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Bouddha
La vie du Bouddha
Sâkyamouni / Gautama
Aperçu La vie du Bouddha Les Bouddhas Le Bouddhisme*
Selon la tradition la plus accréditée, c'est vers le milieu du VIe siècle avant notre ère que vécut le Bouddha, le fondateur du bouddhisme. Il s'appelait de son nom Siddhârtha; mais il est habituellement désigné par les surnoms de Sâkyamouni et de Gautama (ou Gotama). La première de ces appellations est empruntée à sa nationalité et au genre de vie qu'il adopta; la deuxième, empruntée à sa famille, est un véritable nom patronymique. Elles constituent l'une et l'autre ce que l'on peut appeler ses noms bouddhiques; seulement les bouddhistes du Nord disent de préférence Sâkyamouni, les bouddhistes du Sud Gautama. Et cette différence n'est pas la seule; la tradition septentrionale et la tradition méridionale s'écartent souvent l'une de l'autre; bien plus, une même tradition, celle du Nord en particulier, n'est pas toujours d'accord avec elle-même; elle admet plusieurs versions sur un même point. Afin de donner une idée des différences selon les versions, et pour éviter les redites, nous avons suivi principalement la tradition du Sud dans notre Aperçu, et nous développeront ici plus en détail une biographie basée sur la  tradition du Nord. Nous n'avons pas à discuter les divergences et les contradictions qu'elles contiennent  pour les ramener à l'unité. Nous n'avons pas davantage à faire la part du vrai et du faux dans les éléments de la biographie traditionnelle du Bouddha, tout encombrée de mythes et d'inventions légendaires. Nous allons simplement essayer de tracer un tableau de sa longue carrière en rassemblant les traits caractéristiques et les principaux faits recueillis par des biographes qui sont surtout des panégyristes et des admirateurs, ou, pour mieux dire, des adorateurs. Nous rangeons les matières sous certains intitulés qui, comme on le verra plus tard, répondent presque tous aux divisions d'un classement quasi-officiel.

Naissance
Le Bouddha naquit dans le jardin Loumbint, près de Kapilavastou, capitale du petit royaume des Sâkyas situé au Nord de l'Inde, au pied de l'Himalaya; il était fils de Souddhodana, roi du pays, et de Mâyâdevî qui mourut sept jours après qu'il fût sorti de son sein par le côté droit sans la blesser (il y était entré dix mois auparavant de la même manière sous la forme d'un jeune éléphant blanc). Brahma, Indra et d'autres personnages divins assistèrent à sa naissance signalée par de nombreux prodiges. A peine venu au monde, il fit sept pas dans les quatre directions cardinales, en s'annonçant comme le destructeur de la maladie, de la vieillesse et de la mort. Quatre fils de rois vinrent au monde en même, temps que lui. Souddhodana fut si heureux de la naissance de ce fils qu'il lui donna le nom de Siddhârtha ou Sarvârthasiddha (tous voeux accomplis).

Education
Le jeune prince fut élevé par sa tante Gautami Pradjâpati, soeur de sa mère, donnée aussi comme une autre épouse du roi Souddhodana et comme la mère du prince Nanda et de la princesse Rôupananda, dont Siddhârtha était, par conséquent, le frère consanguin. Le nouveau-né portait sur son corps, ainsi que les devins le constatèrent, les trente-deux signes principaux et les quatre-vingts signes secondaires, caractéristiques du grand homme, et qui présagent, chez celui qui les possède, l'acquisition soit de la domination universelle (roi tchakravatin) soit de la sagesse absolue (parfait et accompli Bouddha). Il donna, dans son enfance, des preuves étonnantes de précocité et de supériorité, excellant dans tous les exercices du corps et de l'esprit, sachant déjà tout ce qu'on voulait lui enseigner. Ainsi lorsqu'il vint à l'école et que le maître voulut lui apprendre à écrire, il fit l'énumération de soixante-quatre espèces d'écriture dont ce maître n'avait jamais entendu parler. Cette assertion relative à un personnage qui n'a rien écrit paraîtrait bien singulière si l'on ne savait quelle se trouve dans un livre relativement récent. Tout enfant qu'il était, Siddhârtha se livrait aux méditations les plus profondes, et des faits merveilleux annonçaient en lui un être exceptionnel. Ainsi l'ombre de l'arbre au pied duquel il s'absorbait dans l'extase ne se déplaçait pas et le tenait constamment à l'abri du soleil.

Mariage et paternité. 
Malgré toutes ces preuves de supériorité qui devaient lui donner de grandes satisfactions, et semblaient lui présager une carrière exceptionnellement brillante, une mélancolie profonde, une insurmontable tristesse remplissait son âme et inquiétait sa famille. Pour faire diversion à son chagrin, pour le tirer de ce marasme, on eut l'idée de le marier. On lui fit épouser la jeune Gopâ, fille du Sâkya Dandapâni. Mais, ici se présente une difficulté. On cite encore comme épouses de Siddhârtha, Yasodharâ et Outpalavarnâ, appelée aussi Mridgadjâ. A-t-il eu trois épouses ou n'en eut-il qu'une seule sous trois et même quatre noms différents? C'est un point qui n'est pas bien éclairci. On parle aussi des soixante mille, des quatre-vingt mille femmes de Siddhârtha. La fantaisie bouddhique se complaît dans ces nombres extravagants; mais il n'y a rien d'étonnant à ce qu'un prince indien ait eu trois ou quatre épouses. La question est de savoir si les quatre noms ci-dessus désignent trois femmes ou une seule. Elle reste indécise; le plus probable est cependant que Siddhârtha n'eut qu'une seule épouse, Yasodharâ, appelée aussi Gopâ et Outpalavarnâ ou Mrigadjâ. Et c'est cette version que nous adoptons.

