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L'hindouisme
Le culte et les pèlerinages
Aperçu Doctrines et sectes Le culte et les pèlerinages
La plupart des sectes hindoues suivent des pratiques identiques à la fois dans le culte domestique et dans le culte extérieur. 

Les rites de passage.
Les anciens rites brahmaniques de la conception, de la virilité, de la chevelure, de la naissance sont tombés en désuétude; la vie religieuse de l'enfant commence à la cérémonie du nom. 

La cérémonie du nom.
Le nom répète en général une des désignations de la divinité favorite, soit seule, soit accompagnée d'une expression de respect, de foi, de dévotion, de confiance, et rehaussée d'un mot d'heureux augure : par exemple Ramachandra, Narayana, Raghounatha, Moukoundaji, Shivadasa (l'esclave de Shiva), Toulasidasa (l'esclave de la Toulasi); parfois il exprime, directement ou par un symbole, la grâce, la beauté, la richesse, les avantages du corps ou de l'esprit : Tara (l'étoile); Pratapa Chandra (splendeur-lune); Jiva Ananda (vie-joie); Harcha Vardhana (bonheur-accroissement); Padmavati (la femme aux lotus), etc. Parfois aussi la crainte d'éveiller la jalousie des mauvais esprits porte à choisir une désignation par antiphrase : un enfant de teint clair sera appelé Krishna (le noir); ou même un vocable de fâcheux augure, tel que Douhkhi (le malheureux), Harana (le perdu), quitte à y substituer un nom moins sombre quand le péril semble définitivement écarté. Souvent l'enfant reçoit encore un autre nom, discrètement murmuré à son oreille et destiné à rester inconnu des étrangers; sous le couvert de ce nom mystérieux tenu seul pour authentique, l'individu semble moins exposé aux influences malignes. L'astrologue chargé de dresser l'horoscope propose à son tour un troisième nom emprunté aux circonstances astronomiques de la naissance. Le premier des trois noms est le seul employé dans la vie courante ou dans la vie civile; le nom de famille, qui l'accompagne officiellement, est supprimé dans l'usage et remplacé par un sobriquet ou par un titre honorifique.

L'initiation.
Le second stage est l'initiation : quand l'enfant atteint huit ou douze ans, ses parents le conduisent au gourou. Le gourou, qu'il faut bien distinguer du prêtre, n'est pas nécessairement de caste brahmanique; il occupe sa fonction spirituelle soit en vertu de ses mérites personnels, soit à titre héréditaire, comme descendant du premier maître ou d'un disciple illustre, et n'intervient que dans les actes où la doctrine est intéressée. Le gourou choisit et désigne au postulant un patron divin qui doit rester son modèle et son guide; il lui apprend la formule de prière qui sert à la secte de profession de foi, par exemple « Om! adoration au divin Krishna! », lui passe, s'il appartient à une des trois grandes castes supérieures, le cordon qui ne doit plus le quitter, lui imprime en général à l'aide d'un fer rouge sur une ou plusieurs régions du corps une marque sectaire : disque, trident, massue, etc., lui perce les oreilles et lui remet un chapelet. A partir de là, l'initié est lié au gourou par des noeuds plus puissants même que la piété filiale; il lui doit l'obéissance aveugle, l'hommage servile, et aussi l'hospitalité si le gourou dans ses tournées périodiques, souvent annuelles, honore la maison de sa présence.

Le mariage.
Vers le moment de l'initiation, ou plus tôt encore, quelquefois avant la naissance même, les parents se préoccupent d'un « engagement de mariage » pour l'enfant. Grave affaire, car le choix est restreint : il faut un couple de même caste, sans lien de parenté à un degré prohibé. Pour réaliser cette condition essentielle, les parents laissent de côté la question de fortune, d'âge, de convenance réciproque; l'entente faite, soit par un accord direct des familles, soit par l'intermédiaire d'un professionnel, une cérémonie solennelle consacre les fiançailles. Le mariage se célèbre plus tard, encore avant l'âge nubile cependant : la musique, les danses, les illuminations, les processions, les visites aux temples en sont l'accompagnement nécessaire. 

