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L'Église arménienne

Il est indispensable, pour comprendre la situation religieuse des Arméniens, de rappeler brièvement l'origine du christianisme parmi eux, et les faits décisifs de son histoire en Arménie. Les rapports d'Abgar, roi d'Edesse, et sa correspondance avec le Christ appartiennent à la légende; mais il pourrait bien y avoir un noyau historique dans la légende tissée autour des noms de Thaddée et d'Addée. Quoi qu'il en soit, l'histoire chrétienne de l'Arménie ne commence qu'au IVe siècle. C'est Grégoire l'Illuminateur, mort en 331, qui propagea dans son pays, sous le règne de Tiridate (Terdat) III, le christianisme qu'il avait accepté lui-même en Cappadoce il fut du reste ordonné évêque par Léonce de Césarée. Il s'ensuit que le christianisme arménien est d'origine grecque. Dès 366, cependant, le synode arménien de Vagharchahat rompit le lien avec le diocèse de Césarée en décidant que le patriarche d'Arménie serait désormais nommé par les évêques arméniens. On sait que la littérature arménienne est toute chrétienne; elle remonte à Mesrop et à son contemporain, le patriarche Sahaq (Isaac). Ces mêmes hommes réglèrent le culte au synode de 426. Puis, dans la seconde moitié du Ve siècle, l'Eglise syrienne, surtout par l'école d'Edesse, exerça une influence considérable sur Arménie christianisée. A cette époque appartiennent également les premières méprises qui finirent par faire de l'Eglise arménienne une Eglise monophysite. Des élèves de Sahaq et de Mesrop, envoyés par leurs maîtres en Occident pour s'y familiariser avec la culture hellénique, rapportèrent en Arménie les décisions du concile d'Ephèse de 431; elles furent acceptées et sanctionnées dès 432 par le synode d'Achtichat; trois ans plus tard les écrits de Théodore de Mopsueste et de Diodore de Tarse furent formellement condamnés. Mais, pendant que le qua
trième concile oecuménique délibérait à Chalcédoine (451), l'Arménie luttait pour sa foi contre les Perses; elle n'obtint que des rapports contradictoires sur ce concile. Par contre, vers le dernier quart du Ve siècle, alors qu'il y avait comme une détente politique en Arménie, on y reçut l'hénoticon de l'empereur Zénon (482); cet acte ne mentionne que les trois premiers conciles oecuméniques. Le katholikos (patriarche) Babkên convoqua un synode à Vagharchabad en 491 : l'hénoticon fut adopté et les décisions du concile de Chalcédoine, que l'on interprétait faussement du reste, furent rejetées. Ainsi l'Eglise arménienne accepta le monophysisme sans se rendre exactement compte de ce qu'elle faisait. 

L'histoire des querelles dogmatiques et des nombreuses variations qui suivirent peut être passée sous silence ici : une série de métropolitains entament, à partir du XIIe siècle, des négociations avec Byzance ou avec Rome. Des dominicains, envoyés par Jean XXII, arrivèrent en Arménie vers 1318. C'est par eux que le vartabet (docteur) Jean de Kherrni fut gagné à l'union avec Rome, et devint le fondateur d'une branche arménienne de dominicains qu'il appela les « Unisseurs ». L'union proclamée au concile de Florence (1439) ne fut qu'une formalité; elle ne comprend que les Arméniens dispersés et une partie de l'Arménie occidentale. Ces Arméniens unis professent le dogme de Rome et sont soumis au pape, mais ils conservent leurs rites; ils forment la partie la plus cultivée de la nation; il en existe des communautés au Liban, en Iran, en Russie, en Pologne, en Galicie, en Italie et à Marseille. Quant aux Arméniens grégoriens ou non-unis, qualifiés de schismatiques par Rome, leur centre religieux est depuis 1441 la ville d'Etchmiadzin près d'Erivan; c'est là que réside le katholikos le plus respecté; mais il y en a aussi un à Aghthamar sur le lac Van, et un troisième à Sis en Cilicie, qui ont parfois des velléités d'indépendance. Le patriarche arménien de Jérusalem jouit d'une certaine autonomie depuis que le sultan lui a accordé en 1311 le titre de patriarche et de malik en-neçâra (chef des chrétiens). Enfin, il y a un patriarche arménien à Constantinople, dont l'office est surtout de représenter auprès de la Porte les intérêts des Arméniens appartenant à l'empire ottoman. Cet office devint la cause de conflits qui durent encore et où se mêle de plus en plus l'antagonisme de la Russie et de la Turquie dans l'Asie antérieure. Le clergé arménien travaille depuis longtemps à réduire le pouvoir du patriarche de Constantinople et surtout à soumettre son autorité à celle du katholikos d'Etchmiadzin qui est dans l'Arménie russe.

Voici maintenant l'organisation ecclésiastique des Arméniens grégoriens. Le katholikos ou métropolitain d'Etchmiadzin est soit désigné par son prédécesseur, soit élu par les évêques présents dans la ville. Il nomme ou du moins investit tous les évêques qui d'habitude sont pris dans le clergé noir, c.-à-d. parmi les moines. Ceux-ci se distinguent du clergé blanc ou séculier, qui est marié, mais en premières noces seulement. La culture théologique est à peu près nulle; la préparation au ministère consiste plutôt en exercices ascétiques; cependant il faut que le prêtre sache lire le missel en arménien littéral. Avant l'ordination, il passe quarante jours dans l'église. Durant le festin qui termine cette. retraite, la femme du prêtre demeure assise sur un escabeau les yeux bandés, les oreilles bouchées, la bouche fermée, pour marquer la retenue qu'elle doit avoir à l'égard des fonctions de son mari. Les vartabed on docteurs tiennent un rang intermédiaire entre le clergé noir et le clergé blanc; ils sont très honorés; leur science est variable suivant les cas, mais toujours purement traditionnelle. En général, le clergé arménien est pauvre; son revenu consiste dans les aumônes qu'il reçoit et dans les cadeaux qu'on lui fait pour les cérémonies religieuses qu'il accomplit. Les ressources du métropolitain proviennent du saint chrême, qu'il bénit tous les sept ans à Etchmiadzin, et dont la distribution dans toutes les paroisses provoque de riches cadeaux. 

Les églises sont orientées; la coutume est de se déchausser en entrant. La sanctuaire est séparé de la nef par un grand rideau. L'autel est de pierre, simple et sans reliques. L'Eglise arménienne reconnaît sept sacrements. Le baptême est administré à l'enfant le huitième jour par une triple immersion complète après l'onction d'huile bénite. La confirmation suit aussitôt, ainsi que l'administration de la communion. Pour cette dernière, on emploie du pain levé et da vin pur. Le prêtre qui dit la messe passe la nuit précédente dans l'église. Une sorte d'extrême-onction est administrée aux prêtres seulement et immédiatement après leur mort. Le culte de la Vierge et des saints est assez développé. Les fêtes sont nombreuses, toujours précédées d'un ou de plusieurs jurs de jeûnes. (F.-H. K.).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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