Le mariage ne calma pas le chagrin du prince; il n'est même pas sûr qu'il ne l'ait pas augmenté. En effet, l'union de Siddhârtha avec Yasodharâ fut longtemps inféconde; et, lorsque, après dix ans de mariage, elle lui donna un fils, connu sous le nom de Râhoula, le prince Siddhârtha avait déjà pris l'existence en dégoût, et avait résolu de renoncer à toutes les joies qu'elle peut donner. Aussi reçut-il avec un profond chagrin la naissance de son fils, et ne vit-il, dans cet enfant destiné à perpétuer sa dynastie, qu'un lien de plus ajouté à tous ceux qu'il lui fallait briser. Mais sur ce point encore, il y a des divergences. L'assertion d'après laquelle la naissance de son fils l'aurait, pour un instant, fait renoncer à son projet et rattaché au monde en est une des moindres. Voici qui est plus grave : selon la tradition du Nord, ce n'est pas après dix ans de mariage, c'est six années après la séparation et l'éloignement des deux époux que Râhoula serait né. Pour les Indiens, ceux d'autrefois surtout, un pareil accident est facilement explicable; ils admettent sans peine une gestation merveilleuse de plusieurs années. Du reste, une expérience décisive mit à néant les interprétations fâcheuses. Yasodharâ, désolée des soupçons qui pesaient sur elle, jeta dans un étang son fils nouveau-né avec l'âne (selon une autre version, avec une pierre) qui le portait l'animal et l'enfant surnagèrent. Preuve évidente de la légitimité du fils de Siddhârtha! Malgré cela, on comprend très bien que le prince ait eu des doutes sur la fidélité de sa femme; et on a de sérieuses raisons de le considérer comme n'ayant pas été heureux en ménage. Ce serait certainement aller trop loin que d'attribuer à ses infortunes conjugales le parti violent qu'il prit de renoncer au monde; il est cependant permis de croire qu'elles n'y furent pas étrangères. Mais, d'après la tradition bouddhique, l'unique et véritable cause de la détermination du prince fut l'épisode des quatre rencontres, légende qui symbolise, sous une forme saisissante, l'état d'esprit de Siddhârtha et la nature de ses préoccupations habituelles.

Les quatre rencontres
Pour dissiper son chagrin, on évitait avec soin tout ce qui était de nature à l'attrister; on s'efforçait d'éloigner de lui tout spectacle déplaisant mais en vain! Fatigué d'être retenu dans son palais, il voulut un jour faire une promenade. Ainsi commence l'épisode des quatre rencontres, dont il existe plusieurs versions; l'une a déjà été évoquée dans l'Aperçu, selon une autre, ill eut le malheur ou plutôt les dieux lui octroyèrent la fortune de rencontrer un vieillard : la vue de ce corps délabré produisit sur lui un effet terrible; il fit aussitôt retourner son char et rentra dans son palais pour se lamenter sur la vieillesse. Dans une deuxième sortie, il vit un malade; les signes repoussants de la maladie ne l'épouvantèrent pas moins que ceux de la décrépitude; il rentra précipitamment pour déplorer cet autre fléau de la vie humaine. Dans une troisième sortie, ce fut un convoi funèbre qui s'offrit à ses regards; la vue de ces gens en deuil, l'image de la mort le bouleversa. Il rentra une troisième fois dans son palais troublé par l'apparition de la vieillesse, de la maladie, de la mort, uniquement préoccupé de la recherche des moyens d'échapper à ces trois maux. Dans une quatrième sortie, la rencontre d'un religieux qui le frappa par son calme et sa sérénité lui suggéra l'idée de ce qu'il avait à faire; il résolut de renoncer aux grandeurs et à toutes les joies de l'existence. Il demanda donc à son père la permission de vivre dans la retraite, en ermite. Ne l'ayant pas obtenue, il prit le parti d'exécuter clandestinement le projet qu'on ne lui permettait pas d'accomplir à découvert.

La sortie de la maison paternelle. 
A l'âge de vingt-neuf ans, il quitta de nuit le palais de son père, monté sur un char que traînait son cheval Kantaka, accompagné de son serviteur Tchandaka, et secondé par les dieux qui endormirent les gardes, ouvrirent eux-mêmes les portes du palais et de la ville, et allèrent jusqu'à mettre leurs mains sous les pieds de son cheval pour empêcher le moindre bruit. Arrivé à une certaine distance, le prince renvoya son serviteur avec son char et son cheval, se coupa les cheveux au moyen de son glaive, échangea ses habits royaux contre des vêtements d'étoffe grossière, d'un rouge tirant sur le jaune ou d'un jaune tirant sur le rouge, qu'un chasseur (suscité par les dieux) se trouva fort à propos pour lui offrir. C'est à partir de ce moment que le prince Siddhârtha mérite le nom de Sâkyamouni (solitaire Sâkya) par lequel il est, comme nous l'avons déjà dit, très souvent désigné. En continuant sa marche à pied, sous le nouvel accoutrement qui le rendait méconnaissable, il atteignit Vaisâli où il suivit quelque temps les leçons du docteur Arâta-Kâlama. Mais il ne tarda pas à en constater l'insuffisance; et, se remettant en route, arriva à Râdjagriba, capitale du Magadha. Sa présence y excita une vive curiosité. Le roi Bimbisâra, un des quatre souverains nés en même temps que lui, l'ayant remarqué et ayant appris qui il était, lui offrit de partager son trône. Il refusa, se retira dans les montagnes environnantes, et fréquenta l'école du docteur Roudraka fils de Râma, dont l'enseignement ne lui parut pas meilleur que celui d'Arâta-Kâlama. Ainsi, bien que la doctrine du Bouddha soit réputée entièrement originale, qu'il l'ait tirée
de son propre fonds, ou n'ait pas fait autre chose qu'évoquer et répéter l'enseignement des Bouddhas antérieurs, on avoue qu'il a eu des maîtres. On s'empresse d'ajouter que ces maîtres étaient dans l'erreur; l'influence qu'ils ont dû exercer sur lui ne peut pourtant pas être niée. Mais les maîtres avoués par la tradition sont-ils bien ceux dont Siddhârtha a suivi les leçons ou les seuls qu'il ait entendus? Le fondateur du bouddhisme n'aurait-il pas été un des disciples de Mahâvira, le grand docteur des Jaïns, considéré comme le fondateur du Jaïnisme? Le principal disciple de Mahâvira porte le nom de Gotama. Ce Gotama est-il Sâkyamouni? La question a été posée; elle n'est pas résolue, elle est peut-être insoluble, mais elle est à l'étude. On comprend très bien que la tradition ait dissimulé le fait, s'il est réel, afin de faire du bouddhisme une école tout à fait originale et créée de toutes pièces. Mais c'est là une prétention peu admissible, et l'influence du milieu se fait clairement sentir dans l'éclosion du bouddhisme.

