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La religion aztèque
Les temples et le clergé aztèques
Aperçu Les temples, le clergé Les sacrifices et les fêtes
A l'époque de l'Empire Aztèque, le nombre des divinités révérées dans les temples, dans les maisons, sur les chemins et dans les forêts de l'Anahuac était si considérable que Zumarraga, le premier évêque de Mexico, affirme que les seuls Franciscains détruisirent plus de vingt mille représentations de ces dieux dans l'espace de huit ans. La plupart de ces représentations étaient en terre cuite, en bois, en granit, parfois en or, ou même taillées dans des pierres précieuses. Benedito Fernandez, célèbre dominicain, trouva, sur une montagne d'Achiotla, dans la Mixtèque, une petite sculpture désignée sous le nom de coeur du peuple. C'était une magnifique émeraude longue de quatre doigts, large de deux, portant l'image d'un oiseau enlacé par un serpent. Les Espagnols offrirent mille cinq cents piastres pour ce joyau au zélé missionnaire, qui, ne voyant là qu'une oeuvre du démon, refusa de le vendre et le brisa devant les Indiens. 

Tous les peuples de l'Anahuac adoraient leurs dieux en touchant le sol du doigt médium de la main droite, en portant à leur bouche la poussière qui y restait attachée, puis par des prosternations, des jeûnes et autres macérations. Ils leur adressaient leurs
prières accroupis, le visage tourné vers le levant; aussi la porte des temples faisait-elle toujours face au couchant.

Les Aztèques prenaient les dieux à témoin de leur véracité, et la formule de leur serment était : Par hasard, Dieu ne me voit-il pas? -Dans ce cas, ils touchaient la terre de leur main droite et la baisaient ensuite. Le serment avait une grande valeur devant les tribunaux lorsqu'il s'agissait de se justifier d'un délit, car on ne croyait pas qu'un homme fût assez téméraire pour invoquer à faux le nom des dieux.

Les temples

Le grand temple de Mexico.
Les Aztèques, durant leurs longues pérégrinations, construisaient, dans tous les lieux où ils séjournaient, une cabane sacrée pour abriter et adorer leur dieu tutélaire, Huitzilopochtli, et ce fut un de leurs premiers soins dès qu'ils eurent fondé Mexico. L'humble cabane de roseaux qu'ils élevèrent devint peu à peu un édifice important, autour duquel ils en groupèrent d'autres destinés aux dieux qu'ils considéraient comme secondaires. Les temples étaient désignés par les noms génériques de Téopan et de
Téocalli (maisons de dieu), noms qui servent de nos jours à leurs descendants pour qualifier les églises catholiques.
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Codex Aubin : Teocali.
La page 81 de la copie du Codex Aubin de 1576, de même que celle de Gama, ne porte aucune légende ou texte en langue mexicaine; elle est destinée à représenter le grand Teocalli ou temple de Tenochtitlan au moment de l'arrivée des conquérants espagnols.

Au pied du temple est figuré un musicien frappant sur le Huehuetl (sorte de tambour), sur la droite un Castillan, casqué, armé d'une longue lance, semble repousser un personnage placé devant lui; entre ces deux hommes on voit une petite volute placée près de la figure d'un personnage qui pourrait être un prêtre aztèque. C'était la manière mexicaine de représenter la parole, le commandement. 

Itzacoatl, durant son règne, transforma le rustique abri en un édifice imposant que son successeur, Montezuma Ilhuicamina, modifia, embellit et agrandit à son tour. Enfin Ahuitzotl construisit le vaste monument que son prédécesseur, Tizoc, avait commencé, et qu'ont si fort vanté les Espagnols après l'avoir détruit. Les documents font défaut pour établir les dimensions exactes de ce Téocalli, car les quatre historiens qui l'ont visité et décrit, Cortez, Bernal Diaz del Castillo, le Conquérant anonyme et Sahagun, en parlent avec des contradictions flagrantes. D'après leurs récits, contrôlés par Clavigero, voici ce que l'on peut considérer comme recevable :

