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En
son sens premier, l'Illuminisme est une forme extrémiste
du mysticisme
chrétien, dont le caractère essentiel est, chez
les adeptes, la prétention de s'élever à la connaissance du surnaturel,
surtout en matière religieuse. Il connaît
sont apogée, au XVIe siècle, avec les
Alombrados,
en Espagne ,
et réapparaît sous diverses formes au cours des deux siècles suivants.
Tout autre est le caractère des illuminés du XVIIIe
siècle. Ils n'opposent plus aux formes ecclésiastiques l'inspiration
surnaturelle et directe, mais la lumière de la raison.
Ainsi quelques exaltés du midi de la France, vers 1722, qui plus tard
se joignirent à la Franc-maçonnerie.
Il en est de même de l'ordre des Illuminati, fondé en 1776 par
Adam Weisshaupt (1748-1830) et réformé en 1780 par le baron de Knigge.
Les illuminés
mystiques.
Les échapées des mystiques du XIIIe
et du XIVe siècle sont inséparables de
l'histoire du mysticisme. L'illuminisme prend
une physionomie distincte au XVIe siècle
et en Espagne, où ses adhérents reçoivent le nom d'Alombrados.
A tort on a voulu établir un rapport de filiation entre les illuminés
et la réforme religieuse du XVIe siècle,
les anabaptistes de Munster ou d'autres
mouvements analogues ( les Libertins
spirituels). Ce sont là des accusations formulées par l'Inquisition
pour mieux accabler ses victimes.
Les
Alombrados.
Le mouvement des Alombrados est
populaire; c'est une réaction spontanée d'une piété exaltée contre
le formalisme ecclésiastique. Sainte Thérèse et d'autres mystiques espagnols
sont contemporains des Alombrados, qui n'est pas une coïncidence
fortuite.
Pierre Martyr d'Anghiera
est le premier qui parle, en 1509 (Opus epist., Amsterdam, 1670,
ép. 428), d'une fille de paysan du diocèse d'Avila
et qui se disait la fiancée du Christ. Un peu
plus tard, l'Illuminisme paraît partout; il est défini comme « une peste
pernicieuse de gens qui s'abandonnent entièrement à la direction de Dieu,
ne voulant faire que ce que des inspirations ou révélations divines leur
suggèrent, comme ils se l'imaginent facilement et à tort » (dans Wadding,
Annales minorum; Lyon, 1625 et suiv., ad ann. 1524). Plusieurs couvents
franciscains
furent envahis par cette exaltation maladive. On y distingue même, deux
courants : dans l'un, on se contentait du recueillement (recojimiento);
dans l'autre, on pratiquait l'abandon complet de soi (dejamiento),
l'anéantissement de la personnalité dans l'absolu divin. L'Inquisition
intervint. Le mystique Juan de Avila (mort en 1569), Luis de Granada (mort
en 1588), même sainte Thérèse, Juan de la Cruz (mort en 1591) et d'autres
furent surveillés, examinés, admonestés parfois, mais généralement
relâchés. Même Ignace de Loyola, fut
deux fois inquiété à cause de ses exercices spirituels.
Les vrais Illuminés furent condamnés
et brûlés en fort grand nombre. Leur trace disparaît après 1575. Leur
dernier centre paraît avoir été Cordoue.
Ils méprisaient la prière orale et tous les sacrements, ne pratiquant
que la prière mentale; ils refusaient de se soumettre à aucune discipline
corporelle imposée par les confesseurs; ils prisaient très haut de «
saints tremblements » et des crises de syncope; ils prétendaient avoir
atteint à la perfection, et en arrivaient à enseigner que le corps et
toutes les souillures où il peut se vautrer sont indifférents à l'âme
unie à Dieu, ce qui entraînait quelques-uns d'entre eux à des conduites
débridées.
Sous cette dernière forme, l'Illuminisme
reparut dans les diocèses de Séville et
de Grenade vers 1623 et fut rudement réprimé
par le grand inquisiteur A. Pacheco. Un mouvement analogue fut observé,
vers la même époque, en Flandre
et en Picardie .
Il était dirigé par un nommé Antoine Bocquet et par l'abbé Guérin,
d'où le nom de guérinets que portent ces Illuminés, que la persécution
fit disparaître vers 1635.
Les
autres courants de l'illuminisme mystique.
Le Molinisme
appartient à l'histoire du mysticisme, tandis
que le quiétisme de Mme de Guyon frise l'Illuminisme
et l'immoralité qui accompagne parfois cette pratique religieuse.
En Allemagne ,
les Beggards donnent au Joachimisme teinte métaphysique
qui annonce l'Illuminisme de Jacob Boehme (1575
-1624). Celui-ci devint un des plus célèbres représentants
de la secte : son ignorance le rendait plus propre à recevoir la lumière
d'en haut, et ce ne fut qu'après trois visions qu'il prit la plume. Avec
lui l'Illuminisme devint un obscur système de métaphysique et de panthéisme.