Mortifications
Fatigué des faux docteurs et de leur enseignement insuffisant, le prince ermite s'éloigna de la capitale du Magadha et se retira dans une contrée déserte, sur le mont Gayâ, où, pendant six ans, il se livra, avec cinq fidèles disciples, aux mortifications les plus pénibles. Il en vint à ne plus manger qu'un grain de riz par jour; il retenait sa respiration, et faisait d'autres tours de force analogues. Il ne tarda pas à devenir la risée du voisinage qui s'amusa fort aux dépens du Sramana Gotama, c.-à-d. de l'ascète Gotama, l'autre nom sous lequel nous avons dit qu'il est aussi fort connu. 

« Le Sramana Gotama est tout noir, disait-on; le Sramana Gotama est tout bleu; le Sramana Gotama a la couleur du poisson Madgoura. » 
Au bout de six ans, amaigri, exténué, presque réduit à l'état de squelette, il comprit qu'il s'était fourvoyé, que les mortifications ne donnent pas la délivrance. Il se décida donc à changer de régime, descendit à Ourouvilva sur les bords de la Nairandjanâ, et accepta une soupe nourrissante au lait et au miel que lui offrit Soudjatâ, fille d'un villageois du lieu. A ce moment, ses cinq compagnons indignés l'abandonnèrent en le traitant de « gourmand », de « voluptueux », et allèrent plus loin continuer leurs exercices. Quant à lui, cet aliment le réconforta; il prit un bain : les couleurs et l'embonpoint lui revinrent. Il se retrouva tel qu'il avait été auparavant.

Acquisition de la Bodhi. 
Dès lors, renonçant aux pratiques absurdes qu'il avait suivies pendant six ans, sans revenir pour cela aux joies mondaines qu'il avait quittées pour toujours, mais se tenant dans la voie du milieu qui est la vraie, à égale distance des plaisirs dégradants et de l'ascétisme énervant, vêtu d'un linceul ramassé dans un cimetière, il choisit un lieu propice à la méditation pour trouver, par la force de la pensée et par l'extase, la vérité suprême. Il se plaça donc au pied d'un arbre, d'un nyagrodha (figuier indien), car c'est toujours sous un arbre qu'on arrive à la perfection absolue, et s'assit les jambes croisées sur un tapis formé d'herbes que lui avait fournies un marchand de verdure nommé Svastika, déclarant que, dût son corps se dessécher, il ne quitterait pas cette position tant qu'il n'aurait pas trouvé la Bodhi, c.-à-d. cette illumination intérieure, cette connaissance complète, parfaite, adéquate à la vérité, qui fait qu'on est un Bouddha. 
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Têtes de Bouddha.
Représentation de Bouddha, à Bangkok (Thaïlande). Source : The World Factbook..

On appelle Bodhimanda (essence de la Bodhi) et Vadjrasana (siège de diamant) le lieu où s'accomplit cette scène mémorable, ou simplement le siège sur lequel le Bodhisattva (l'aspirant à la Bodhi) était placé. L'arbre au pied duquel il était assis s'appelle l'arbre de Bodhi (bodhidrouma). Pendant qu'il était là à Bodhimanda, immobile et méditatif, le Bodhisattva fut en butte aux attaques de Mâra, le séducteur, le tentateur, le méchant par excellence. Mâra essaya d'abord de lui faire perdre contenance en déchaînant contre lui la tempête, la pluie, toutes les forces naturelles, puis en l'accablant de projectiles, en employant contre lui toutes sortes d'armes et d'engins de destruction; le Bodhisattva resta immobile et invulnérable. Mâra, voyant que la violence était inutile, recourut aux moyens doux, à la séduction; il lui envoya ses trois filles et leurs cohortes féminines, qui, par leurs gestes les plus fascinateurs, par leurs paroles les plus persuasives, essayèrent de l'entraîner, il demeura ferme, inébranlable. Après avoir subi victorieusement cette redoutable épreuve, au milieu de la nuit, il atteignit l'objet de son ardent désir, la Bodhi. Il acquit successivement : 

1° la connaissance pleine et entière des existences antérieures; 

2° la destruction de tout mauvais désir et l'oeil divin de la science parfaite; 

3° la connaissance de l'enchaînement des douze causes connexes; 

4° la science complète en trois parties.

Il était devenu Bouddha, et c'est à partir de ce moment (il avait alors trente-cinq ans) qu'il mérite ce titre. Jusqu'alors, il n'était que Bodhisattva ainsi que nous le disions tout à l'heure; mais il l'était depuis fort longtemps, depuis que la Bodhi lui avait été prédite dans une de ses existences passées. C'est seulement à dater de la scène qui vient d'être décrite qu'il devint un Bouddha, le Bouddha. On prétend connaître le lieu où se passa cet événement incomparable; il s'appelle Bouddha-Gâya. Un arbre qui s'y trouve est réputé être l'arbre de Bodhi lui-même; il est entouré d'un grillage. Des pierres votives, portant des inscriptions, attestent que ce lieu fut longtemps un but de pèlerinage.