Construit au centre de la ville, ce vaste édifice, qui avait la forme d'une pyramide tronquée, couvrait, avec les temples annexés, tout l'espace occupé aujourd'hui par la cathédrale de Mexico, sa grande place et les rues qui l'avoisinent. Le mur qui l'entourait, sculpté de figures de serpents enlacés, formait un carré dans lequel, selon Cortez, eût pu tenir un village de cinq cents feux. Fabriqué de pierres et de chaux, ce mur, très épais, était couronné de créneaux et percé de quatre portes faisant face aux quatre points cardinaux. De la porte de l'Orient, partait une large route qui conduisait au lac de Texcoco. Quant aux trois autres issues, elles faisaient face aux trois principales rues de la ville, rues longues, larges et aboutissant, par des chaussées construites sur le lac, aux villages d'Iztapalapan, de Tacuba et de Tepeyacac. Sur chacune de ces portes se trouvait un trophée amplement pourvu d'armes offensives et défensives. En cas de nécessité, c'était là que les soldats accouraient s'armer.

La cour intérieure que bordait ce mur était pavée de pierres si bien polies que les chevaux des Espagnols ne pouvaient s'y aventurer sans courir le risque de s'abattre. Au centre de cette cour, s'élevait la vaste pyramide tronquée affectant, selon les uns, la forme d'un parallélogramme; celle d'un carré, selon les autres. Cette pyramide, revêtue de briques, se composait de cinq assises égales en hauteur, mais non en longueur ni en largeur, car les plus élevées étaient plus étroites que les inférieures. La pre-
mière assise, base de l'édifice et haute de 4 ou 5 mètres, mesurait 300 pieds du levant au couchant, et près de 250 du nord au midi. La seconde était moins large que la première de 10 pieds environ, et les autres allaient en diminuant dans la même proportion. Par suite de ce retrait, chaque assise se trouvait bordée d'un espace libre sur lequel trois ou quatre hommes pouvaient marcher de front.

L'escalier de cet édifice, placé à l'extérieur, du côté du midi, se composait de cent trente marches d'un pied de haut. Mais cet escalier n'était pas continu. Les premières vingt marches gravies, il fallait faire le tour de l'espèce de corridor dont il vient d'être question pour atteindre celles de la seconde assise, et ainsi de suite. 

Parvenu sur la plate-forme de ce singulier monument, plateforme assez vaste pour que cinq cents nobles mexicains aient pu s'y retrancher et se défendre contre les troupes de Cortez, on voyait, du côté de l'orient, deux tours d'une hauteur de 50 pieds, composées de trois assises. La première de ces assises était construite de pierres et de chaux, les deux autres de bois artistement travaillé. Dans l'assise de pierres était ménagé ce que l'on peut nommer le sanctuaire, et là, sur un autel haut de 5 pieds, s'alignaient les images des dieux tutélaires. Un de ces sanctuaires était consacré à Huitzilopochtli et aux divinités de la guerre, l'autre à Tlaloc. Les étages supérieurs servaient de lieu de dépôt pour les ustensiles nécessaires au culte; les cendres de plusieurs rois et grands dignitaires y étaient déposées.

Les portes des sanctuaires s'ouvraient dans la direction du couchant, et les deux tours se terminaient par des coupoles en bois. Au résumé, la hauteur totale de l'édifice, à la base duquel deux statues de pierre soutenaient des foyers sans cesse alimentés, devait être de 120 pieds. Du sommet des tours on découvrait une partie de la vallée de Mexico, point de vue d'une beauté merveilleuse, rapportent ceux qui purent en jouir.

Dans l'espace ménagé entre le mur d'enceinte et le grand temple, s'étendait une vaste place réservée pour les danses sacrées, puis, au delà, se succédaient plus de soixante édifices importants - Sahagun en énumère soixante-dix-huit - et les différentes pierres destinées aux sacrifices : techcatls, témalacatls et téocuauhxicallis. Parmi les temples secondaires les plus importants, il faut ranger ceux de Tezcatlipoca, de Tlaloc et de Quetzacoatl. Ces trois édifices n'avaient pas les mêmes dimensions, et leur façade était tournée vers le temple principal. Notons cette particularité que le temple de Quetzacoatl, au lieu de présenter la figure d'un parallélogramme, était circulaire. En outre, sa porte d'entrée simulait la gueule d'un serpent pourvu de ses crochets; et les Espagnols, paraît-il, ne franchissaient pas ce seuil sans terreur.

Un des temples, nommé Ilhuicatitlan (près du ciel), était dédié à la planète Vénus. Là se dressait une colonne sur laquelle était peinte ou gravée l'image de l'astre. Près de cette colonne, à l'époque de l'apparition de la planète dans le ciel, on immolait des prisonniers.

