phéniciens extraite de Sanchoniathon, traduit ensuite les merveilles relatives aux reptiles et animaux venimeux, qui ne sont d'aucune utilité pour les humains, mais les infectent et leur causent la mort, en leur instillant un poison délétère et terrible. Voici à peu près comment il s'exprime : 
« Taaut attribua aux dragons et aux serpents une nature divine, croyance qui fut adoptée par les Phéniciens et les Égyptiens. II prétendit que ce genre d'animaux était le plus rempli d'esprit et de feu; de là cette vitesse incomparable, sans le secours de mains et de pieds, ni d'aucun des moyens dont se servent les autres animaux pour se mouvoir. De plus, ce même genre présente différentes formes, et se porte promptement là où il le désire, en traçant des spires. Il vit très longtemps, et, se dépouillant de sa vieillesse, non seulement il rajeunit, mais encore son corps s'accroît, et, arrivé à un certain degré de développement, il se résout en lui-même, ainsi que Taaut l'a indiqué dans les Ecritures sacrées. Cela explique l'usage de ces animaux dans les pratiques religieuses et dans les mystères. Nous en avons parlé plus au long dans les livres intitulés Ethothes [ = Annales?] : nous y avons fait voir que le serpent ne meurt pas de mort naturelle; il faut qu'il ait été violemment frappé. Les Phéniciens l'appellent le bon génie [Agathodémon].

Pareillement , les Égyptiens le nomment Kneph [kanaph = oiseau en hébreu] : ils lui donnent pour attribut une tête d'épervier, à cause de la qualité essentielle de cet oiseau. Ces détails s'accordent à la lettre avec ce que dit Épéis, l'allégoriste , qui est appelé chez eux (les Égyptiens) le très grand hiérophante et hiéro-grammate, dont l'ouvrage a été traduit en langue grecque par Arius d'Héraclée. L'être primordial le plus divin est le serpent à figure d'épervier, extrêmement gracieux; quand il ouvrait les yeux, il répandait partout la lumière dans la région la première née [= le ciel]; quand il les fermait, il se manifestait des ténèbres. Il était aussi de la nature du feu, comme Épéis le donne à entendre par l'expression "resplendit" , dont il se sert, à propos des Phéniciens. Phérécyde a traité du dieu dit Ophion et dès Ophionides [Ophites], sur lesquels nous reviendrons.

« Partant de la même idée, les Égyptiens pour représenter le monde tracent un cercle fermé, ayant l'aspect de l'air enflammé, et au milieu, un serpent étendu, à forme d'épervier, de manière que toute la figure ressemble à celle de notre Q. Le cercle désigne le monde, et le serpent du milieu, qui y est contenu, indique le bon Génie. »

Zoroastre, le Mage, dans le livre sacré des rites Perses, s'exprime ainsi :
« Le dieu à tête d'épervier est le premier, impérissable, éternel, incréé, indivis, le plus dissemblable, le modérateur de tout ce qui est beau, inaccessible à la corruption, le meilleur des bons, le plus prudent des prudents; c'est le père de la bonne législation et de la justice, instruit par lui-même, naturel, parfait, sage, et le seul inventeur de la nature divine. Ostanes dit la même chose dans son ouvrage intitulé l'Octateuque. Tous les autres, qui l'ont suivi, ont raisonné de la même manière. Représentant les premiers éléments par des serpents, ils leur consacraient des temples, et, les réputant les plus grands dieux et les chefs de I'univers, ils célébraient en leur honneur des sacrifices, des fêtes et des orgies. Voilà ce qui est relatif aux serpents. »
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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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