L'union conjugale ne s'accomplit en réalité qu'à l'âge de puberté, vers quinze ans pour les garçons et onze pour les filles. Après le mariage, le jeune couple vient s'installer dans la maison ou réside la famille de l'époux, sous l'autorité souveraine du chef de la famille et de la matrone.
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Mariage hindou.
Un mariage à Tanjore, vers 1828.

Le chef de la famille est, soit le père, soit à son défaut le fils aîné; c'est lui qui règle et la division du travail et le partage des profits conformément au système de communisme familial en vigueur dans l'Inde entière. La matrone est la mère ou la femme du chef; souvent elle est veuve, et dans la réclusion où son veuvage la condamne, les cheveux rasés, tenue de jeûner à tout propos, écartée des fêtes et des réunions joyeuses, les travaux domestiques lui sont une précieuse consolation. Le logis de famille est en général une construction rectangulaire élevée autour d'une cour intérieure où prennent jour les chambres des femmes, séparées de la rue par un mur plein; une petite chapelle sert à l'accomplissement des rites domestiques. Les familles riches entretiennent à demeure un chapelain, de caste brahmanique, et qui prend ses repas à part pour satisfaire aux exigences de la caste. La cuisine et le repas sont des actes religieux de haute importance; un aliment souillé par une impureté légale entraîne qui y goûte en enfer. Les mâles mangent les premiers, servis par tout le personnel féminin de la maison, loin des regards étrangers ou profanes.

Les rites funéraires.
Le dernier sacrement consiste dans les rites funéraires dès que la mort semble proche, on tâche de conduire, sans aucun souci du confort, le moribond vers le Gange ou quelque autre rivière sacrée; on l'entoure d'objets propres à purifier : eau lustrale, feuilles de toulâsi ou kousâ, bouse de vache; on lui fait réciter la formule salutaire jadis reçue du gourou. Enfin, lorsqu'il â trépassé, on le fait porter par des gens de sa caste à un terrain de crémation; on dresse un bûcher, on y dépose le cadavre et on l'abandonne au feu jusqu'au lendemain. L'usage qui recommandait jadis aux veuves de suivre leur époux sur le bûcher â disparu, depuis que la loi anglaise â puni de peines sévères les complices de la Sati. 
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Crémation à Bénarès.
Les bûchers de Varanasi.

Au bout de vingt-quatre heures les parents viennent recueillir dans une urne les os calcinés, en ayant soin de briser la boîte crânienne afin de ménager une issue à l'âme emprisonnée, et ces débris sont transportés avec un soin pieux, parfois à de longues distances, jusqu'à la rivière sainte dont les flots assurent le salut. Les rites, alors encore, sont loin d'être achevés; à des intervalles fixes et à des occasions déterminées, tous les parents jusqu'au septième degré doivent se réunir pour offrir au défunt ou à la série des ancêtres les boulettes de farine ou de riz qui nourrissent l'âme et accroissent les mérites; c'est là le sraddha. Toujours efficace, le sraddha obtient pourtant des fruits particuliers s'il est offert en un lieu où Vishnou a laissé l'empreinte de son pied, surtout à Gaya, le vieux sanctuaire du bouddhisme, où l'on accourt aujourd'hui encore de l'Inde entière pour honorer les mânes avec les offrandes prescrites, sous la direction des prêtres locaux.

Le culte domestique.
La journée religieuse de l'hindou s'ouvre de bonne heure, un peu avant le lever du soleil; il sort de sa maison, se nettoie les dents avec un bâton renouvelé chaque jour, se rend au fleuve ou à l'étang voisin, s'y baigne, puis dessine sur son front la marque sectaire : des lignes verticales avec un point ou un cercle au milieu, un disque, un bouclier, un cône, un coeur, ou toute autre figure avec la pointe en bas, s'il est vishnouite; des lignes horizontales, sans point, avec un point à l'intérieur, ou au-dessus, ou au-dessous, ou coupées par un ovale, ou bien un triangle, ou toute autre figure avec la pointe en haut, s'il est shivaïte; un svastika ou une rosace s'il est shaktiste et
 qu'il ne craint pas de le proclamer. Le tracé de ces figures, la coloration des lignes et des points sont des indices parlants pour l'oeil d'un Hindou; il y reconnaît, outre la profession de foi, le degré de dévotion ou de conviction, le caractère et les moeurs de l'individu. Puis il se rince la bouche, s'applique à retenir son souffle, prononce les saintes syllabes, aussitôt suivies de la gayatri, promène ses mains sur ses membres en y appelant la protection des dieux, dispose ses doigts en figures variées, égrène son chapelet, récite sa généalogie, se rince encore et rentre à la maison. Les mêmes formalités se renouvellent au crépuscule. Mais seuls les brahmanes d'une orthodoxie rigoureuse suivent ces rites compliqués.
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Varanasi : Shiva et Vishnu.
Les dieux Shiva et Vishnu, sur les Ghats, à Varanasi (Inde). 