Devenu Bouddha, Sâkyamouni resta encore sept semaines au même lieu, soit sous l'arbre de Bodhi, soit sous d'autres arbres du voisinage, sur les bords des ruisseaux et des lacs. Ainsi, il passa les quatre premières au pied de l'arbre de Bodhi, la cinquième au pied du Nyagrodha du chévrier, la sixième près du lac de Moutchalinda, la septième au pied d'un arbre Tàrâyana. Pendant tout ce temps, il médita sur des questions très abstruses, protégé contre les intempéries par les Nâgas ou serpents d'eau qui lui faisaient un toit avec leurs sept têtes, contre les assauts de Mâra par sa fermeté et l'assistance des dieux, contre la faim par la possession virtuelle du Nirvâna (ce qui est une maigre nourriture) et par les aliments plus substantiels que les dieux introduisaient secrètement dans son corps d'une façon merveilleuse. Ces sept semaines semblent figurer une période d'insuccès, d'efforts infructueux ou simplement d'incertitudes et de découragement que, du reste, les narrateurs bouddhistes avouent eux-mêmes. Néanmoins la fin en fut marquée par un succès relatif, Deux marchands qui passaient par là avec un fort chargement, Trapoucha et Bhallika, ayant reconnu à certains signes merveilleux la présence du Bouddha, s'empressèrent de lui rendre hommage et de lui offrir des aliments; ce que le Bouddha reconnut en leur donnant en retour des rognures de ses cheveux et de ses ongles. Les Birmans sont fermement persuadés que ces précieuses reliques sont conservées dans les fondations de la grande pagode de Rangoun, le Chvedagon-phra. Quant à Trapoucha et Bhallika, ils ont l'honneur d'être non pas précisément les premiers disciples, mais les premiers oupâsakas (adhérents laïques) du Bouddha, les premiers en date de ceux qui avaient l'importante mission d'honorer le Bouddha et surtout de lui donner nourriture, vêtement et logement.

Première prédication bouddhique.
Mais il ne suffisait pas d'avoir des appuis, il était indispensable de conquérir des disciples, de prêcher la loi, de fonder une école. Le Bouddha recula devant cette tâche redoutable, il se découragea. Il fallut que Brahmâ descendit du ciel pour lui démontrer la nécessité d'agir et remonter son courage. Le Bouddha songea alors à ses deux maîtres d'autrefois, Arâta-Kâlama et Roudraka fils de Râma, qui semblaient plus près que les autres de la vérité. Mais il se trouva que les deux infortunés venaient de mourir. Sa pensée se reporta alors vers les cinq disciples qui s'étaient livrés aux mêmes exercices que lui sur le mont Gaya; et, sachant qu'ils s'étaient retirés à Bénarès (Vanarasi), il se dirigea vers cette ville. Chemin faisant, il rencontra un religieux errant du nom d'Oupaka qui lui demanda où il allait, s'il était véritablement Arhat et Djina. Le Bouddha répondit qu'il allait prêcher sa loi à Bénarès, qu'il était bien Arhat (= digne) et Djina (= victorieux). Les cinq anciens disciples, qui continuaient à Bénarès dans le Bois des Gazelles, au lieu dit Richipatana, les mortifications commencées au mont Gayâ, s'étaient mutuellement promis de recevoir avec dédain « le gourmand, le voluptueux » Sâkyamouni; mais ils ne purent s'empêcher de se lever à son approche et de lui témoigner du respect. Il leur adressa alors sa première prédication (qu'on peut aussi appeler sa prédication fondamentale, car il l'a répétée maintes fois et elle est la base de son enseignement) sur les quatre vérités, à savoir :

1° l'existence de la douleur; 

2° la cause de l'existence de la douleur; 

3° la destruction de cette cause; 

4° la voie à huit branches [ou Octuple voie] qui mène à la destruction de la cause de la douleur.

Sur ces quatre vérités il leur donna l'explication suivante : 
« Dans le cours de la vie humaine, aucun moment de plaisir ne peut être égalé à la vérité; aussi je nomme ce monde un véritable état de misère, et la pratique des préceptes de la foi le plus grand bonheur. Considérez la, quadruple condition de l'homme : les peines de la naissance, le cours de la vie jusqu'au pénible état de la vieillesse, l'affliction d'être assujetti aux maladies, et l'amertume de la mort. - Quelle douleur. l'homme ne soutire-t-il pas à la naissance, quand il sort avec peine comme d'un four ardent? Dans ce moment d'une peine inexprimable, il est privé de ses sens et suffoqué, par des douleurs aiguës. Examinez après, l'état misérable, de l'homme, pendant le cours de Sa vie jusqu'à la vieillesse; la peau devient sèche, ridée, et ressemble à du vieux parchemin, la chair qui couvre les os se desséche et se consume; le sang même qui parcourt les veines diminue et perd de sa fluidité; la stature si droite de son corps se courbe, là faiblesse des yeux commence, et bientôt ils n'aperçoivent plus les montagnes qui se dressent devant eux; le sens de l'oreille devient si dur, qu'il n'entend pas même le son de la trompe; la bouche perd ses dents et l'odorat, s'évanouit.

