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Niobé

Niobé (personnage de la mythologie grecque). - Petite-fille d'Atlas, fille de Tantale, épouse d'Amphion, reine de Phrygie. Elle avait eu douze enfants, six filles et six fils. Fière de sa fécondité, elle osa se comparer à Léto, mère d'Apollon et d'Artémis, et même se mettre au-dessus d'elle. Pour punir cet orgueil, la déesse ordonna à Apollon de percer de ses flèches les fils de Niobé. Ce châtiment ne suffit pas. Niobé brava de nouveau la déesse. Alors Artémis perça à son tour les six jeunes filles. 

Pendant neuf jours, les cadavres restèrent exposés. Ils demeurèrent couchés au sol, étendus dans leur sang, parce que Zeus avait changé en pierre tous les sujets de Niobé. Le dixième jour, les dieux, touchés de pitié, leur donnèrent eux-mêmes la sépulture; et Niobé, lassée d'avoir pleuré pendant ces dix jours, consentit enfin à manger : présentement, ajoute Homère, elle est parmi les rochers, sur les sommets déserts du mont Sipylos, en Phrygie, ou,quoique transformée en rocher, monument éternel de la vengeance des dieux, elle continua à pleurer son malheur (Homère, Il., XXIV, 602-17). Pausanias nous apprend qu'il a été lui-même au mont Sipylos, et qu'il y a vu la statue de Niobé :

"c'est, dit-il, un rocher escarpé qui, de loin, ressemble effectivement à une femme ayant la tête penchée et en pleurs. » 
On montrait aussi à Thèbes le tombeau des Niobides.
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Rocher de Niobé.
Le rocher de Niobé sur le mont Sipyle.
(Ministère turc de la culture et du tourisme, à Manissa). 

Telle est la légende homérique sur Niobé. les auteurs postérieurs, et surtout les postes dramatiques l'ont considérablement altérée et modifiée. Voici les principales divergences que suw offrent leurs écrits : Hésiode et Pindare comptent vingt Niobides;  Alcman , la moitié seulement de ce nombre; Sapho en reconnait dix-huit, Euripide, quatorze; Hérodote, cinq. Hellanicus donne à Niobé trois fils et trois filles : Archénor, Ménestrate, Archagoras, Pelople, Ogygie, Astycratée; tandis que Phérécyde, qui suit la tradition homérique, en mentionne douze : Alalcomène, Phérée, Eudore , Lysippe, Xanthus, Argius, Chione, Clytie, Mélie, Hora, Lamippe, Pélopie. Dans Apollodore, les Niobides sont au nombre de quatorze : Sipyle, Minytos (nommé Euplaytos dans Hygin), Isménus, Damasichthon, Agénor, Phaedimus, Tantale, Éthodée ou Néère, Cléodore, Astyoché, Phthie. Pélople, Astycratée, Ogygie. Tzetzès ajoute à cette liste le nom d'Homolois, et Ovide mentionne encore Alphénor et Ilonée.

Homère fait tomber tous les Niobides sous les coups d'Apollon et d'Artémis. Les mythographes postérieurs disent qu'Amphion ou Amycla et Mélibée échappèrent au massacre : la dernière épousa Nélée (Apollodore) cependant l'épouse de Nélée était, suivant Homère, la fille de l'Amphion d'Orchomène et non de l'Amphion Thébain. Les auteurs ne s'accordent pas non plus sur le lieu de la scène; suivant Apollodore, les fils de Niobé furent tués par Apollon, comme ils chassaient sur le Cithéron (ou sur le Sipyle), et Artémis frappa leurs soeurs dans Thèbes même. Ovide fait périr les premiers dans la plaine de Thèbes , où ils s'occupaient d'exercices gymnastiques, et les secondes, aux funérailles de leurs frères. D'autres les font périr tous en Lydie, ou racontent que Niobé, s'étant rendue de Thèbes dans cette contrée, après la mort de ses enfants, se réfugia auprès de son père Tantale, et, sur ses instantes prières, fut changée en pierre par Zeus.

Parthéalus raconte d'une manière toute différente le mythe de Niobé. Fille d'Assaon et femme de Philottus, suivant cet auteur, elle osa prétendre que ses enfants étaient plus beaux que ceux de Léto. La déesse, irritée, lui fit bientôt sentir les effets de sa vengeance; Philottos périt à la chasse, et Assaon, épris d'une passion incestueuse pour sa fille, se donna la mort sur son cadavre, après qu'elle se fut précipitée du haut d'un rocher. Il avait auparavant fait périr tous ses enfants. 

La mythologie connaît une autre Niobé, fille de Phoronée et de Laodice, ou mère de Phoroée, qu'elle eut d'Inachus.

Les symbolistes ont diversement interprété le mythe de Niobé. Pour les uns, Niobé serait une personnification des nuages; ses enfants ne seraient autre chose que les nuages traversés par les rayons du soleil. Attachée au rocher, Niobé est connue le nuage accroché au flanc d'une montagne et qui distille des gouttes de pluie. Pour Max Müller, Niobé est une déesse de l'hiver et de la neige, dont les enfants, tués par Apollon et Artémis, symbolisent la neige et les glaces fondues au printemps sous les premiers rayons du Soleil. Preller, enfin, reconnaît en Niobé une divinité asiatique de la fécondité du sol, qui, an fort de l'été, voit ses enfants, c.-à-d. la végétation, se dessécher et périr aux rayons ardents du soleil. La partie la plus mal expliquée du mythe est généralement la métamorphose de Niobé en rocher, et l'on voit que les mythologues sont loin de s'entendre sur l'interprétation du reste.