L'Hindou se contente en général de rendre hommage, dans l'intérieur de sa demeure, aux cinq divinités symbolisées par le Panchayatana : Vishnou, Shiva, Ganesh, Kâlî, Surya; ce culte peu exigeant peut même se célébrer par délégation; un des membres de la famille ou le prêtre domestique peut s'en acquitter pour tous. Les rites domestiques quotidiens comprennent encore deux cérémonies : la prière et l'offrande à tous les dieux qui précèdent le repas, et le bali qui le suit : le bali est une distribution d'aliments à tous les êtres, dieux, démons, génies, animaux.

Le culte extérieur; les temples.
Le culte public, au sens où nous l'entendons, n'existe pas dans l'hindouisme. Les actes religieux y ont gardé le caractère individuel rigoureusement prescrit par le brahmanisme. La construction des temples hindous traduit aux yeux ce trait original. Le temple se compose en principe d'un édicule extrêmement restreint qui sert d'abri à l'image du dieu, entouré à quelque distance d'une muraille de clôture de façon à laisser un espace libre en guise de cour intérieure. La générosité des fidèles peut étendre cet enclos, y multiplier les chapelles secondaires sous l'invocation du même dieu ou des divinités associées en sous-ordre à son culte, y élever des abris pour les pèlerins, des bâtiments pour les prêtres et le personnel du sanctuaire, y ériger des statues; la fantaisie des architectes peut tracer autour de la chapelle centrale des galeries rectangulaires à lignes parallèles, rehausser le sol entre chacune d'elles et les élever en étages successifs; la disposition fondamentale n'en est pas modifiée. 

Les temples les plus fameux de l'Inde sont : le temple de Visvesvara à Varanasi (Bénarès), les temples de Tanjore, de Madoura, de Ramesvaram, dédiés à Shiva; les temples de Srirangam et de Jagannatha, dédiés à Vishnou.

Les images qu'on y expose à l'adoration des fidèles sont de deux catégories : les images naturelles, pierres, roches, fétiches en bois, descendus directement du ciel ou découverts par miracle dans les profondeurs du sol ou des eaux, l'essence de la divinité les pénètre spontanément, sans y être invitée par des cérémonies; les images fabriquées, où la divinité n'accepte de résider que sur la demande expresse des fidèles. Ces images, représentations ou symboles, ne reçoivent pas seulement les hommages des visiteurs, eau lustrale, plantes sacrées, pièces de monnaie, ou même sacrifices de boucs s'il s'agit de la farouche Kâlî; mais elles sont entourées à heures fixes de soins respectueux : l'orchestre du temple les égaye d'aubades ou de sérénades, les bayadères dansent en leur présence pour les distraire; les prêtres varient leur parure de colliers, de diadèmes, de pierres précieuses. 