La diminution des forces corporelles exige un bâton pour appui; les facultés de l'âme se changent en distraction et en oubli, et disparaissent à la fin tout à fait, de même que le sens du goût se perd. - Considérez ensuite les maladies auxquelles, l'homme est exposé pendant qu'il vit dans ce monde, à combien d'observations ne donnent-elles pas lieu? Leur nombre monté à quatre cent vingt. Quelle misère de voir les forces dépérir! Hors d'état de se lever à volonté, et contraint d'être couché, l'homme n'a pas même pour lors du repos. Souvent il lui paraît que le coeur lui a monté au gosier, et que l'intérieur du corps est rempli de vent. La nuit lui sem ble plus longue que le jour, et un jour a pour lui la durée d'un mois. Les mets les plus exquis sont pour lui sans saveur, comme du bois, et les meilleurs coussins lui paraissent des épines; le blanc des yeux devient jaune, et le rouge de la peau et du sang prend une couleur bleuâtre. Intérieurement il commence à devenir son propre ennemi; le sentiment de sa misère augmente son découragement et son affliction, lorsqu'il s'écrie en soupirant :

Hélas! quand serai-je délivré de ces maux? Voilà l'homme gémissant de douleurs inouïes, et étendu comme un poisson privé de son élément, et jeté sur le sable brûlant. La misère devient plus grande à l'approche de la mort. Alors vous êtes entouré de vos parents et amis, qui pleurent et se lamentent, suffoqués par la douleur. Votre corps est étendu comme une montagne écroulée; votre imagination voltige, semblable à la flamme chassée par le vent , et des images terribles se présentent à vos yeux. Les forces vitales, qui diminuent d'un moment à l'autre, ressemblent à un terrain que les flots de l'eau emportent entièrement. La vie intérieure s'évapore comme la fumée, le feu qui chauffe le corps s'évanouit, et toute la chaleur extérieure se resserre dans le centre; le naturel, jadis si fougueux, ressemble alors à la lueur froide du ver luisant. Toute activité intellectuelle se perd peu à peu dans la matière; les signes extérieurs de la vie paraissent promettre la plus longue durée; mais l'époque est écoulée pendant laquelle les esprits vitaux devaient être répandus dans le corps, et ils quittent ses membres pour être concentrés dans un seul point. 

Mais ce qui semblait être leur annihilation n'est souvent qu'une rude préparation, qui rend la vie semblable à une flamme privée de l'air extérieur. La destruction totale de la force vitale a différents degrés. En premier lieu sa transformation ressemble à l'ombre quand la lune brille au ciel étoilé le plus clair; de cette faculté sensitive momentanée elle passe au point de la faculté sensitive du vide parfait. De là elle entre dans l'état sensitif d'un rayon de soleil momentané, qui jette un éclat de couleurs élémentaires; de cet état elle revient de nouveau, à n'être qu'un point lumineux offusqué par des nuages; alors a lieu la dissolution et la destruction définitive de toute qualité sensitive. Par cette triple contraction de la force vitale, les esprits vitaux qui ont leur demeure dans le cerveau et dans l'empire du nombril, se réunissent et se resserrent dans le coeur, pour s'y éteindre totalement. » 

Cette prédication est connue sous le titre (sanscrit) de Dharma-tchakra-pravartanam, qu'on traduit ordinairement d'une façon littérale par « mise en mouvement (ou rotation) de la roue de la loi »; mais que quelques-uns proposent  de rendre par ces mots : «-Fondation du royaume de la justice ». 

Ce premier discours ne convertit qu'un des cinq, Kaundinya surnommé à cette occasion Adjnyâtà (= qui comprend bien), qui fut le second Arhat, Sâkyamouni étant le premier. Pour convertir les quatre autres, il fallut une seconde allocution qui n'a pas de titre spécial, mais qu'on pourrait appeler la prédication du non-moi. Pendant le temps que dura cette instruction, les cinq allaient en ville, à tour de rôle, par groupe de deux ou de trois, mendier la nourriture du maître et des disciples. Quand cette instruction fut achevée et couronnée de succès, il y avait dans le monde six Arhats, Sâkyamouni et ses cinq disciples. Ces premiers disciples appelés Adjnyâtâ-Kaundinya, Asvadjit, Vâchpa, Mahânâma, Bhadrika formèrent ainsi le noyau de la confrérie dont Sâkyamouni fut le fondateur. Car il ne faut pas voir en lui autre chose que le créateur d'un ordre mendiant.

Extension de la doctrine et activité du Bouddha. 
A partir de ce moment jusqu'à sa mort, c.-à-d. pendant une période de quarante-cinq ans, le Bouddha prêcha sa doctrine en divers lieux, accrut sa confrérie par l'accession de nouveaux disciples, la fortifia par des instructions, la réglementa par des ordonnances rendues selon le besoin, lui acquit des amis puissants pour la protéger, la défendit lui-même par ses réponses aux attaques des adversaires. Nous ne pouvons raconter tous les incidents de cette longue carrière; on trouvera le récit de quelques-uns d'entre eux sous différents noms (Alavaka, Anatapindada, Anirouddha, Dévadatta, Maudgalyana, Oupâli, Saripoutra). Nous allons seulement tâcher d'en présenter ici un tableau rapide.

Après avoir séjourné quelque temps à Bénarès et y avoir converti le jeune Yasas, puis quatre habitants de la ville, et, derechef, cinquante citadins, il partit pour Orouvilva (près du mont Gayâ) dans l'espoir d'y convertir les trois frères Kâsyapa, Ourouvilva, Nadi et Gayâ-Kâsyapa, docteurs renommés, armés d'un pouvoir surnaturel, et qui avaient ensemble mille disciples portant la tresse et appelés pour ce motif Djâtila. Chemin faisant, il rencontra une troupe joyeuse (bhadra-varga) de soixante jeunes gens qui ne pensaient qu'au plaisir et qu'il amena à des pensées plus sérieuses. Arrivé à destination, il gagna d'abord Ourouvilva-Kâsyapa et ses cinq cents disciples; il convertit ensuite Nadî et Gayâ Kâsyapa et les deux cent cinquante disciples de chacun d'eux. Puis, réunissant ces mille nouveaux convertis sur le sommet du mont Gayâ, il fit des prodiges, pour bien leur démontrer sa puissance surnaturelle, et leur adressa une instruction sur « l'embrasement » ou le feu des passions, à laquelle on a donné le titre de Aditta-paryâya, et qui peut être considérée comme sa troisième prédication; on l'a quelquefois appelée son « discours sur la montagne ». 
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Le pied de Bouddha.
Le Bouddhapada, empreinte du pied
du Bouddha avec ses signes sacrés
(temple d'Angkor-Vat).