Au nombre des édifices groupés dans l'immense enceinte, il faut compter cinq collèges de prêtres et trois séminaires, bâtiments habités par un nombre considérable de personnes vouées au culte des dieux. Venaient ensuite l'Epcoatl (perle et serpent), temple des ministres de Tlaloc et des divinités inférieures des eaux; le Macuicalli (cinq maisons), où les espions surpris dans Mexico étaient coupés en morceaux; le Tlalxico (nombril de la terre), dédié à Mictlanteuctli; l'Iztaccinteutl (maïs blanc), temple où l'on sacrifiait des victimes atteintes de lèpre; le Tlélatiloyan, excavation dans laquelle se déposait la peau des victimes écorchées. Mais arrêtons cette sèche nomenclature.
Cependant, citons encore un arsenal situé près du temple Tezcacalli (maison des miroirs), où l'on gardait les représentations d'Omacatl, dieu des banquets; puis un autre édifice dédié à la lune et nommé Tecucizcalli (maison de coquilles), qui présentait cette singularité d'être couvert d'écailles de mollusques. Il était voisin d'une chapelle désignée sous le nom de Quauxicalco (têtes de calebasses), lieu rempli de crânes dans lequel se retiraient les souverains pour jeûner et prier. Une seconde maison de retraite, Poyautlan (lieu sombre), servait au grand prêtre, et plusieurs autres étaient destinées aux particuliers, ou réservées pour loger les gens de marque des provinces qu'attiraient à Mexico l'ambition, la dévotion ou la curiosité.

Dans un bassin nommé Tezcaapan (eau-miroir), nombre de dévots venaient se baigner pour accomplir un voeu. Parmi les fontaines ou sources renfermées dans l'enceinte sacrée, s'en trouvait une dont l'eau ne pouvait être bue que dans les fêtes solennelles. Autour des temples, se voyaient des volières où l'on élevait les oiseaux destinés aux sacrifices, et des jardins où, pour l'ornementation des autels, on cultivait les plantes remarquables par leurs fleurs ou leur parfum. Enfin un petit bois, semé de collines, de lacs, de rochers créés artificiellement, servait à des chasses sacrées.

Dans le grand temple, au nombre des chambres où l'on gardait l'image des dieux et les ornements destinés à leur culte, se trouvaient deux immenses pièces dont les proportions surprirent les Espagnols. Mais l'édifice qui leur parut le plus singulier fut une vaste prison construite en forme de cage, et dans laquelle on renfermait les représentations des dieux des nations vaincues.

De nombreux ossuaires attirèrent aussi l'attention des conquérants. Dans les uns (Cuauxicalli), les os étaient simplement amoncelés; dans d'autres (Tzompantli), les crânes, disposés de façon à former des dessins symétriques, étaient en outre incrustés dans les murs, la face en dehors, et présentaient un spectacle encore plus répugnant que curieux.

Le plus considérable de ces trophées, situé, selon quelques écrivains, hors du mur d'enceinte du grand temple, et selon d'autres à peu de distance et même en face de sa porte principale, consistait en un vaste terre-plein en forme de parallélogramme, à demi pyramidal, d'une largeur de 154 pieds à sa base. On arrivait à sa partie supérieure par un escalier de trente marches, et sur la plate-forme se dressaient de hauts poteaux séparés par un espace de 4 pieds et percés de trous dans toute leur longueur. Ces trous servaient de support à des barres transversales garnies de crânes enfilés par les tempes. Sur les marches, s'en montraient d'autres-entre chaque pierre, et, au sommet de l'édifice, se dressaient deux tours fabriquées de crânes et de chaux. Lorsqu'un de ces funèbres ornements se détériorait, les prêtres se hâtaient de le remplacer, afin de maintenir au complet le chiffre sacramentel exigé pour la symétrie du monument. Au résumé, les crânes exposés dans ces différents édifices étaient si nombreux qu'Andrès de Tapia raconte que, ayant compté ceux qui se trouvaient sur les marches et la plate-forme du grand Tzompantli, il s'arrêta au chiffre de cent trente-six mille.

Temples secondaires.
D'un  travail de Hamy sur ces édifices, il reste établi que Mexico en possédait cinq : le Mixcoapan-Tzompantli, où l'on plaçait la tête des victimes sacrifiées à Mixcoatl; le Huéi-Tzompantli, que nous venons de décrire; le Yopico-Tzompantli, où se rangeaient les têtes des victimes immolées lors de la fête du mois Tlacaxipéhualitztli, et enfin celui des victimes offertes au dieu des marchands.

