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La religion
Aperçu
L'émotion religieuse et les formes de la religion.
Méthode de la science des religions.
Les définitions de la religion.
Les formes primitives de l'émotion religieuse.
Les formes primitives des dieux.
Le culte.
La magie.
La notion du sacré et de l'impur.
Évolution du sacrifice et de la prière.
L'animisme et le culte des morts.
Les mythes.
La métaphysique religieuse et le symbolisme.
Le sacerdoce
La religion et la morale.
Classification des religions.
Avenir de la religion.
L'animisme et le culte des morts.
Nous n'avons pas jusqu'ici précisé la nature des dieux que les pratiques rituelles sont destinées à mettre en Communication avec leurs adorateurs; c'est qu'à vrai dire elle importait peu au point. de vue où nous étions placés, et que, d'ailleurs, elle est demeurée, semble-t-il, longtemps indéterminée aux premiers stades de l'évolution religieuse. Les dieux, avons-nous dit plus haut, ce sont les plus puissants, les plus utiles ou les plus dangereux pour l'homme, parmi les objets, les forces et les événements de la nature, parmi les êtres multiples dont est bâti son corps immense; à l'origine. autant qu'il semble. ils ne sont donc pas conçus comme des esprits, mais simplement comme des vivants, en lesquels réside un mana d'une particulière excellence, comme des vivants doués de volontés plus énergiques, d'intelligences plus vastes et mieux informées, de pouvoirs plus étendus et plus variés que ceux du commun des hommes. Les hommes, aux lointaines périodes de l'histoire, se représentent leurs divinités à leur image. et c'est ainsi, semble-t-il, qu'ils se concevaient eux-mêmes; ils n'avaient pas l'idée d'un double de l'homme qui habite en lui et qui soit le principe de son activité et de sa vie. Lorsque cette notion du double, identifié parfois avec l'ombre, parfois aussi avec, le reflet, se fut une fois constituée, elle oc tarda pas sans doute à être étendue et très naturellement, en vertu d'un raisonnement analogique, aux animaux d'abord, et aux plantes très probablement, puis à tous les objets de la nature et, à l'époque eu les peuples non civilisés ont été pour la première fois soumis à des observations régulières, elle s'applique aux objets manufacturés eux-mêmes; tout être dès lors, tout objet a une âme, le monde est une immense société d'esprits qui agissent et réagissent les uns sur les autres et qui n'habitent pas toujours nécessairement les corps qu'ils animent, ainsi que l'a montré J.-G. Frazer dans ses belles recherchés sur l'External Soul.

Les dieux, ce sont les âmes de ces vivants, qui recevaient déjà un culte en raison de la puissance qui se manifestait en eux, et ces âmes sont conçues ou bien comme inhérentes aux êtres ou aux objets et étroitement unies à leurs corps matériels et tangibles, ou comme extérieures, indépendantes et gouvernant du dehors les événements ou les êtres où elles se révèlent. Cette notion de l'extériorité de l'urne a conduit à imaginer des esprits auxquels nul corps ne correspond, des esprits qui existent en eux-mêmes et pour eux-mêmes, et cette conception était corroborée d'ailleurs par ce fait que le double de l'homme ou de l'animal survivait à la destruction de son cadavre.

Les rêves qui ont chez les non civilisés une vivacité et une intensité remarquables, les hallucinations très fréquentes chez eux, les extases et les syncopes qui ne sont point rares et que leur régime alimentaire et leur genre de vie provoquent aisément, l'ombre, le reflet sur le miroir des eaux et toutes les surfaces polies, peut-être aussi ces faits de télépathie réels, ou supposés, sur lesquels A. Lang a attiré l'attention (The Making of Religion), voilà quelques-uns des phénomènes qui ont engendré la conception de l'esprit, c.-à-d. tout d'abord d'une sorte de décalque du corps, aussi matériel que lui, doué des mêmes énergies et soumis aux mêmes besoins, mais fait d'une matière plus subtile et plus déliée, et, en certains cas même, d'une matière impalpable et intangible. Cette âme qui, en ses rêves, a souvent va lui apparaître celui-là même qu'elle anime, il lui semble qu'elle va faire, tandis qu'il gît inerte sur le sol, de longs voyages, puisqu'elle assiste à des scènes qui se passent en des lieux fort éloignés de la hutte où il s'est endormi; elle quitte le corps et le voilà immobile et impuissant, elle est donc le principe et la cause de sa vie. Et c'est à une âme pareille à la sienne, à un double qu'il attribuera, par un raisonnement analogique fort naturel, la vie des autres vivants, la puissance et la force qui e manifestent en d'autres objets, en des objets manufacturés même, tels que les armes ou les outils qu'il conçoit, à sa propre image, comme mas par des volontés intelligentes. Mais parmi les hommes et les animaux qu'il voit dans ses hallucinations et ses rêves, il en est qui sont morts; parmi les objets, il en est qui ont été brisés ou détruits : c'est donc que le double survit à l'être même.