La secte des Rose-Croix le plaça sur le terrain
de la chimie, ou plutôt de l'alchimie, en
prétendant découvrir les mystères de la nature.
Dans les nombreux
écrits du suédois Swedenborg
(1688-1772), l'Illuminisme embrasse l'univers
entier, le ciel; la terre et même l'enfer ( Du
Ciel et de l'Enfer, Londres, 1788, in-8°; Des terres australes
et planétaires, et de leurs habitants, Londres, 1758). D'après
le principe, énoncé par Swedenborg, que l'entendement est le réceptacle
de la lumière, l'Illuminisme doit mettre l'humain en communication avec
le monde spirituel, en commerce avec les esprits, et lui découvrir les
mystères
les plus obscurs. C'est moins une doctrine qu'un état de l'âme
contagieux et susceptible de revêtir des formes différentes. Il tient
à la théurgie chez les derniers Alexandrins ,
au Gnosticisme dans les premiers siècles
de l'ère chrétienne; comme le Gnostique, l'Illuminé ne contemple pas
ce qu'il voit, mais ce qu'il ne voit pas. Aux XIIIe
et XIVe siècles, les sectes qui se rattachent
au Joachimisme s'en rapprochaient plus ou moins.
Vers 1754, Martinez
Pasqualis affilia l'Illuminisme à quelques loges maçonniques, et lui
donna un caractère cabalistique, prétendant
à des manifestations visibles au moyen d'évocations théurgiques. Saint-Martin,
initié par Martinez, renonça à cette voie, connue sous le nom de Martinisme,
pour s'enfermer dans la théosophie pure.
L'Illuminisme de Saint-Martin se montra chez quelques personnages de la
Révolution,
et ce philosophe inconnu fut enveloppé dans les poursuites dirigées contre
Catherine Théot, Dom Gerle et plusieurs autres.
Les Illuminati.
Beaucoup moins mystique que politique,
l'ordre des Illuminati germaniae, aussi appelés Illuminés de
Bavière fut fondé en Bavière
par Adam Weishaupt (1748-1830), professeur de droit canonique à Ingolstadt,
élève des Jésuites, mais leur adversaire;
son objectif était le même que celui des Francs-Maçons
: le triomphe de la vertu et le progrès intellectuel et moral. Les Illuminati
ne
se proposaient rien moins que l'abolition de la propriété, de l'autorité
sociale et de la nationalité; il aspirait à faire du genre humain que
seule et heureuse famille.
L'ordre imité de celui des Jésuites fut
enveloppé de mystère; on adopta le calendrier persan ( Les
calendriers
de Moyen-Orient); les membres et les villes furent désignés par des
pseudonymes empruntés à l'Antiquité classique
(1776). Les Illuminati ou Perfectibilistes ne prirent d'importance
que vers 1780, lorsque le baron de Knigge eut offert à Weishaupt
de prendre pour base la Franc-maçonnerie dont la vaste organisation eût
donné à l'ordre une immense extension.
L'entreprise parut d'abord réussir et
on élabora le plan du système. Il comportait une hiérarchie savante
de degrés répartis en trois étages :
1° Ecole (5 degrés), préparation,
noviciat, minerval, illuminatus minor, magistrat;
2° Franc-maçonnerie subdivisée en symbolique,
avec les trois degrés normaux, et écossaise avec deux degrés (illuminatus
major ou novice écossais, illuminatus dirigens ou chevalier écossais);
3° Mystères subdivisés en petit avec
deux degrés (prêtre, prince ou régent) et grand avec deux degrés (mage,
roi); ces derniers ne furent pas organisés.
Dans le noviciat, l'initié n'était pas mis
en rapport avec toute la société, mais seulement avec un guide auquel
il devait obéissance passive. On ne laissait pas dépasser le second étage
à la plupart des initiés, comptant s'en servir comme d'instruments au
service des hommes dévoués élevés aux degrés supérieurs.
Cette organisation despotique empruntée
aux Jésuites, de même que leur principe que
la fin justifie les moyens, eût assuré à l'ordre une grande puissance;
mais l'Allemagne
protestante du Nord y fut réfractaire; en Bavière
même, les Jésuites firent interdire les Illuminati par l'électeur (1784);
du même coup furent fermées les loges maçonniques; Weishaupt dut s'enfuir
et ses adhérents poursuivis ; il en avait près de 2000, parmi lesquels
plusieurs des hommes les plus distingués de l'Allemagne; on dit, qu'en
France ,
Mirabeau
aurait fait partie de cette société
secrète. Quoi qu'il en soit, cette curieuse tentative ne survécut
pas à l'époque de la Révolution française.
(F.-H. K. / R / GE). |
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