Outre les temples que nous avons déjà mentionnés, il en existait quantité d'autres sur différents points de la ville. D'après plusieurs auteurs, leur nombre n'était pas inférieur à deux mille, surmontés de trois cent soixante tours. Sur ce chiffre, dix étaient remarquables par leurs dimensions, particulièrement celui de Tlatelolco, consacré à Huitzilopochtli.

Hors de la capitale, où, d'après Torquemada, tous les édifices religieux étaient construits, sauf les dimensions, sur le modèle du grand Teocalli de Mexico, les temples les plus célèbres étaient ceux de Texcoco, de Cholula et de Teotihuacan. Bernal Diaz, qui eut la curiosité de compter les marches conduisant à leurs sommets, en trouva cent dix-sept pour le temple de Texcoco, et cent vingt pour celui de Cholula. Le grand temple de Cholula, ainsi que nombre d'autres de cette cité, était dédié à Quetzacoatl. Cortez, dans une de ses lettres à l'empereur Charles-Quint, déclare avoir compté, d'une hauteur dominant la ville, quatre cents tours appartenant à des édifices religieux. Aujourd'hui, il ne reste en ce lieu que la célèbre pyramide construite par les Toltèques, laquelle, comme nombre de constructions de ce genre, est faussement attribuée aux Aztèques.

Près de Teotihuacan, à 50 kilomètres de Mexico, se voient les ruines des deux fameux temples qui servirent de modèle pour la construction de tous ceux de la contrée. Dans l'un de ces édifices on adorait le Soleil, dans l'autre la Lune. Les deux astres étaient représentés par des figures en pierre, d'une taille gigantesque et couvertes d'or. La représentation du Soleil avait sur la poitrine une cavité où se trouvait logée une image de l'astre en or massif. Les Espagnols s'emparèrent du précieux métal et brisèrent les figures.

Autour de ces deux édifices, on remarquait de nombreux édicules qui étaient autant de temples consacrés aux étoiles. Du reste, c'est à cause de la multiplicité de ces monuments religieux que ce lieu fut autrefois nommé Teotihuacan. Torquemada, dans son Histoire des monarchies indiennes, estime à quarante mille le nombre des temples construits sur la superficie de l'Anahuac, et cela sans tenir compte des autels établis sur la cime des montagnes, au sein des forêts ou sur les chemins, dans le but d'exciter la dévotion des voyageurs et d'honorer les dieux champêtres.

Le clergé

Les revenus du grand temple de Mexico et ceux des autres temples de l'empire étaient considérables; chacun d'eux possédait des terres et des serfs chargés de les cultiver. Le produit de ces terres servait à l'entretien des prêtres, et l'on en tirait le bois qui se consumait en si grande quantité dans les sacrifices. Des majordomes, prêtres eux-mêmes, visitaient souvent ces domaines, et ceux qui les cultivaient, loin de se plaindre de leur servage, se considéraient comme heureux de contribuer par leurs fatigues au service des dieux et au bien-être de leurs ministres. Aux ressources déjà citées venaient s'ajouter les prémices des récoltes offertes pour obtenir de la pluie ou du beau temps, et les présents spontanés des villes. Il existait près de chaque temple des magasins destinés à garder les comestibles donnés aux prêtres. L'excédent de ces provisions était distribué aux pauvres.

Prêtres et prêtresses.
La multiplicité des dieux mexicains exigeait un grand nombre de prêtres, qui étaient presque aussi vénérés que la divinité qu'ils servaient. Si l'on songe que le grand temple de Mexico en abritait au moins cinq mille, que quatre cents étaient affectés au culte de Tezcatzoncatl, le Bacchus aztèque, on peut admettre que les historiens ne se trompent guère en évaluant leur chiffre total à un million. Les honneurs que l'on rendait aux prêtres, le respect que l'on avait pour eux contribuaient à attirer les jeunes gens vers les fonctions sacerdotales. Les nobles, pour un temps déterminé, se plaisaient à consacrer leurs enfants au culte des dieux, exemple suivi par la petite noblesse qui acceptait les emplois subalternes. Servir les dieux, c'était, parmi les Aztèques, honorer sa caste et conquérir un signe de distinction.