De là, le Bouddha se rendit à Râdjagriha et y fit une entrée triomphale; le dieu Indra dansait devant lui. Le roi Bimbisâra, son contemporain, vint à sa rencontre, lui fit le plus gracieux accueil, lui donna pour résidence à lui et à ses moines un parc appelé le Bois de Bambous, demeure de l'écureuil (Venou-vana, Kalantaka-nivâpa) et l'entoura, tant qu'il vécut, de sa protection. A Râdjagriha, Sâkyamouni fit la conquête de ses deux principaux disciples, celui de la droite et celui de la gauche, Sâripoutra distingué par sa sagesse, et Maudgalyâyana renommé par son habileté et ses tours de force. Pendant qu'il était encore à Râdjagriha, le Bouddha fut invité à venir à Srâvasti, capitale du Kosala, où un riche habitant Soudatta (plus connu par son surnom d'Anâtbapindika) lui donna, de concert avec le prince royal, un parc appelé Djetavana, qui est le lieu où il a résidé le plus souvent, quoiqu'il ait séjourné dans d'autres localités de l'Inde et que, à Srâvastî même, il ait eu une autre résidence, le Pourvârâma, jardin de l'Est, donné par Visâkhâ. L'arrivée du Bouddha à Srâvastî y provoqua, comme partout, une curiosité exceptionnelle. Son contemporain, le roi Prasenadjit, ne pouvant croire qu'on fût déjà Arhat dans un âge si peu avancé, vint en personne le voir et le questionner. 

Sâkyamouni dissipa ses doutes par le discours  intitulé Soutra des jeunes gens ou Exemple des jeunes gens (Dahara soutra, - Koumâra drichtânta soutra) une de ses plus célèbres prédications. De Srâvastî il se rendit à Kapilavastou, sa ville natale, qu'il n'avait pas revue depuis six ans et plus. Il y alla à la demande instante de son père, de sa famille et de tout son peuple. On eut bien de la peine à obtenir de lui cette faveur. Il y fut reçu avec les plus grands honneurs et installé dans le parc du Nyagrodha; car, pour rien au monde, il n'aurait voulu franchir le seuil d'une demeure royale. Sa présence fit naître un enthousiasme indescriptible et provoqua un entraînement dangereux, une vraie folie. Tous les Sâkyas voulurent quitter le monde pour entrer dans la confrérie; le roi Souddhodana lui-même donna l'exemple de l'abnégation en renonçant à sa couronne. Bientôt Kapilavastou retentit des lamentations des femmes abandonnées par leurs maris, leurs frères, leurs fils. Il fallut modérer ce beau zèle et limiter à une personne par famille le nombre de ceux qui pourraient entrer dans la confrérie. 

Parmi les disciples que Sâkyamouni conquit à Kapilavastou, il faut citer Nanda, son frère consanguin, Râhoula son fils, Ânanda, son cousin, qui devint son confident, son lieutenant, Devadatta, un autre cousin, qui devint son rival et son adversaire, le barbier Oupâli, un des compilateurs de son enseignement, Anourouddha, etc. Un fait important se rattache au voyage de Kapilavastou, la création de la confrérie féminine. La tante de Sâkyamouni, Gautamî, et d'autres femmes Sâkyas demandèrent à devenir nonnes. Le Bouddha commença par refuser; mais Ananda insista au nom de ces dames avec tant de chaleur que le maître finit par céder. Il y eut donc des bhikchounis (nonnes) comme il y avait des bhikchous (moines mendiants). Seulement Sâkyamouni paraît s'être occupé assez peu de cette partie de son ordre monastique; il se borna à une haute surveillance. Une immixtion plus sérieuse eût présenté des dangers. Il laissa à Gautamî le soin de l'initiation et de la réception des nonnes, en un mot la direction de cette branche de son oeuvre. Il importe de noter que les textes ne s'accordent pas sur l'époque de son voyage à Kapilavastou. Les uns le mettent dans la première année, les autres dans la sixième; on parle aussi d'un séjour à Kapilavastou dans la quinzième année. Le Bouddha a pu sans doute y aller plusieurs fois; et il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'on eût réuni dans le récit d'un seul de ces voyages des faits qui se répartissent sur l'ensemble. Il est fort peu probable, en particulier, que l'institution des nonnes date de la première année de la carrière bouddhique de Sâkyamouni. 

Après ces voyages à Srâvasti et à Kapilavastou, Sâkyamouni revint à Râjagriha où il passa la deuxième, la troisième et la quatrième année de sa carrière de prédicateur. Dans la cinquième, il se rendit à Vaïsali où la célèbre courtisane Amradârikâ lui donna pour résidence le Jardin de manguiers avec la Maison à étages près de l'Etang du singe. Il passa l'année suivante à Kausambhi dans le Kausambhiya. La septième année, il se rendit dans le Ciel pour enseigner sa loi aux trente-trois dieux et surtout à sa mère qu'une mort prématurée avait privée du privilège de l'entendre. Il aurait passé la huitième année au rocher de Sansoumâra près de Kapilavastou et la neuvième de nouveau à Kausambhi, mais dans une autre résidence, le jardin Ghosika. Les années dixième, onzième, douzième, treizième se passèrent dans des localités moins célèbres, la forêt Parâli, les villages Nalaka et Veranya, le roc Tcheliya où un dieu lui offrit l'hospitalité. La quatorzième année, il résida à Srâyasti, la quinzième à Kapilavastou dans le jardin du Nyagrodha (comme nous l'avons déjà dit). Dans la seizième année, il se rendit à Alava où il fit de grands prodiges et remporta un éclatant triomphe. La dix-septième, la dix-huitième et la dix-neuvième année se passèrent à Râdjagriha dans le Bois des Bambous, les six années suivantes à Srâvastî dans le parc donné par Visâkhâ. Pendant les dernières années de sa carrière, il aurait visité encore diverses localités; mais c'est à Srâvastî qu'il était le plus ordinairement.