Le culte de Vishnou, tout imprégné de tendresse érotique, reproduit ingénument les phases de la journée humaine. Le matin, après le lever du soleil, on vient réveiller la statue endormie, on la lave, on l'habille, on la dresse, et on lui offre des douceurs; un peu plus tard, on l'oint de camphre, de santal, et on change son costume. Après une nouvelle visite, on lui apporte son repas de midi, préparé dans les cuisines du temple, et distribué ensuite aux visiteurs ou aux protecteurs du temple. Le dieu fait alors sa sieste jusqu'au second réveil, accompagné de musique, de danse et d'hymnes comme le premier. Le soir venu, on sert un nouveau repas, on déshabille la statue, on la parfume, puis on la porte au lit, avec du bétel, de l'eau, des rafraîchissements laissés à sa disposition. Le caractère humain de ce culte s'est insinué dans les religions voisines, dans le shivaïsme, et jusque dans la secte iconoclaste des Sikhs qui, depuis la suppression des gourous, adorent dans leurs sanctuaires leurs saintes écritures sous le nom de « Granth Sahib » (= Monsieur Texte). Mais quels que soient les rites liturgiques, les actes d'adoration laïque sont partout et toujours les mêmes : une promenade autour du temple, en le laissant toujours à sa droite, répétée autant de fois qu'il plaît; entrée dans le vestibule, en souriant deux ou trois fois la cloche pour s'annoncer au dieu; offrande sur le seuil du sanctuaire, soit en se prosternant, soit en portant les mains au front, et la cérémonie est achevée.

Souvent le temple a pour voisin un monastère, où le clergé régulier de la secte vit en communauté sous la direction d'un mahant. L'élection de ces mahants montre, dans cette masse en quelque sorte inorganique de l'hindouisme, une puissante organisation en jeu. Les couvents de la même région s'accordent d'ordinaire à vénérer comme un supérieur général le plus ancien, le plus instruit, le plus saint des mahants. Une vacance de dignité se produit-elle : les maltants informés viennent se réunir en conclave dans la résidence du supérieur et procèdent à une élection; le choix se porte presque toujours sur le disciple préféré du mahant défunt. Longtemps la nomination de ces fonctionnaires a été considérée comme une affaire d'Etat, où le pouvoir civil, indigène ou musulman, se faisait représenter et intervenait pour donner l'investiture. Les conclaves sont en même temps l'occasion d'examiner certains points de doctrine, de discuter les réformes ou les innovations.

Les couvents, comme les temples, vivent surtout de la charité des fidèles. La plupart ont reçu en don, dans le cours des siècles, des revenus ou des terres à exploiter; pour équilibrer leur budget, il en est qui trafiquent, mais à couvert.

La semaine hindoue, formée de sept jours, n'a pas de jour férié consacré par la religion au repos et à la prière. Mais, à défaut d'une interruption hebdomadaire, le calendrier ne ménage pas pourtant les occasions de chômer. Chaque mois amène son cortège de fêtes spéciales, en l'honneur de multiples divinités, mais célébrées en général par la population tout entière. La dévotion exclusive à une divinité oblige à ménager les susceptibilités inquiétantes de ses rivaux, toujours heureux de lui jouer un mauvais tour sur le dos de ses fidèles; il importe autant de désarmer leur malveillance que de gagner la faveur du dieu préféré. Chaque secte observe un jour de jeûne par quinzaine. Le jour de l'an, qui tombe à des dates fort différentes dans les calendriers divers employés concurremment par les Hindous, est toujours une époque de grande réjouissance.

Ganesh, réputé le maître des obstacles, reçoit les hommages de la multitude sans distinction de sectes. Dans les pays dravidiens, la nouvelle année, appelée Pongal, a surtout un caractère champêtre; le bétail y est l'objet d'une vénération religieuse. Mais partout, au nord comme au midi, le jour de l'an est une journée de visites, de cadeaux, d'étrennes, plus encore que de prières. La fête de Sri Panchan appelée aussi Sarasvatî  Puja, en l'honneur de la science et de ses outils : encre, plumes, livres, etc., est un jour de vacances pour les écoliers. La fête de Chachthi, célébrée surtout par les femmes mariées, appelle sur les enfants en bas âge la protection de leur déesse tutélaire; Chachthi est figurée soit par une pierre, soit par le figuier, son symbole : on lui associe souvent Sitala, qui dispense et guérit la petite vérole. Les Nâgas aussi ont leur jour de fête, et Ganesh, et le soleil, et nombre d'autres divinités. 