Plusieurs degrés hiérarchiques séparaient les prêtres les uns des autres. Le premier des pontifes suprêmes - ils étaient deux - portait le titre de Teoteuctli (seigneur divin), et le second celui de Hueiteopixqui (grand prêtre). Ces deux dignités ne se conféraient qu'à des personnes illustres par leur naissance, leur probité ou leur connaissance des cérémonies religieuses.

Les grands prêtres étaient des oracles que les rois consultaient dans les circonstances critiques, et jamais on n'entreprenait de guerre sans leur consentement. Ce sont eux qui sacraient les rois, qui arrachaient le coeur des victimes humaines dans les sacrifices. Le grand prêtre de Mexico était chef de la religion dans tout l'empire; mais les nations soumises par les Aztèques, aussi habiles politiques sur ce point que les Romains, conservaient le libre exercice de leur culte.

La dignité de pontife se conférait par élection; toutefois, on ignore si les électeurs étaient des prêtres ou les nobles chargés d'élire les rois. A Mexico, l'insigne de cette dignité consistait en un gland de coton suspendu sur la poitrine. Dans les fêtes, sur les vêtements luxueux du grand prêtre, se voyaient les attributs de la divinité que l'on honorait ce jour-là.

Après les deux hautes dignités sacerdotales dont nous venons de parler, la plus élevée était celle de Mexitliteohuatzin, que le grand prêtre conférait. La tâche de ce prêtre consistait à veiller, dans les fêtes religieuses, sur l'observation des rites et l'ordre des cérémonies. En même temps, il surveillait la conduite des prêtres placés à la tête des séminaires, afin de châtier ceux qui manquaient à leurs devoirs. En raison de ses fonctions compliquées, il était secondé par deux aides, sorte de vicaires dont l'un faisait office de supérieur général des séminaires. Comme insigne, le premier de ces vicaires portait sans cesse sur lui un sac d'encens.

Venaient ensuite, dans l'ordre hiérarchique, le Tlatquimilolteuctli ou économe du sanctuaire, puis le compositeur des hymnes chantés dans les fêtes, l'Ometochtli. Les prêtres ordinaires se désignaient par le nom de Teopixqui (ministre de dieu), qui sert aujourd'hui à qualifier les prêtres catholiques. Dans chaque quartier de Mexico, un prêtre principal dirigeait les fêtes et les actes religieux.

Parmi les prêtres, on distinguait encore les sacrificateurs, les devins, les chanteurs; de ces derniers, les uns étaient de service le jour et les autres la nuit. Puis venaient ceux qui s'occupaient de la propreté du temple, de l'ornement des autels, de l'instruction de la jeunesse, de l'ordonnance du calendrier et enfin des peintures mythologiques.

Quatre fois par jour, le matin, à midi, le soir et à minuit, les prêtres devaient encenser les autels. A cette dernière heure, les ministres les plus importants du temple venaient assister celui qui se trouvait de garde. On encensait le soleil quatre fois dans la journée et cinq fois durant la nuit. Les parfums employés étaient le styrax liquide (Liquidambar styraciflua) et la résine de copal (Rhus copallina). Dans certaines fêtes on se servait de chapopotli, sorte de bitume qui se recueille sur le rivage du golfe du Mexique. Les encensoirs étaient en terre, parfois en or et, pourvus d'un manche, ils rappelaient la forme des poêlons. Chaque matin, les prêtres se peignaient le corps à l'aide de noir de fumée et, sur cette peinture, ils traçaient des dessins à l'aide d'ocre rouge ou jaune. Le soir venu, tous se baignaient dans les étangs renfermés dans l'enceinte des temples.

Le vêtement ordinaire des prêtres aztèques ressemblait à celui des autres citoyens, sauf un bonnet en coton, teint de noir, dont ils se coiffaient. Dans les cérémonies, ils portaient le largouti ou la mante. Ils laissaient croître leurs cheveux, qui parfois leur descendaient jusqu'aux pieds; ils les tressaient alors avec des rubans ou les laissaient ébouriffés et les enduisaient de couleurs, ce qui leur donnait un aspect effrayant.