Niobé dans les arts.
La littérature et l'art devaient être tentés par ce drame : Eschyle, Sophocle, et peut-être Euripide, avaient composé des tragédies de Niobé. Les poètes, Callimaque, Apollodore et d'autres, l'avaient chantée. Ovide a raconté tout au long dans les Métamorphoses l'histoire de Niobé et de ses enfants (Métam., I. VI, 155 et suiv.). Il est probable que la Niobé du mont Sipylos n'était qu'un jeu de la nature. Mais l'image en fut reproduite, et l'on voit aujourd'hui encore, sur la même montagne, une figure taillée dans une niche, et à laquelle la tradition donne le nom de Niobé. L'art, sous toutes ses formes, s'est inspiré de ce mythe : vases peints, bas-reliefs funéraires, figurines de terre cuite, la reproduisent à l'envi. On sait qu'elle figurait sur le trône de Zeus Olympien, et Auguste en fit décorer les portes d'ivoire du temple d'Apollon Palatin.
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David : la mort des enfants de Niobé.
La Mort des enfants de Niobé, par J.-L. David, 1772. et, ci-dessous, par  Andrea Camassei (1639).
Camassei : le massacre des Niobides.

Toutes ces représentations viennent se résumer pour nous dans le groupe célèbre des Niobides, au musée des Offices, à Florence. En 1583, on découvrait dans les Jardins de la villa Palombara, à Rome, entre Sainte-Marie-Majeure et Saint-Jean de Latran, plusieurs de ces statues. Après avoir séjourné longtemps à la villa Médicis, elles furent transportées en 1715, par ordre. du grand-duc Pierre-Léopold, à Florence, ou on les voit encore. Depuis la première découverte, le groupe avait été enrichi de plusieurs figures. Il y avait dans l'ancienne Rome, soit devant, soit dans le temple d'Apollon Sosianus, un groupe rapporté de Grèce, représentant le Massacre des Niobides, et que, au dire de Pline, on ne savait à qui attribuer, de Scopas ou de Praxitèle. Or, il faut remarquer que les statues de Florence diffèrent les unes des autres par la facture, qui est fort inégale, et même par le marbre. Il y faut donc voir des copies, et des copies exécutées par plusieurs mains. Pas une n'atteint, pour la facture, la Jeune fille fuyant, du musée Chiaramonti. D'ailleurs, presque tous les musées de Rome et d'Italie offrent des statues ou des têtes que l'on peut rapprocher du groupe de Florence. Parmi les figures de Florence qui, par leur style, paraissent devoir rappeler le plus l'original, il faut citer en première ligne : la mère dont le mouvement pour protéger sa fille est large et pathétique, et la petite fille protégée; le plus jeune fils et celui qui s'enfuit en posant le pied sur un rocher; enfin, le fils qui cherche à protéger sa soeur et porte une draperie relevée sur sa tête. Les statues des jeunes filles sont moins bonnes; le pédagogue est d'un travail estimable, mais mal restauré. Peut-être faudrait-il joindre à ces statues l'assez déplaisante figure de vieille femme qu'on voit au musée Capitolin, et qui répond à la nourrice représentée dans un grand nombre d'autres monuments, peintures de vases et bas-reliefs.
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Artémis et Apollon tuant les Niobides.
Artémis et Apollon tuant les Niobides.
Cratère d'Orvieto. Musée du Louvre.

S'il est impossible de se prononcer sur l'auteur de l'original, il est à remarquer cependant que le type des figures se rapproche de celui de la grande époque de l'art grec. Si l'on compare la Vénus de Milo avec la Niobé, on constate une même expression grave et forte, un même air de matrone, qui ne fait pas disparaître le pathétique de la deuxième figue. Cela ne veut pas dire que les deux statues doivent être tout à fait contemporaines. De même, les statues des jeunes gens sont traitées un pou à la manière des statues d'athlètes. Les draperies sont rendues avec beaucoup de style. Il ne paraît pas douteux que ces statues ne soient antérieures à l'Apollon du Belvédère et à la Vénus de Médicis. Cependant on a soutenu et on soutient encore qu'elles sont hellénistiques. L'argument sur lequel on s'appuie est l'expression passionnée des statues et la recherche du pittoresque que l'oie remarque dans l'ensemble.

Quel était l'arrangement du groupe? Sur ce point encore on a beaucoup discuté. Trois hypothèses principales se sont fait jour. La première et la plus longtemps soutenue, comme étant celle qui venait le plus naturellement à l'esprit, est que les statues de Florence avaient composé un fronton. Mais on a vainement cherché la proportion de décroissance nécessaire à cette disposition. On a voulu, sans plus de bonheur, en faire deux groupes. Une autre supposition fut que ces statues étaient placées isolément entre les colonnes d'un temple, et l'on nommait le temple d'Apollon Sosianus. Mais une semblable disposition est plus que rare dans l'Antiquité. On n'en connaît qu'un exemple authentique. Enfin, selon une troisième hypothèse. plus séduisante que les deux premières, les statues de Florence et celles qui ont été trouvées à la même place auraient fait partie d'un décor pittoresque de rochers. On explique ainsi les diverses attitudes des figures, le fait que toutes sont sculptées pour être vues de face, la facture sommaire de quelques-unes d'entre elles et les inégalités qui les distinguent. Ce qui aurait été lui grave défaut dans un fronton disparaît entièrement dans un cadre où toutes les figures sont inégalement visibles : le groupe des Niobides, tel que nous le connaissons, relèverait donc du grand art décoratif, comme celui de Versailles. (André Baudrillart).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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