Mais les fêtes les plus éclatantes sont celles où préside une des trois grandes divinités : Vishnou, Shiva, Kali. La Janmachtami de Krishna rappelle par d'étranges analogies la Noël chrétienne. La nativité du dieu y est également exposée aux yeux des fidèles, et dans un cadre identique : une étable; parmi le bétail, la mère du dieu est étendue sur une couche de paille avec l'enfant à son sein tandis qu'à ses côtés veille le père. La Rama-lila met également sous les yeux d'un pieux auditoire, dans des scènes plus mimées que parlées, les aventures de l'héroïque avatar; la poudre et les feux d'artifice y font rage, en dépit de l'anachronisme. 
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Pashupatinath : Shivaratri.
Affluence lors de la fête de Maha Shivaratri, à Pashupatinath (Népal). Au fond, le Temple d'or.
Photos : © Serge Jodra, 2011.

La Dipavati ou Divali, la fête des lampes, est une illumination en l'honneur de Lakshmî, femme de Vishnou, ou de Kâlî, femme de Shiva. Le Holi ou Dola-yatra, la fête de Krishna à la balançoire, est le carnaval hindou : déguisements, bombances, extrême liberté de paroles et de gestes, musiques, chanson, poudre rouge ou jaune jetée en pluie sur les passants, et pour achever la journée, représentation d'un mystère devant la statue de Krishna, avec le dieu pour héros, mais entrecoupé de bouffonneries et d'obscénités. 

La grande fête de Shiva (Maha Shivaratri) contraste par son allure austère; elle se célèbre de nuit, et on s'y prépare par le jeûne; aux quatre veilles de la nuit le lingam est baigné et reçoit les hommages des fidèles. Les castes les plus basses, et jusqu'aux Chandales et Parias, sont admis cette nuit-là à répéter les formules sacrées. 

La fête de Kâlî, également célébrée de nuit, est une fête sanglante; les holocaustes se succèdent sans interruption devant la statue de la sanguinaire déesse. Tel n'est plus son aspect lors de la Durga-puja, la grande fête populaire, la fête par excellence. On fabrique à cette occasion, avec du bois et de l'argile purifiés longtemps à l'avance par des rites compliqués, une statue de la déesse avec ses dix bras armés de traits, en souvenir de sa victoire sur le démon Mahicha; autour d'elle on groupe ses fils : Skanda et Ganesh, et aussi Sarasvatî et Lakshmî. Le prêtre invite la déesse à s'incarner en ces images, et égorge ensuite les victimes. La cérémonie achevée, on prend courtoisement congé de la déesse, on l'invite à revenir l'année suivante, et une procession joyeuse conduit la statue aux bords d'une rivière où on la précipite.

Parmi les cérémonies qui se célèbrent exclusivement à l'intérieur des temples, il faut mentionner la fête du Char. La statue du dieu, peinte à neuf, est chargée sur un char où s'attellent de pieux volontaires; ainsi traînée, elle va rendre visite aux divinités qui l'entourent, séjourne quelque temps auprès d'elles, pour regagner ensuite son sanctuaire avec la même pompe. C'est surtout à Jagannath, dans l'Orissa, que la fête du Char attire les fidèles par centaines de mille

Les pèlerinages.
Les Hindous ne se contentent pas de pratiquer ses dévotions au temple le plus voisin; comme les Musulmans couronnent leur vie religieuse par un voyage à La Mecque, les Hindous ne se sentent assuré du salut qu'après avoir visité en pèlerins les lieux consacrés.

La nomenclature de ces pèlerinages serait fastidieuse sans être même complète; il n'est pas de province ou de district qui n'ait son chapitre de miracles locaux; mais la réputation en est confinée à un étroit domaine ou à une secte restreinte. L'Inde tout entière s'accorde pourtant à proclamer l'incomparable sainteté de Varanasi (Bénarès), de Ganga Sagar, de Gava, de Jagannath, de Ramesvaram. 

Le voyage est long, les communications difficiles, les frais dispendieux; hommes et femmes n'en travaillent qu'avec plus d'ardeur afin de prélever sur les maigres salaires les économies qui permettront d'atteindre le but, de visiter le dieu et de rétribuer les prêtres. Si les chemins de fer transportent aujourd'hui le plus grand nombre des pèlerins, il en reste encore beaucoup qui pensent augmenter leurs mérites à parcourir toute la route à pied, quelques-uns même allongés la face contre le sol, « mesurant le trajet à leur longueur ». La propagande habilement exploitée par certaines confréries et propagée sous couvert de récits édifiants par des commis voyageurs en miracle, n'a pas réussi à détourner les grands courants de foule.