Outre les peintures à l'ocre, ils en préparaient d'autres pour les sacrifices, qui avaient lieu sur la cime des monts ou dans les grottes ténébreuses. Prenant des scorpions, des araignées, des vers, de petites couleuvres et d'autres animaux venimeux, ils les brûlaient sur les foyers du temple, délayaient les cendres produites, puis les mélangaient de noir de fumée, de tabac et d'insectes vivants. Après avoir présenté ce mélange à leurs dieux, ils s'en barbouillaient le corps. Ainsi enduits, ils affrontaient tous les périls, persuadés qu'ils étaient devenus invulnérables, qu'ils pouvaient braver la dent des fauves et les morsures des serpents. Cette mixture se nommait Teopatli (médecine divine), et passait pour curative de toutes les maladies. Les élèves des séminaires étaient chargés de récolter les animaux nécessaires à la confection de cet étrange liniment, encore en usage parmi les Indiens. Le teopatli servait aussi aux enchantements et, dans l'esprit populaire, il a, jusqu'à aujourd'hui, conservé ses vertus surnaturelles.

Les prêtres mexicains menaient une vie très dure et jeûnaient sans cesse. Ils buvaient rarement des boissons fermentées et ne se grisaient jamais. Les trois cent trois ministres de Tezcatzoncatl, après avoir terminé le chant par lequel ils l'invoquaient, plaçaient dans l'immense jarre posée devant son image et maintenue pleine de vin d'agave par des dévots, trois cent trois roseaux dont un seul était percé jusqu'à son extrémité. Le prêtre auquel ce roseau tombait en partage avait seul le droit de boire la liqueur fermentée, puisque seul il pouvait l'aspirer.

Durant les jours où leur service les retenait au temple, les prêtres évitaient de se rencontrer avec une autre femme que la leur; si le hasard amenait une étrangère sur leur chemin, ils passaient en baissant les yeux pour ne pas la voir. Du reste, toute incontinence de leur part était sévèrement punie. A Teotihuacan, le prêtre convaincu d'avoir enfreint les lois de la chasteté était livré au peuple et tué la nuit à coups de bâton. A Ichcatlan, le grand prêtre devait vivre dans le temple et s'abstenir de toute communication avec les femmes. Si, par malheur, il manquait à ce devoir, il était massacré, et l'on présentait ses membres à son successeur, comme exemple.

On perforait les oreilles et les lèvres des prêtres qui, cédant à la paresse, ne se levaient pas pour assister aux dévotions nocturnes, ou bien on leur arrosait la tête d'eau bouillante. A la seconde infraction, on les expulsait du temple, puis on les noyait dans un lac à l'époque de la fête du dieu des eaux. Les prêtres, d'ordinaire, vivaient en communauté sous la surveillance d'un supérieur.

Le sacerdoce, chez les Aztèques, ne durait souvent qu'un temps déterminé, à l'expiration duquel les prêtres prenaient leur retraite ou rentraient dans la vie civile pour y occuper des emplois importants. Toutefois, certains d'entre eux se vouaient aux autels pour toute leur vie. Les femmes étaient admises à la prêtrise, mais leurs fonctions se réduisaient à encenser les idoles, à entretenir le feu sacré, à balayer le temple, à préparer les comestibles des oblations, à les présenter à l'autel; elles ne pouvaient ni sacrifier aux dieux ni aspirer aux dignités supérieures, quelle que fût leur capacité.

Parmi ces prêtresses, les unes étaient vouées dès leur enfance à la vie religieuse par leurs parents, tandis que d'autres se liaient volontairement par des voeux d'un ou deux ans, soit à la suite d'une maladie, soit pour obtenir un bon mariage, ou encore afin d'intéresser les dieux au bien-être de leur famille. La consécration des premières se pratiquait de la manière suivante. A la naissance de l'enfant, les parents l'offraient à la divinité qu'ils vénéraient, et avisaient de cet acte le prêtre de leur quartier, qui le communiquait au Tepanteohuatzin ou supérieur général des séminaires. Deux mois plus tard, on portait l'enfant au temple, on lui plaçait dans la main une fleur de grenadille (passiflora), un petit encensoir et un peu d'encens, comme symboles de ses occupations futures. Chaque mois on renouvelait cette cérémonie, où figuraient des écorces d'arbres destinées au feu sacré. A l'âge de cinq ans, la petite fille était remise au Tepanteohuatzin, qui la plaçait dans un séminaire. Là, on l'instruisait des règles de la religion, on lui apprenait à se bien conduire, à s'occuper des travaux dévolus à son sexe. Quant aux jeunes filles qui entraient dans un séminaire par suite d'un voeu, elles devaient d'abord faire le sacrifice de leur chevelure. Toutes ces religieuses vivaient très renfermées, dans le silence et le recueillement, sous la garde de supérieures. Les unes se levaient avant minuit, d'autres après, puis d'autres avant l'apparition du jour, pour attiser le feu et encenser les idoles. Bien que des prêtres assistassent à cette cérémonie, ils ne pouvaient communiquer avec les prêtresses. 