Aux morts, jusqu'à ce que cette notion se fut constituée, on attribuait une sorte de vie obscure qui persistait dans le tombeau et qui ne disparaissait guère qu'avec la dissolution même du cadavre, qui durait parfois autant que les ossements; le culte qui était rendu aux morts était du même ordre que celui que l'on rendait aux vivants et il n'allait guère qu'à ceux-là seuls qui étaient doués durant leur vie de pouvoirs magiques spéciaux. Mais comme les mêmes besoins étaient restés aux défunts qu'au temps où ils habitaient leurs villages, des sentiments de piété liliale, de boute, d'affection déterminaient leurs proches à leur apporter des aliments et tous les objets qui leur pouvaient être de quelque utilité en cette vie nouvelle et comme atténuée où ils étaient réduits; ils inspiraient d'ailleurs, en même temps qu'une sorte d'amicale pitié, de la crainte: ils portaient avec eux la contagion de la mort, et on leur faisait des présents pour qu'ils ne se vengent pas de la négligence ou on les aurait tenus. Le culte des morts à cette phase est étroitement lié au culte de la tombe.

Mais peu à peu l'âme du mort prend une individualité plus distincte et plus précise; ce n'est plus au cadavre, c'est à l'esprit, c'est au double que vont les offrandes, les hommages et les prières. On célèbre encore des cérémonies d'un caractère funéraire, au sens strict du mot, mais les morts reçoivent aussi un cuite d'un autre ordre : au foyer des libations sont versées en leur honneur, ils s'assoient aux mêmes banquets rituels avec les vivants, ils habitent les effigies qu'on a sculptées ou peintes de leurs visages d'autrefois tout autant que leurs reliques funèbres. Les anciennes pratiques subsistent, mais d'autres pratiques ont apparu où s'affirme l'existence d'une âme relativement indépendante du corps qu'elle animait et, à l'image de cette âme de l'homme, des âmes pareilles et affranchies, elles aussi, de toute liaison nécessaire avec un corps que l'on puisse toucher, sont attribuées à tons les êtres et à tous les objets. D'autres esprits sont imaginés par analogie pour expliquer les phénomènes dont on ne peut rattacher la production à aucun objet déterminé. Les âmes deviennent les causes universelles.

Cet ensemble d'idées ne pouvait manquer de réagir sur la conception que l'on se taisait des dieux : c'est dominé par elles que le non civilisé, que le barbare en sont venus à se représenter les dieux comme des esprits. 'fout d'abord, ils leur ont apparu comme des esprits étroitement unis aux objets, mais ces esprits n'ont pu conserver l'aspect de doubles, lorsqu'il s'est agi des astres, de la terre, des eaux, de l'océan, etc.; il leur a fallu cependant se les représenter, et ils n ont pu s'en faire d'autre image que celle d'êtres vivants, tels que les hommes ou les animaux; l'âme des dieux s'est donc révélée à leur conscience sous forme animale ou humaine. Puis ces âmes inhérentes aux grands objets de la nature se sent détachées d'eux, ont conquis à leur tour leur individualité et leur indépendance, on les a conçues alors comme des êtres distincts, gouvernant du dehors les phénomènes naturels. L'idée s'est obscurcie de leur véritable signification et, on en est venu à les considérer comme des hommes ou des animaux divins, ayant, comme les hommes de la terre et les animaux des forêts, un corps et une âme; les dieux grecs sont des hommes surnaturels, ce ne sont pas des esprits. Et cependant, ils n'ont pas cessé d'être identifiés avec les êtres et les objets dont ils étaient à l'origine les principes de vie et de mouvement, c'est que ce sont de tout-puissants magiciens et que, comme tels, ils peuvent se manifester tour à tour sous les formes les plus diverses. Sans perdre leur caractère naturiste, les dieux ont donc revêtu un aspect toujours plus nettement anthropomorphique. Et dès lors, non seulement les passions et les sentiments des hommes, leurs besoins et leurs désirs, leur genre de vie leur ont été attribués, maison en est venu à se représenter la société divine comme Lin décalque de la société humaine, on a conçu ses membres comme assujettis aux mêmes habitudes et aux mêmes coutumes, limités en leur pouvoir par les mêmes interdictions rituelles, célébrant les mêmes cérémonies, accomplissant les mêmes sacrifices; tout est pareil, institutions, organisation sociale, structure de la famille et cadre matériel, dans le monde sensible et dans ce monde surnaturel, qui le double et qui en constitue l'aune collective et le principe de vie; c'est là une façon de concevoir l'univers et le divin qui est à la racine de tout le développement mythologique et qui persiste sous des formes plus ou moins altérées jusque dans la légende islamique on chrétienne.

Si la religion dans son ensemble n'a pas son origine dans le cuite des morts et la conception animiste de la nature, il est donc indéniable qu'ils ont exercé sur son développement une influence décisive en habituant, d'une part, les hommes à se représenter comme des esprits séparés des corps les êtres surnaturels, dent dépendaient leur prospérité et la vie tout entière de la nature, et, d'autre part, à adresser à des esprits, souvent invisibles et cependant toujours présents, leurs hommages et leurs prières, à envisager le sacrifice et la libation comme des véhicules de leurs demandes vers ces intangibles Puissances, comme un moyen de communication avec des dieux, qui, au lieu d'être mêlés au monde et de constituer, pour ainsi dire, la substance même, dont il est construit, le gouvernent de loin. La notion du divin n'a point ses racines dans le culte de ceux qui ne sont plus, mais il est l'un des facteurs essentiels de cette idée de la transcendance des dieux qui caractérise à une phase de leur évolution tous les polythéismes et tous les monothéismes. (L. Marillier, c. 1900).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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