En somme, on peut dire que Sâkyamouni n'eut pas de demeure fixe, et même les résidences qui viennent d'être énumérées coïncident seulement avec une partie de l'année, le varcha (saison des pluies, juin-octobre). Il allait, selon le besoin où les circonstances, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre. Mais ces pérégrinations ne le menèrent jamais bien loin. Malgré ses hardiesses, malgré la fortune étonnante qu'il eut de fonder une sorte de religion universelle, il était foncièrement indien. Il ne quitta pas l'Inde centrale, le Madhya-desa (le pays du Milieu). Râdjagriha, Srâvasti, Bénarès, Kapilavastou, Vaisâli, Kosambhi déterminent pour ainsi dire le champ de son activité; champ, au total assez restreint dont il ne sortit pas. Aussi les voyages lointains qu'on lui attribue doivent-ils être relégués parmi les fables. Ses excursions dans les régions septentrionales, au bord du lac Anavalapta, et dans les régions méridionales, au Sri Lanka, n'ont rien d'historique. Pour le fameux lac Anavatapta il est toujours dit qu'il s'y rendit par la voie aérienne en vertu de sa puissance surnaturelle; ce que l'on peut considérer comme un aveu du caractère fictif de ces excursions. Le voyage au Sri Lanka, en dépit des circonstances merveilleuses qui l'ont signalé, est plus vraisemblable et semble presque probable. Il est néanmoins certain que c'est une invention des bouddhistes, et des bouddhistes du Sud, qui tenaient absolument à ce que le bouddhisme eut été implanté dans leur île sacrée par le Bouddha lui-même. Sâkyamouni n'a pas visité le Sri Lanka.

Genre de vie et manière de procéder.
Comment le Bouddha passait-il son temps? Le matin, il se levait de bonne heure, mettait son manteau, et, son vase à aumônes à la main, allait en ville mendier sa nourriture de porte en porte; tous ses disciples faisaient de même. Rentré dans sa résidence (vihâra), que nous pouvons appeler son monastère, il prenait à midi son unique repas. Pendant le reste de la journée, il s'absorbait dans la méditation ou bien prêchait sa doctrine. Les livres les plus récents lui attribuent des auditoires immenses dans lesquels ils font entrer force dieux et êtres surnaturels. Les textes les plus anciens ne lui accordent habituellement qu'un auditoire assez restreint évalué tout juste à 1250 personnes, chiffre singulier et surtout modeste qui doit s'appliquer exclusivement aux membres de la confrérie, à moins qu'il ne désigne le nombre maximum de personnes qui pouvait entendre la voix de l'orateur. La réunion des disciples du Bouddha, considérée dans sa plus grande extension, se composait de quatre classes de personnes qu'on appelle « les quatre assemblées ». Ce sont : 

1° les Bhikchous; 

2° les Bhikchounis (c.-à-d. les membres de la confrérie mâles et femelles); 

3° les Oupâsakas;

4° les Oupâsikas (c.-à-d. les adhérents laïques des deux sexes, les amis et les adorateurs du Bouddha, restés dans le monde).

L'accès du vihâra, au moment de la prédication, et même en tout temps, paraît avoir été assez facile. Le Bouddha se montrait volontiers et ne refusait pas de répondre aux étrangers qui, par désir de s'instruire, ou par simple curiosité, venaient le questionner. Souvent aussi il n'était pas visible; ses disciples du premier rang, ceux qui étaient dans sa confidence (c'est surtout à Ananda que la tâche incombait), répondaient pour lui et lui rendaient un compte fidèle de ce qui s'était passé; quelquefois même ils étaient obligés de recourir à ses lumières. Le Bouddha approuvait ce qui avait été bien dit ou bien fait, et redressait, parfois avec une grande vivacité, malgré sa douceur habituelle, les erreurs commises. Mais il ne rencontra pas seulement des protecteurs puissants et des disciples ou des amis avides d'instruction, admirateurs de ses vertus; il eut aussi affaire à des ennemis de diverse nature, et tout d'abord à des chefs d'école qui étaient naturellement ses rivaux ou ses contradicteurs.
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Bouddha : Bodh Gaya.
Bodh Gayâ. Le trône de l'illumination du Bouddha. - Voici le Vajrâsana, le
siège de Diamant, l'endroit saint entre tous pour les peuples bouddhistes. 
Le figuier pippal qui l'ombrage passe pour un rejeton direct de celui
qui abritait le Bouddha quand celui-ci reconnut les Vérités suprêmes.

Adversaires du dehors. 
On en nomme six principaux que l'on appelle du nom commun de Tirthikas et qui sont : Purana-Kâsyapa, Maskari-Gosala, Adjita-Kesakambala, Gosala-Bellanti, Nigantha-Nâtapoutra, Kakoudha-Katyâyana. Il eut souvent des discussions avec eux; mais il ne paraît pas que les adversaires eussent l'habitude de disputer face à face; la polémique se faisait par intermédiaires, les arguments étaient colportés par les disciples principaux des chefs d'école. Ceux-ci ne se rencontraient que dans des occasions très rares, dans des joutes solennelles provoquées par quelque grand personnage et signalées par des prodiges bien plus que par des discussions. Quoi qu'il en soit, la lutte fut ardente et l'établissement du bouddhisme est dû au triomphe de Sâkyamouni sur les chefs des écoles rivales.