Varanasi demeure encore la reine des pèlerinages. L'espace compris entre le Gange et le chemin de Pancha Kosi est si pur et si saint qu'il ouvre le paradis aux criminels les plus endurcis, aux barbares les plus détestés, au Musulman comme au Chrétien; heureux quiconque y vit! plus heureux encore quiconque y meurt! Ville de prêtres et de dévots, d'ascètes et de savants, de marchands et de courtisanes, avec ses rangées d'escaliers monumentaux (ghats)  qui descendent au Gange, avec (paraît-il) ses 200 temples hindous, ses 3000 mosquées, ses 500 000 statues, encombrée de monuments et de multitudes humaines étouffées dans ses ruelles étroites du Chowk, asile des vaches mises en liberté, des singes domestiqués et des pigeons sacrés, Varanasi exalte la gloire de Shiva
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Kumbh Mela à Allahabad.
Rassemblement de pèlerins à Allahabad,  au confluent du Gange et de la Yamuna lors du Kumbh Mela de 2001, vus de l'espace. Ci-dessous, à droite : évolution des sédiments au cours 
des années qui ont précédé l'événement.
Allahabad : Kumbh Mela.
Gange : confluent de la Yamuna
Allahabad : confluent de la Yamuna et du Gange

Le pèlerin, quelle que soit sa secte, s'empresse de rendre hommage d'abord au lingam de Visvesvara, puis il va goûter l'eau des sources empuanties où flottent les débris pourris des guirlandes et des gâteaux, l'étang de la science (Jnana-vapi) et l'étang de la Boucle-d'oreille (Manikarnika); il se rend au temple d'Anna-purna, la déesse nourricière, adresse ensuite ses hommages à ses divinités de prédilection, mais sans négliger les autres par crainte d'encourir leur colère, achève sa tournée par une visite à Sakshi-Vinayaka, Ganesh, qui enregistre les noms des pèlerins, et retourne dans son pays, dépouillé par les prêtres, mais allégé de ses péchés et muni d'un sûr viatique pour l'avenir : une fiole d'eau du Gange. 

Tient-il à s'assurer une béatitude absolue; il se dirige alors vers le midi, s'impose une nouvelle course de 2000 km à travers des régions souvent inhospitalières ou désertes et va vider sa fiole sur le lingam de Ramesvaram, dans l'archipel de roches qui joint Sri Lanka au continent. D'autres remontent la vallée du Gange, en ayant soin de laisser toujours le fleuve à leur droite, jusqu'au temple de Gangotri, voisin de la source, puis s'en retournent en aval, avec le fleuve encore à leur droite, jusqu'à Ganga Sagar (Saugor), l'île sainte aux bouches du Gange où plusieurs centaines de milliers de personnes vont chaque année chercher le salut et trouvent souvent des épidémies et pardois la mort. D'autres préfèrent visiter le temple de Jagannath (Jaggernauth) à Puri, sur la côte d'Orissa, où les distinctions de caste s'effacent, où la nourriture sacrée se mange en commun, où la prédication du réformateur Chaitanya laisse encore une empreinte de tendresse et d'amour au culte. Vishnou en est le dieu titulaire; mais il y offre l'hospitalité à ses avatars, Râma, Krishna, Nrisinha, etc., à son rival Shiva et à l'épouse de Shiva sous le nom de Vimala Devi et encore au Soleil. Toute l'année des fêtes s'y célèbrent en grande pompe, mais la plus populaire est avec le Holi, la fête du Char où les statues colossales de Jagannath, de Balarama et de Soubhadra, hissées sur des chars monumentaux et traînées à force de bras par les pèlerins, vont rendre visite aux divinités voisines. Le fameux suicide des dévots volontairement écrasés sous les roues des chars n'est qu'une légende; les cas de mort officiellement constatés résultent ou d'accidents sous l'effroyable poussée de la multitude, ou d'accès de démence. (Sylvain Lévi).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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