Chaque matin, ces dernières s'occupaient des comestibles destinés aux oblations, et balayaient les bas côtés du temple. Les moments que leurs occupations leur laissaient libres, elles les employaient à filer ou à tisser de riches étoffes pour vêtir les idoles et orner les autels. La chasteté de ces vestales était l'objet constant de la surveillance de leurs supérieures, et la moindre faute restait sans pardon.

Lorsque la jeune fille consacrée au culte des dieux depuis son enfance atteignait sa dix-septième année, ses parents lui cherchaient un époux. Après l'avoir trouvé, ils présentaient au Tepantéeohuatzin, sur un plat ouvragé, des cailles, de l'encens, des fleurs et des comestibles, le remerciaient des soins qu'il avait pris pour l'éducation de leur enfant, et lui demandaient la permission de la marier. Le haut dignitaire accordait d'ordinaire l'autorisation sollicitée, et il exhortait son élève au parfait accomplissement des nouveaux devoirs qu'elle allait avoir à remplir.

Les confréries.

Les prêtres de Quetzalcoatl.
Parmi les différentes confréries (sortes d'ordres religieux) des Mexicains - il y en avait d'hommes et de femmes - celles qui prenaient Quetzalcoatl pour patron méritent une mention particulière. Leurs membres menaient une vie des plus rudes, se plongeaient dans l'eau à minuit, et veillaient presque jusqu'au jour en chantant des hymnes ou en se livrant à des actes de pénitence. Ces prêtres et prêtresses avaient le droit de se rendre à toute heure dans les forêts et de se saigner eux-mêmes, privilège dont ils jouissaient en raison de leur grande renommée de sainteté. Les supérieurs de ces couvents portaient le nom du dieu qu'ils servaient et ne rendaient de visites qu'au roi.

C'est dès leur naissance que les religieux de cet ordre étaient consacrés à Quetzalcoatl, et le père qui destinait son fils au culte de ce dieu priait le supérieur du couvent à dîner. Celui-ci envoyait à sa place un de ses moines, auquel on présentait l'enfant. Le religieux, prenant entre ses bras la petite créature, l'offrait à Quetzalcoatl en prononçant une prière, et lui entourait le cou du collier nommé yanueli, qu'elle devait porter jusqu'à l'âge de sept ans. A l'accomplissement de sa deuxième année, l'enfant était conduit au supérieur, qui lui faisait une incision sur la poitrine, incision qui, avec le collier, était un signe de consécration. A sept ans, après avoir écouté un long discours moral, dans lequel on lui rappelait par suite de quel voeu il était lié à Quetzalcoatl, en l'exhortant à se bien conduire, à prier pour les siens et pour la nation, il entrait au couvent.

Le Telpochtilztli.
Un autre ordre, nommé Telpochtilztli (réunion d'enfants) était consacré à Tezcatlipoca. Les enfants étaient voués à ce dieu suprême par des cérémonies à peu près semblables à celles qui viennent d'être relatées, mais ils ne vivaient pas en communauté. Dans chaque quartier de la ville, à l'heure du coucher du soleil, ils étaient réunis par un supérieur pour danser, puis pour chanter l'éloge des dieux.

Les prêtres de Centeotl.
Chez les Totonaques existait une confrérie vouée au culte de la déesse Centeotl, et dont les membres menaient une vie des plus austères. Il n'y entrait que des hommes de soixante ans, veufs et de bonnes moeurs. Leur nombre était limité, et non seulement le peuple, mais les plus hauts personnages, y compris le grand prêtre, venaient les consulter. Ils écoutaient les questions qu'on leur adressait assis sur un banc, les regards fixés sur le sol, et leurs réponses étaient recueillies comme des oracles, même par les rois de Mexico. Ces religieux employaient leurs loisirs à la confection de peintures historiques et les remettaient au grand prêtre pour qu'il les montrât au peuple.

Au résumé, les prêtres aztèques étaient en général des lettrés, et leur vie austère, leur savoir, augmentaient encore l'influence qu'ils devaient à leur caractère sacré. (L. Biart).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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