Adversaires du dedans.
Outre les adversaires que nous venons de citer, et qu'on peut appeler les ennemis du dehors, il eut à combattre des ennemis intérieurs; car il trouva de l'opposition parmi les siens; son cousin Devadatta la dirigeait. Ce Devadatta est pour les bouddhistes le type de la méchanceté, de la perfidie, de la trahison. Tout ce qui se fait de mal, tout ce qui tend à la désorganisation de l'oeuvre du Bouddha lui est attribué; c'est lui en particulier qui provoque le schisme, la division au sein de la société religieuse. Il alla jusqu'à tenter de fonder un ordre rival, plus parfait, plus pur que celui de Sâkyamouni. Il enchérissait sur lui pour la sévérité de la discipline et préconisait un rigorisme exagéré. Mais on ne reproche pas seulement à Devadatta des erreurs dangereuses et une obstination coupable dans ses vues personnelles; on lui impute aussi des attentats contre le Bouddha. II aurait cherché à lui ôter la vie et l'honneur, soit en déchaînant contre lui un éléphant furieux, soit en faisant dérouler un quartier de ruche sur le chemin où il passait, soit en apostant une femme qui se disait enceinte de ses oeuvres. Il paraît de là que Sâkyamouni, qui semble avoir commandé le respect par la pureté de ses moeurs, par l'austérité de sa vie, par l'élévation de son caractère bien plus encore que par l'autorité de sa doctrine, fut en butte, comme il arrive toujours, à la jalousie et à l'envie, et que ces passions haineuses se manifestèrent par des calomnies et des tentatives d'assassinat.

Dernières années. 
Les dernières années de Sâkyamouni furent attristées par de douloureux événements. Suivant le sort commun à tous ceux qui vivent longtemps, il vit disparaître successivement ses meilleurs amis, ses appuis les plus fermes. Parmi ses disciples, les deux premiers en particulier, Sâripoutra et Modgalyâna, le précédèrent dans la tombe, ou, pour mieux dire, dans le Nirvâna, Il perdit aussi ses deux plus puissants protecteurs les rois Bimbisâra et Prasénedjit. Le premier fut assassiné par son fils Adjâtasatrou. Le nouveau roi de Magadha, monté sur le trône par un parricide, était sous l'influence de Devâdatta. Egaré par les conseils de ce méchant, il persécuta le Bouddha et fit un édit pour défendre à ses sujets de se rendre auprès du grand docteur; il tua même, dans sa fureur, une femme de son père qui, malgré tout, avait allumé une lampe en l'honneur du Bouddha. Il est vrai qu'Adjatasatrou se ravisa, se réconcilia avec Sâkyamouni et se convertit. L'Ecole naissante n'en avait pas moins passé par une rude épreuve. La mort de Prasenadjit, roi de Kosala, amena une autre espèce  de calamité; il fut détrôné par le chef de ses armées et mourut peu après. Son fils et son successeur, Viroudhaka dominé par les conseils de celui qui l'avait fait monter sur le trône avant le temps, attaqua le royaume des Sâkyas. Le Bouddha essaya en vain d'intervenir; il ne put conjurer l'orage. Le pays des Sâkayas fut conquis, ravagé; et Sâkyamouni eut la douleur d'assister impuissant à la ruine de son pays et à la dispersion de son peuple.

Nirvâna du Bouddha. 
Enfin, après une longue vie, dont vingt-neuf années avaient été passées dans une résidence royale, six dans de pénibles exercices d'ascétisme, quarante-cinq dans l'austérité monacale, l'enseignement et la prédication, il mourut octogénaire. C'est dans le pays des Mallas, près de la ville de Kousanagara, dans un petit bosquet formé par quatre arbres de l'espèce dite Sâla, qu'il rendit le dernier soupir. Son fidèle disciple et lieutenant Ananda l'assista jusqu'à son lit de mort. Mais, avant d'expirer, il reçut encore dans la confrérie un personnage du nom de Soubhadra; jusqu'à son dernier moment, il remplit son office de chef d'un ordre monastique. Sa mort fut causée par une indigestion; il avait mangé de la viande de porc. Chose étrange! Ce prodige de sobriété, qui ne vivait que de riz, ne faisait qu'un repas par jour, s'abstenait avec soin de toute nourriture animale, va à quatre-vingts ans manger d'une viande malsaine! Ce qui n'est guère moins étonnant, c'est que cette imprudence, cette infraction d'une règle suivie tant d'années avec une exactitude constante, était une expiation. Ce sage qui, depuis quarante-cinq ans, possédait la science absolue et toutes les supériorités, avait encore à porter la peine d'une transgression. Car l'accident qui causa sa mort lui arriva en punition d'une faute que, du reste, on ne fait pas connaître; et c'est par une maladie, par un châtiment, par une violation de ses propres règles, qu'il entra dans la béatitude bouddhique, autrement dit le Nirvâna
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Bouddha entrant dans le Nirvana.
Le Bouddha entrant dans le Nirvâna. Temple de Phnom Chisaur (Cambodge).

Le Nirvana! Ce mot signifie qu'il avait accompli sa dernière existence, qu'il avait clos, en ce qui le concerne, le cercle de la transmigration (Métempsycose). Car si l'on voulait retracer son histoire en entier, comme les bouddhistes la comprennent, il faudrait raconter les nombreuses vies qu'il avait déjà fournies, soit sous la forme humaine, soit sous la forme animale. Celle que nous venons de résumer (nous pensons qu'elle suffit), étant la dernière, il était désormais affranchi de la nécessité de renaître pour mourir et de mourir pour renaître indéfiniment; en un mot, il était entré dans le repos, le sommeil, le calme, l'inactivité absolue du Nirvâna.

Funérailles
La mort de Sâkyamouni mit en deuil les hommes, les dieux, toute la nature. Son corps fut brûlé solennellement; ses cendres, partagées en huit portions, furent placées dans autant de monuments funéraires (Stoupas ou Tchaityas), pour y être un objet de vénération. Deux siècles plus tard, le roi Ashoka ouvrit les huit stoupas anciens et en éleva quatre-vingt-quatre mille nouveaux entre lesquels il distribua les précieuses reliques. (L. Feer).

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Dictionnaire Religions, mythes, symboles
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